Les revenus réputés distribués
En matière de revenus réputés distribués, le fait
d’être qualifié de maître de l’affaire peut selon les situations, établir une
présomption de distribution imposable entre les mains dudit maître, ou au
contraire n’avoir aucune incidence… C’est comme ça.
On sait qu’en plus des distributions de revenus
décidées par les entreprises, donnant lieu à une imposition normale entre les
mains de leurs bénéficiaires, la loi a prévu un système de « revenus réputés
distribués » qui, comme leur nom l’indique, ne proviennent pas de distributions
officielles de la société.
Ce dispositif fait l’objet de l’article 109 du CGI,
lequel est composé de deux parties bien distinctes :
– Le 1-1° qui institue une présomption légale de
distribution à l’égard de tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en
réserve ou incorporés au capital.
La règle est simple et pourrait même être étendue à
toutes les « distributions » puisque dans une entreprise soumise à l’Impôt
sur les Sociétés (IS), l’assiette imposable n’est pas, comme on le croit
souvent, assise sur les bénéfices de l’année, mais simplement sur la différence
entre actif-net du bilan d’ouverture et l’actif net de clôture dudit bilan,
augmenté des « mises en réserve ».
Il se trouve seulement qu’il y a égalité « comptable »
avec la notion de résultat de l’exercice.
Les bénéfices réputés distribués sont donc, en
application de l’article 110 du CGI, « ceux qui ont été retenus pour
l’assiette de l’impôt sur les sociétés ».
Et cet article est fréquemment utilisé par
l’administration en cas de rehaussement du bénéfice imposable d’une entreprise
et permet d’imposer, au titre de ces revenus réputés distribués, non seulement
les associés ou actionnaires mais aussi des tiers.
– Le 1-2° qui qualifie de revenus distribués les
sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs
de parts, même lorsque ces sommes ou valeurs ne sont pas prélevées sur des
bénéfices, ce qui permet l’application de cet article même en cas de déficit de
la société (contrairement à, l’application du 1° qui nécessite que la société
ait constaté des bénéfices lesquels sont ensuite réputés distribués).
On notera que, pour l’application du 2° du 1 du 109 du
CGI, l’administration doit apporter la preuve que ces sommes ont été
effectivement versées à des associés (une présomption de distribution existe
toutefois pour les avances et prêts accordés à des associés).
On sait aussi, qu’en vertu d’une construction purement
prétorienne du Conseil d’État, l’administration fiscale peut faire valoir que
le dirigeant est, à l’égard de la société distributrice, le « maître de
l’affaire ».
La notion de maître de l’affaire est définie par la
jurisprudence comme « une personne qui exerce la responsabilité effective de
l’ensemble de la gestion administrative, commerciale, et financière de la
société et qui dispose sans contrôle des fonds ».
Combinées, ces deux notions donnent lieu à des
situations contrastées comme l’illustrent deux décisions du même jour du
Conseil d’État
Dans deux décisions du 29 juin 2020, le Conseil d’État
fait application de ces notions dans, d’une part, une situation où était
appliqué l’article 109, 1-1° du CGI (n° 432815) et, d’autre part, dans une
situation où était appliqué l’article 109, 1-2° du CGI (n° 433827).
RÉPUBLIQUE
FRANCAISE
AUNOM DU
PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de
Rouen de prononcer la décharge, en premier lieu, des cotisations
supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles
il a été assujetti au titre des années 2005 à 2010, ainsi que des pénalités
correspondantes, en deuxième lieu, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée
mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31
décembre 2009, ainsi que des pénalités correspondantes, enfin, de l’amende qui
lui a été infligée sur le fondement du IV de l’article 1736 du code général des
impôts pour la période du 31 mai 2007 au 31 décembre 2009.
Par un jugement n° 1401711 du 23 mai 2017, le tribunal
administratif de Rouen, après avoir constaté qu’il n’y avait pas lieu de
statuer, à concurrence des dégrèvements obtenus en cours d’instance, sur les
conclusions de cette demande tendant à la décharge des cotisations
supplémentaires de contributions sociales, ainsi que des pénalités
correspondantes, auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2006 à
2010, a, en premier lieu, réduit les bases d’imposition de l’impôt sur le
revenu et des contributions sociales assignées à M. A... au titre des années
2005 à 2009, en deuxième lieu, prononcé la décharge des cotisations
supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles
il a été assujetti au titre des années 2005 à 2009 à raison de ces réductions
de base, enfin, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Par un arrêt n° 17DA01546 du 21 mai 2019, la cour
administrative d’appel de Douai a rejeté l’appel formé par M. A... contre ce
jugement ainsi que l’appel incident du ministre de l’action et des comptes
publics.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire,
enregistrés les 22 juillet et 22 octobre 2019, M. A... demande au Conseil d’État
:
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l’État le versement de la
somme de 5.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative.
