Braderait-on votre sécurité ?
Le salon « Milipol » s’est tenu à Villepinte
du 19 au 22 novembre dernier. Un salon international consacré à la sûreté et à
la sécurité intérieure des États…
Votre « sinistre de l’Intérieur, de l’ordre
public & des cultes », « Chrichri-Castagneur »,
ex-chef du parti des « marcheurs-même-pas-en-rêve », était
sur place le jour de son ouverture, et a réaffirmé son engouement pour un
partenariat entre l’État et le secteur privé afin d’assurer au mieux la
sécurité sur le territoire.
Comme si tous les impôts que vous payez, parce que c’est
bien une prérogative régalienne, une des premières et une des dernières, n’y
suffisaient pas encore… !
Une logique de coopération donc, puisqu’il est le
fruit d’un partenariat public/privé.
CIVIPOL, l’organisateur dudit salon, est une société
de droit privé dont l’actionnariat est toutefois majoritairement public et travaille
sur des projets allant de séminaires sur le faux-monnayage en « Île-de-Gauloisie »
à la réforme de la police au Myanmar (ex-Birmanie), en passant par un projet
d’assistance contre le crime transnational organisé en Amérique latine.
Des cadors…
Un salon qui s’organise aussi en étroite collaboration
avec le ministère de l’Intérieur (de l’ordre public & des cultes), mais
aussi avec l’aide du ministère de l’Économie et des Finances, en partenariat
avec tous les organismes concernés de près ou de loin par les questions de
sécurité et de sûreté, de la Police nationale à Interpol, en passant par la
Gendarmerie nationale ou encore la Direction Générale de Sécurité et de la
Gestion de crises, et bien d’autres.
On comprend donc bien que cette idée de partenariat de
l’État avec le secteur privé concernant la sûreté et la sécurité n’en est plus
à ses balbutiements.
Plus de 1.100 exposants dont plus de la moitié venait
de l’étranger, et plus de 30.000 visiteurs dont 45 % d’internationaux…
Les sujets traités sur le salon sont vastes et vont de
la sécurité routière à la protection des frontières, en passant par la sécurité
bancaire ou encore la protection des données, mais aussi la veille
industrielle, la lutte anti-terroriste, et de nombreux autres sujets.
Tout quoi…
La collaboration entre l’État et le service privé est
déjà bien développée dans certains de ces secteurs et, si le fait de déléguer
des tâches relatives à la sécurité des citoyens à des sociétés privées peut
soulever des doutes et faire pousser des hauts cris à ses détracteurs, si l’on
écoute le « sinistre de l’Intérieur », il faut tout de même
considérer cette option comme une solution pouvant satisfaire l’intérêt général
si elle est mise en place correctement, n’est-ce pas…
Un rapport de 2018 sur le sujet rédigé par la députée marcheuse-même-pas-en-rêve
(les yeux ouverts mais couverts de cambouis), « Alice-Tour-hot » et un
ancien chef du RAID conseillait entre autres de remplacer l’État par des
services privés pour des missions comme la protection de certaines personnalités,
le transfert de détenus non dangereux, les gardes statiques, et autres actions
de ce type.
Un seul planton devant une porte gardée 365 jours par
an et 24 heures sur 24, c’est 11 personnes assermentées (ou « autorisées »)
à plein temps…
La directrice générale de la Confédération européenne
des Services de Sécurité, a également rappelé que les sociétés privées occupaient
déjà en partie des positions complémentaires à celles des employés de l’État,
et que l’évolution de ce partenariat passerait par la formation : « Ces
forces sont présentes sur plein d’endroits publics où la police ne se trouve
pas, centres commerciaux, stades, sièges d’entreprises (…) Quand elles
voient des choses non régulières, elles pourraient être formées à transmettre
les informations. »
Des « indics » supplétifs, quoi ?
Ouest-France rapportait que selon un rapport de la
Cour des comptes, le secteur privé de la sécurité représentait en 2016, 168.000
salariés répartis dans plus de 11.000 entreprises.
Sur la même année 2016, les effectifs de toutes les polices,
nationale et municipale, plus de la gendarmerie, plus les réservistes et les
militaires de la « force » Sentinelle représentaient 303.000
individus.
C’est moins de deux fois l’effectif du secteur privé,
mais ça augmente plus vite que les budgets le permettent.
Mais on approche probablement le demi-million de
personnes en comptant les « salariés-dédiés » propres aux
entreprises.
Dès lors, un partenariat plus important entre ces deux
sources de main-d’œuvre « qualifiée » serait donc une aide précieuse
pour l’État, mais aussi pour le secteur privé, considère-t-on à votre place en « haut-lieu ».
Il en va de même pour la technologie. Le secteur privé
possède un véritable pouvoir d’innovation pouvant permettre de développer des
outils, des technologies ou des techniques répondant aux besoins en constante
évolution dans de nombreux domaines touchant à la sûreté et à la sécurité.
L’État collabore d’ailleurs déjà avec de nombreuses
entreprises publiques sur des projets communs dans la recherche et le
développement.
Par exemple, sur le stand du ministère de l’Intérieur
était présenté un travail sur les empreintes olfactives, qui consiste à
collecter les odeurs sur une scène de crime en vue de les analyser, et ainsi
identifier des individus grâce à leur signature olfactive unique : Les
empreintes digitales et les traces d’ADN ne leur suffisent plus !
Ce projet de recherche est en cours depuis 2012 en
collaboration avec des chercheurs en neurosciences de Lyon, une équipe de
cynophiles, mais également l’École supérieure de parfums, de cosmétiques et
d’arômes (ISIPCA) et l’École supérieure de physique et de chimie industrielle
(ESPCI)…
Question « gros-sous », il ne faudrait pas non
plus sous-estimer le secteur privé à propos de sa capacité de financements parfois
conséquents : Mais un partenariat de l’État avec le privé pourrait
permettre, dans une certaine mesure, de partager certains frais, que ce soit au
niveau du fonctionnement quotidien, de la recherche et développement, etc.
En plus de ces capacités de financement, le secteur
privé peut aussi avoir développé certaines techniques pour rendre viables ses
activités, de manière à dégager un profit, ce que l’État ne sait pas faire,
pouvant être réinvesti dans un second temps dans la recherche.
D’ailleurs, toujours selon le rapport de la Cour des
comptes, les activités du secteur privé auraient été peu rentables en 2016, en
partie à cause d’une forte compétition qui tire les prix vers le bas, et
affecte parfois la qualité des services.
La solution tiendrait dans des partenariats plus
systématiques avec l’État permettant une meilleure organisation et un soutien
dans la structure du secteur.
Les ressources financières des deux secteurs
pourraient donc être utilisées plus efficacement, tout en offrant un service de
meilleure qualité, et donc en assurant une sécurité plus importante pour les
concitoyens, nous assure-t-on au Palais du Luxembourg…
Tiens donc ?
Selon le président de la Fédération Française de la
Sécurité Privée, les entreprises et les entrepreneurs seraient à même
d’apporter des réponses concernant les questionnements d’organisation
économique pour ces partenariats : « Il ne faut pas tout attendre de
l’État (…) La sphère économique doit être organisée par les
entrepreneurs eux-mêmes. »
J’en suis certain…
Que ce soit au niveau du modèle économique, de
l’optimisation des ressources humaines et financières, ou encore au niveau des
capacités et de l’efficacité des personnes impliquées, c’est la formation qui
pourrait faire la différence dans les années à venir.
La députée ci-dessus mentionnée aura alors proposé un cursus
de formation unique pour les deux secteurs afin d’uniformiser les niveaux de
compétences, et permettre aux acteurs du public et du privé de mieux se
connaître pour mieux collaborer et travailler ensemble sur le terrain !
Allons bon…
Des fonctionnaires de police formés dans des
ékoles-privées ou des « privés » formés aux ékoles de police ?
Elle a également rappelé la nécessité d’attirer
davantage de monde dans ces secteurs d’activité, en rendant les postes
attractifs en termes de conditions de travail ou de reconnaissance.
Non mais je rigole là !
Pas vous ?
Car à propos de reconnaissance, il a été évoqué la
possibilité d’une certification qui serait accordée aux entreprises privées
offrant des services répondant à des standards de qualité précis.
Normes et labels, c’est la meilleure façon d’assurer
un « barrage à l’entrée » pour de nouveaux impétrants et de s’assurer
ainsi des rentes de situation.
Les entités détentrices de cette certification
pourraient alors se voir confier des missions par l’État, et ainsi collaborer
pour une sécurité générale plus efficace.
Et voilà les ponts jetés au-dessus du Rubicon !
Que l’on te vous vend en te rassurant que cela permettrait
un contrôle de l’État pour garantir que les équipes partenaires soient à la
hauteur des tâches qui leur sont confiées et pousserait le secteur privé tout
entier à améliorer la qualité de ses services. La compétition se ferait alors
sur les compétences et le rapport qualité/prix des services proposés, et non
plus sur le prix le plus bas pour un service de qualité moindre.
Pour la belle « Alice-Tour-hot » nous
aurions d’ailleurs beaucoup à apprendre de certains autres pays, notamment en
Europe du Nord, sur les partenariats de l’État avec le secteur privé dans le
domaine de la sécurité du territoire : « Dans d’autres sociétés, dans
les pays nordiques, l’Espagne ou la Belgique, la relation est peut-être plus
mature, plus aboutie. »
Pas des pays à probablement parlé totalement « fachos »
voire seulement « fâcheux »…
Rassurant, non ?
Elle évoque d’ailleurs « un mouvement » et « une envie d’avancer
ensemble de la part du secteur ». La formation approfondie et le cursus unique
permettraient d’œuvrer en ce sens, et ainsi se mettre au niveau des
voisins ayant réussi leurs partenariats.
Toutefois, la sûreté et la sécurité dans l’Hexagone
est un sujet si sensible qu’il est normal que le la délégation d’une partie des
responsabilités de l’État à des organisations privées soulève des questions et
des problèmes de fond. Comment s’assurer que les intérêts publics ne soient pas
négligés au profit des intérêts privés ? Comment sera effectué le contrôle
des compétences des différentes entreprises auxquelles seront confiées des
tâches importantes ? Quel sera le modèle économique utilisé ?
Surtout, et ce n’est pas évoqué, pour quelles missions ?
Qui contrôlera les dérapages éventuels de véritable « milices
privées » ?
C’est « tendance » : Les entreprises privées
de sécurité se développent de plus en plus et ce d’autant plus qu’elles sont
maintenant poussées par les autorités publiques qui semblent y trouver leur
compte.
Bé oui, aligner un demi-million de personnes chargées
de votre sécurité (celle des personnes et des biens… privés) hors les pompiers,
ça vous fait un « flic » pour 132 citoyens (vieillards impotents et
bébés-tout-neuf compris)
Et ce n’est pas suffisant, chacun s’en rend compte au
fil du temps.
Une nation fliquée ?
Déjà qu’avec le nombre de caméras et vos smartphones « compteurs
de pas » on sait toujours où vous êtes…
Entre l’autorisation récente – 1er janvier
2018 – d’armer sous conditions les agents de sécurité privée, l’augmentation
continue des effectifs de ces entreprises privées, l’accroissement de leurs
prérogatives et des secteurs qu’elles couvrent, tout indique que l’État et les
élus de la République n’hésitent plus à envisager un avenir au moins en partie
privé de la sécurité en « Gauloisie-craintive » …
On est en droit de se demander si l’État et les
politiciens n’avouent pas ici, à demi-mots, les difficultés de la République à
faire régner l’ordre et la loi sur tout le territoire.
Autrement dit sa faillite à le faire lui-même.
L’intervention de plus en plus importante de
prestataires privés pour couvrir des services qui sont normalement du ressort
du régalien n’est-il pas l’aveu d’une faiblesse patente de l’État ?
Malgré tous les budgets (vos impôts) qui y sont
consacrés…
Comment justifiera-t-on, dans 10 ou 20 ans, une telle
montée en puissance de ces sociétés privées de sécurité ?
Historiquement, l’impôt n’est-il pas le paiement du
peuple pour financer sa sécurité au travers d’une armée et d’une police conçues
à cet effet ?
Ou alors on déchire le pacte républicain…
Cette fuite discrète du régalien vers le privé pose tout
de même ces questions qu’il serait temps de se poser.
Où passent donc tous vos impôts s’ils ne suffisent
plus à assurer ce rôle régalien par essence ?
Dans l’Éducation nationale dont les opportunités de
faire mieux n’ont cessé d’augmenter ? Dans les ponts ? Dans la sécurité sociale
? Dans les petites sauteries élyséennes (et ses couverts toujours pas livrés) ?
Qui va payer ces nouveaux services de sécurité ? Que
ce soit le client ou le contribuable, gageons que la facture se retrouvera de
toute façon dans votre gamelle et s’ajoutera à celle laissée par le fisc qui
financent nos infrastructures rutilantes, notre éducation jalousée, notre
système social que le monde entier nous envie, ou l’excellente sécurité du pays
n’autorise pas le développement du moindre sentiment d’insécurité, nulle part
sur le territoire…
Au-delà si l’on peut même considérer a priori et
avec bienveillance le développement de ces entreprises privées de sécurité, on
peut tout de même s’interroger sur le bien-fondé de former des agents de
sécurité à partir du même terreau que celui qui produit nos braves « batailleurs »
des banlieues et « no-go-zones » qu’ils sont censés canaliser.
Ce n’est pas très cohérent.
On se souvient que de nombreuses et récentes affaires
de terrorisme ont amplement prouvé que la menace étant « intérieure »,
l’heure n’est probablement pas à la multiplication des canaux pour accéder à la
sécurité (des aéroports, des trains, des sites classés, des préfectures de
police des édifices publics). C’est-à-dire à peu près le contraire de ce qu’on
observe et que les autorités actuelles semblent accueillir et favoriser avec la
gourmandise si particulière de ceux qui n’ont pas à payer pour le gâteau…
Dans la même veine, on devrait rapprocher ces nouveaux
« horizons de dépense » auprès des sociétés privées des économies
de bout de chandelle opérées sur le compte des armées, ainsi que de la noyade-appliquée
à tout l’appareil policier dans les milliers de formulaires Cerfa et autres
procédures chronophages et stérilisantes, ainsi que de l’usage quasi-systématique
de nos forces de sécurité publiques dans la traque du père de famille, fou du
volant roulant en à 52 km/h sur une artère passante de Trifouilly-les-oies,
déserté depuis si longtemps par les concitoyens (qui préfèrent les lumières de
la ville).
D’ailleurs, les « radars-automatiques » voient
leur exploitation (c’est bien le mot, non ?) sous-traitée à des
entreprises privées qui ne se privent pas d’encaisser une partie des recettes…
Ne perdons pas de vue que ces différents partenariats qui
seront noués entre le privé et le public ont jusque-là toujours été couronnés
de succès et d’économies somptueuses !
Il serait donc particulièrement hardi de ne pas
parier, là encore, sur une flamboyante réussite de l’État à externaliser ainsi
sa raison d’être.
Pour ma part, je m’inquiète. D’accord, je sais faire
la différence entre un flic en patrouille et un vigile de magasin qui passe sa
vie à ne rien faire que d’observer, d’une jambe sur l’autre, les filles qui
passent : L’important, c’est qu’il soit visible, tant pis pour lui si à la
fin de la journée il a mal aux pattes et à la vessie. C’est son job : Il
en change ou se met en arrêt-maladie incapacitante.
Mais je sais également que le même est autorisé à courser
sur la voie publique un voleur à la tire qui sort promptement d’un magasin,
endroit privé par excellence.
Je me souviens que, dans une autre vie, je sortais de
mon supermarché avec ma poussette chargée, taillais une bavette avec ma
voisine, toute étonnée que je laisse fouiller mon caddie par des « agents
de sécurité » (pour des prunes en plus) : Je ne vous dis pas la honte
d’avoir été pris pour un voleur !
On raconte qu’il y en a d’autres qui font des fouilles
au corps et « palpations » en toute illégalité dans des coins reculés
desdits magasins… avant d’appeler les flics, naturellement.
Qui sanctionne ces écarts de conduite ?
Comment les constate-t-on ? Comment en fait-on la
preuve de qualité « pénale » ?
En bref, c’est probablement un mal nécessaire, mais ça
va devenir si oppressant que ça va devenir rapidement invivable si ce phénomène
doit croître encore.
Autorisera-t-on à faire feu un jour sur un casseur de
vitrine en marge d’une manif’ qui dégénère pour défendre ce qu’il y a derrière ?
Parce que c’est là l’enjeu : Quand votre gosse se
prendra une balle perdue à l’occasion d’un hold-up (ou d’un larcin), si elle
est tirée par le malfrat, c’est un crime. Si elle est tirée par un flic, c’est
la mise-à-pied. Si elle est tirée par un « personnel de sécurité », c’est
quoi ?
De la légitime défense, par hasard ?
Ce sera au législateur de décider des règles d’engagement
et à la justice d’appliquer la règle votée.
Pour retrouver son auteur à la case prison elle-même
sous-traitée à une entreprise privée, en « partenariat-public », tenue
par l’employeur du même ?
Inutile de vous dire que je me marre…
Je préfère pour vous que pour moâ, mais on y va dare-dare.
Parce qu’au-delà, sachez que bientôt les entreprises
privées, et pas seulement EDF et ses centrales nucléaires, seront amenées,
forcément devant la carence des pouvoirs publics qu’il faudra bien suppléer, à
avoir de vraies milices « de sécurité » pour se protéger : Elles
ont déjà des bataillons de « cyber-flics-privés » et des services de « contre-mesures »
d’espionnage… à leur solde.
Bref, une société toujours plus sécuritaire, toujours
moins « libérale » pour être toujours plus « policée ».
Le paradis d’une vraie « démocrature », en
somme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire