XXXIII – Fin d’année
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Les deux derniers mois de l’année 2019, je partage mon temps entre mes
chats, la remise au propre de mes notes, la lecture du blog d’I-cube et mes interviews.
J’y découvre plus en détail Caroll Milton et le professeur Phîu dont il
sera question quelques mois plus tard[1].
Je rends souvent visite au contrôleur général Scorff, dans sa retraite.
D’abord dans notre « cantine » devenue habituelle sur les bords de
Marne où il se montre un intarissable conteur, puis chez lui où je lui apporte
le « casse-croûte » commandé la veille chez Pradier, ce qui m’oblige
à des détours par Paris-centre.
Mais ce n’est pas grave : le bonhomme est attachant, à la longue.
Le seul inconvénient, c’est qu’il n’est pas facile de se garer dans les
quartiers de mes « fournisseurs », rue de Bourgogne près de
l’Assemblée Nationale, où chez Mulot (rue de Tournon, dans l’alignement du
Sénat) et que c’est cher…
En revanche, sa santé décline.
Si au début il mange et boit bien, passant nos après-midis à parler de
choses et d’autres, chez lui les séances se réduisent en longueur au fil du
temps.
Pour finir par de courtes visites à l’hôpital Ambroise Paré : il est
métastasé de partout et finira rapidement sous morphine, avec des conversations
décousues et parfois des propos incohérents pour finir par se taire
définitivement, enterré au cimetière du Père Lachaise.
Avant Noël, le moment où je casse ma dent de sagesse qui va me faire
souffrir le martyr…
C’est l’occasion pour Paul de venir faire un tour en la capitale : il
y a là du « gratin » de la préfecture de police et il se montre pour
un dernier hommage.
Manifestement Paul n’est pas un inconnu…
Il est même abordé en aparté par quelques membres du cabinet du Préfet,
mais je ne sais pas de quoi ils ont parlé.
Exclue alors que je faisais bêtement la queue pour jeter des pétales de
rose dans la fosse mortuaire.
Et Paul ne m’en aura pas parlé de son côté : c’est que ça ne doit pas
figurer dans « ses » mémoires.
En tout cas, pas tout de suite.
En revanche, nous déjeunons ensemble à la suite de la mise en terre et je
prends des nouvelles des Chagos.
Les travaux de finalisation des droïdes de lady Margareth sont en cours de
passer à la phase industrielle : « Elle a bien travaillé. Je l’ai
renvoyée en Écosse et les imprimantes 3D de « Pépé » fonctionnent à
la chaîne : une belle réussite. On a réussi à implanter tous les capteurs
dont Rachel avait besoin et même une pilosité satisfaisante. Et assez de
porosité sur certaines zones pour avoir des « body-fluids » assez
convaincants, jusqu’à de la sueur. Bluffant !
Et puis elle devenait infernale. Le climat, je suppose. »
En revanche, ceux de Rachel ne sont pas terminés.
« Il a fallu que je lui explique dans le détail les dernières
techniques de mise en réseau d’essaim. »
C’est quoi encore ce nouveau concept ?
« Elle n’a pas bien pigé que mes machines vont devoir interagir
avec de nombreux humains et au moins autant sinon plus de robots plus ou moins
élaborés. »
Il l’avait pourtant dit, j’en suis témoin : l’ensemble devait même
être contrôlé par une IA centralisatrice.
« Bé oui, c’est comme les futurs champs de bataille… »
Quoi donc… ?
« Dans le futur, on aura plusieurs drones de combat qui interagiront
entre eux, contrôlés par un serveur embarqué qui fait la liaison avec un PC
volant chargé lui de veiller à la sphère du champ de bataille et ses alentours.
Le tout en liaison avec les modules d’observation aériens et satellitaires qui
gravitent tout autour. Et l’ensemble reste en relation avec l’état-major qui
pilote la mission… »
Ça m’échappe un peu, je dois dire.
« Les doctrines militaires évoluent, que ce soit sur le terrain,
sur mer ou dans les airs : on limite l’exposition des hommes – ça coûte
cher à former et c’est fragile – et on l’entoure de machines chargées de porter
les coups à l’adversaire à leur place et de défendre le bonhomme aux
avant-postes. »
Je comprends mieux, quoique…
« Sur mes navires, on se doit d’en faire autant. »
« Si je comprends bien, vous avez récréer l’environnement des
vaisseaux de la Légion (spatiale, dont il est question dans un des ouvrages
de I-Cube[2]) »
Exactement !
« Sauf que c’est en fait le « gouverneur Steph »,
l’homo-ultra qui m’aura kidnappé, qui l’aura mise à ma disposition à son bord…
Vous avez lu jusque-là ? »
Je découvre…
« Il y a un autre volume à lire : « Paradoxes
temporels » dont je suis l’inspirateur[3]. Si
moi je n’ai aucune imagination hors mon champ de compétences habituelles, il a
bien fallu « inspirer » I-Cube depuis son futur pour qu’il démarre la
suite. Désormais vous, pour me rapporter en substitution…
Je sais depuis lors parfaitement ce que j’ai à faire et à fournir.
Mes « cyborgs » ne sont qu’une première étape. La technique
et surtout les technologies vont progresser de telle façon qu’au moment de ma
rencontre avec les « homos-ultras », on aura fait d’immenses progrès dans le domaine. »
Tout est lié, alors ?
« Eh oui. Mais, jeune Padawan, est-ce que vous avez vu ou seulement
entendu parler de l’univers de George Lucas et de la série des « Star Wars » ? »
J’ai peut-être l’air d’une conne, mais tout de même…
« Lui-même s’est largement inspiré de la série de BD du scénariste
Pierre Christin et du dessinateur Jean-Claude Mézières qui ont créé Valérian,
agent spatio-temporel. Il l’aura fait en rajoutant plusieurs innovations comme
l’armée de droïdes de combats de l’Empire et celle des clones de la République.
L’avenir est encore plus riche et complétement différent… »
Ah ? En quoi ?
« Il ne faut pas s’imaginer que l’espèce humaine est la plus
évoluée du cosmos, ce que postule ces auteurs-là.
Probablement par ignorance. Ou par un effet anthropomorphique
caricatural.
D’abord ce n’est largement pas la plus ancienne. Ensuite
c’est probablement un essai de laboratoire d’une autre espèce qui aura assez
bien réussi. »
L’hypothèse « panspermique » ?
« Je ne sais pas. Un essai de laboratoire in vivo. Enfin, l’humanité
reste à devoir faire sa place parmi toutes les autres espèces vivant dans le
cosmos.
Et c’est là qu’on rejoint Christin et les voyages sur
la flèche du temps dont vous avez pu faire l’expérience[4]. Sur ce
point, George Lucas a fait l’impasse et même Christin s’est un peu emmêlé les
pinceaux puisqu’à un moment, la naissance de Galaxity est avortée en raison de
la disparition du moment déclencheur de « l’âge noir » datant, dès
les premiers épisodes de 1986 ce qui était une « anticipation » qui n’a pas eu
lieu.
Et pour s’en sortir, il
se sert de la notion d’univers parallèles que propose déjà la physique
théorique.
Or, on ne sait pas s’ils
existent, ni de quoi ils sont faits.
Les « ultras »,
n’ont pas ce problème ! Ils contrôlent la destinée de leur espèce à travers
le déroulement de l’histoire de leurs ancêtres, nous et quelques autres,
jusqu’à leur avènement et probablement encore ultérieurement. C’est même forcément
pour ça que l’espèce humaine n’est pas encore détruite par ses géniteurs ou
d’autres… Ils ne maîtrisaient pas la flèche du temps et la créature aura
dépassé son créateur : un thème très ancien, finalement ! »
Ça devient un peu trop compliqué
pour moi. Je quémande des précisions.
« Il faut que
vous compreniez que tout ce qui existe autour de nous a au moins une dimension.
Du plus petit élément physique au plus vaste, comme tout l’univers dans son
ensemble, celui qui nous entoure. Sans dimension, on ne peut pas avoir de
réalité physique.
Or, ces
« dimensions » sont obligées de se « refermer » sur elle-même
pour exister, ce qui implique que le temps, qui n’a qu’une seule dimension,
doit se « refermer » sur lui-même pour exister également. »
Ce qui veut dire ?
« Le paradoxe,
c’est qu’on ne parle que de « flèche du temps », alors qu’elle n’a
qu’une seule dimension. C’est d’ailleurs probablement le seul
« objet » de la physique qui n’a qu’une seule dimension. Tous les
autres en ont au moins deux ou trois et parfois, pour quelques-uns probablement
plus d’une dizaine.
On sait que la flèche du
temps a eu un début, mais on ne sait pas si elle a une fin. Probablement pas si
le temps se referme pour exister. Quoique… »
Je ne comprends toujours
pas : ça me dépasse totalement.
« Je ne suis pas
assez clair ? »
Alors là, oui, pas de
doute !
« On peut
imaginer, et les mathématiques nous l’autorisent, qu’il y a une infinité de
« bulles » qui se referment sur elles-mêmes. Celles qui forment les
atomes dont nous sommes faits, pas de doute. Mais aussi celles qui formeraient
un « univers parallèle » entier. Or, non seulement on ne sait pas où
le trouver, mais on ne sait pas non plus sur quelle flèche du temps il se
situe.
Dès lors, la notion
d’univers parallèle est stérile, elle ne débouche sur rien et aucun lien ne
peut être opérationnel avec le nôtre : Christin se trompe une nouvelle
fois et avec lui tous les auteurs de science-fiction qui usent et abusent de
cette « innovation littéraire » dont on ne trouve pas de trace jusque
dans notre monde.
C’est juste une hypothèse
mathématique qui repose sur des postulats indémontrables. »
Il en est d’autres, des
postulats.
Et, sauf si je me trompe,
un postulat ne se démontre justement pas ! Je pense à celui qui postule
que deux droites sont dites parallèles si elles sont dans le même plan et n’ont
aucun point commun… (je n’en connais pas beaucoup d’autres !)
« Bien sûr, mais
la plupart s’observent… ou sont seulement des définitions commodes. Or, pour
des « objets » qui se referment sur eux-mêmes pour exister, nous
n’observons pas d’univers parallèles. »
Par définition,
non puisqu’ils ne se croisent pas ?
« C’est donc une
hypothèse commode. Non, je pensais que vous pensiez, comme ces auteurs, que ces
« univers parallèles » sont inclus dans le nôtre pour pouvoir
« communiquer » comme il est prévu par la littérature spéculative.
Ce sont ceux-là que nous
ne pouvons pas observer… »
Ce qui n’est pas une
preuve : « On les découvrira peut-être un jour ! »
« Mais alors ils
ne sont plus parallèles mais sécants : ils sont dedans avec la même flèche
du temps… »
Je comprends que c’est
contradictoire, effectivement.
Paul aura décidément toujours
le dernier mot.
Je change donc de sujet.
Et pour les nouvelles « lois de la robotique » ?
« Pas de problème, Rachel a su y faire. C’est pour la coordination
globale qu’elle n’est pas encore au point. Mais elle va y arriver. »
Et la vie avec elle, comment ça se passe sur place ? Espionne-t-elle
comme prévu ?
« Oh ça, je ne me fais pas de souci pour elle… »
Qu’est-ce que ça veut dire ?
J’ai bien plusieurs questions qui se bousculent sur le bout de mes lèvres,
mais je les garde finalement pour moi.
« Elle va pouvoir rentrer en Israël pour les fêtes et après qu’on
aura rentré les derniers chargements de matériels pour le tunnelier, je mets
tout le monde en confinement. »
Quel confinement ?
« Vous verrez bien. Là, je pars pour Londres donner mes
instructions à Lady Joan pour le trimestre suivant, parce qu’elle a des coups
de bourses fabuleux à faire, je passe les fêtes avec les enfants et je repars. »
Je ne saurai qu’à la fin du printemps que Lady Joan aura reproché à Paul
d’avoir dépenser beaucoup d’argent.
D’abord le rachat de la compagnie de croisière avec des navires qui
désarment les uns des derrière les autres pour rénovation et resteront sans
activité jusqu’à la saison d’été prochaine (en attente de leurs deniers
équipements).
Ensuite les dépenses relatives au creusement du tunnel qui engloutit des
sommes colossales.
Et enfin Paul qui lui fait vendre l’essentiel de son portefeuille
d’actions, d’obligations et de devises pour mieux se ressaisir au moment de la
chute des bourses qui suivra.
J’imagine, peut-être à tort, qu’elle se retrouve à compter les pâquerettes
dans ses bureaux londoniens, puisque fin février Paul m’aura indiqué qu’elle
n’avait plus rien à s’occuper que de gérer des stocks-matières hétéroclites et
un paquet de cash qui dort par intermittence mais trouvera son utilité par la
suite.
Ce qui aura plus que comblé les « pertes »…
« Avec la crise boursière qui va suivre le choc de la crise du
Covid-19 », me confiera-t-il cet été-là (2020), « entre les
confinements dans le désordre, la crise pétrolière et la catastrophe dans les
transports, je savais que de toute façon, l’économie financière et même la
réelle, mais plus tard, allaient être vraiment très perturbée.
Pour l’occuper, je lui ai fait prendre des participations
dans les biotech, labos, quelques pépites de la « tech » et autres,
quelques foncières et forestières, mais surtout elle a gardé du cash pour faire
des coups dès après la reprise qui a suivi dans des entreprises de
l’agro-alimentaire fragilisées et l’industrie aéronautique.
J’ai comme ça un stock de pinard et d’avions à mettre à la
location, je ne vous raconte même pas, jeune-fille, qui ne m’ont rien coûté ou
presque ! »
Le requin !
« Et puis je lui ai fait faire quelques jolies plus-values sur des
valeurs qui ont performé durant le retour à la normal. On a réussi ainsi à
doubler nos avoirs sur le Bitcoin, par exemple, en l’espace de deux mois.
Acheté quand ça valait 4.500 dollars, revendus quand ça en valait 9.000 en
mai dernier ! »
Il savait, bien entendu.
Mais j’anticipe sur le prochain volume…
Fin janvier, la nouvelle est tombée : Charlotte, « la
vraie », celle dont le nez bouge de haut en bas quand elle parle, décède à
son tour de son crabe invasif.
J’aurai passé beaucoup de temps à l’interviewer elle aussi, en alternance
avec Scorff.
Et elle, elle aura été pénible à entourer Aurélie qui ne se remet toujours
pas de son séjour dans une cellule d’un « sous-marin » sur bord de
Seine[5].
Du coup, elle ne s’occupait pas de sa propre santé et a fini par tomber en
syncope, à l’arrêt à son feu-rouge, au volant de sa voiture.
Petite escapade au service des urgences de l’hôpital Pompidou, check-up et
direct dans un lit du service d’oncologie, puis en réanimation.
Paul a tout juste le temps de passer pour la saluer une dernière fois…
Elle s’éteindra la nuit suivante.
Là, pour une fois, je l’ai vu la larme à l’œil !
Sa « vieille copine », sa vieille complice, est partie sans dire
au revoir.
Le reste est déjà une autre histoire.
Courances – Avril 2020
Alexis Dubois – c/o
Flibustier20260
* *
*
COLLECTION les « Enquêtes de Charlotte »
« Opération Juliette-Siéra », éditions Book Envol.
« Parcours olympiques », éditions Amazon.com
« Mains invisibles », éditions Amazon.com
« Mains invisibles – tome II », éditions
Amazon.com
« Alex cherche Charlotte », éditions Amazon.com
« Sur les traces de Charlotte », éditions Amazon.com
COLLECTION
les « Histoires d’en rire »
« Les histoires de Dumè », éditions Amazon.com
« Humour Kameulf », éditions Amazon.com
* *
*
[1] Cf.
« Les enquêtes de Charlotte », épisode « Ultime récit », aux
éditions I3
[2] Cf.
« Les enquêtes de Charlotte », épisode « Ultime récit », aux
éditions I3
[3] Cf.
« Les enquêtes de Charlotte », épisode « Paradoxes
temporels », aux éditions I3
[4] Cf.
« Les enquêtes de Charlotte », épisode « Alex cherche
Charlotte », aux éditions I3
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire