C’est devenu traditionnel,
Normalement, nous avons rendez-vous le vendredi sur ce
blog pour vous livrer les « collectes
d’histoires d’en rire de Jean-Marc », le samedi pour
vous faire découvrir la vie secrète
des juridictions de ce pays (qui est aussi le mien) et le dimanche
pour parler de « science
en marche » (ou divers sujets sans intérêt aucun).
Exceptionnellement, parce que je suis en retard sur le
dépouillement de mes revues juridiques auxquelles je reste abonné et également
en retard sur la compilation des « news-ordinaires » des mois passés,
j’inverse donc : On parle de science et pas de droit !
Car il y a urgence : Si, pour reprendre le mot du
Général (« Des chercheurs qui cherchent, on en trouve plein ; des
chercheurs qui trouvent, on en cherche ! »), il se trouve que le
17 septembre 2020 dernier s’est tenue la cérémonie de remise des prix « IG-Nobel »
récompensé en dollar zimbabwéens sonnants et trébuchants.
Bon cette année, en raison de la crise du « Conard-virus »
cette cérémonie a eu lieu en visio-conférence…
À laquelle je n’ai pas assisté (faute d’avoir reçu un
carton d’invitation).
Mais les lots étaient tous autant mérités les uns que
les autres.
Tous ces Nobels de la science couronnent ainsi chaque
année des études scientifiques « qui font rire les gens, puis les font
réfléchir », mais aussi des personnalités ou organisations qui ont pu
s’illustrer à leur manière dans un domaine particulier.
Ainsi :
– L’IG-Nobel d’acoustique revient à Stephan Reber,
Takeshi Nishimura, Judith Janisch, Mark Robertson et Tecumseh Fitch pour avoir
introduit un alligator de Chine dans une pièce étanche remplie d’air enrichit à
l’hélium afin d’étudier les changements dans la fréquence de ses vocalisations.
Un alligator, un micro et de l’hélium : Il n’en
fallait pas tant pour séduire le jury, qui a attribué un IG-Nobel d’acoustique
à l’équipe internationale réunie autour du jeune zoologiste suédois Stephan
Reber, auteur d’une étude sur les vocalisations d’un alligator chinois femelle
placée dans un caisson étanche enrichi en hélium. L’objectif était de
déterminer si la fréquence des vocalises permettait aux crocodiliens de
communiquer à leurs congénères des informations sur leur taille, ce qui semble
bien être le cas.
Stephan Reber souhaiterait maintenant rééditer l’expérience
avec des oiseaux primitifs, comme les émeus ou les nandous, afin de pouvoir
extrapoler sa découverte aux dinosaures.
Personnellement, dans un caisson hyperbare rempli d’hélium,
j’ai seulement une voix de castrat, comme tout le monde.
– L’IG-Nobel de psychologie a été attribué à Miranda
Giacomin et Nicholas Rule récompensé de leurs efforts à faire progresser la connaissance
pour avoir pu établir une méthode pour identifier les narcissiques à partir de
la forme de leurs sourcils.
Peut-on repérer un narcissique à ses sourcils, telle
était la question.
Personne ne se l’était probablement posé avant les
psychologues Miranda Giacomin et Nicholas O. Rule, de l’université de Toronto.
Leurs conclusions, fruits d’une série de tests
rigoureux, trouveront une application pratique dans la vie de tous les jours : Oui,
il est bien possible d’identifier un narcissique compulsif à l’épaisseur ou la
densité de ses sourcils.
Cette avancée, qui vaut à ses auteurs ce prestigieux
IG-Nobel de psychologie, prolonge une première étude selon laquelle un
narcissisme exacerbé peut se déduire de l’apparence générale d’une personne.
Encore fallait-il déterminer quelles particularités
physiques véhiculaient cette impression.
C’est désormais chose faite !
– IG-Nobel de la Paix : Il aura été décerné avec joie
aux gouvernements Indien et Pakistanais pour avoir envoyé des diplomates sonner
aux portes des ambassades des autres au milieu de la nuit avant de partir avant
que quiconque n’ait eu le temps de répondre.