Par une décision du 25 février 2020, le Conseil d’État,
statuant au contentieux a prononcé l’admission des conclusions du pourvoi de M.
A... dirigées contre l’arrêt du 21 mai 2019 de la cour administrative d’appel
de Douai en tant seulement que cet arrêt concerne les impositions
supplémentaires assignées à l’intéressé au titre de l’année 2010 à raison de
revenus distribués par la société Red Advisors Ltd.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des
procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n°
2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur
public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les
conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges
du fond que M. A... a fait l’objet d’une vérification de comptabilité de son
activité de prospection, conseil en gestion et intermédiaire dans le domaine du
football portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre
2009, ainsi que d’examens de sa situation fiscale personnelle portant sur les
années 2007, 2008 et 2009. Au terme de ces contrôles, l’administration a
notamment assujetti l’intéressé à des cotisations supplémentaires d’impôt sur
le revenu et de contributions sociales au titre des années 2005 à 2010. Par un
jugement du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Rouen, après avoir
constaté qu’il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence des dégrèvements
prononcés en cours d’instance, a prononcé la réduction de ces compléments d’imposition
au titre des années 2005 à 2009 et rejeté le surplus des conclusions de la
demande de M. A.... Celui-ci se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 21 mai
2019 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l’appel qu’il
avait formé contre ce jugement, en tant qu'il n’avait pas fait entièrement
droit à sa demande. Par une décision du 25 février 2020, le Conseil d’État,
statuant au contentieux a prononcé l’admission des conclusions du pourvoi de M.
A... dirigées contre cet arrêt en tant seulement qu’il statue sur les
impositions supplémentaires assignées à l’intéressé au titre de l’année 2010 à
raison de revenus distribués par la société Red Advisors Ltd.
2. Aux termes de l’article 109 du code général des
impôts : "1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les
bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital
(...)". Aux termes de l’article 110 du même code : "Pour
l'application du 1° du 1 de l’article 109, les bénéfices s’entendent de ceux
qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés".
3. Les impositions demeurant en litige procèdent de l’inclusion
dans les revenus taxables entre les mains de M. A... dans la catégorie des
revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du
1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant à
un rehaussement des bénéfices de la société Red Advisors Ltd au titre de l’exercice
clos en 2010 et regardées comme des revenus distribués par cette société à l’intéressé,
que l’administration a considéré comme l’unique maître de l’affaire.
4. En premier lieu, la cour a relevé que la
consultation des documents afférents à la procédure pénale à laquelle l’administration
avait pu avoir accès avait permis de constater que plusieurs pièces relatives à
l’activité exercée par la société Red Advisors Ltd, de droit anglais et dont le
siège est situé dans les Iles Vierges Britanniques, avaient été saisies au
cours de perquisitions réalisées au Havre, où M. A... dispose de son domicile
et d’un bureau. Parmi ces documents figuraient notamment un contrat, conclu le
2 mai 2008 entre le Portsmouth Football Club et M. A..., agissant au nom de la
société Red Advisors Ltd, en vue de la réalisation de prestations de "scouting"
du 15 juin 2008 au 31 août 2010, deux factures émises le 15 août 2008 et le 3
novembre 2008 à l’en-tête de la société Red Advisors Ltd adressées au club de
football de Portsmouth, ainsi qu’un courrier, signé par M. A... sur papier à
en-tête de la société adressé le 3 novembre 2008 à ce même club, faisant
référence au contrat du 2 mai 2008. Les déclarations de M. A... lui-même au
cours de l’enquête pénale révèlent qu’il disposait de la signature sur le
compte bancaire ouvert au nom de la société Red Advisors Ltd auprès d’une
banque suisse. La cour a déduit de ces éléments que les allégations de M. A...
selon lesquelles la société n’avait exercé aucune activité en France ne
permettaient pas d’écarter le faisceau d’indices concordants sur lequel l’administration
s’était fondée pour estimer qu’elle y exerçait des activités par l’intermédiaire
d’un établissement stable. En statuant ainsi, par un arrêt qui est suffisamment
motivé, la cour n’a commis aucune erreur de droit et n’a pas donné aux faits
qui lui étaient soumis une qualification juridique erronée.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier
soumis au juge du fond que le contrat qui liait la société Red Advisors Ltd au
Portsmouth Football Club prévoyait des échéances de paiement de 85.000 livres
sterling les 31 janvier et 10 août 2010. En jugeant que les suppléments de
bénéfices résultant de la réintégration dans ses résultats de l’exercice clos
en 2010 de ces créances acquises par la société Red Advisors Ltd constituaient
des revenus réputés distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code
général des impôts, la cour administrative d’appel n’a ni dénaturé les pièces
du dossier, ni commis d’erreur de droit. La circonstance que le club de
Portsmouth, placé en redressement judiciaire, n’aurait versé qu’une somme de
310.000 livres sterling, en deux versements effectués les 24 octobre et 11
novembre 2008, sur le total de 650.000 livres sterling dû en exécution du
contrat qui le liait à la société Red Advisors Ltd et n’aurait jamais honoré
les échéances prévues par ce contrat en 2010, est, contrairement à ce que
soutient M. A..., au demeurant pour la première fois en cassation, sans
incidence à cet égard.
6. En troisième lieu, pour juger que M. A... pouvait
être regardé comme le seul maître de l’affaire, la cour s’est fondée sur le
fait qu’il disposait du pouvoir d’engager juridiquement la société Red Advisors
Ltd à l’égard des tiers, qu’il détenait seul la signature du compte bancaire
que la société avait ouvert auprès d’une banque suisse et qu’il avait été en
mesure d’opérer des retraits d’espèces depuis ce compte. En statuant ainsi, par
un arrêt suffisamment motivé sur ce point, la cour n’a ni dénaturé ni
inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et elle n’a commis
aucune erreur de droit. La cour pouvait légalement déduire de la qualité de
seul maître de l’affaire de M. A... qu’il devait être regardé comme le
bénéficiaire des revenus réputés distribués par la société Red Advisors, la
circonstance qu’il n’aurait pas effectivement appréhendé les sommes
correspondantes ou qu’elles auraient été versées à des tiers étant sans
incidence à cet égard.
7. Enfin, pour écarter l’argumentation de M. A...
selon laquelle il n’aurait pas été en mesure de disposer effectivement au cours
de l’année 2010 des revenus qu’il est réputé avoir appréhendé en sa qualité de
seul maître de l’affaire, la cour s’est fondée sur la circonstance que divers
mouvements avaient été enregistrés, au débit comme au crédit, sur le compte
bancaire de la société Red Advisors Ltd postérieurement au dernier versement
effectué le 11 novembre 2008 par le club de Portsmouth, en exécution du contrat
mentionné plus haut, et qu’il était loisible à M. A... d’effectuer des retraits
sur ce compte grâce à la libre disposition qu’il en avait. En statuant ainsi,
la cour n’a ni dénaturé les pièces du dossier ni commis d’erreur de droit.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de
M. A... doit être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
---------------
Article 1er : Le pourvoi de M. A... est
rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M.
B... A... et au ministre de l’action et des comptes publics.
Dans cette première affaire (n° n°432815), à la suite
d’une procédure pénale à laquelle l’administration avait eu accès, une société
avait été rehaussée et l’administration avait imposé entre les mains de M. A.,
regardé comme maître de l’affaire, les bénéfices découlant de ce redressement.
La cour administrative d’appel, pour approuver la
position de l’administration sur cette qualité de maître de l’affaire, s’était
fondée sur le fait que le contribuable disposait du pouvoir d’engager
juridiquement la société rehaussée à l’égard des tiers, qu’il détenait seul la
signature du compte bancaire que la société avait ouvert auprès d’une banque
suisse, et qu’il était en mesure d’opérer des retraits d’espèces depuis ce
compte. Saisi d’une demande de cassation le Conseil d’État juge que la cour
pouvait légalement déduire de la qualité de seul maître de l’affaire du
contribuable qu’il devait être regardé comme le bénéficiaire des revenus
réputés distribués par la société rehaussée. La circonstance qu’il n’aurait pas
effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu’elles auraient été
versées à des tiers est sans incidence à cet égard (au cas particulier, la
société avait été redressée au titre de créances acquises mais celles-ci
n’avaient donné lieu qu’à un paiement partiel, la société débitrice ayant été
placée en redressement judiciaire).
Le contribuable avait aussi soutenu qu’il n’était pas
en mesure de disposer effectivement des revenus qu’il était réputé avoir
appréhendé en sa qualité de seul maître de l’affaire. Mais cet argument n'est
pas retenu car divers mouvements avaient été enregistrés sur le compte et qu’il
était loisible au contribuable incriminé d’effectuer des retraits sur ce
compte.
On voit ainsi que, pour l’application du 109, 1-1° du
CGI, applicable aux sociétés rehaussées bénéficiaires, la présomption de
distribution au niveau de la société se double, lorsque le bénéficiaire est
reconnu maitre de l’affaire, de la présomption selon laquelle celui-ci a bien
reçu les revenus en question.
Il n’est donc pas favorable, dans ces conditions,
d’être regardé comme seul maître à bord…
Personnellement, je conseille de désigner le PDG de l’affaire
comme bénéficiaire desdites sommes : Il est grassement payé pour ça et on
s’évite un long contentieux toujours hasardeux…
Dans la seconde affaire (n° 433827), l’administration
avait réintégré dans les résultats d’une société, dont le contribuable M. B.
était associé, un passif injustifié de TVA et un profit sur le trésor résultant
d’une fraude à la TVA.
RÉPUBLIQUE
FRANCAISE
AUNOM DU
PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de
Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur
le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre
des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes. Par une
ordonnance n° 1408334 du 13 janvier 2015, le président de la 6ème chambre
du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15MA01125 du 28 janvier 2016, la cour
administrative d’appel de Marseille, sur appel de M. B..., a annulé cette
ordonnance et renvoyé l’affaire devant le tribunal administratif de Marseille.
Par un jugement n° 1408334 du 6 octobre 2017, le
tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....
Par un arrêt n° 17MA04271 du 27 juin 2019, la cour
administrative d’appel de Marseille, après avoir prononcé un non-lieu à statuer
à concurrence d’une somme de 9.199 euros, a rejeté l’appel formé par M. B...
contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et
un mémoire en réplique, enregistrés les 22 août et 22 novembre 2019 ainsi que
le 9 mars 2020, M. B... demande au Conseil d’État :
1°) d’annuler l'article 2 de cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l’État la somme de 5.000
euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des
procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n°
2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur
public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les
conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges
du fond qu’au terme d’une vérification de comptabilité, l’administration a
réintégré dans les résultats de la société Le Coussinet Moderne, dont M. B...
est associé, un passif injustifié de taxe sur la valeur ajoutée et un profit
sur le Trésor résultant d’une fraude à cette même taxe. Ces rectifications n’ont
cependant pas donné lieu à l’établissement d’une cotisation d’impôt sur les
sociétés, le résultat rectifié de la société s’étant révélé nul au titre de l’exercice
clos en 2009 et déficitaire au titre de l’exercice clos en 2010. En conséquence
de ce contrôle, l’administration a assujetti M. B... à des cotisations
supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2010
procédant de l’imposition entre ses mains, dans la catégorie des revenus de
capitaux mobiliers, des sommes réintégrées dans les résultats de la société Le
Coussinet moderne. M. B... se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 27 juin
2019 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, après avoir
prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d’un dégrèvement partiel des
contributions sociales en litige intervenu en cours d’instance, a rejeté l’appel
qu’il avait formé contre le jugement du 6 octobre 2017 du tribunal
administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la décharge des
impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années
2009 et 2010.
2. Aux termes de l’article 109 du code général des
impôts : "1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les
bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital /
2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés,
actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...)".
3. S’il n’a pas donné lieu, en l’absence de solde
bénéficiaire, à l’établissement d’une cotisation d’impôt sur les sociétés, le
rehaussement des résultats d’une société ne saurait par lui-même révéler l’existence
de bénéfices ou produits non mis en réserve ou incorporés au capital, taxables
entre les mains de leur bénéficiaire comme revenus distribués. Pour soumettre à
l’impôt sur le revenu de tels revenus sur le fondement du 2° du 1 de l’article
109 du code général des impôts, il incombe à l’administration d’établir qu’ils
ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts.
La circonstance que le contribuable que l’administration entend imposer soit le
maître de l’affaire est à cet égard sans incidence.
4. Pour juger que l’administration fiscale établissait
l’existence de sommes mises à la disposition de M. B... par la société Le
Coussinet moderne, taxables entre ses mains sur le fondement des dispositions
précitées du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, la cour
administrative d’appel de Marseille, après avoir relevé que le résultat de la
société était demeuré déficitaire après redressement, s’est fondée, d’une part,
sur ce que l’intéressé ne contestait pas les rehaussements apportés aux
résultats de la société et, d’autre part, sur ce que, disposant seul des
pouvoirs les plus étendus au sein de la société, il devait être regardé comme
le seul maître de l’affaire et, à ce titre, comme présumé avoir appréhendé les
sommes correspondant à ces rehaussements. Il résulte de ce qui a été dit au
point 3 ci-dessus qu’en statuant ainsi, la cour administrative d’appel a commis
une erreur de droit.
5. Il en résulte que M. B... est fondé, sans qu’il
soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l’annulation
de l’article 2 de l’arrêt qu’il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de
mettre à la charge de l’État la somme de 3.000 euros à verser à M. B... au
titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
---------------
Article 1er : L’article 2 de l'arrêt du 27
juin 2019 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure,
à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : L’État versera à M. B... la somme de 3.000
euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M.
A... B... et au ministre de l’action et des comptes publics.
Il convient de noter que dans cette seconde affaire, les
rectifications n’avaient cependant pas donné lieu à un rehaussement d’impôt sur
les sociétés, car le résultat de la société en cause était déficitaire au titre
des exercices rehaussés. Ce rehaussement avait toutefois été suivi d’effet mais
au niveau de l’associé M. B. en application de l’article 109 du CGI précité.
Le Conseil d’État, pour annuler la décision de la CAA
de Marseille défavorable au contribuable, rappelle tout d’abord que, s’il n’a
pas donné lieu à l’établissement d’une cotisation d’impôt sur les sociétés, le
rehaussement des résultats d’une société ne saurait pas lui-même révéler
l’existence de bénéfices ou produits non mis en réserve ou incorporés au
capital, taxables entre les mains de leur bénéficiaire comme revenus
distribués.
Le Conseil d’État fait ici application de la règle
selon laquelle, lorsque l’exercice social demeure déficitaire après
rehaussement, il ne peut y avoir de distributions prélevées sur des « bénéfices
», et l’imposition des revenus réputés distribués doit alors trouver sa source
dans l’article 109, 1-2° et non dans l’article 109, 1-1° du CGI.
Or comme le rappelle le Conseil d’État, pour soumettre
à l’impôt sur le revenu de tels revenus sur le fondement de l’article 109, 1-2°
du CGI, il incombe à l’administration d’établir qu’ils ont été mis à la
disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts.
La circonstance que le contribuable que
l’administration entend imposer soit le maître de l’affaire est à cet égard
sans incidence.
La CAA de Marseille avait jugé que l’administration
établissait bien l’existence de sommes mises à la disposition de M. B. par la
société au motif, d’une part, que l’intéressé ne contestait pas les
rehaussements apportés aux résultats de la société et, d’autre part, que
disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, il devait
être regardé comme le seul maître de l’affaire et, à ce titre, comme présumé
avoir appréhendé les sommes correspondant à ces rehaussements. Il résulte des
principes rappelés ci-avant que la CAA a commis une erreur de droit et
l’affaire est renvoyée devant cette même Cour.
En résumé, pour l’application du 1° du 1 de l’article
109 du CGI, lorsque l’administration établit qu’un contribuable est maître de
l’affaire, ce dernier est présumé recevoir les bénéfices rehaussés chez la
société qu’il dirige tandis que, lorsqu’est sollicitée l’application de
l’article 109, 1-2° du CGI, peu importe que le contribuable incriminé soit ou
non le maître de l’affaire puisque l’administration doit prouver la réalité
d’un versement entre les mains de l’associé, actionnaire ou porteur de parts.
Rappelons enfin que, par une décision de Plénière
fiscale du 22
février 2017 (n° 388887), le Conseil d’État a jugé qu’il ne peut y
avoir qu’un seul « maître de l’affaire », ce qui ne l’empêche pas de regarder
comme « maître de l’affaire » un couple qui assurait conjointement la maîtrise
de l’affaire, et faisait l’objet d’une imposition commune à l’impôt sur le
revenu (CE, 16 mars 2019, n° 433098).
J’aime bien : Au fil du temps, on affine la
notion de revenus réputés distribués (imputables sur l’assiette d’IS ET imposables
chez le bénéficiaire ») en précisant la notion de « maître de l’affaire ».
Ma technique consistant à mettre en avant le PDG de l’affaire
(grassement rémunéré à cet effet) pour éviter une longue procédure hasardeuse, risque
de devenir largement obsolète au fil du temps…
Ce n’est pas plus mal, finalement.
Bon week-end à toutes et à tous !
I3
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