Il n’empêche… On suppute déjà !
C’est l’histoire d’une médecin salariée qui se suicide
chez elle en laissant une note mettant en cause le harcèlement moral de son
employeur…
La pôvrette… Je suis triste, pour elle, pour ses
gamins, pour son mek (et ses amants), sa mère, son père, sa famille : Tout
le drame d’une « amputation » affective pour des âneries !
Un beau gâchis multiple de vies absolument inutile…
Dans cette espèce, l’information judiciaire n’ayant
pas permis de faire ressortir l’intention de nuire de l’employeur, l’affaire
avait abouti à un non-lieu.
Mais voilà-voilà, la Cour de cassation vient de juger que
« l’intention de nuire » n’était pas, selon le Code pénal, nécessaire
pour caractériser le harcèlement moral.
Cour de cassation, chambre criminelle, du mercredi 13
novembre 2019.
Pourvoi n° : 18-85367.
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt
suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
M. Z… W…,
Mme H… W…, parties civiles,
contre l’arrêt n° 375 de la chambre de l’instruction
de la cour d’appel de COLMAR, en date du 5 juillet 2018, qui, dans l’information
suivie sur leur plainte contre personne non dénommée des chefs de harcèlement
moral et homicide involontaire, a confirmé lordonnance de non-lieu rendue par
le juge d’instruction ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique
du 1er octobre 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, M.
MAZIAU, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, M. Bonnal, Mme Labrousse,
conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, M. Violeau,
conseillers référendaires ;
Greffier de chambre : Mme Lavaud ;
Sur le rapport de M. le conseiller MAZIAU, les
observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la
société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et
les conclusions de M. l’avocat général LEMOINE ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense, et
les observations complémentaires produites ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces
de la procédure que le corps de C... M... a été retrouvé sans vie à son
domicile le […] et qu’une enquête a conclu à son suicide ; que la défunte,
médecin du travail, a laissé derrière elle des éléments écrits accusant son
employeur, l’association Alsace santé au travail (AST 67), de harcèlement moral
et de non-respect de la législation sociale à son égard, exposant que sa mort
devrait être imputée à sa hiérarchie ; qu’à la suite de la plainte des chefs de
harcèlement moral et de discrimination en date du 8 octobre 2010, déposée au
nom des membres de la famille de la victime et de plusieurs syndicats
professionnels, parmi lesquels le Syndicat national des professionnels de la
santé au travail (SNPST), dont l’intéressée était membre, et d’une enquête
préliminaire, le procureur de la République a pris un réquisitoire introductif
des chefs de harcèlement moral et homicide involontaire ; qu’au cours de
l'information judiciaire, M. et Mme W…, d’autres membres de la famille et des
associations se sont constitués partie civile et que, par ordonnance en date du
31 août 2017, le juge d’instruction a dit n’y avoir lieu à suivre contre
quiconque ; que les parties civiles ont interjeté appel ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation
des articles L. 2146-1, L. 2143-20, L. 2143-22 du code du travail, 121-2 du
code pénal, 175, 177, 201, 202, 205, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que la chambre de l’instruction a dit n’y
avoir lieu à suivre contre quiconque ;
« alors que étant investie du pouvoir de modifier
et de compléter les qualifications données aux faits par le juge d’instruction,
la chambre de l’instruction doit procéder à un supplément d’information sur
tous les chefs de poursuite qui sont compris dans les faits résultant du
dossier de la procédure ; qu’en l’espèce, en se fondant sur la considération,
erronée, selon laquelle les faits susceptibles de revêtir la qualification d’entrave
syndicale seraient étrangers à la saisine du juge d’instruction et sur la
considération, inopérante, tirée de l’ancienneté de la mention, en procédure,
de cette qualification, pour refuser d’ordonner un supplément d’information de
ce chef à leur sujet, la chambre de l’instruction a méconnu l’étendue de son
office et n’a pas légalement justifié sa décision » ;
Attendu que les demandeurs sont irrecevables à
contester le rejet, par la chambre de l’instruction, de la demande de
requalification formulée par le procureur général dès lors qu’ils ne s’y
étaient pas associés dans leur mémoire déposé devant elle ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la
violation des articles 121-3, 222-33-2 du code pénal, L. 1152-1 du code du
travail, 175, 177, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que la chambre de l’instruction a dit n’y
avoir lieu à suivre contre quiconque ;
1°) alors que le délit de harcèlement moral, qui
consiste dans le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour
objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter
atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale
ou de compromettre son avenir professionnel, ne suppose pas que l’auteur ait
voulu le dommage survenu à la victime ; qu’en l’espèce, en considérant que l’infraction
de harcèlement moral ne pourrait être retenue qu’en présence d’une véritable
intention de nuire de la part du ou de ses auteurs, la chambre de l’instruction
a ajouté au texte d’incrimination une condition qu’il n’énonce pas ;
2°) alors qu’est constitutif du délit de harcèlement
moral le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet
ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter
atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale
ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’en l'espèce, en considérant
que l’infraction de harcèlement moral ne pouvait être retenue sans rechercher,
comme elle y était invitée, si les manquements répétés de l’association AST 67
aux règles de droit du travail, notamment en matière de respect de la
législation sur les heures supplémentaires, n’avaient pas eu pour effet de
dégrader les conditions de travail de C… M…, docteur en médecine, et n’avaient
pas porté atteinte à son équilibre et à sa santé, la chambre de l’instruction n’a
pas légalement justifié sa décision » ;
Vu l’article 222-33-2 du code pénal dans sa version
applicable à la date des faits ;
Attendu que constitue le délit de harcèlement moral le
fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour
effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte
à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de
compromettre son avenir professionnel ;
Attendu que, pour dire n’y avoir lieu à suivre contre
quiconque du chef de harcèlement moral, l’arrêt énonce, notamment, que la Cour
de cassation retient, pour caractériser les éléments constitutifs du délit de
harcèlement moral, l'existence d’agissements répétés, qui ont outrepassé les
limites de l’exercice du pouvoir disciplinaire de l’employeur, et ont porté
atteinte au droit, à la dignité et à la santé d’une salariée ainsi que des
actes fautifs ayant gravement dégradé les conditions de travail de la victime
et ayant concouru à l’altération de son état de santé ; que les juges ajoutent
que si le délit de harcèlement moral suppose, pour être établi, des actes
positifs et une véritable intention de nuire de la part du ou de ses auteurs, l’information
judiciaire n’a mis en évidence aucun propos ou comportement répétés
susceptibles de traduire une telle intention délibérée, tels qu’une mise à l’écart,
des propos insultants ou menaçants, des comportements humiliants ou méprisants
ou encore des pressions insupportables ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre de l’instruction,
qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, en l’espèce l’exigence
d’une intention de nuire, a violé le texte susvisé et méconnu le principe
susénoncé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef
;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la
violation des articles 121-2, 121-3, 221-6 du code pénal, 175, 177, 591 et 593
du code de procédure pénale ;
« en ce que la chambre de l’instruction a dit n’y
avoir lieu à suivre contre quiconque ;
1°) alors que l’incrimination d’homicide involontaire
n’exige pas, pour son application, que la faute de son auteur ait été la cause
exclusive du décès ; qu’en l'espèce, en se fondant, en réalité, sur la
considération selon laquelle les fautes commises par l’association AST 67 et
les membres de sa hiérarchie au préjudice de C… M…, docteur en médecine, n’étaient
pas la cause unique et exclusive de son suicide pour en conclure à l’absence de
tout lien de causalité certain, la chambre de l’instruction a ajouté au texte d’incrimination
et n’a pas légalement justifié sa décision ;
2°) alors qu’une faute ayant, indirectement, causé la
mort de la victime peut engager la responsabilité pénale de son auteur du chef
d’homicide involontaire ; qu’en l'espèce, la censure qui sera prononcée sur le
premier ou sur le deuxième moyen de cassation, relativement, au non-lieu
prononcé des chefs de délit d’entrave et de délit de harcèlement moral
entraînera l’annulation, par voie de conséquence, du non-lieu prononcé du chef
d’homicide involontaire, ces délits, en ce qu’ils constituent des manquements
aux règles impératives du droit social, étant susceptibles, s’ils ont,
indirectement, entraîné la mort du salarié, d’engager la responsabilité de leur
auteur du chef d’homicide involontaire » ;
Attendu que la cassation du deuxième moyen entraîne
par voie de conséquence la cassation des dispositions critiquées par le
troisième moyen ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction
de la cour d'appel de Colmar, en date du 5 juillet 2018, mais en ses seules
dispositions relatives au non-lieu prononcé des chefs de harcèlement moral et
homicide involontaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues
;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la
loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction
cour d’appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre
du conseil ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du
code de procédure pénale ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa
transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la
cour d’appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt
partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
criminelle, et prononcé par le président le treize novembre deux mille
dix-neuf.
Le dossier sera donc rejugé devant une nouvelle Cour
d’appel qui devra vérifier si l’employeur a eu des agissements répétés ayant
pour effet la dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible
de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou
mentale ou de compromettre son avenir professionnel…
Quand je vous dis que le droit du travail est mourant,
on en vient, en pleine application de la loi régulièrement votée (et par ailleurs
bien nécessaire) par la représentation populaire et dans son « immense
sagesse » (de même nature), on en vient à reprocher à tous les employeurs
un « manquement », même involontaire, qui porterait atteinte à la
dignité ou à la santé mentale de leurs salariés…
Ceci dit, personnellement je pleure (dans ma « Ford-intérieure ») :
Comment peut-on laisser un être humain, sans lui sourire une seule fois, le réconforter
dans sa détresse, se perdre pour des raisons « professionnelles »
jusqu’à le laisser se suicider ?
Dans quelle civilisation vit-on au juste ?
Parfois j’ai honte d’appartenir à cette « espèce-là » tellement
c’est inconcevable !
Bon week-end quand même à toutes et tous.
Et ne vous laissez pas embarquer dans des délires
présumant de vos faiblesses : On en a tous et le mieux c’est de fuir les « nuisibles ».
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