Les 80 kilomètres heures de « Kung-Fu-Panda »
L’heure du bilan…
Je cite toujours en exemple cette idée de réduire la vitesse maximale
autorisée sur route nationale de 90 à 70 km/h entre Calvi et Île-Rousse, à
titre expérimental : Ça a toujours fait marrer les « locaux ».
24 kilomètres de route côtière, avec de belles lignes droites et des
virages « aménagés » pour être « adoucis », de larges
bas-côtés où on peut passer à trois véhicules, son radar automatique (plus un
autre en haut de Lumio en direction de Calvi, mais celui-là est seulement « pédagogique »)
ses 6 ronds-points et une demi-douzaine de « dos d’âne » en entrant
dans la cité Paoline : 33 minutes quand tout va bien.
Une heure quand il y a du monde ou qu’il pleut…
Et désormais, pour sortir de la ville en direction de Monticello, il faut
contourner, en un vaste rond-point, tout un pâté d’immeubles bourrés de
piétons… ou prendre un raccourci qui vous fait perdre la priorité à la sortie
de la ville.
Motif de la décision : 3 décès par an sur la chaussée.
Bilan de plusieurs années plus tard à 70 km/h : 3 morts par an sur le
même parcours.
Un cas d’ékole…
Le pire n’est pas là. Il est quand un « touriste » se promène
sur cette route à la vitesse de 50 à l’heure, parce que tout seul dans sa
« petite-auto », il « trouve que 70, c’est limite »
sur une pareille route, créant des encombrements parfois monstrueux sans se
rendre compte que gêner le trafic reste un délit dans le code de la route.
Vous savez, c’est le même qui flambe les cours du pétrole à filer à plus
de 130 km/h sur les autoroutes en tout bonne conscience… sauf devant les radars
automatiques, naturellement. Il a encore tous ses points…
Moâ aussi, d’ailleurs : Des automobilistes exemplaires !
Il faut dire que pour lui, il y a trop virages : Et il doit prendre son
temps pour agiter ses petits bras autour de son volant.
Alors que moâ je les « coupe » quand il n’y a personne en face,
malgré la ligne blanche continue : C’est plus confortable pour « ma
Nichée » ficelée sur la banquette arrière.
En principe, je le dépasse, seulement quand c’est possible. Pour ça je
calcule, quand il y a de la visibilité, le temps et les distances de
croisement, je rétrograde et une fois la voiture d’en face passée, un coup d’œil
au rétroviseur pour vérifier qu’il n’y a pas plus rapide derrière moâ, je te
vais à consommer jusqu’à 25 litres aux 100 pour doubler, un, deux, parfois
trois « lambinards » avant de me rabattre pour éviter un accident
avec un véhicule caché par le relief ou la végétation.
Pied à fond sur le frein pour aborder le virage suivant : Il faut
l’aborder à moins de 100 à l’heure, parfois moins encore alors que le compteur
dépasse les 130 au plus fort de l’accélération. Ça raccourcit le temps de la
manœuvre…
Et derrière (ou devant moi), nous sommes deux ou trois à faire la même
manœuvre dans la courte ligne droite : « Même pas peur !
» en dit « ma Nichée ».
Tout en reconnaissant que c’est une situation accidentogène : Il faut
connaître la route et patienter parfois longtemps pour ne prendre aucun risque.
L’astuce, quand on connaît la route, c’est d’anticiper. Ça m’arrive sur la
route des Agriates, de Belgodère, du Cap ou celle de Porto. Pareil, élargies,
mieux entretenues, on y repère assez aisément son parcours le long des massifs.
Parfois il suffit de repérer les poteaux télégraphiques pour « anticiper »,
mais pas partout. C’est mieux la nuit : Les phares des voitures montantes
vers vous se repèrent de très loin, vous guident persque, et on peut jauger son
allure plus facilement.
D’autant qu’il y a moins de « pinzuti » la nuit, c’est plus
facile : Ils ont peur, pied sur le frein, à 30 à l’heure.
