Et de ses vaillants inspecteurs/contrôleurs.
Je vous annonce depuis des décennies la mort du « droit du
travail ». Et parmi les signes indicateurs de cette tendance de fond dans
nos pays occidentaux, il y a cette « pieuvre » qu’est l’Urssaf.
Un de mes plus anciens « clients » qui avait eu à faire « à
ces messieurs » était restaurateur dans le civil. Un « métier de
dingue » (il a failli y perdre définitivement sa santé restée chancelante
depuis) avec ses tournées nocturnes à Rungis et les fins de service qui
s’éternisaient.
Si encore, il n’y avait eu que ça, mais entre les personnels en absences,
nombreuses et impromptues, les « vétérinaires » de l’hygiène, le fisc
qui lui réclamait de la TVA non due et les inspecteurs du travail qui déboulaient
justement dans l’heure où il venait d’embaucher à la va-vite un cuistot qui comme
par hasard n’avait pas ses papiers sur lui qu’on ne pouvait donc pas faire
faire par l’expert-comptable la déclaration d’embauche (= 25.000 francs Pinay
d’amende pour travail dissimulé d’une heure, 10 mois de salaire du
« boss » en un seul coup !), il aura lâché sa boutique après son
AVC et aura attendu 18 mois pour toucher le prix de la cession la faute au
« drapeau » planté par la dite Urssaf, « superprivilégiée »
parmi les créanciers, sur des cotisations soi-disant dues, évaluées à la louche
et pour les trois-quarts sur des années prescrites, imaginez-vous que je me
suis étouffé de rire quand j’avais entendu parler du cas d’Arnaud
Bloquel !
De la gnognotte…
Souvenez-vous de ce restaurateur (lui aussi, mais étoilé, ça aide à se
faire connaître) à qui l’URSSAF a infligé un redressement de 14.000 euros au
titre des avantages en nature parce qu’il mangeait dans son propre restaurant,
tarif « à la carte » évalué à 107 euros par repas « gastronomique-moyen »
alors que sont comptés ces « avantages en nature » selon les forfaits
édictés par l’Acoss (le « doctrinaire » des Urssaf) pour tous les
personnels salariés…
Lui, le patron étoilé, il aurait dû aller manger le menu infect de madame
Michu, ou aller se restaurer au fast-food du coin avec ses tickets-restaurant,
au lieu d’améliorer les recettes de sa propre carte…
Extraordinaire : Tu parles d’une publicité !
Un redressement tellement délirant qu’il a même fait réagir le « sinistre
des Comptes publics », « Gégé-Dard-à-la-main », qui dénonçait
une « situation absurde issue d’une règle obsolète ! » et de demander à
l’URSSAF de reconsidérer le cas de ce chef cuisinier.
En droit, ce redressement est parfaitement fondé : Pour un
dirigeant de société, l’avantage en nature sur la nourriture ne peut être
évalué qu’en fonction de sa valeur réelle et non forfaitaire.
Par souci de simplicité, l’inspecteur s’était donc contenté de réintégrer
dans le montant des cotisations le prix d’un repas moyen dans ce restaurant-là…
Logique.
Moâ, j’attends le jour où cette belle administration-autiste s’occupera
des toubibs qui se font soigner par un confrère (serment d’Hippocrate oblige),
actes qui sont réalisés à titre gracieux…
Ou celui offrant un doliprane à sa femme (il n’a pas le droit de faire une
ordonnance : Même serment) ou encore un électricien changeant une ampoule
chez lui…
Des « twists » mi amusés, mi choqués l’ont envisagé.
Une affaire surmédiatisée mais qui cache le fait que neuf contrôles sur dix
se soldent par un redressement : Même dans une de mes
« petites-associations » de crèche, le konnard de service, ne
trouvant rien à redire dans les comptes et déclarations, il voulait reprendre
« l’avantage en nature » d’un forfait téléphonique de mes
directrices.
Là, j’allais mordre profondément à faire mal, là : Elles avaient
toutes leur propre forfait-personnel, et la convention CAF oblige ces dames à
être jointes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 sur un numéro connu de toutes et
tous et de pouvoir réagir à n’importe quels incidents dans la minute qui
impacte de près ou de loin la santé des enfants (et des personnels).
