Les chiens de guerre (1)
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Peut-être venez-vous, à
la lecture des chapitres précédents de découvrir le « groupe
Wagner », ces mercenaires qui œuvrent pour le compte de la Russie.
Dans cet opus, le
« groupe Mozart » est une création romanesque. Il en est un autre, à
venir, le « groupe Dvorak ». Mais ce sera pour le prochain épisode.
Sur les mercenaires, vous
croyez également peut-être tout savoir, mais depuis les années 1960 et les
mouvements de décolonisation, les mercenaires sont à l’œuvre en Afrique et
depuis partout dans le monde : c’est la « privatisation » des
guerres qui est en cours.
Petit tour d’horizon…
Ils sont à l’œuvre
partout autour du monde, en Ukraine, en Syrie, en Irak, en Libye, au Venezuela,
en Afrique et encore ailleurs.
La Guinée équatoriale a
soumis mi-décembre 2019 à ses pairs du Conseil de sécurité de l’ONU une
proposition de résolution visant à renforcer la lutte contre les
mercenaires dans le centre de l’Afrique. Le texte « appelle
tous les États membres des Nations Unies à adopter des législations interdisant
à leurs ressortissants de contribuer au recrutement, au financement, à
l’entraînement et au transfert de mercenaires ou combattants ». La
résolution évoque le « danger d’activités de mercenaires
(...), particulièrement pour des petits pays en voie de développement,
notamment pour des États du centre de l'Afrique. »
Il n’est « pas
sûr » que cette idée soit suivie d’effets, a commenté un diplomate sous
couvert d’anonymat...
Précisons que la
Guinée équatoriale, ancienne colonie espagnole qui regorge de pétrole, est
gouvernée d’une main de fer depuis 40 ans par le président Teodoro
Obiang.
En 2017-2018, son régime
affirmait avoir déjoué un coup d’État et pourchassé des mercenaires tchadiens,
soudanais et centrafricains à la solde de l’opposition radicale. « Certains
doutent de l’existence même du coup d’État », écrivait Franceinfo
Afrique à l’époque.
« Un sujet de grave
préoccupation » pour l’ONU
« En Afrique, qui
est au cœur du débat d’aujourd’hui, les activités mercenaires demeurent un
sujet de grave préoccupation », expliquait le secrétaire général des
Nations Unies, António Guterres, lors d’un débat sur le sujet au Conseil
de sécurité en février 2019.
Il citait l’intervention
de tels combattants « au Sahel », ainsi que « dans les
violences postélectorales en Côte d’Ivoire en 2010 ».
Étaient également cités
le Cameroun et... la Guinée équatoriale.
À la suite de la
décolonisation, à partir des années 1960, le continent a vu de nombreux
mercenaires, notamment européens, agir sur son sol. Au Katanga (RDC) entre 1960
et 1963, entre 1967 et 1970, lors de la sécession du Biafra, aujourd’hui
province du Nigeria, où se sont notamment battus des Français.
Dans les guerres (contre
le Portugal) au Mozambique et en Angola, toujours dans les années
1960-1970 : « Il y a également eu les ‘‘faiseurs de rois’’,
comme le Français Bob Denard, impliqué dans deux coups d’État successifs aux
Comores (1975 et 1978) » se rappelle-t-on.
Mort en 2007, Bob Denard
a multiplié les actions sur le continent pendant une quarantaine d’années.
Des activités de
mercenaires ruses ont été signalées depuis 2018 en Centrafrique, pays où
l’influence de la France a longtemps été incontestée. Ces derniers ont même été
vus patrouillant en armes dans les rues de Bangui.
Ils se sont faits plus
discrets ces temps plus récents, rapporte l’AFP.
Ils sont soupçonnés
d’être engagés par Wagner, entreprise militaire qu’on dit financée par Evgueni
Prigojine, proche de Vladimir Poutine.
Des « consultants » du groupe Wagner ont été vus au Mali. La société serait aussi « présente dans au moins quatre autres pays – Libye, Madagascar, Soudan et Mozambique », croit savoir « Le Monde » : « En Libye, jusqu’à trente-cinq hommes de Wagner seraient morts au mois de septembre, fauchés par une frappe aérienne alors qu’ils combattaient au côté du maréchal Haftar », précise le quotidien français.
Au Soudan, selon le site
middleasteye.net, le groupe Wagner aurait protégé « les exploitations
minières d’or, de diamant et d’uranium » pour le compte du
président déchu Omar el-Béchir.
En 2004, le président de
Guinée équatoriale Teodoro Obiang, avait déjà failli être renversé par près d’une
centaine d’hommes arrêtés au Zimbabwe et en Guinée même.
Ces « chiens de
guerre » (de l’anglais war dogs) étaient Africains (Namibiens,
Angolais, Congolais de RDC...).
Le Zimbabwe avait alors
accusé les services secrets américains, britanniques et espagnols (la Guinée
Équatoriale étant une ex-colonie espagnole).
Chevilles ouvrières du
complot, selon Courrier International, un Britannique, Simon Mann, et un
Sud-Africain, Nick du Toit. « Des célébrités sur le marché des
mercenaires en Afrique (qui) ont des liens avec les services secrets
britanniques et américains », dixit le journal sud-africain Mail & Guardian
cité par l’hebdomadaire français.
Les deux hommes ont
effectué respectivement quatre et cinq ans de prison…
« De nos jours,
plus personne n’accepte ces dangereux perturbateurs. Les mercenaires sont une
espèce en voie de disparition », commentait en 2004 l’hebdomadaire
zimbabwéen Standard, cité par Courrier International.
Les « Chiens de
guerre », en voie de disparition ? Pas si simple... Car depuis une
vingtaine d’années, on assiste à une évolution dans ce secteur.
La « guerre
contre la terreur » (voulue par George W. Bush) en Irak et en
Afghanistan dans les années 2000 a vu les armées américaine et britannique
sous-traiter « une
part de plus en plus importante de leurs activités à des sociétés militaires
privées (SMP) ».
« C’est aujourd’hui
devenu la norme, les États et les sociétés refusant d’assumer la responsabilité
de l’usage de la violence et de la force », commente l’ONG britannique War on Want, cité par RFI.
Par la suite, le nombre de ces entreprises s’est multiplié, notamment Outre-Manche. « Dans les années 1990 et le début des années 2000, des mercenaires prenaient part aux combats », explique Walter Bruyère-Ostells, maître de conférences à Sciences-Po Aix (cité par RFI) : « Aujourd’hui, on a surtout affaire à (des) ‘‘contractors’’, des employés de SMP, qui s’occupent de formation, de logistique et de conseil pour des opérations statiques. Ils ne combattent pas. »
Parmi ces
« gros » contractants privés, qui ont « pignon sur rue »,
on trouve des entreprises comme Aegis
Defence Services, G4S , Control Risks.
Certaines d’entre
elles pèsent « plusieurs milliards de dollars », observe
RFI.
De son côté, Control
Risks, qui se définit aussi comme « une société de conseil mondial
spécialisée dans le risque et qui aide les organisations à réussir dans un
monde instable » et s’intéresse beaucoup à l’Afrique.
Son site propose même un « index risque-rendement » pour le
continent et consacre un chapitre au « paysage de l’enlèvement contre rançon,
et de l’extorsion » en Afrique du Sud…
Aujourd’hui, on distingue deux types de structures sur ce créneau, observe le chercheur Walter Bruyère-Ostells. D’un côté, les ‘‘contractors’’ des « grandes entreprises occidentales qui font un effort éthique et déontologique ».
Aujourd’hui, on distingue deux types de structures sur ce créneau, observe le chercheur Walter Bruyère-Ostells. D’un côté, les ‘‘contractors’’ des « grandes entreprises occidentales qui font un effort éthique et déontologique ».
De l’autre, les mercenaires
des « petites sociétés, notamment sud-africaines, où des gens
s’affranchissent parfois de certaines règles, avec des pratiques de barbouzes à
l’ancienne »...
