Question fondamentale : Les robots jouissent-ils
?
Depuis Turing, on se demande si une machine peut
penser. De cette idée découle le fantasme de l’autonomie de la machine au
regard de son créateur, comme si la pensée était ce qui, chez l’homme, marquait
sa liberté et son potentiel de subversion de l’ordre social.
Dès lors, question subsidiaire, est-ce que la loi vise
à limiter la pensée, est-ce là la fonction de l’ordre social ?
N’est-ce pas plutôt de limiter la jouissance,
potentiellement destructrice de soi et des autres ?
Dans ce cas, si la machine était susceptible de se «
révolter », ce ne serait pas parce qu’elle pense, mais parce qu’elle jouit !
Alors, une machine, est-ce que ça jouit ?
Ou l’Intelligence-Artificielle va-t-elle apprendre à
jouir un de ces quatre matins ?
Pour y répondre, il faut d’abord se poser quelques
questions préalables comme comment définir la jouissance ?
Si l’on pense d’abord à l’orgasme, sachez que ce n’en
est qu’une des manifestations.
La jouissance c’est d’abord le débordement des
frontières du corps, une sortie de la structure dans un avant de son
élaboration. Ce qui conduit à un état de jouissance peut donc être la prise de
toxique, mais aussi ce que l’on appelle « le jeu du foulard » et autres
expériences qui frôlent la mort.
C’est encore le traumatisme : Par exemple une
agression qui efface les limites entre soi et l’autre, qui ne peut s’inscrire
dans aucun cadre habituel, et conduire à une dépersonnalisation.
Enfin, c’est l’expérience du sublime telle qu’elle est
élaborée par Kant : Kant reprend de Burke la question de la démesure (force de
la nature) qui déborde l’imagination et la sûreté comme condition du sublime.
Il s’en distancie pour ce qui est du passage entre la terreur et le plaisir : L’échec
de nos sens serait dépassé secondairement par les Idées de l’infini.
C'est la manifestation des Idées, révélées par l’expérience
sublime, qui fournirait une ressource pour lutter contre l’anéantissement dans
le sensible : Le plaisir éprouvé alors renvoie à la perception de cet infini en
nous. Ce qui donne du plaisir et ferait que cette expérience n’est pas
traumatique serait donc le recours à un cadre interne dans l’après-coup : La
jouissance est dans l’expérience première, elle est ensuite bordée par la
Raison.
On peut en faire un parallèle, bien mièvre peut-être,
avec un fort trac surmonté…
Toutefois, il y a une forme d’addiction à la
jouissance, une fois son expérience faite, au-delà et bien souvent contre la
recherche consciente de la jouissance.
Dans le cas du traumatisme, il y a répétition des
affects traumatiques, c’est là la marque laissée par la jouissance.
La jouissance est donc radicalement différente du
plaisir, elle est à la source de l’angoisse, et ne peut être supportée qu’à
condition d’être limitée (dans un espace, un temps, ou par la raison). La
jouissance ne peut être prise dans le principe de plaisir qu’à partir du moment
où son expérience s’inscrit dans un cadre (le rapport sexuel, l’effet limité
dans le temps des toxiques, des traumatismes, etc.).
Du coup, une jouissance mécanique, c’est-à-dire une
machine qui jouit, et non pas le fait de jouir d’une machine semble impossible
: Il faudrait pour cela qu’elle puisse sentir des choses qui débordent ses
capacités.
Mais alors, ne serait-ce qu’une surchauffe ?
On pense ici au film Her, dans lequel la machine,
précisément, arrive à cet état qui produit sa propre destruction : Là, on peut
dire qu’il y a jouissance.
D’ailleurs, on ne s’est jamais posé la question de la
capacité du robot à ressentir, ou de la nécessité de lui donner des droits,
avant qu’on ne lui donne forme humaine : C’est donc seulement par un effet
miroir que l’on a supposé que la machine était susceptible de ressentir des
choses, d’avoir une conscience.
Par conséquent, il est logique que pour qu’il y ait «
révolution des machines », il faudrait qu’elles acquièrent la possibilité de
jouir.
Retournons à l’effet miroir, mais cette fois dans l’autre
sens : La façon dont, dans un monde mécanique, on suppose que l’être humain
fonctionne comme une machine.
Peut-être justement que l’idéal d'une société mécanique
viserait précisément à faire fi de la jouissance, pour constituer un monde
ordonné en fonction d’une logique rationnelle, algorithmique.
Convenons que le discours transhumaniste est passé d’une
recherche de suppression de « toute souffrance » à la suppression de « toute
souffrance involontaire ».
Voilà qui rétablit au passage la place de l’au-delà du
principe de plaisir freudien, qu’il soit pervers ou symptomatique.
En admettant que ce ne soit pas l’empathie mais la
jouissance qui caractérise l’humain, nous ne chercherions qu’à montrer une
seconde chose : L’utopie d’un monde aseptisé dans lequel chacun n’a affaire qu’à
son fantasme, sans en passer par le rapport à l’autre en ce qu’il le limite.
Peut-on avoir un rapport sexuel avec une machine ?
Le film Barbarella nous en montre l’évidence (et je
reprendrai, pour partie, ce thème esquissé dans quelques posts et au moins « Ultime
récit – suite » dans un opus prochain). Après tout, la masturbation se
passe bien de la participation d’un partenaire actif, mais certainement pas de
la participation de l’autre dans le fantasme.
(Quoiqu’il faudrait que j’essaye pour vous le
confirmer…)
Alors « l’autre robotique » n’est-il pas
justement « l’autre parfait » du fantasme que l'on soumet à souhait ?