« Relisez les documents qu’on nous oblige à signer ou retournez à
l’ékole ! »
Il a fini par laisser tomber et j’ai encadré et accroché au mur l’avis de
« non-redressement »…
En fait on recense des dizaines de cas ahurissants, dont les victimes
n’ont pas eu la chance d’être repérées par le « sinistre des Comptes
publics » : L’épouse d’un restaurateur qui le remplace au pied levé parce
qu’il est parti aux urgences (cas flagrant, aux yeux des URSSAF, de travail
dissimulé) quand ce n’est pas le « fiston » qui donne un coup de main
sur les marchés à papa pour apprendre le métier sur le tas (travail interdit
pour les mineurs), tout comme des laissés-pour-compte à qui Emmaüs verse un
petit pécule, que l’URSSAF s’empresse de grever de charges sociales…
Depuis un courrier a été adressé aux restaurateurs où
« Gégé-Dard-à-la-main » annonçait que d’ici la fin de l'année, la
valeur des repas des dirigeants de la restauration ne sera plus déterminée sur
les tarifs de la carte de l’établissement, mais sera la même pour tous.
Le montant des repas sera forfaitaire (3,62 euros), celui des dirigeants
est calculé sur la base du menu (entrée, plat, dessert), tout le monde à la
même enseigne :
« Dans un souci de lisibilité et d’équité réelle, et comme suite à
mes engagements publics, j’ai décidé de modifier l’arrêté de 2002 relatif aux
avantages en nature pour prévoir que la valeur à retenir sera désormais
identique pour l’ensemble des salariés et des dirigeants d’entreprise relevant
du régime général, soit 3,60 euros par repas et quel que soit le montant des
menus et de la carte du restaurant », explique son courrier.
Mais ledit « sinistre » a également tenu à expliquer le zèle des
contrôleurs les organismes de recouvrement des cotisations sociales (URSSAF et
CGSS) : « En pratique, les organismes retiennent le plus souvent
une valeur nettement plus faible que celle résultant du droit. (…) L’absence
de valeur forfaitaire de référence conduit les organismes à devoir apprécier
eux-mêmes la valeur à retenir. En un mot les choses sont complexes et le bon
sens n’a pas prévalu ».
Ah oui ?
Est-ce équitable à défaut d’être « égal » ?
On nage en plein arbitraire, non ?
Les restaurateurs gérants peuvent maintenant se nourrir en toute
tranquillité, des consignes ont été récemment données à tous les services afin
qu’ils ne soient plus pourchassés pour avoir pris leur repas sur leur lieu de
travail. Bloquel n’était pas le seul, tous étaient en cours de contentieux ou
allaient l’être.
Et désormais se sont d’autres professions qui sont aussi harcelées.
C’est le cas des boulangeries qui vendent des sandwichs à emporter…
En fin de journée, il reste des invendus ne pouvant être remis en vente le
lendemain. Pour éviter le gaspillage et une scandaleuse mise à la poubelle, les
employés peuvent donc en disposer.
Demain ce sera les traiteurs, les vendeurs de fruits & légumes, les
épiciers avec les boîtes de conserve à mettre à la benne.
Heureusement l’Urssaf veille au grain : Il s’agit d’un avantage en nature
à déclarer.
La chasse aux sandwichs invendus va remplacer la chasse aux restaurateurs.
Elle a d’ailleurs déjà commencé et va pouvoir se développer.
Un jour, si vous êtes embauché pour cueillir des cerises, des pommes, du
raisin ou des abricots, attention si vous en mangez au passage…
En attendant les fonds de cuve des laitiers, des viticulteurs et les
croûtes du fromager…
Et ce n’est pas tout : L’Urssaf n’aime pas beaucoup la
« famille » et les forains en savent quelque chose.
Si le patron du stand ou du manège s’absente pour satisfaire un besoin
naturel et que l’enfant ou l’épouse prend sa place, il ne faut pas qu’un
contrôleur passe par là à ce moment-là, ils sont très vigilants sur le sujet : C’est
du travail au noir !
Pourtant, depuis des millénaires, chez les commerçants surtout, les
artisans, les professions libérales, les conjoints aident, parfois beaucoup, de
la tenue de l’officine au standard, en passant par la comptabilité.
Non, non, en « Gauloisie-égalitaire », il n’est plus naturel de
s’entraider entre conjoints : Ce ne sont plus des époux, mais un patron et
un salarié non déclaré.
Point-barre.
Certes, il existe le statut de conjoint collaborateur, mais il n’a jamais
été prévu que ce soit une obligation légale.
Pour l’Urssaf, si !