Sauf quand il y a du brouillard, notamment sur la route de Bastia :
On ne voit même plus les lignes sur la chaussée, tellement elle est sale…
La manœuvre consiste à s’assurer qu’il n’y aucun véhicule qui roule vers
vous, aucune « cache » naturelle où vous auriez pu ne pas le repérer.
Si votre cheminement est côté montagne et que le chemin vire à gôche au fond de
la vallée, vous pouvez faire votre « forte accélération », quitte à
doubler dans le virage. Dans le cas contraire, côté ravin, il faut que le
cheminement se fasse sur la drôate sur plusieurs centaines de mètre pour doubler
« en extérieur » du virage. Inversement, quand il n’y a pas de
visibilité, vous patientez en adaptant votre vitesse sans toucher au frein :
C’est ce qui consomme le plus.
Et puis, si c’est « clair », vous doublez
« l’escargot-pinzutu » dans le virage ou à son approche. C’est
d’autant plus facile et rapide que le mek devant vous, la trouille au ventre et
le pied sur le frein, abordera le virage à 30 ou 40 km/h !
Avec un peu de chance, vous allez lui foutre une peur bleue, et il va encore
ralentir son allure.
Bref, la conduite en « Corsica-Bella-Tchi-Tchi », c’est
spécifique… et pourtant on n’est pas non plus des dingues : On reprend une
allure normale ensuite, les nerfs soulagés de ne plus risquer de se faire
surprendre par un ralentissement intempestif et inapproprié du « pinzutu ».
De toute façon, il en est 3 de moins par an sur la route expérimentale à
70 km/h.
Je vous le dis, un cas d’ékole.
Au moins autant pour les 80 km/h sur tout le réseau : Une véritable
imposture pseudo-scientifique.
En effet, le rapport public faisant le bilan de « l’expérimentation » de
la baisse de 90 à 80 km/h de la vitesse maximale sur les routes secondaires reste
un splendide cas de détournement d’études « scientifiques » à des
fins de justifications politiques. Et c’est pour le moins assez maladroit.
Le rapport de 122 pages du début de l’été ne démontre finalement à aucun
moment que la mesure a sauvé des vies ou même réduit la pollution et les
nuisances : Ce sont juste et seulement des possibilités.
Et justement, absolument rien ne permet de l’affirmer ou d’affirmer le
contraire…
Magnifique !
Réfléchissez 2 secondes : En préambule et pour que la problématique
soit bien posée, la vitesse est un facteur aggravant de tous les accidents
automobiles, j’en suis sûr et certain. Vous aussi : Vous ne risquez rien si
vous restez assis devant votre télé. Car c’est tout simplement de la physique
appliquée.
Plus la vitesse est élevée, plus l’énergie dégagée lors du choc est forte (E=½M
x V²) et plus les dégâts sont importants.
Cela dit, la vitesse n’est pas pour autant à l’origine de tous les
accidents et il faut prouver qu’en la limitant le nombre d’accidents a bien
baissé.
Dans ce domaine, les pouvoirs publics font la démonstration de ce que peut
être de la propagande habillée de statistiques pseudo-scientifiques. Cela est
aussi malheureusement souvent le cas en matière d’énergie de la part
d’organismes publics voire de cabinets ministériels : L’objectif n’est pas
de tirer des conclusions rigoureuses d’une expérience mais de justifier à tout
prix de la clairvoyance des décisions et des a priori de celui qui
décident pour vous (même quand il n’a pas été élu pour ça : Le propre des
dictatures…).
Or, ce qu’on a tous expérimenté, c’est que finalement c’est l’écart de
vitesse entre deux mobiles roulant dans la même direction qui reste
accidentogène. Sans ça, il y aurait dix fois plus de décès sur les autoroutes
que dans les villes.
