Elle est pourtant sensationnelle…
Mais comme en disait le « Chi », « ça
m’en touche sans faire bouger l’autre… ».
Figurez-vous que nous ignorions tous que les membres
du Conseil Constitutionnel, gardiens du texte fondateur de la Vème République
et de la validité des lois votées par le Parlement, prenaient des « libertés »
avec le denier public et les règles – constitutionnelles – d’engagement de
celui-ci.
Et c’est l’IFREP qui me l’aura relevé, sans pour
autant que personne ne s’inquiète ni ne relève cette incongruité monstrueuse.
Il faut dire qu’au même moment, le « Sinistre des
finances » publiques se te vous présentait son budget 2021 (un gros
morceau de bravoure) et que celui de la Santé nous racontait, droit dans les yeux
(et ses bottes), que le « Conard-virus » était devenu intelligent :
Il est particulièrement dangereux et contaminant dans les bar-brasseries de 22
heures à 6 heures du matin !
Quand tu es debout au comptoir, pas quand tu es assis
à te restaurer…
Un gros malin !
À part ça, ils espèrent encore qu’on ira voter pour
eux aux prochaines régionales – après avoir encaissé plusieurs claques et
quelques coups de pieds au kul – pour renouveler « Jupiter » dans son
boulot « de dans deux ans »…
Revenons à nos « magistrats suprêmes ».
En résumé, depuis des décennies, les membres du
Conseil constitutionnel se sont fait octroyer des rémunérations et avantages
indus pour environ 26 millions en euro courants, soit beaucoup plus encore en
euros d’aujourd’hui.
Notez que ce ne sont pas les seuls, puisque les « députacrouilles »
se sont votés des « facilités » depuis toujours mais désormais « encadrées »
et que les Sénateurs en ont fait autant avec la bénédiction des exécutifs qui
se sont succéder durant toute cette époque.
Il n’y avait pas de raison que les juges
constitutionnels n’en fassent pas autant, eux qui sont plus que « méritants »
dans la mesure où ils ont le pouvoir de censurer les permiers.
On découvre ainsi :
« • que du 1er janvier 1960 au 31
décembre 2000, les membres du Conseil constitutionnel avaient soustrait
irrégulièrement leurs rémunérations à l’impôt sur le revenu pour un montant
total estimé à quelque 6 millions d’euros courants.
• que sur la période courue du 1er janvier
2001 au 30 juin 2020 les membres du Conseil constitutionnel ont perçu des
indemnités de fonction irrégulières pour un montant évalué à quelque 16 millions
d’euros courants, et 20 millions d’euros courants si l’on y ajoute les charges
patronales.
Ces sommes ont été décidées et versées en catimini,
sans respect des formes et procédures constitutionnelles prévues au titre de la
rémunération des membres du Conseil constitutionnel.
Nous ne pouvons pas imaginer, bien sûr, que ces
magistrats aient pu être ainsi achetés.
Mais il est pour le moins troublant que ceux qui
doivent veiller au respect de la Constitution soient ainsi les premiers à
frauder les règles constitutionnelles. Sommes-nous encore dans un état de droit
? »
en dit l’IFREP.
Et de rajouter : « Notre but n’est pas en
effet de polémiquer, mais de replacer clairement l’affaire dans tout son
contexte. On s’aperçoit alors que, volens nolens, le Conseil constitutionnel
s’est laissé enfermer depuis longtemps et pour des montants non négligeables
dans une contradiction flagrante avec une Constitution dont il est normalement
le gardien attitré et que cette situation sans précédent soulève un certain
nombre de questions graves sur notre prétendu état de droit. »
Tout le monde connait les missions du Conseil
Constitutionnel : Il est d’abord chargé du contentieux électoral, ainsi
que de la validation des élections nationales (président de la République,
députés, sénateurs) et des résultats des référendums.
Son rôle de loin le plus important est de veiller au
strict respect de la Constitution, en exerçant son contrôle sur l’ensemble des
lois, sur certains règlements et sur les traités qui lui sont soumis avant leur
promulgation ou leur ratification, soit d’office s’il s’agit de lois
organiques, soit sur demande du président de la République ou de parlementaires
(60 députés ou 60 sénateurs au moins) s’il s’agit d’autres textes.