Pire, l’Urssaf discrimine selon que vous soyez affilié à la MSA, en tant
que travailleur indépendant ou au régime général. Car par exemple si père et
oncle travaillent chaque jour et toute la journée dans une exploitation
agricole, alors qu’ils sont retraités depuis des années, et ils le feront sans
doute tant qu’ils le pourront, bé l’Urssaf ne viendra jamais leur reprocher de
prendre la place d’un autre travailleur, analysant qu’il s’agit de travail au
noir. La raison est fort simple : C’est officiellement accepté par la MSA.
L’agriculteur peut faire travailler son conjoint huit heures par jour sans
le rémunérer, mais le forain n’a pas le droit de le faire un quart-d’heure par
jour.
Une discrimination légalisée…
Ainsi, un restaurateur de la Côte d’Or vient de se faire redresser de 40.435
euros : Sa femme l’aidait ponctuellement au service en cas de coup de feu ou
d’absences. En tant qu’agriculteur, il pourrait l’employer en permanence.
Dans le Doubs, c’est un père retraité venu aider son fils sur un chantier
: 7.750 euros de redressement pour une seule journée.
À Pau, l’été dernier, ce sont 54.202 euros de redressement finalement
annulés par le tribunal : Le patron d’un camping avait fait travailler son
petit-fils pendant les vacances.
Scandale aux Urssaf !
Les saisonniers de stations de ski ont très rarement quelques heures pour
skier, mais si un forfait leur est offert par l’employeur, gare à l’Urssaf…
Et pourtant, sur le plan économique, l’attitude de l’Urssaf à l’égard de
la famille ne rapporte rien.
Fiscalement la famille est un tout, l’impôt était et reste payé sur
l’ensemble des revenus du couple. Lorsque le conjoint d’un indépendant apporte
son aide, son activité augmente de fait l’activité globale, et donc les
recettes.
Le professionnel est taxé et imposé sur son travail, celui du conjoint
l’est donc indirectement, puisqu’il apporte une valeur ajoutée qui sera taxée
et si ce n’est pas le cas, alors ce n’est pas du travail, et il n’y a pas de
raison de taxer !
Si le conjoint est déclaré, salaire et taxes viendront en déduction du
chiffre du premier, qui sera moins taxé et imposé. In fine, cela revient
à peu près au même, cette activité de bénévole est toujours taxée.
Il ne faut pourtant pas être opposé à l’Urssaf, ni au principe du
contrôle. Il est nécessaire et indispensable, car nous payons ce que gagnent
les fraudeurs (qui détruisent l’équilibre des marchés et de la libre concurrence
à leur profit). Le problème est la discrimination et surtout le manque total de
discernement dans ce qui relève du travail non-déclaré, du service rendu, de la
solidarité familiale.
Les règles doivent être les mêmes pour tous et il faut cesser de
persécuter les petits, les familles, ceux qui rendent service quelques heures,
sur la base de planchers d’activité en dessous desquels l’Urssaf ne doit pas
intervenir.
On y revient ainsi : On se souvient qu’en 2018 Emmaüs s’était vue
être redressée pour un montant de 87.000 euros.
Quatre associations du Nord – dont la vocation est d’aider les plus
démunis (l’Armée du Salut, l’ABEJ, l’AFEJI, le foyer Béthel de Tourcoing) – se
sont vues signifier des redressements dont le montant dépassait le million
d’euros.
Quel crime ont-elles commis pour se voir infliger une telle amende ?
Elles ? Rien.
Mais un de leurs sous-traitants était soupçonné de travail dissimulé.
Quel tort ont-elles eu ? Celui de ne pas avoir demandé, deux fois par an,
une « attestation de vigilance », auprès de leurs sous-traitants, ce qui est,
il est vrai, une obligation légale dès qu’un contrat de sous-traitance est
supérieur à 5.000 €.
Faute d’exiger ce document, et en cas de défaillance du sous-traitant, son
client peut se voir poursuivre au titre de « la solidarité financière ». Une
obligation ignorée par la plupart des entreprises (y compris EDF sur certains
de ses chantiers par le passé), mais qui entraîne des situations compliquées
telles que celles vécues par ces quatre associations.
Une actualité qui rappelle étrangement l’affaire Emmaüs, révélée en mars
2018 (l’URSSAF réclamait plus de 87.000 € à une communauté Emmaüs, située elle
aussi dans le Nord, parce qu’elle accordait un modeste pécule aux laissés-pour-compte
qu’elles faisaient travailler).
Quand on délire et dépasse les bornes, c’est bien connu, il n’y a plus de
limite !