La société ukrainienne
Omega Consulting Group, qui se définit elle-même comme une « entreprise ukrainienne de
Services de Sécurité et Défense (ESSD) spécialisée dans le management des
risques liés à la sûreté », serait particulièrement active dans la
région.
Elle reconnaît être implantée
à Bamako (Mali), Dakar (Sénégal), Nouakchott (Mauritanie), Conakry (Guinée),
Ouagadougou (Burkina Faso), Niamey (Niger).
En Afrique, elle est
également présente à Rabat (Maroc), au Caire (Égypte), à Harare
(Zimbabwe).
Selon le site middleasteye,
elle a, un temps, recruté « des ‘‘opérateurs’’ francophones
ayant une solide expérience du combat ».
D’autres acteurs
ukrainiens travaillent dans la région, apparemment plus dans
l’humanitaire…
« Au Mali, la
compagnie Ukrainian Helicopters fournit des moyens d’évacuations médicalisés
aéroportés à la Minusma depuis deux ans. On les retrouve aussi au Soudan, au
Congo et en Côte d’Ivoire »,
affirme middleasteye.net.
La firme
explique également qu’elle mène des campagnes humanitaires pour le compte
de l’ONU en Éthiopie, Somalie, Kenya, Ouganda et au Mozambique.
En 2004, le bombardement
de la force française Licorne sur la base de Bouaké (centre) avait « été
effectué par un avion de l’armée ivoirienne, un Sukhoï-25 (de fabrication russe),
piloté par un mercenaire biélorusse flanqué d’un copilote ivoirien »,
raconte Libération. De son côté, Le Monde évoque deux Sukhoï.
Dix personnes (neuf
Français, un Américain) avaient été tuées.
À en croire Libération,
l’affaire est assez étrange : « La France a eu à sa
disposition les pilotes et techniciens slaves (biélorusses, russes et
ukrainiens) chargés des Sukhoï, fournis clés en main à Gbagbo (le
président ivoirien) par une entreprise biélorusse, via un intermédiaire
français : Robert Montoya – un ancien gendarme de l’Élysée sous
Mitterrand. Capturés sur l’aéroport d’Abidjan, une quinzaine d’entre eux
ont été détenus durant quatre jours et ‘’débriefés’’ par les services français.
Mais leur interrogatoire est toujours classé ’’secret défense’’ »,
rapportait le journal français en 2014.
Autre affaire en 2010 :
des attaques dans le sud-ouest du pays avaient été perpétrées par des
miliciens ivoiriens et des mercenaires libériens, selon l’entourage du
président Ouattara.
Ce sont les médias camerounais
qui l’affirment. « La marine camerounaise aurait intercepté dans la
nuit du 8 au 9 septembre (2018) trois navires transportant
d’importantes quantités d’armes de guerre » près des îles
Bakassi, au sud-ouest du pays, rapporte le site africanews.
Ces « mercenaires »
seraient arrivés de « pays comme le Mali, le Tchad et le Nigeria ».
Ils auraient pu venir pour
« prêter main forte aux séparatistes anglophones en conflit (...) avec
les forces de sécurité du Cameroun ».
Un conflit sévèrement
réprimé par les autorités.
En 2015, l’armée
nigériane a apparemment reçu, dans son combat contre Boko Haram, l'aide
d'une centaine de mercenaires sud-africains, payés chacun 400 dollars par jour, « somme que la
plupart des militaires nigérians ne touchent pas en un mois », selon
Jeune Afrique.
Parmi eux, « des
pilotes d’hélicoptère, des conducteurs de véhicule blindé, des instructeurs et
des conseillers de haut rang en lien avec l’état-major nigérian ».
Outre les Sud-Africains,
il y avait des Namibiens, des Britanniques et des Indiens.
Ces Sud-Africains seraient d’anciens militaires, âgés de 50 à 70 ans, formés sous le régime raciste de l’apartheid : ceux que Jeune Afrique appelle « les soldats perdus de l’apartheid ».