Il peut également être amené à intervenir sur tout
contentieux où l’une des parties invoque une question prioritaire de
constitutionnalité (QPC).
Et la rémunération de l’ensemble des membres siégeant
au Conseil, inclus le président, est réglée conformément à l’article 63 de la
Constitution par l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.
Bien…
Or, le problème soulevé vient de ce que les
rémunérations perçues effectivement depuis six décennies par tous ses membres
ne correspondent pas vraiment à celles prévues par l’ordonnance susvisée :
« Pour être clair, il nous faudra distinguer au titre des 60 dernières
années deux périodes distinctes – l’une de 41 ans du 1er janvier
1960 au 31 décembre 2000, l’autre de presque 20 ans du 1er janvier
2001 au 30 juin 2020. »
En effet, pour chacune de ces deux périodes et en
éludant systématiquement la loi organique exigée par l’article 63 de la
Constitution, l’Exécutif privilégia des moyens différents pour assurer aux
membres du Conseil et à leurs présidents des avantages individuels substantiels
par rapport au texte de l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 et qu’il
me faut reprendre :
« Article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 : Le
président et les membres du conseil constitutionnel reçoivent respectivement
une indemnité égale aux traitements afférents aux deux catégories supérieures
des emplois de l’État classés hors échelle ».
Et de préciser que les deux catégories supérieures « hors
échelle » visées ouvrent sur les lettres F et G de la grille des
traitements de la fonction publique d’État :
– La lettre F pour les membres correspond au
traitement indiciaire d’un président de section au Conseil d’État,
– La lettre G pour le président correspond au
traitement indiciaire du vice-président du Conseil d’État.
En outre, il est important d’insister sur le fait que
l’ordonnance précise bien que l’indemnité est « égale » aux
traitements précités. L’indemnité en cause ne se confond donc pas avec la
rémunération des emplois considérés, qui ajoute au traitement indiciaire de
base des primes, des indemnités et d’autres accessoires, dont certains d’ordre
personnel ou familial.
Elle n’est pas non plus, contrairement à ce que
prétend une réponse ministérielle, fixée « par analogie » avec
lesdits traitements et bien qu’assise sur un traitement indiciaire, elle
n’ouvre pourtant pas droit à retraite.
« Les références étant ainsi posées, il reste
à voir comment l’Exécutif s’y est pris pour les contourner sur les deux
périodes précitées, afin de réserver à chacun des membres du Conseil
constitutionnel des ‘‘avantages’’ substantiels qui, sur les six décennies où
ils se sont poursuivis, n’ont cessé de faire débat et d’interpeller les
juristes les plus éminents. »
Des avantages qui auront été accordés en court-circuitant
sciemment le Parlement : Non seulement, ils ne reposent sur aucune loi
organique, mais ils sont tout simplement « hors la loi ».
Première « anomalie » : Une décision
ministérielle de 1960. Elle remonte précisément au 11 janvier 1960. Elle n’est
ni datée, ni publiée et elle indique sous l’autorité de M. « Giskard-A-la-barre »,
alors secrétaire d’État aux Finances, que : « Le Premier ministre
de l’époque (« Michou-Deux-Braies ») a donné son accord à ce
que la fraction de l’indemnité perçue par les membres du Conseil
constitutionnel qui est regardée comme représentative de frais puisse être
portée de 30 à 50 %. Les Services de la comptabilité du Conseil constitutionnel
ne devront, en conséquence, mentionner dans la déclaration des traitement et
salaires adressée au Service local des Contributions directes qu’une somme
égale à la moitié de l’indemnité allouée à chaque bénéficiaire »…
Et hop, une petite « niche fiscale » qui
prend de l’ampleur…
Une première difficulté tient en effet à la référence
au taux antérieur de 30 %, censé exonérer la partie de l’indemnité considérée
comme représentative de frais, alors que le taux forfaitaire d’abattement de
droit commun des mortels était de 10 % du salaire net déclaré.
En effet, il existe bien dans la loi fiscale une
déduction forfaitaire spécifique de 30 % (et d’ailleurs annuellement plafonnée)
réservée à certaines professions (représentants, personnel navigant,
journaliste, tailleuse de pipe de Saint-Claude, etc.) dont les frais
professionnels ordinaires excédent notablement la référence commune de 10 %.
Mais on ne trouve pas dans les textes de mention
visant les membres du Conseil constitutionnel et l’article 6 de l’ordonnance du
7 novembre 1958 qui reste muet sur ce point.
Là, ce qui choque mes collègues « fiscalistes »,
c’est d’ailleurs l’ampleur relative de l’écart résultant entre l’abattement de
droit commun de 10 % reconnu par la loi fiscale et celui « dérogatoire »
de 50 % accordé subrepticement par l’Exécutif pour des échelles-lettres qui ne
portent pas expressément ce privilège : Un « passe-droit » d’origine
« doctrinale » (émis par le Secrétaire d’État compétent pour faire).
Les jurisconsultes (privés) en matière de fiscalité auraient
commencé à se diviser sur cet abattement forfaitaire de 50 %, alors bien
évidemment qu’aucun membre du Conseil n’était en mesure de justifier un tel
niveau de frais professionnels.
Le premier à porter le fer fut mon professeur
Jean-Jacques Dupeyroux (« JJD », celui du « baisez, mais
baisez donc » en cours de droit de la Sécurité sociale et l’ampleur
des défis à venir sur les régimes de retraite, il y a 40 ans de ça…) qui, à
l’automne 1990, dénonça vivement l’entorse faite à la loi.
À l’été 1994, un député « soce », M. « Burne-Pur-Porc »,
interpelle le ministre du Budget – en l’occurrence « Bling-bling » – sur
la base législative exacte de l’abattement.
Le « Sinistre » se borna, sans convaincre, à
invoquer « l’existence d’une doctrine administrative fiscale ».
Nullement découragé, le professeur « JJD » revient
à la charge dans un nouveau mémoire en 1998. Il reçut peu après l’appui de « Mon
Pape-à-moâ », le professeur Maurice Cozian, fiscaliste 10ème
dan devant l’Éternel, très critique lui aussi sur la légalité de cet avantage.
C’est ensuite que le président du Conseil
constitutionnel, sentant la situation lui échapper, se rapprocha de l’Exécutif
pour tenter de substituer rapidement un nouveau texte à l’ancien tant décrié.
On peut polémiquer à souhait : Une doctrine
fiscale (administrative) est opposable à l’administration fiscale tant qu’elle
n’est pas rapportée.
Encore faut-il qu’elle soit publiée au JO de la République
ou au Bulletin fiscal et qu’on puisse la retrouver dans la « doc de base »
de l’administration.
Or, ni « Giskard-A-la-Barre » ni « Bling-bling »
ne le font, le second ne faisant que l’évoquer dans sa réponse ministérielle.
Notez toutefois qu’il est deux procédés : L’article
L.80 A du LPF (Livre des Procédures fiscales) qui exige une publication et le
L.80 B du LPF baptisé « rescrit » où un contribuable pose une
question à l’administration sur sa situation et elle émet un avis qui lui sera
opposable.
(Plus le L.80 C qui autorise le contribuable à réaliser
certaines opérations sous conditions).
Or, il existe des relevés de « rescrits »
dont on peut se servir pour dénouer quelques situations particulières, et là, pour
ce qui est des membres du Conseil Constitutionnel, on n’en trouve aucune trace.
Conscient du danger et face à l’accusation de « République
bananière » lancée crûment par le professeur « JJD », le Conseil
réunit ses membres le 2 octobre 1990 et au-delà d’un certain agacement, la
teneur des échanges laisse paraître sans aucun doute possible que, dès cet
instant, les « Sages » sont parfaitement au courant du problème juridique
(ce sont des « pro » très pointus en la matière) et de la difficulté
de maintenir leur avantage (« on ne peut contester la matérialité des
faits » s’exclame Monsieur Faure ; cf. procès-verbal de la
délibération du Conseil Constitutionnel en date de 2 octobre 1990), même s’ils
hésitent sur la conduite à adopter vis-à-vis de l’opinion, avant de convenir
que le silence était probablement la meilleure solution.
« Wait and see », donc.
Par conséquent, dès la réunion d’octobre 1990, le
Conseil avait rassemblé assez d’éléments pour se convaincre du caractère
juridiquement scabreux de l’abattement dérogatoire qui lui avait été consenti
trente ans plus tôt.
On reste donc stupéfait qu’il ait fallu attendre
encore une dizaine d’années pour que son président « Yvon-Guai-na »,
obtienne la régularisation d’une situation particulièrement « inélégante »,
de l’aveu même d’un des membres.
Malheureusement le remède s’avéra bien pire que le
mal, au grand dam du Trésor et par conséquent du contribuable.
Quoi qu’il en soit, le 16 mars 2001, Mme « Floflo-Part-lit »,
alors Secrétaire d’État au Budget dans le Gouvernement de « Tonton Yoyo »
(elle mange à tous les râteliers, celle-là… puisqu’elle est actuellement « Sinistre
de la guerre » de « Jupiter »), faisait savoir par une lettre
non publiée adressée au président du Conseil constitutionnel, qu’« à sa
demande, la décision ministérielle du 11 janvier 1960 relative aux indemnités
des membres du Conseil constitutionnel était abrogée (ce qui confirme bien
qu’entretemps aucune loi organique ne l’avait reprise, contrairement aux
exigences dela théorie de la hiérarchie des textes) et que cette abrogation
et la suppression de l’abattement forfaitaire de 50 % pour les frais
professionnels qui en résulte s’appliqueront aux revenus perçus à compter du 1er
janvier 2001 ».
Elle poursuit : « La rémunération des
membres et du président du Conseil constitutionnel est (à compter du 1er
janvier 2001) complétée, d’une indemnité fixée par référence au régime indemnitaire
des hauts fonctionnaires, dont les emplois relèvent des catégories visées à
l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 relative au Conseil
constitutionnel. Le montant brut annuel de cette rémunération s’élèvera en
conséquence à 954.017 francs pour le président et à 833.357 francs pour les
membres »…
Cette lettre-là revient certes à l’indemnité
constitutionnelle prévue par l’ordonnance de 1958, mais en la complétant d’une
autre indemnité de fonction à la discrétion du Gouvernement qui n’a jamais
été prévu par le texte fondateur !
D’autre part, on remarquera la haute flexibilité de
cette référence, qui laisse en réalité le pouvoir à peu près libre de
déterminer comme il l’entend la rémunération des « Sages ».
C’est d’ailleurs ce qu’il fait en fixant à compter du
1er janvier 2001 à 954.017 francs (soit la contre-valeur de 145.439
€) l’indemnité annuelle du président et à 833.357 francs (soit la contre-valeur
de 127.044 €) celle également annuelle des autres membres : De bons postes,
car il s’agit d’assurer l’indépendance, au moins financière et des contraintes
de la vie matérielle, desdits magistrats…
En contrepartie de ce vigoureux coup de pouce qui
déborde les classes F et G ci-dessus évoquées des fonctionnaires « hors-cadre »,
elle répond à la revendication des « Sages » de voir leur
rémunération fortement réajustée, leurs indemnités rejoignent en droit fiscal
le régime de droit commun des traitements et pensions.
Il est vrai que, par rapport aux rémunérations
antérieures, l’Observatoire de l’Éthique Publique qui a fini par obtenir de
haute lutte les bulletins de paye nécessaires, note que la revalorisation pour
un membre fait un bond en brut mensuel de 6.968 € à 10.951 €, soit un gain
mensuel de 3.983 € ou une augmentation de + 57 % (on est en 2001…), ce qui
dédommage fort généreusement les Sages de l’abandon de leur ancien avantage
fiscal.
« Ceci confirme une nouvelle fois le caractère
inévitablement approximatif de toutes les reconstitutions que l’on peut tenter
d’opérer de l’extérieur dans ce qui fait incontestablement partie des « zones
grises de la République » », en assume l’IFREP…
Naturellement, la lettre de « Flo-Flo » non
publiée, enjambe l’exigence de loi organique, expressément exigée par l’article
63 de la Constitution afin de modifier la rémunération des membres et du
président du Conseil constitutionnel.
