Pas de bornage sans limite !
C’est toujours ce qu’en disait mon « Papa-à-Moâ »
(celui qui me prend toujours aux tripes quand je l’évoque…) : « Quand
tu dépasses les bornes, il n’y a plus de limite ! »
Et inversement : Tu ne peux pas poser des bornes sans limites…
Confirmation par cet l’arrêt de la Cour de cassation
ci-après rapporté dans laquelle elle rappelle le principe « bornage sur bornage
ne vaut » et même sa caractéristique, selon lequel « une action en bornage
est recevable, malgré un bornage antérieur, seulement si la ligne séparative
est devenue incertaine ».
Autrement dit, le bornage rend irrecevable toute nouvelle action tendant aux mêmes fins, sauf à ce que la limite séparative, du fait de la disparition de tout ou partie des bornes, soit devenue incertaine…
On en a fait une spécialité, en « Corsica-Bella-Tchi-tchi » : Des bornes qui se déplacent la nuit et des cadastres qui sont victimes d’attentat à l’explosif…
Texte intégral
Audience publique du 28 mars 2024
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 175 FS-B
Pourvoi n° K 22-16.473
Et inversement : Tu ne peux pas poser des bornes sans limites…
Autrement dit, le bornage rend irrecevable toute nouvelle action tendant aux mêmes fins, sauf à ce que la limite séparative, du fait de la disparition de tout ou partie des bornes, soit devenue incertaine…
On en a fait une spécialité, en « Corsica-Bella-Tchi-tchi » : Des bornes qui se déplacent la nuit et des cadastres qui sont victimes d’attentat à l’explosif…
Audience publique du 28 mars 2024
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 175 FS-B
Pourvoi n° K 22-16.473
R É P U B L I
Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU
PEUPLE FRANÇAIS
M. [W] [T], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 22-16.473 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2022
par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [R] [P],
2°/ à Mme [N] [K], épouse [P],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 16 mars 2022), M. [T] est propriétaire d'une parcelle cadastrée D n° [Cadastre 1]. M. et Mme [P] sont propriétaires de la parcelle contiguë cadastrée D n° [Cadastre 2].
2. Se plaignant de l'empiétement sur sa parcelle d'un mur édifié par M. et Mme [P], le long d'une partie d'une clôture grillagée et partiellement murée installée par les auteurs de M. [T], ce dernier les a assignés en bornage.
Énoncé du moyen
3. M. [T] fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors :
« 1°/ qu'une demande en bornage est recevable dès lors que la disparition des bornes antérieurement implantées ne permet plus de matérialiser, sur place, la limite séparative des fonds ; qu'en exigeant la preuve que les limites découlant d'un précédent bornage aient été perdues et ne soient plus déterminables depuis plus de trente ans, ajoutant ainsi à la loi une condition n'y figurant pas, la cour d'appel a violé l'article 646 du code civil ;
2°/ que le droit de se clore appartenant à tout propriétaire d'un fonds ne le prive pas de son droit au bornage de sa propriété ; qu'en affirmant que la limite séparative des deux fonds était, depuis 1989, matérialisée par une clôture grillagée, dont la mitoyenneté n'était pas alléguée, cependant que cet élément séparatif ne pouvait avoir le statut de bornes présupposant une délimitation préalable des terrains concernés, la cour d'appel a violé les articles 646 et 647 du code civil ;
3°/ qu'en se contentant de relever que « l'(exposant) n'expliquait pas les raisons pour lesquelles, lorsque ses parents avaient fait procéder à l'érection d'un mur de 17 mètres de long (sic), ils auraient utilisé une autre limite que celle qui avait été déterminée » et qu'« il n'était pas possible de concevoir qu'ils auraient choisi eux-mêmes, pour cette érection, un emplacement en deçà de la limite, ce qui (aurait été) évidemment contraire à leurs intérêts et à ceux de leur ayant droit », pour en déduire que la clôture grillagée avait été installée à l'emplacement même de la limite séparative déterminée par un précédent bornage, se prononçant ainsi par des considérations abstraites et de portée générale, sans vérifier, au vu des documents produits, notamment l'attestation de M. [I] versée aux débats d'appel et le plan établi le 9 juillet 2020 par le cabinet Branly-Lacaze, que, conformément à la réglementation locale, ladite clôture, dont le caractère privatif n'était pas contesté, avait été implantée en retrait de la limite séparative matérialisée en 1984 par des bornes, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l'article 646 du code civil. »
4. Il résulte de l'article 646 du code civil que le bornage rend irrecevable toute nouvelle action tendant aux mêmes fins, sauf à ce que la limite séparative, du fait de la disparition de tout ou partie des bornes, soit devenue incertaine.
5. La cour d'appel a, d'abord, constaté, par motifs propres et adoptés, qu'un bornage amiable avait été réalisé et des bornes implantées en mars 1984, avant l'acquisition des parcelles par les parties.
6. Elle a, ensuite, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche, souverainement retenu, au vu de l'analyse effectuée par un géomètre, d'une attestation et de photographies versées aux débats, que si les bornes avaient disparu, la limite résultant du bornage ne pouvait pas être regardée comme perdue, puisque les auteurs de M. [T] l'avaient eux-mêmes consacrée en implantant sur l'emplacement de celle-ci, en 1989, une clôture grillagée que M. [T] avait ultérieurement remplacée pour partie par un mur.
7. Ayant ainsi fait ressortir que la limite séparative n'était pas devenue incertaine, elle en a, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, et sans méconnaître les dispositions de l'article 647 du code civil relatives au droit de se clore, exactement déduit que l'action en bornage de M. [T] était irrecevable.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille vingt-quatre.
Outre la nécessité du bornage, on peut également affirmer ici le caractère définitif du bornage : Il n’y a lieu à un nouveau bornage que si les bornes ont disparu.
Or, bien souvent, le bornage est suivi de l’édification de clôtures par les propriétaires des fonds. Alors, lorsque les bornes « ne paraissent plus » mais qu’une clôture a été érigée à l’emplacement de la ligne séparative, est-ce qu’une action en bornage est recevable ?
Telle était en définitive la question posée à la Cour de cassation par l’espèce.
Les juges de la Cour d’appel n’ont pas fait droit à sa demande au motif d’abord, qu’un bornage amiable avait été réalisé en mars 1984 et, ensuite, que « la limite résultant du bornage ne pouvait être regardée comme perdue » malgré la disparition des bornes puisqu’une clôture grillagée, remplacée en partie par un mur, avait été implantée sur l’emplacement de la limite déterminée par le bornage.
Bon, euh… là, ça n’a jamais trop gêner les bergers corses de poser des murets au-delà des bornes existantes, mais bon, dans l’affaire, on est sur le continent des pinzuti des bords de Loire…
Une « autre dimension » en somme.
Et ainsi, la Cour de cassation rappelle d’une part le principe « bornage sur bornage ne vaut » et, d’autre part, le tempérament à ce dernier, une limite séparative devenue incertaine.
Ainsi, dès lors que les opérations de bornage entre deux fonds contigus ont été menées jusqu’à leur terme, une fin de non-recevoir est opposée au demandeur à l’action.
En revanche, c’est lorsque la délimitation, soit l’identification de la ligne séparative, a été faite mais que l’implantation de bornes n’a pas eu lieu pour constater légalement cette ligne divisoire, alors l’action en bornage est recevable.
Parce que s’il n’y a pas de limite, il ne peut pas y avoir de bornage.
Autrement dit mon « Papa-à-Moâ » (celui qui me prend toujours aux tripes quand je l’évoque…) avait parfaitement raison d’affirmer que « quand tu dépasses les bornes, il n’y a plus de limite ! »
Même la Cour de cassation n’ose pas le contredire…
C’est plutôt rassurant, finalement !
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Постскриптум: Алексей Навальный умер в заключении за свои политические взгляды. Россияне обрекают себя на всю жизнь нести весь позор!
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