Plus symboliques que d'autres, certains IG Nobel
couronnent parfois pays, organisations ou personnalités. La preuve avec cet IG
Nobel de la Paix, qui vient récompenser l’Inde et le Pakistan pour avoir poussé
leurs diplomates respectifs « à sonner subrepticement à la porte des uns des
autres en pleine nuit, et s’enfuir avant que quiconque ait une chance de
répondre ».
Les deux États se trouvant au bord de la guerre depuis
plus de 70 ans, et disposant chacun d’un bel arsenal nucléaire, on ne peut que
se réjouir qu’ils semblent enfin trouver une manière relativement bon enfant de
régler leurs différends de voisinage.
– L’IG-Nobel de physique récompense Ivan Maksymov et
Andriy Pototsky pour leurs travaux sur les effets des vibrations à haute
fréquence sur la forme des vers de terre.
Le prix était quasiment assuré pour cette étude
réalisée par les deux chercheurs ukrainiens de l’Université de Victoria en
Australie, consistant à étudier l’effet de vibrations haute-fréquence sur la
forme des vers de terre.
L’objectif était, grosso modo, de vérifier s’ils
se comportaient comme une goutte d’eau en forme de tube.
Quatre espèces de lombrics ont été soumises à
différentes fréquences, l’oscillation se révélant maximale à 20 Hz et 40 Hz.
Que les amis des animaux se rassurent : Les vers
étaient endormis pendant l’expérience, et ont été relâchés dans une ferme à
lombrics une fois remis de leurs émotions.
– L’IG-Nobel d’économie : Ce prix revient à Christopher
Watkins, Juan David Leongómez, Jeanne Bovet, Agnieszka Żelaźniewicz, Max
Korbmacher, Marco Antônio Corrêa Varella, Ana Maria Fernandez, Danielle
Wagstaff et Samuela Bolgan pour s’être penché sur le lien entre le PIB et les
inégalités socio-économiques d’un pays selon la fréquence du baiser sur la
bouche dans ce pays…
Le sujet d’étude peut se résumer par la recherche d’une
relation potentiellement existante entre inégalités sociales et roulage de
pelle (« mouth to mouth kissing »).
Conclusion : La corrélation entre inégalités de
revenus et pratique de la galoche…
… est 5 fois supérieure (!!) à celle qui existe entre
ces mêmes inégalités et l’activité sexuelle.
Autrement dit, c’est dans les pays les plus inégaux
qu’on s’embrasse le plus.
Ça va mieux en le disant !
– L’IG-Nobel du management va à Xi Guang-An, Mo
Tian-Xiang, Yang Kang-Sheng, Yang Guang-Sheng et Ling Xian Si, 5 tueurs à gage
professionnels ayant chacun délégué la tâche au suivant.
Les cinq tueurs à gages chinois sont ainsi récompensés
pour s’être sous-traité en cascade l’assassinat d’un homme d'affaires de
Guangxi, conservant à chaque fois une partie de la prime.
Inutile de préciser que la mission n’a au final jamais
été remplie : Le dernier tueur de la chaîne a fini par prendre le café avec sa
cible, pour lui proposant de simuler son propre assassinat.
Ce dernier a surtout prévenu la police.
Retenus dans une prison chinoise avec leur
commanditaire, les cinq récipiendaires n’ont pas encore réagi à l’attribution
de ce prix qu’ils n’espéraient sans doute pas…
– L’IG-Nobel d’entomologie revient à Richard Vetter
pour avoir mis en évidence le fait que beaucoup d’entomologistes ont peur des
araignées (qui ne sont pas des insectes).
Ou « quand deux pattes font une grosse
différence ».
C’est le titre de l’étude sur la question taboue de l’arachnophobie
chez les entomologistes, qui vaut à ce chercheur américain le très convoité IG
Nobel d’entomologie.
Spécialiste des araignées recluses, ce dernier a
découvert qu’une proportion non-négligeable de scientifiques qui étudient les
insectes ont peur des araignées.
D’après le sondage effectué par le scientifique, c’est
surtout la manière dont se déplacent les araignées, leur comportement inattendu
et leur vitesse qui répugnent le plus aux entomologistes.
On attend désormais de sa part une étude
complémentaire sur la phobie des myriapodes (plus communément appelés
mille-pattes) chez les spécialistes des araignées…
– L’IG-Nobel de médecine a été attribué à Nienke
Vulink, Damiaan Denys et Arnoud van Loon pour avoir décrit la misophonie, un
trouble peu connu rendant insupportables à une personne qui en serait atteinte
des sons anodins comme, par exemple, le son d’une personne mastiquant.
Très convoité, ce prix de médecine vient récompenser
des chercheurs belges et néerlandais, qui viennent de diagnostiquer une maladie
trop longtemps ignorée : la misophonie.
Cette dernière provoque une intense détresse, suivie d’un
comportement agressif, chez certaines personnes soumises aux bruits de
mastication de leurs semblables (mais pas d’eux-mêmes ou d’animaux).
Après avoir étudié les réactions d’une quarantaine de
patients, l’équipe du psychiatre néerlandais Arjan Schröder suggère de faire de
la misophonie un trouble psychiatrique reconnu.
Ce dernier pourrait toutefois être guéri, dans la
moitié des cas, à l’aide d’une thérapie comportementale adaptée.
– L’IG-Nobel de l’éducation médicale revient conjointement
à Jair Bolsonaro du Brésil, Boris Johnson du Royaume-Uni, Narendra Modi d’Inde,
Andrés Manuel López Obrador du Mexique, Alexandre Loukachenko de Biélorussie,
Donald Trump des États-Unis, Recep Tayyip Erdogan de Turquie, Vladimir Poutine
de Russie et Gurbanguly Berdimuhamedow du Turkménistan pour avoir profité de la
pandémie de « Conard-virus » pour avoir démontré que les politiciens
pouvaient avoir un effet beaucoup plus immédiat sur la vie et la mort que les
scientifiques ou les médecins.
Rappelons que Donald Trump, entre autres, avait plus
ou moins suggéré de boire de l’eau de javel pour combattre le coronavirus.
Ou qu’au Brésil, Jair Bolsonaro n’a de cesse de défier
les mesures de confinement adoptées par son propre gouvernement.
Alexandre Loukachenko a donc reçu à cette occasion son
deuxième prix Ig-Nobel, le premier étant celui de la paix en 2013 pour avoir
rendu illégal le fait d’applaudir en public et à la police de l’État biélorusse
pour l’arrestation de personnes ayant exprimées leur opinion politique en
applaudissant…
Un manchot avait pu ainsi être arrêter par ladite
police.
Reste le sifflet aux Biélorusses.
– L’IG-Nobel de science des matériaux revient à Metin
Eren, Michelle Bebber, James Norris, Alyssa Perrone, Ashley Rutkoski, Michael
Wilson et Mary Ann Raghanti pour avoir démontré qu’un couteau fabriqué à partir
d’excréments humains n’est pas très efficace.
En résumé : « L'expérience montre que les
couteaux fabriqués en excréments humains gelés ne fonctionnent pas ».
L’idée générale était de vérifier la véracité d'une
légende du Grand Nord, selon laquelle un vieil Inuit privé de ses outils aurait
fabriqué un couteau à l’aide de ses excréments gelés, puis l’aurait affûté avec
sa salive, avant de démembrer avec un chien dont il aurait ensuite utilisé la
cage thoracique comme traineau. Il serait parti par la suite et on ne l’aurait jamais
revu.
Les scientifiques ont donc tenté l’expérience, l’un
d'entre eux se dévouant pour adopter pendant une semaine le même régime
alimentaire qu’un Inuit afin de fournir la matière première.
Conclusion ? Non seulement cela ne fonctionne pas,
mais le couteau fond rapidement dans la main.
Autrement dit le caca gelé fond mais ne coupe pas !
C’était la cuvée 2020 !
Au moins, ces prix Nobel là ne récompense pas une
carrière, mais seulement des trouvailles et démonstrations incontestables qui
améliore toujours la connaissance en général.
Parfait.
Et bonne fin de week-end à toutes et à tous !
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