La réaction du ministre de l’Action et des Comptes publics a été
immédiate. Le 18 novembre 2019 dernier, il déclarait qu’il allait faire
application de « l’esprit du droit à l’erreur » et que, au moins pour une des
associations, la mise en jeu de la solidarité financière serait annulée.
Au-delà de l’aspect médiatique, l’affaire soulève tout de même plusieurs
questions de fond.
D’abord, il serait sans doute temps de faire le ménage d’une
réglementation souvent incompréhensible, voire absurde. Et qui explique
pourquoi 9 contrôles URSSAF sur 10 dans les PME donnent lieu à un redressement
… chiffre qui prouve que le redressement frappe tout le monde y compris et
surtout les employeurs de bonne foi.
En l’occurrence, personne ne remet en cause la bonne foi des dirigeants de
ces structures d’insertion. Néanmoins, elles se voient notifier des
redressements pour des sommes astronomiques.
Ensuite, il est incroyable de constater que seul le recours au ministre
peut arrêter ces organismes. Des inspecteurs ont jugé bon de procéder à ce
redressement, un supérieur hiérarchique l’a validé (ils sont payés pour ça),
une commission de recours amiable – composée essentiellement de représentants
du MEDEF ou de la CPME – a peut-être été saisie…
Alors comment toutes ces personnes ont-elles pu se montrer aussi
insouciantes ?
Le ministre de tutelle de l’URSSAF n’a-t-il d’autre pouvoir que de réagir
sur le coup face à ces aberrations, et d’effacer ponctuellement, par le fait du
Prince, ces amendes ?
Où est la « rigueur du droit », pièce maîtresse de nos civilisations
avancées ?
Pour une grâce ministérielle, combien de contrôles éminemment discutables
sont appliqués ?
Combien de dirigeants, qui ne disposent pas des réseaux permettant
d’atteindre le ministre, s’acquittent de redressements injustes ?
Il est à mon sens plus que temps de créer les conditions d’un dialogue
pendant et après le contrôle URSSAF afin d’éviter ce genre de situation qui ne
peut que ternir l’image des organismes de recouvrement et désespérer un peu
plus les entrepreneurs.
Parmi les propositions simples (et non coûteuses) on retrouve :
– Celle de permettre au cotisant d’avoir recours à un supérieur
hiérarchique de l’inspecteur en cas de difficultés au cours de la vérification,
– Ou de pouvoir donner la possibilité au dirigeant de défendre
physiquement son dossier devant la commission de recours amiable…
Toutes ces propositions sont toujours repoussées.
Il faut donc logiquement s’attendre à ce que de nouvelles absurdités
fassent encore la Une de l’actualité !
Pour ma part je considère qu’au-delà, c’est le droit du travail tout
entier qui recule à chaque fois un peu plus.
Avoir des salariés, c’est une source d’emmerdements incroyable. Vous ne
pouvez savoir que quand vous en avez, à gérer leur santé, leurs absences, leurs
« émotions de discriminés » ou de « harcelé(e)s », à passer
votre temps à récupérer leur travail parfois bâclé, suspendu que vous êtes à
leur « droit de retrait », leur « droit de grève », leurs
retards perpétuels, leurs « humeurs » du moment, la main sur le
chéquier quand il faut les payer, eux, leurs caisses d’assurance et surtout
quand vous vous en séparez même pour une « juste-raison », même en
cas de « rupture conventionnelle ».
Jamais on n’a vu un salarié rembourser son patron pour ses konneries
personnelles, même les plus aberrantes et démesurées…
On a voulu un droit « protecteur » de la condition
« d’esclavagisme-consenti ». Je ne suis pas contre naturellement.
Seulement, en voulant « caler » sa condition à celle d’un
travailleur « fonctionnaire » (du début à la fin de sa « carrière »)
allant jusqu’à créer de toute pièce (c’est dans le préambule de la constitution
de la IVème République et quantité de traités) un « droit AU
travail », on est resté planté les pieds pris dans le béton sec de la
Libération (ou tout le monde il était beau, tout le monde était gentil, hors
les collabos), alors qu’un nouveau millénaire est né depuis bientôt 20 ans…
Et qu’on n’a rien imaginé pour s’adapter aux « Uber &
Cie » : On a préféré délocaliser les usines là où il n’y a pas de
« droit du travail ».
Sans blague : Il serait peut-être temps de s’organiser pour sauver ce
qui peut encore l’être.
En rappelant qu’un robot, une machine, n’a encore aucun « droit du
travail »…
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