Sur autoroute, ce différentiel est de 50 km/h (130 vitesse maximum, 80
vitesse minimum), en ville il est de 30 à 50 km/h. 30 à
« Paris-sur-la-plage », avec un piéton à l’arrêt, 50 encore dans
quelques des bourgades de campagne…
Mais revenons à notre sujet et à la décision prise d’imposer à l’été 2018,
le 1er juillet, la vitesse maximum à 80 kilomètres heure pour les voitures
et les motos au lieu de 90 kilomètres heure sur les routes secondaires.
L’argument avancé alors était que cela permettrait de sauver des centaines
de vies par an, de « 350 à 400 par an » selon le « Premier sinistre »
de l’époque, « Kung-Fu-Panda ».
Depuis, pour justifier une mesure impopulaire et qui a été en partie à
l’origine du mouvement des « Gilets jaunes », on aura assisté tous
les mois à quelques publications officielles de statistiques et d’argumentaires
pour démontrer l’efficacité et la justesse d’une mesure incontestable
puisqu’elle permet de « sauver des vie ».
Sauf que les argumentaires en question ne prouvent absolument rien, je
viens de vous le dire.
Le dernier en date fait le bilan après deux ans « d’expérimentation ». Il
a été fait par le Cerema, (Centre d’études et d’expertise sur les risques,
l’environnement, la mobilité et l’aménagement).
Ce dernier a été missionné par « Kung-Fu-Panda » pour établir un
bilan et respecter ainsi une clause de revoyure au 1er juillet 2020.
Ces conclusions sont évidemment favorables et aujourd’hui, la mesure a donc été
entérinée sauf par les départements, nombreux, qui ont décidé de l’annuler en
dépit des pressions parisiennes et des préfets.
Selon la toute neuve déléguée interministérielle à la sécurité,
(« MGM » pour Marie Gautier-Melleray, en remplacement, de
« Manu-La-Barbe » appelé à d’autres fonctions), les études du Cerema « prouvent »
que 349 vies ont été sauvées entre le 1er juillet 2018 et le 29
février 2020.
Rappelons qu’en 2019, 3.239 personnes sont mortes sur les routes de « Gaulosie-routière »,
soit seulement neuf de moins qu’en 2018… Une paille « significative »
en période de grève et de blocage, n’est-ce pas…
La période a été choisie en raison du confinement mis en place le 17 mars
mais elle ne tient pas compte du mouvement des « Gilets jaunes » qui
bloquaient les ronds-points.
En fait le Cerema ne démontre finalement rien… Car par définition,
l’accidentalité est multifactorielle : Pour bien faire, il aurait fallu
déterminer l’importance respective des différentes causes d’accidents selon les
périodes comparées.
Un travail difficile qui n’a hélas pas été fait.
Mais alors comment le Cerema peut tirer des conclusions « scientifiques »
mettant en avant un seul facteur arbitrairement choisi comme cause d’accident,
à savoir la vitesse et sa diminution moyenne de 3,3 km/h ?
En réalité, parmi les autres causes d’accident possibles dont personne n’a
tenu compte, on peut citer pêle-mêle l’alcool, les stupéfiants, l’erreur
humaine, l’inattention et la somnolence, l’usage du téléphone portable, la
défaillance mécanique, le mauvais état de la chaussée ou du véhicule, les
conditions météorologiques… etc.
Or, comme le souligne la Ligue de Défense des Conducteurs, le rapport du
Cerema a beau faire 122 pages sur le sujet et afficher une grande créativité à
l’aide de multiples formules mathématiques complexes pour tenter d’être
crédible, il ne prouve à aucun moment que les vies épargnées l’ont été grâce à
l’abaissement de la vitesse maximum.
C’est juste une possibilité mathématique faite pour qu’on ne peut pas la rejeter,
mais rien ne permet non plus de l’affirmer et surtout pas de l’infirmer…
La preuve de la mauvaise foi du gouvernement et du travail douteux du
Cerema est apportée par le fait que les chiffres utilisés concernent la
mortalité routière « hors agglomération » et « hors autoroute ».
Il s’agit donc d’un amalgame de la totalité du réseau routier secondaire
et tertiaire sur lequel la vitesse n’est pas limitée à 80 km/h mais aussi
parfois à 60, 70, 90 voire 110 kilomètres heure lorsqu’une séparation départage
les deux sens de circulation…
Mais l’étude montre en revanche que la vitesse effective sur les routes
secondaires aurait effectivement diminué de seulement en moyenne de 3,3 km/h.
Il est tout de même difficile à l’honnête citoyen de croire qu’une baisse
aussi limitée puisse avoir un impact vraiment mesurable sur l’accidentologie…
Passons.
Un autre argument, qui avait été abondamment avancé pour justifier la
baisse de la vitesse y compris par « Jupiter » était celui de la
diminution de la pollution et des nuisances.
Même le Cerema renonce de fait à le démontrer !
Car les bilans écologiques et sonores ne sont absolument pas concluants.
Dommage.
La Ligue de Défense souligne d’ailleurs que le rapport du Cerema
interprète, sans succès, une expérimentation sur des voies passées à 70 km/h et
non 80 km/h… Mais même avec une telle réduction de la vitesse de 20 kilomètres
heure, le rapport affirme que la variation des émissions polluantes (de
particules fines et d’oxydes d’azote) à ces vitesses est « très faible voire
nulle ».
Il en va de même pour les nuisances sonores, puisque rouler 10 km/h moins
vite permettrait de descendre le volume d’un décibel, autrement dit une valeur
imperceptible.
Surtout si la baisse effective de la vitesse moyenne est de 3,3 km/h, en
pense-je !
Pour ma part, je sais que plus un moteur tourne vite, plus il fait du
bruit (je dis ça, je ne dis rien, n’est-ce pas).
Or, il tourne plus vite à basse vitesse quand on roule en seconde ou
troisième parce qu’au-delà il s’étouffe.
De toute façon, on le voit à la consommation : 9 litres/100 ou plus
en ville où on passe son temps en accélération à faire du bruit, ou à attendre,
5,5 l/100 à 130 km/h ans toucher à l’accélérateur ni au frein durant des heures…
Sauf parfois plus quand « ça monte », mais on se rattrape dans
les descentes…
La conclusion est qu’en se comportant ainsi, c’est-à-dire en cherchant par
tous les moyens et par des démonstrations sans valeur, à prouver la justesse
des décisions prises, les pouvoirs publics contribuent à alimenter la défiance
grandissante envers l’autorité et la parole de l’État qui du coup s’étiole.
Dommage là encore…
Dans le domaine de l’énergie et des stratégies de transition, les exemples
comparables ne manquent pas.
Ainsi, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie)
a publié à la fin de l’année dernière une étude pour démontrer que passer à 100
% d’électricité d’origine renouvelable était une hypothèse réaliste.
Une démonstration qui avait soulevé un tollé parmi les experts tant les
hypothèses retenues étaient absurdes et ne l’avaient été que pour démontrer la
validité de la thèse finale.
La méthode était tellement contestable qu’il n’y avait pas de Comité
scientifique pour appuyer l’étude. Et que l’académie des technologies
considérait que « les conclusions de l’étude de l’Ademe doivent être prises
avec la plus grande prudence ».
Traduction polie du « jetez-le à la poubelle ! »
Car elles étaient affectées par « de nombreuses erreurs de méthodes et
des contradictions ». Elles « ne devraient en aucun cas servir de base à
des décisions de politique publique ».
C’est un peu la même chose pour « l’expérimentation » des 80 km/h.
Heureusement, dans sa « très grande sagesse » le législateur a
corrigé le tir en autorisant des « adaptations » décidées par les
élus territoriaux…
Vous me direz également que pour un parcours de 100 km où la vitesse
moyenne n’aurait baissé que de 3,3 km/h, en moyenne, ça ne représente jamais
qu’un peu plus d’une minute de plus à vous fatiguer à être attentif à votre
environnement routier…
D’un autre côté, au prix de ma minute facturée par mon
« ex-Boss », à la fin de l’année, il y en a pour un paquet :
C’est autant de plus qu’il y a en moins, perdu à jamais…
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