La jouissance, contrairement au désir, se passe
aisément de l’autre, bien que conditionnée par le fantasme. Or, le propre de la
distinction entre fantasme et désir est que le rapport à l’autre, fut-il
producteur de jouissance, est toujours insatisfaisant et relance le désir, il
est potentiellement créateur.
Jouir, avec une machine, de son fantasme, comme on
pourrait l’imaginer en se construisant un robot à la Pygmalion, viendrait
renforcer l’impossible de la rencontre de « l’autre », et confondre la
potentialité créatrice du désir dans la répétition mortifère du fantasme.
Et la littérature et la filmographie de « science-fiction »
ne sont pas avares de « cas d’étude » sur le sujet.
D’ailleurs la première édition du Festival des idées,
organisée du 15 au 19 novembre 2016 par l’université Sorbonne Paris Cité (USPC)
et dont The Conversation était partenaire revenait sur cette question à la
faveur d’un débat intitulé « Like a sex machine : Les machines peuvent-elles
(nous faire) jouir ? ».
Naturellement, je n’y ai pas assisté, mais en revanche
j’ai su par la suite que les réponses restaient ambigües.
Un domaine où finalement les dogmes et les fantasmes s’affrontent
sans réelle pertinence pour construire l’homme de demain.
Ou d’après-demain, plutôt…
Bonne fin de week-end à toutes et tous !
I3
Vous ne seriez donc pas un de ces libéraux dont parlait Bernanos "On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure"
RépondreSupprimerBonjour JP2 !
SupprimerUne conspiration perpétuelle de toutes les formes "de vie intérieure", plutôt !
Mais je ne suis pas "Bernanos", loin de là…
Et n'en ai pas l'ambition.
En revanche, là où il a peut-être raison, c'est que la civilisation conduit vers la destruction (y compris d'elle-même) : C'est sa façon de se recréer, de se perpétuer.
Schumpeter en a d'ailleurs fait la démonstration sur le plan économique (seulement).
En fait, ce sont des mécanismes qui sont dus au passage des générations.
Autrement dit tout passe (les idées, les civilisations) par la démographie et ses évolutions.
Mais on n'a pas encore eu le philosophe qui pourrait le démontrer (juste des historiens qui restent le "nez dans le guidon" et n'ont pas encore fait une synthèse sur le plan théorique.
Ou alors je suis passé à côté…
Bien à vous !
I-Cube
Les actes christianophobes que vous recensez ne seraient que la destruction positive de vestiges d'un culte ancien devenu obsolète au profit du dynamisme musulman et de la construction de mosquées beaucoup plus adaptées au marché mondial et aux choix des investisseurs ?
RépondreSupprimerBonjour à vous, JP2.
SupprimerEn fait, à travers ce recensement, je voulais montrer que les actes anti-chrétiens sont nettement plus nombreux que les actes antisémites ou antimusulmans. Je dirais dans une proportion de 1 à 100.
En revanche, ils ne sont jamais mentionnés hors la presse locale dans les médias nationaux !
Ce qui est étonnant en revanche, c'est que quand un juif ou un musulman, sa mosquée ou sa synagogue, est victime d'une agression, on en a un raz-de-marée durant plusieurs jours, avec "manifs'" et déclarations outrées des "autorités" et "bien-pensants".
Deux poids deux mesures qui me révolte.
Mais je suis bien le seul (alors qu'il est bien marqué sur tous les frontons des bâtiments public "égalité").
Par ailleurs je note qu'effectivement, les actes de christianophobies ne sont pas "politiques" mais principalement le fait de "désœuvrés" ou de "marginaux".
Rien de religieux à quelques exceptions près.
Là encore, très étonnant…
Alors oui, peut-être un fond de résurgence de "religions" anciennes.
Ce qui exclut les rites musulmans, qui est une "religion" neuve (historiquement).
Je mets des guillemets parce qu'à mon sens l'islam n'est pas une "religion" comme peut l'être les religions juive ou chrétienne : C'est une compilation de sourates écrites postérieurement (plus d'un siècle, un peu comme les évangiles chrétiennes) qui n'hésite pas à se contredire à plusieurs reprises. Pas du tout un texte dicté par "le messager" à son prophète qui serait cohérent dans son ensemble.
D'ailleurs il y a deux Corans mélangés en un seul : celui de La Mecque et celui de Médine...
Par ailleurs, ledit prophète ne vit pas selon son propre dogme et à part "fendre la lune" en deux (probablement une illusion d'optique inhabituelle) et puiser de l'eau en quantité depuis une cruche (la multiplication des pains et des poissons de Jésus) il n'a réalisé aucun miracle, type résurrection d'entre les morts (Lazare, la paralytique, l'aveugle, etc.).
Enfin, la place de la femme dans l'islam moderne est complètement à l'inverse de celle de Jésus qui sauve de la lapidation la prostituée !
C'est là son message aux juifs de son époque : Le Talmud, ce n'est pas que pour les juifs-mâles, mais pour toute la création !
C'est l'universalité du christianisme.
Fabuleux…
Et c'est probablement ce qui explique que les "religions" païennes ont pu reculer jusqu'à survivre en lambeaux.
Et l'islam serait plutôt une régression.
Mais qui a des racines historiques qui sont retracées dans la seconde partie du dernier opus (Alex cherche Charlotte) actuellement en vente chez Amazon et qui n'est pas encore en ligne. Y sont repris quelques "morceaux anthologiques" de la première croisade…
Post-époque mahométane…
Le reste, c'est le jeu normal des sphères d'influence qui passe par le monde des "idées à la mode" et donc, comme je le disais précédemment, par la démographie, ses masses et pressions, et son développement.
Rien de plus !
Bien à vous.
I-Cube