Ces Sud-Africains seraient d’anciens militaires, âgés de 50 à 70 ans, formés sous le régime raciste de l’apartheid : ceux que Jeune Afrique appelle « les soldats perdus de l’apartheid ».
Lors d’une intervention
au Sénat le 23 janvier 2019, le ministre français des Affaires étrangères,
Jean-Yves Le Drian, a dénoncé ouvertement la présence de mercenaires russes en
République centrafricaine en citant nommément le groupe militaire privé Wagner.
Lors de ce
« point » sur la Centrafrique, le ministre français des Affaires
étrangères a évoqué « une situation très confuse ». Il a
surtout pointé du doigt la présence « anti-française » de la
Russie.
« Ce n’est pas
vraiment l’armée (mais) des supplétifs qui agissent sous l’autorité d’un
Monsieur qui s’appelle M. Prigojine », a lancé Jean-Yves Le Drian en
nommant « la force Wagner ».
Cette déclaration
s’inscrit sur fond de rivalités franco-russes en République centrafricaine.
Le groupe Wagner ou PMC Wagner,
est une société de mercenaires russe créée par Dmitri Outkin, un ancien
officier du GRU (renseignements militaires russes).
Le groupe paramilitaire
privé a déjà fait parler de lui lors de son intervention en Syrie, dans le
sillage de l’armée russe.
La société Wagner est par
ailleurs citée par le département du Trésor américain pour son implication dans
le conflit en Ukraine.
« Si M. Prigojine
m’entend (...) qu’il sache qu’on le connaît bien » interpelle le ministre français des Affaires étrangères français.
Le groupe Wagner serait
financé par un oligarque russe, Evguéni Prigojine, surnommé « le cuisinier
du Kremlin ».
L’homme d’affaires,
proche de Vladimir Poutine, a fait fortune dans la restauration avant de
conclure de nombreux contrats avec l’armée russe, comme le rapporte l’AFP.
Evgueni Prigojine est par
ailleurs accusé par la justice américaine d’être l’instigateur de
l’« usine à trolls »
(publication massive de messages tendancieux sur internet) destinée à
favoriser l’élection de Donald Trump en 2016.
Qu’en dit officiellement
la Russie de Poutine ?
Moscou a toujours réfuté
toute présence militaire russe en Ukraine et n’a jamais cautionné
officiellement l’intervention de mercenaires russes en Syrie.
Interrogé en décembre
2018 sur le groupe Wagner, le président Vladimir Poutine a toutefois défendu
« le droit de travailler et de défendre leurs intérêts commerciaux
aux quatre coins du monde » des sociétés militaires privées tant qu’elles
respectent la loi, la même qui interdit la création de sociétés de
mercenaires...
Depuis janvier 2018, il y
a une double offensive russe, diplomatique et militaire, en République
centrafricaine. Moscou a déployé plus de 170 « instructeurs civils »
pour former les soldats de la Force armée centrafricaine (FACA) : « Ce
sont des gens qui appartiennent à une société de sécurité privée (…).
C’est aujourd’hui une dimension importante des guerres contemporaines et des
guerres contre le terrorisme. Il y a une privatisation de la guerre »,
expliquait à RFI en novembre 2018 Roland Marchal, chercheur au Centre d’études
et de recherches internationales (CERI).
A priori, la présence de la Russie en Centrafrique n’a rien de
choquant. La livraison d’armes aux soldats centrafricains a été validée par le
Conseil de sécurité de l’ONU et le président Faustin-Archange Touadéra a
lui-même choisi le Russe Valeriy Zakharov comme conseiller en sécurité.
La présence et le rôle
des mercenaires russes du groupe Wagner est néanmoins opaque et suscite de
multiples interrogations : en juillet 2018, trois journalistes russes de
l’opposition ont tenté d’enquêter sur les activités de Wagner en Centrafrique
et ses liens avec la richesse minière du pays, mais ils sont morts sur place
dans des conditions mystérieuses…
La version officielle a
conclu à un crime crapuleux, alors qu’aucune enquête sérieuse n’a été menée à
ce jour.
270 pages – 12,30 €
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