La question du fonds dominant…
Il a tendance à vous fuir ses eaux-usées (et
même les propres) sur la tronche, de phagocyter l’usage de l’ascenseur et à
faire du bruit, c’est bien connu.
Pareil dans les « verts pâturages »
de nos belles campagnes et parfois même en montagne.
Si en plus il vous dégringole dans votre pré-carré
autre chose que l’eau de pluie, probablement mal drainée, ou des ordures, là,
on sort les fusils.
D’ailleurs, même quand rien ne tombe, vous
pouvez l’obliger à « blinder » son terrain.
C’est en tout cas ce que suggère la Cour de
cassation dans un arrêt du 24 octobre 2019.
Cour de cassation – Deuxième chambre civile
Audience publique du jeudi 24 octobre 2019, n° de
pourvoi :18-20701
M. Pireyre (président), président,
SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Potier de
La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat(s).
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu
l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22
mars 2018), que, pour y édifier une maison d’habitation, M. R... a fait
réaliser des travaux de terrassement et une plate-forme de terre sur une
parcelle lui appartenant, en pente et située au-dessus de celle propriété de la
SCI Quatro (la SCI), sur laquelle est aussi construite une maison d’habitation
; qu’invoquant notamment un risque de glissement de terre sur son fonds, à
partir de celui de M. R…, la SCI a, après une expertise ordonnée en référé,
assigné celui-ci et son épouse afin d’obtenir, sur le fondement, à titre
subsidiaire, du trouble anormal de voisinage, leur condamnation à effectuer les
travaux nécessaires pour faire cesser les troubles et à réparer ses préjudices
; qu’un premier jugement mixte, confirmé sur ce point par un arrêt irrévocable,
a dit que les risques de déstabilisation des remblais d’ouvrage de plate-forme
constituaient pour le fonds voisin appartenant à la SCI un trouble de voisinage
engageant la responsabilité des époux R… et a ordonné un complément d’expertise
afin de vérifier l’état des lieux après la réalisation par M. R… d’un mur de
soutènement ;
Attendu que M. R… fait grief à l’arrêt de confirmer le
jugement entrepris dans toutes ses dispositions en ce qu’il a, notamment,
constaté que son ouvrage de soutènement se révèle au terme de l’expertise
judiciaire parfaitement insuffisant à long et moyen terme et ne garantit pas
les fonds voisins des risques d’éboulement et de ruissellement pour être
affecté de vices de construction et de fondations qui relèvent de manquements
aux règles de l’art applicables dans les réalisations de mur de soutènement en
terrain pentu, dit que ce défaut manifeste de mise en œuvre d’un ouvrage de
gros œuvre efficace, satisfaisant à la contrainte impérative de maîtrise des
talus et de maîtrise des eaux, caractérise un trouble anormal de voisinage qui
engage sa responsabilité à l’égard du propriétaire du fonds mis en péril, et l’a
condamné à effectuer les travaux propres à remédier aux périls selon les
modalités indiquées et à supporter les entiers dépens de la procédure qui
comprennent tous les frais d’expertise et tous les frais de constat d’huissier
de justice, alors, selon le moyen, que le trouble de voisinage n’engage la
responsabilité de son auteur que si sa survenance future est certaine ou s’il
existe un risque caractérisé ; qu’au cas présent, la cour d’appel a constaté, d’une
part, que les défauts du mur de soutènement érigé par M. R… mettaient en cause
sa pérennité « à plus ou moins long terme » et, d’autre part, que la stabilité
du mur était seulement « précaire » ; qu’en retenant l’existence d’un trouble
en raison d’un simple risque de précarité du mur de soutènement cependant qu’elle
n’a pas relevé d’éléments ayant permis d’acquérir la certitude d’un
effondrement ou du caractère inéluctable de celui-ci, la cour d’appel a privé
sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne peut
causer à autrui un trouble anormal de voisinage et de l’article 1382 du code
civil, en sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu’ayant relevé que, selon les
constatations de l’expert judiciaire, le mur de soutènement construit par M. R…,
qui était affecté de défauts importants compromettant, au regard de la nature
du sol et de son caractère pentu, sa stabilité à moyen ou long terme,
présentait un risque d’effondrement et que, de ce fait, non seulement il ne
garantissait pas la disparition des périls menaçant le fonds de la SCI, mais
encore les aggravait, la cour d’appel, qui a souverainement estimé que ce
risque d’effondrement et le défaut manifeste de mise en œuvre d’un ouvrage de
gros œuvre satisfaisant à la contrainte impérative de maîtrise des talus et des
eaux, excédaient les inconvénients normaux de voisinage, a légalement justifié
sa décision ;
Et attendu qu’il n'y a pas lieu de statuer par une
décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen unique, annexé,
qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. R… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette
sa demande et le condamne à payer à la SCI Quatro la somme de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième
chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du
vingt-quatre octobre deux mille dix-neuf.
Autrement
dit,
pour caractériser un « trouble anormal de voisinage », désormais la
probabilité d’un risque peut suffire.
La seule existence du « risque de dégâts
futurs » consécutifs à un glissement de terrain peut amener le juge à
imposer des mesures préventives.
Pour protéger le terrain et la maison situés en
contrebas de sa propriété, le voisin « dominant » est contraint d’édifier
un mur de soutènement.
Mais, réalisé sans respecter les règles de l’art,
le mur s’est révélé d’une stabilité précaire : Quand même assez idiot…
parce que ça se calcule assez précisément.
Passons.
Les défauts de construction menaçaient sa
pérennité à plus ou moins long terme et la Cour d’appel a jugé que non
seulement il ne protégeait pas le terrain voisin mais qu’il aggravait, en plus,
les risques d’effondrement.
Du coup, elle l’a condamné refaire des
travaux pour y remédier.
Le sieur R… en sort à peine et pour contester
la décision, il argumente bêtement sur l’absence d’éléments permettant d’avoir
la certitude d’un effondrement ou de son caractère inéluctable.
C’est lui l’expert ?
Le juge estime du coup que le risque d’effondrement,
l’absence de mise en œuvre d’un mur de gros œuvre permettant de maîtriser les
terres et les eaux excédaient les inconvénients normaux de voisinage.
Une application toute bête, mais confirmée
par les experts en terrassement, du principe constitutionnel (même s’il n’est pas
invoqué dans cette affaire) dit « de précaution ».
Logique.
Et il n’avait pas besoin d’être invoqué pour
préexister…
Avis aux constitutionnalistes.
Vous me direz que sur le plan sanitaire, on a
également ce genre de réaction : Combien d’affaires pour avoir laisser
naître un être qui va mourir ?
Bon, mourir en bonne santé, encore… passe.
Mais avec une maladie-invalidante, c’est une autre dimension.
Notez que prendre le risque de se retrouver
avec la maison du voisin disloquée dans son propre jardin de « fonds-dominé »,
ce n’est pas bien naturel non plus.
D’où une confirmation des juges du droit :
Et il y avait intérêt, parce qu’alors les assurances peuvent indemniser.
Elles ne l’auraient pas fat quand « les
règles de l’art » ne sont pas respectées, bien naturellement…
Elle n’assure jamais qu’un risque, pas des
désordres « volontaires ».
Ce n’est pas pour rien qu’on émet des « normes ».
Qu’on se le dise : Monsieur R… va devoir
reprendre sa bétonnière à peine refroidie.
Bonne journée à toutes et à tous !
I3
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