Parlons de choses sérieuses…
Biser, pas baiser ! Juste ce rituel délicat et
son nom demeurent parfois bien incompréhensibles pour ceux qui sont peu
coutumiers de ce « bisou » ou « bécot » à la fois si familier et routinier.
Je ne parle pas du baiser carnivore et anthropophage
des fortes émotions sensuelles que deux êtres de la même espèce peuvent se
procurer mutuellement, cette fois-ci.
Mais du sujet « scientifique » autour de
cette pratique universelle.
Eh oui, la bise n’est pas « typiquement Gauloisienne » !
Même si les esquimaux évitent sur leur calotte polaire en perdition…
Question de température ambiante.
D’ailleurs les hypothèses sur les origines de la bise
sont nombreuses et souvent invérifiables.
S’agit-il de la ritualisation de comportements
ancestraux, comme se renifler pour se reconnaître ou reproduire une expression
affective liée à l’enfance ?
Sur ce point, les historiens, anthropologues et autres
spécialistes des comportements humains ne sont pas parvenus à un consensus.
Disons que le fait de faire la bise (ou de se faire un
« schmoutz », de se « biser » ou de se donner une « baise », etc.) est une
habitude que beaucoup d’Anglo-Saxons croient à tort typiquement gauloisienne.
Elle ne l’est pas : On se fait aussi bien la bise dans
les pays d’Europe du Sud, à tradition catholique ou orthodoxe, que jusqu’en
Russie voire dans certains pays arabes et d’Afrique subsaharienne !
En revanche, sur le plan historique, il semblerait que
le rituel remonte à l’Antiquité, et qu’il ait connu des hauts et des bas dans
l’histoire de l’humanité moderne, tantôt interdit, tantôt valorisé.
La question se complexifie encore sur un plan
scientifique quand on cherche à tenir compte du contexte (dire bonjour, dire au
revoir, se souhaiter la bonne année, etc.), du lien de parenté des personnes
impliquées (la bise semble longtemps avoir été réservée à l’intimité
familiale), ou de leur genre.
Ainsi, la bise entre hommes a longtemps été
stigmatisée : On préférait se donner la main ou se faire une accolade entre
kouillus.
Mais on peut avoir plus de détail quant au nombre de
bises qu’il faut faire, au moins en « Gauloisie-étendue »
La question a d’ailleurs fait pour la première fois le
buzz en 2003, à la suite de la mise en ligne du site « combiendebises ».
Les dernières données collectées dans le cadre d’enquêtes
conduites entre 2016 et 2019, ont permis d’apporter de nouveaux éléments de
réflexion pour alimenter un débat.
Sur la base des réponses de plus de 18.600 internautes
ayant déclaré avoir passé la plus grande partie de leur jeunesse en « Belgie »,
en « Gauloisie » ou en « Helvétie » à qui l’on a présenté
la question « Combien faites-vous de bises pour saluer un proche ? », les
internautes devaient indiquer s’ils faisaient une, deux, trois, quatre, cinq
bises ou plus.
En Belgique, la plupart des internautes ont déclaré
faire une seule bise (les taux avoisinent les 100 %), tout comme dans la partie
nord du département du Finistère (Morlaix et Brest, où les taux sont un peu
plus bas, 70 %).
Les revendications du « Groupement de
Réhabilitation de l’Usage de la Bise Unique » y ont été entendues !
Majoritairement, les Gauloisiens font deux bises, à
part dans le Languedoc et dans la partie sud de l’ex-région Rhône-Alpes.
Un comportement que l’on retrouve en Suisse romande.
Dans la partie septentrionale de la « Gauloisie-biseuse »,
l’analyse des données montre cependant que dans ces régions, les quatre bises
sont fortement concurrencées par les deux bises.
Le fait de faire quatre bises est une habitude plus
fréquente chez les seniors que les juniors.
L’avenir dira si les quatre bises continueront à être
pratiquées dans les années à venir, ou si elles ne seront plus qu’un lointain
souvenir.
On note que « les trois bises » recouvraient
à peu près l’aire protestante du XVIIème siècle, et qu’elles
auraient été un signe de reconnaissance celui de la Trinité.
Pour les quatre bises, l’idée semblerait être que chacun
puisse poser une bise sur chacune des joues de son vis-à-vis.
Autre question passionnante : Quelle joue tendre
en premier ?
Sur les un peu plus de 11.000 participants interrogés,
15 % des répondants ont avoué ne pas savoir ou ont répondu les deux.
En excluant les réponses de ces participants, on
constate que le territoire est grosso modo divisé en deux parties :
Dans le Sud-Est et l’Est du pays, on tend la joue gauche en premier. Dans
l’autre partie, Ouest et nord-ouest, c’est la droite.
Notons toutefois l’existence de deux îlots dans
chacune de ces grandes régions : La Suisse romande et la Haute-Normandie font
bande à part.
Il est difficile d’expliquer les raisons d’être d’une
telle distribution.
Enfin, c’est un fait moins connu, la façon dont est
nommée l’action de se faire la bise (et parfois plus généralement, l’action de
se faire un bisou, pour se saluer ou non), varie d’une région à l’autre.
Sur un territoire aussi grand que celui de la francophonie
d’Europe, il n’est pas étonnant que d’une région à l’autre, les formules de
salutation, de politesse ou les dénominations de tel ou tel objet ou telle ou
telle action n’aient pas le même nom.
Naguère, à l’époque de nos arrière-grands-parents, les
dialectes assuraient cette fonction communautaire.
Les enquêtes permettent toutefois de préciser les aires
d’usage des sept verbes et expressions régionales.
Le verbe « biser », par exemple, est
aujourd’hui sorti de l’usage conversationnel, mais on le retrouve sous la plume
de nombreux auteurs du début du XXème siècle et il figure encore
dans certains dictionnaires (avec la mention familière).
Il est toujours employé dans le Centre-Ouest du pays,
où il coexiste avec la variante « biger », sans doute passée dans le « francilien-natif »
régional par l’intermédiaire des dialectes locaux (le poitevin, l’angevin et/ou
le tourangeau) qui étaient encore couramment parlé il y a un siècle.
En « Belgie », on fait une « baise » (à
quelqu’un) et ça n’a rien de sexuel : Le mot baise correspond au substantif «
baiser » que l’on le retrouve dans le mot un peu désuet baisemain.
La variante « baisse » que l’on retrouve dans une
partie de la Picardie est elle aussi à mettre en relation avec la forme locale
que prend le mot baiser dans les dialectes de cette région.
Le verbe « se boujouter », typique de la
Normandie, est construit sur le mot « boujou » qui est la forme
dialectique du « bonjour » dans cette région (… rien à voir avec la
joue).
En « Helvétie-romande », le mot bec que l’on
entend dans l’expression « se faire un bec » est un mot formé à partir du verbe
« becquer », qui a encore cours en « francilien-natif-rectifié »,
et qui signifiait à la base « donner des coups de becs, prendre par le bec ».
Mais pas pour autant « becqueter » (qui
signifie picorer).
On peut rapprocher bec de son équivalent du français
familier « bécot », qui a aussi donné le verbe « bécoter », « se
faire des bisous, s’embrasser amoureusement », « se bécoter ».
Quant au mot « schmoutz » que l’on retrouve
dans « se faire un schmoutz », il est d’origine « Teutonne » et
signifie « bisou » et aurait donné « smack » en anglais qui a l’allure
d’une onomatopée chez nous.
Les anglais se kiss…
Il est exclusivement utilisé dans les départements où
l’on parlait encore très majoritairement au début du XXème siècle
des dialectes germaniques.
Je vous
espère plus savants en ce dimanche, après ce petit résumé-là, même s’il y a encore
bien des choses à dire quant au fait de poser ses lèvres sur les parties
charnues d’autrui.
Bonne
fin de journée à toutes et à tous !
I3
Il serait intéressant de comparer les structures familiales comme le faisait Emmanuel Todd avec l'arithmétique de cette coutume. Les familles matriarcales bisent elles d'avantage que les familles patrie-linéaires ou les systèmes à maison....Et puis cette mode de se faire la bise entre amis mâles, somme toute assez récente, est-elle d'origine exotique ?
RépondreSupprimerBonjour JP2 !
SupprimerPeut-être effectivement, il faudrait que des "scienteux" se mettent à calculer tout ça et pourquoi pas en faire une "carte politique" (linguistique, celle du beurre salé et je ne sais quoi encore….) Sûr qu'il y aurait des corrélations à faire…
Ceci dit, chez les esquimaux, ils ne se bisent pas, m'a-t-on dit…
Je n'y pas allé pour vérifier, dois-je avouer.
Quant aux "mâles", chez nous ils se donnent en principe l'accolade mais les russes sont capable de se "biser" sur la bouche !
Ca, je l'ai vu faire…
C'était peut-être une exception.
Quant aux mafieux, ils se donnent le baiser de la mort. Rien à voir !
Bref, quand tu tends la joue, soit tu en prends une, soit tu tends la seconde joue et après, ce n'est plus marqué dans les textes !
Bien à vous !
I-Cube