Elle n’a donc absolument aucune valeur juridique pour être
rigoureusement inconstitutionnelle !
Depuis, un peu dans la panique et en profitant de la
réforme des retraites en cours, le Gouvernement saisit alors le premier projet
de loi organique à sa portée, ce qui confirme implicitement et a contrario qu’entretemps
la décision ministérielle du 16 mars 2001 n’avait jamais reçu le moindre
soutien organique !
On sait que toute modification de l’article 6 de
l’ordonnance de 1958 ne peut passer que par une loi organique. Or, l’article 4
du projet de loi organique sur le système universel de retraite, le
Gouvernement a glissé subrepticement dans son projet la disposition qui suit (qui
n’a rien à voir avec les retraites de la « piétaille ») :
« 1 – L’article 6 de l’ordonnance n° 58‑1067 du 7
novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est remplacé
par les dispositions suivantes :
« Art. 6. – Le président et les autres membres du
Conseil constitutionnel perçoivent une rémunération égale au traitement
afférent respectivement aux deux premiers groupes supérieurs des emplois de
l’État classés hors échelle, complétée par une indemnité de fonction dont le
montant est fixé par arrêté du Premier ministre et du ministre chargé du
budget.
« Lorsque le président ou un autre membre est
titulaire d’une ou plusieurs pensions de retraite de droit direct, le montant
de l’indemnité de fonction est réduit chaque année à due concurrence du montant
des pensions perçues.
« Le président et les autres membres sont affiliés à
l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, au titre du
système universel de retraite.
« II. – Les deux premiers alinéas de l’article 6
de l’ordonnance n° 58‑1067 du 7 novembre 1958 précitée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel dans leur rédaction issue du I s’appliquent aux
personnes devenues membres du Conseil constitutionnel en application des
premier et deuxième alinéas de l’article 56 de la Constitution après l’entrée
en vigueur de la présente loi organique.
Le troisième alinéa de l’article 6 de la même
ordonnance entre en vigueur le 1er janvier 2025 pour les membres du
Conseil constitutionnel nés à compter du 1er janvier 1975.
L’article 6 de la même ordonnance reste applicable
dans sa rédaction antérieure à la date d’entrée en vigueur de la présente loi
organique aux membres du Conseil constitutionnel qui ne sont pas mentionnés au
premier alinéa du présent II. »
Il s’agit manifestement de faire passer à la sauvette
une réforme pour l’avenir des rémunérations des membres du Conseil constitutionnel,
en l’attelant de force au train de la réforme du système universel des retraites.
Pour l’instant le projet a été adopté le 5 mars
dernier en première lecture par l’Assemblée Nationale, juste avant le
confinement.
Inutile de dire que cette disposition devrait
rapidement interpeller les sénateurs, dès qu’ils se saisiront du texte, pour
peu que le Gouvernement entende maintenir un projet fort mal parti et assez mal
ficelé. Et même si la majorité au pouvoir à l’Assemblée parvient en définitive
à imposer sa volonté, nul doute que ce texte sera contesté ... devant le
Conseil constitutionnel qui s’en saisira de plein droit, puisqu’il il s’agit
d’une loi organique !
Et là, il va se trouver en plein conflit d’intérêts
(mais notre Constitution n’a cure de pareilles vétilles) avec le choix, soit,
en sacrifiant ainsi le sort de sa propre rémunération d’interdire à un projet de
loi organique de colporter des dispositions étrangères à son objet, soit de
valider au contraire cette dernière en couvrant ce qui ressemble fort à une « embrouille »,
à une incohérence ou à un passage en force.
Le plus drôle, c’est qu’on rappellera en effet et en
tant que de besoin que le 28 juillet 2016, par une décision N° 2016-732 DC, le
Conseil avait formellement censuré une disposition « ne présentant pas
de liens, même indirects, avec les dispositions du projet de loi organique
déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale ».
À suivre donc…
De toute manière, pour l’instant et alors que le
projet respecte encore le caractère non rétroactif de la loi, on ne voit pas
comment en l’état actuel des textes, le Conseil pourrait échapper au moins dans
le cadre de la prescription à la remise en cause d’un avantage mal né et qui a
fortement préjudicié aux intérêts du Trésor.
Tout cela pose finalement de sérieux problème et au
moins de trois ordres, d’après l’IFREP :
1. Au plan personnel pour chaque membre, comme pour
chaque président, puisqu’aucun d’entre eux n’a eu le réflexe de vérifier ou de
faire vérifier la régularité de sa propre rémunération ou des avantages qui y
étaient attachés.
N’oublions pas en effet que le Conseil est
majoritairement constitué de juristes avertis (notamment plusieurs chefs de
hautes juridictions des ordres tant administratif que judiciaire, plusieurs
avocats et universitaires de renom, sans compter les ex-premiers ministres,
ex-garde des Sceaux, ex-présidents de la République, ex-présidents de
l’Assemblée Nationale et ex-ministres des Finances etc.). Bref, pour la
plupart, d’éminents spécialistes rompus à la compréhension des textes, c’est tout
de même particulièrement inquiétant…
2. Les défaillances liées au contrôle interne, où il
faut signaler l’implication conjointe des services ci-après :
– Le secrétariat général du Conseil, constamment
dévolu à un Conseiller d’État, normalement au fait des impératifs
constitutionnels qui s’imposent au Conseil ; - tout le circuit budgétaire et
comptable de la dépense : Ordonnancement, contrôle des dépenses engagées et
vérification de la régularité du payement, ordonnateurs, contrôleurs et
comptables, tous ont oublié… la Constitution !
– Les services de la législation fiscale qu’auraient
dû interroger les initiatives à la fois extra-législatives et extraconstitutionnelles
du Gouvernement, à moins que la duplicité de ce dernier ait été telle qu’il ne
les ait pas consultés !
Mais aussi le contrôle « externe » :
– L’Inspection des Finances qu’aucune des différentes
alertes publiques n’a réussi à mobiliser ;
– Le contrôle du Parlement indignement baladé par
l’Exécutif dans ses réponses évasives ou ses fins de non-recevoir opposées aux
questions des parlementaires ;
– La Cour des comptes, dont – sans doute pour des tas
de raisons, parmi lesquelles les réticences du Conseil – la démarche de
certification est passée outre, sans mettre fin énergiquement et d’urgence à un
dysfonctionnement pourtant majeur et coûteux du Conseil ;
– La HATVP enfin, que l’importance de la rémunération
déclarée par Madame « Belle-ou-bête » par rapport à la grille
indiciaire de la fonction publique n’a pas incitée à poursuivre plus avant ses
vérifications.
3. Au plan politique enfin, comment contenir l’effet
délétère produit sur l’opinion saturée ces dernières années d’accommodements et
de passe-droits en tous genres ? Vous savez le retour des privilèges de l’Ancien
régime…
Que dire pour rassurer le contribuable qui se demande
combien va lui coûter encore tout ce qui demain va se tramer discrètement en
sous-main entre nos « élites » politiques, administratives et
juridictionnelles pour faire le moins de vagues possible ?
Comment restaurer l’image du Conseil qui risque d’être
mise à mal par ces révélations – ou plutôt par la confirmation de ces
révélations, puisque les premières remontent pratiquement à 30 ans – plus que
gênantes ?
« Les conclusions de l’Observatoire de
l’éthique publique sont sans appel : ‘‘Il est inconcevable que la
rémunération des membres d’une Cour suprême ne soit pas conforme au droit, mais
relève d’un bricolage’’.
D’un bricolage qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler
l’ancien usage des épices, par lequel un plaideur cherchait à s’attirer la
bienveillance du juge (de l’Ancien régime), sauf qu’en l’espèce le
plaideur d’aujourd’hui, c’est… l’État et les épices… ce sont désormais nos
impôts ! »
« JJD » aurait-il eu raison en qualifiant
nos institutions de « République bananière » ?
Dire qu’il s’agit de mon pays, celui que j’aime tant
et qui, décidément, me le rend si mal…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire