Ils
sont hilarants !
Vous n’avez même pas été déjà voté, qu’ils se sont préparés à l’étape
suivante presque dans votre dos, la semaine dernière, comme d'un tour de chauffe.
À savoir la succession de « j’y-sais Buncker ».
Le traité européen exige une double majorité : La personnalité retenue
doit être d’abord proposée par le Conseil européen des chefs d’État et de
gouvernement, qui tranche à la majorité qualifiée, puis réunir une majorité
absolue au Parlement européen.
Alors bien sûr tout le monde cherche l’oiseau rare qui soit à la fois capable
d’imprimer une vision pour l’Europe sans faire trop d’ombre aux chefs d’État et
de gouvernement (jaloux de leurs prérogatives), et de rassembler au Parlement
une majorité plus composite que de coutume qui devrait s’étendre des
démocrates-chrétiens du PPE (première formation à Strasbourg) aux
sociaux-démocrates, en passant par les libéraux-jupitériens et, sans doute, les
écologistes.
Notez que d’autres prétendants qui ne joue pas dans la même catégorie pour
ne pas faire partie de ces « spitzenkandidaten », tel « Barre-Niée »,
le négociateur du « Brexit » à la fois membre du PPE et proche de
Jupiter.
La présidente lituanienne Dalia Grybauskaite (qui arrive en fin de mandat
le 26 mai) s’est également dite disponible.
On parle aussi de l’ancienne commissaire européenne bulgare Kristalina
Gueorguieva, directrice générale de la Banque mondiale…
Eux, ils font « le tour intérieur »…
Les six qui font « le tour extérieur » ce sont donc présentés la
semaine dernière.
Quatre hommes (le démocrate-chrétien Manfred Weber, le travailliste Frans
Timmermans, le souverainiste Jan Zahradil, le « mélenchoniste » Nico Cué) et
deux femmes (la libérale Margrethe Vestager, l'écologiste Ska Keller) qui auront
donné de la politique une image positive, de calme et de respect mutuel,
tranchant avec les débats de chiffonniers dont nous avons l’habitude en
« Gauloisie-démocratique ».
Pas de surprise dans les positionnements : L’écolologiste allemande Ska
Keller entend que la transition écologique soit la première politique
européenne, qu’elle irrigue tous les secteurs, qu’elle « verdisse »
la politique agricole.
Pourtant elle sait que son petit groupe n’est pas en mesure d’imposer un
successeur à « Buncker » mais que toutes les voix qui se porteront
sur les listes écologistes dans les urnes lui permettront de vendre le soutien
des eurodéputés écologistes au meilleur prix, à savoir un bon budget européen
franchement tourné vers la préservation du climat.
Les Verts sont à Strasbourg un groupe actif, un aiguillon qui oblige les
socialistes et démocrates-chrétiens à tenir compte de l’environnement dans leur
choix.
C’est Margrethe Vestager qui a prononcé le plus de fois le mot « ensemble
». C’est « ensemble » que les États européens doivent trouver des solutions aux
nombreux défis qui se posent à l’Union.
Le mot n’est pas choisi au hasard : La position centrale des libéraux
dans la future majorité, entre les grands groupes, démocrates-chrétiens et
socialistes, leur confère cet avantage de se poser en arbitre, en amiable
compositeur, en passeur entre la gauche et la droite.
La commissaire Vestager, la plus connue du grand public pour ses combats
contre Apple, Google, etc…, a intégré cette donnée et a toujours positionné ses
interventions sur ce mode non conflictuel, dans le rassemblement.
Les élus européens de « Jupiter » sont censés fonder un nouveau
groupe centriste dans le futur Parlement. Et Margrethe Vestager en sera l’une
des figures-clés, si ce n’est un possible « joker » dans la manche de notre
« Jupiter-national » lorsqu’il entamera, dès le 28 mai, sa
négociation avec « En-Gèle-là-Mère-Quelle » justement pour proposer
un successeur à « Buncker ».
Mais la lutte sera plus âpre entre le travailliste néerlandais Frans
Timmermans et l’allemand Manfred Weber, le candidat du PPE.
Il ne s’agit même plus de savoir si les démocrates-chrétiens seront plus
nombreux que les sociaux-démocrates dans l’hémicycle mais qui des deux sera le
plus à même de rallier les suffrages des libéraux et des Verts !
Timmermans a été le plus offensif, négociant quasiment en direct pendant
le débat en soulignant, après les interventions de Ska Keller, à quel point
elle avait raison de pousser les feux sur la transition écologique.
Timmermans a également flatté Nico Cué, l’allié de « Mes-Luches »,
en lui disant à quel point le combat de l’extrême gauche contre les accords de
libre-échange et l’opacité des négociations commerciales de la Commission avait
permis à l’Europe de progresser vers plus de transparence (les mandats sont
désormais publics) et la prise en compte des standards sociaux dans les échanges.
Le faux-kul…
Timmermans aura montré les qualités d’un redoutable bretteur pendant le
débat.
Des réparties bien senties quand le souverainiste Jan Zahradil est venu le
chatouiller sur la propension de la Commission à se mêler de trop de choses ou
sur la primauté du niveau national par rapport au niveau communautaire.
Avec de tels raisonnements, si l’Ouest n’avait pas fait preuve de
solidarité, les pays de l’Europe centrale et de l’Est n’auraient jamais touché
autant de subventions européennes depuis leur entrée dans l’Union et ne
connaîtraient pas les taux de croissance qu’ils connaissent aujourd'hui, lui aura
répliqué Timmermans.
Le « Batave » aurait dû, en tant que premier vice-président de
la Commission sortante, être accablé par ses adversaires et subir les foudres
de tous ou presque.
Rien de tout cela ne s’est produit. Timmermans a virevolté, apparaissant
comme l'homme du changement alors qu’il est celui de la continuité !
Comme si, dans sa fonction de premier adjoint de « Buncker », il
avait été freiné pendant ces cinq dernières années et que, débordant d’une
énergie spudaine autant que retenue, il piaffait d’impatience d’imprimer à l’Union
un rythme soutenu de réformes...
Manfred Weber faisait lui aussi figure de sortant : Président du
premier groupe parlementaire, allié de « Buncker » comme co-membre du
PPE, Weber assume les choix des cinq dernières années puisqu’aucune majorité
parlementaire n’a pu se faire sans l’implication du PPE.
Forcément, pour Ska Keller, le PPE est trop timoré sur la transition
écologique. Naturellement, l’Allemand Weber, qui vient du pays qui construit et
exporte partout dans le monde le plus d’automobiles, ne va pas bazarder du jour
au lendemain les emplois industriels de ce secteur, fussent-ils polluants :
Il se veut le garant d'un équilibre entre la transition écologique
indispensable – il n’en disconvient pas – et la préservation des emplois, et
mise sur l’innovation pour résoudre cette équation.
Dès lors, entre Vestager, Weber et Timmermans, on voit se dessiner ce que
sera le prochain mandat de la Commission, quel que soit son président, même si,
in fine, aucun de ces trois ne le
deviendra.
Une Europe qui s’orientera vraisemblablement vers la fin des énergies
fossiles, qui tentera de dépasser ses blocages par l’abandon de la règle de l’unanimité
dans les domaines de la fiscalité ou de la politique extérieure.
Une Europe qui s’armera probablement dans un monde cerné de nouveaux
empires dangereux.
Une Europe qui tentera certainement à la fois de maîtriser ses frontières,
d’harmoniser sa politique de l’asile et proposera à l’Afrique un plan de
développement qui dissuade les candidats à la migration.
Une Europe également tournée vers l’innovation (intelligence artificielle,
médecine, etc.) et la protection des données personnelles.
Rien que l’actuelle Commission « Buncker » n’a pas déjà proposé
avec des succès et des échecs quand les États membres, souvent coincés par leur
logique de court terme, ne parviennent pas à dépasser leurs divergences.
Sans bonne volonté, l’Union n’avancera pas plus vite.
Or les bonnes volontés se font plus rares à mesure que les populistes
arrivent au pouvoir, soit directement comme en Italie, soit par alliance comme
en Autriche…
Dans ce débat, Jan Zahradil a incarné une sorte de « nationalisme pépère
». Aucune trace de fascisme chez ce scientifique tchèque (associé en Gauloisie-éternelle
à « Dupont-Gnagnan », dont il n’épouse pourtant pas les outrances).
Que dit-il en substance ?
Qu’il vient d'un pays qui a connu le joug communiste et qui, de fait, est
plus sensible à la notion de souveraineté nationale fraîchement recouvrée. Il
redoute un surpoids de l’Europe sur la vie de son pays et souhaite mettre à l’abri
de toute ingérence l’identité des peuples, surtout vis-à-vis d’une immigration
imposée par quotas et leurs particularismes.
Il estime naturellement que l’échelon national est bien meilleur pour
gérer les problèmes économiques, que la Commission ne crée pas les emplois,
lesquels sont le fait des entreprises, et qu’au mieux le rôle de celle-ci
consiste à créer les meilleures conditions possibles.
Il ne souhaite pas abandonner la règle de l’unanimité, car il croit en la
compétition fiscale entre les États là où Manfred Weber y croit aussi, sauf
quand les Gafa en profitent pour ne pas payer d'impôt !
Il estime également que la politique étrangère relève des États et que l’adoption
d’une position commune à la majorité qualifiée ne peut en aucune façon
fonctionner entre des nations souveraines aux positions parfois frontalement
antagonistes.
Il cite en exemple la « Gauloisie » et la « Ritalie »
qui, à propos de la Libye, se divisent sur le soutien apporté au gouvernement «
d’union nationale » de Tripoli ou à la rébellion du maréchal Haftar.
Inconciliable…
Mais en réalité, quand on lui demande quelles compétences actuellement
exercées par la Commission devraient revenir aux États membres, il n’en cite,
en vérité, aucune. Zahradil n’a de prévention que contre celle que les autres
candidats voudraient conférer à l’Union à l'avenir.
Le statu quo lui va très bien : Une
Europe qui soit uniquement un marché commun, de libre compétition, qui conclue
des accords de libre-échange avec le monde entier.
Il ne faut donc pas confondre le souverainisme de Zahradil (membre du
groupe ECR) avec celui de « Marinella-tch-tchi » du « Air-Haine »
(membre du groupe ENL) : Ils n'ont rien à voir.
Et puis, à la gauche de la gauche, Nico Cué, le syndicaliste belge, qui était
le seul à s’exprimer en « francilien-natif » lors du débat en raison
de son anglais qui n’est pas assez « fluide »).
C’est le « Mes-Luches » sans « Mes-Luches »…
Il a d’abord rappelé qu’il était le fils d’un mineur espagnol qui a trouvé
refuge en Belgique. Fils de migrant, il estime que « l’immigration est une chance » et que l’Europe, ce continent qui
vieillit, en aura besoin.
Loin des accents robespierristes de « Mes-Luches », Cué s’exprimera
avec retenue.
Il regrette que les beaux discours de Weber et Timmermans ne se soient pas
souvent traduits par des actes et déplore les décisions austéritaires de la
Commission qui ont conduit à la dérégulation du marché du travail dans certains
pays.
Les traités de libre-échange, dit-il, ont fait entrer la mondialisation
sauvage dans l'Union, poussant à « réduire
les pensions » et à « reculer l'âge
de la retraite » en précarisant un peu plus encore l’emploi des jeunes.
Selon lui, l’heure est venue de rebrousser chemin en systématisant le CDI,
en stoppant les « contrats zéro heure
» et en légiférant en faveur d’un « smic au-dessus
du seuil de pauvreté ».
Précisons que cette idée d’un salaire minimal est assez partagée par les
autres candidats, sauf Zahradil.
Sur ce volet social, Timmermans aura d’ailleurs précisé qu’il faut élargir
« Erasmus » à tous les jeunes et abaisser l’âge du droit de vote à 16
ans…
Bref, un panel de quelques-uns qui n’ont aucune chance de remplacer « Buncker ».
Sauf surprise.
Un débat surréaliste, finalement : Personne ne sait vraiment ce qui
va sortir des urnes dimanche prochain, mais ils tentent déjà de se partager la
dépouille et fixent « les lignes ».
De qui en rire bruyamment…
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