XXXII – Stratégies machiavéliques
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement,
totalement et parfaitement fortuite !
« Naturellement, vous serez confinée avec ma cheffe de projet, la
sémillante Lady Margareth, spécialiste de la robotique. Elle, c’est une
championne, mais plutôt dans le « hardware ». Vous lui apporterez les
algorithmes du « software » qui lui manque, si vous avez l’obligeance
d’accepter ma proposition ».
Tu parles d’une offre qui ne se refuse pas : il a toujours « la
main », mon boss !
Mais ce n’est pas ce qu’elle retient.
« Pourquoi être confinée ? »
Il y a plusieurs raisons.
« La première, c’est que c’est un boulot qui va durer jusqu’à
l’été prochain. Et qui reste strictement confidentiel.
La seconde c’est que la planète va être victime d’une
pandémie durant le prochain semestre, qui va avoir pour conséquence de
considérablement ralentir son économie et en particulier les transports
aériens.
Et comme les Chagos où sont installées mes laboratoires ne sont
qu’une série d’îles, jusqu’à juin/juillet, les déplacements vont être largement
entravés. Mais l’avantage, c’est que nous serons à l’abri des contaminations
virales. »
Ah bé en voilà, un scoop !
« Et moi, vous m’emmenez ? » fais-je un peu troublée
par cette menace anticipée.
« Alexis, je vous rappelle que vous avez un boulot à terminer sur
le continent. »
Et quoi donc puisque je suis là aussi pour le suivre comme son ombre pour
« rapporter » par la suite tous ses dires et gestes ?
« Oui mais là, je n’ai pas besoin que vous rapportiez dans vos
bouquins : je me débrouillerai bien tout seul.
En revanche, vous êtes tenues par des délais pressants. »
Et lesquels ?
« Si je ne m’abuse pas, vous n’avez pas encore tiré tous les vers
du nez de notre ami Scorff. Or, celui-ci va être emporté par son crabe :
il le sait déjà.
Pareil ma copine Charlotte ne va pas trop bien, vous le
savez. »
Elle va mourir ?
« On va tous mourir ! Elle comme les autres. Vous n’en avez
pas fini avec la juge Trois-dom, ni avec Isabelle Nivelle, pas plus qu’avec
Gustave… »
Ils vont mourir aussi ?
« Mais ça devient obsessionnel, chez vous, que de vouloir faire
mourir tout le monde ! »
Non, mais je suis un peu inquiète tout de même.
Notamment si c’est en rapport avec la pandémie annoncée…
« C’est une sale grippe asiatique qui s’annonce. Il y aura des centaines
de milliers de morts, naturellement, mais pas plus que ça vu que plus de la
moitié de la planète va être confinée pour se préserver et du coup mettre
l’économie mondiale à l’arrêt.
Même Florence et les gamins iront se confiner en Normandie
en toute sécurité.
De toute façon, il fait trop chaud aux Chagos à ce
moment-là.
Et moi, il faut bien que j’y sois pour suppléer à mes
ingénieurs du chantier qui vont vouloir déguerpir auprès de leurs familles et
surveiller les avancées de nos deux informaticiennes.
Après, on rentre. »
Drôle de perspectives…
« Oui, mais moi, » la ramène Rachel, « je veux
bien être confinée, mais je vais avoir besoin de quelques matériels et surtout
d’avoir l’accès à mes bases de données à l’université… »
« Vous aurez un accès à internet en 4G. Vous me faites la liste de
vos besoins en matériel et vous serez livrée la quinzaine prochaine. »
Ce qui veut dire qu’elle pourra communiquer librement ?
« Absolument. De toute façon, il faudra bien que vous repreniez
votre mission d’espionnage pour votre colonel.
Prévoyiez juste 6 mois de fringues et de produits de beauté.
J’aurai même de la nourriture certifiée casher à vous
proposer.
Peut-être pas très fraîche sur la fin, mais ça se conserve
bien dans les congélateurs. Je m’en occupe… »
S’il pense à tout…
« On part quand ? »
Et la voilà qui signe des deux mains !
« Le temps que vous régliez vos affaires en cours avec votre
hiérarchie. La semaine prochaine depuis Athènes. »
Si c’est déjà marqué de la sorte…
« Si je comprends bien, vous vous isolez avec Margareth et Rachel
pendant que Florence et vos gamins feront le pied de grue en Normandie… »
Elle ne voudra pas venir.
« Je vais le lui proposer, bien sûr, mais elle est têtue. Et de
toute façon, le confinement en France, c’est après le premier tour des
élections municipales du mois de mars… »
« J’aurai le temps de vous rejoindre aux Chagos… »
En théorie, oui. « Mais en réalité, ça n’a aucun intérêt et ça ne
se fera pas. »
Pour quelle raison ?
« Pour une raison idiote. Vous vous casserez une dent sur un noyau
de cerise et comme vous trainerez à avoir un rendez-vous chez votre dentiste,
ça va s’infecter ce qui va vous rincer…
Pas grave, vous vous en remettrez ! »
Me voilà prévenue : dorénavant, je bannis les cerises de mes mets.
Pas question d’avoir un abcès d’autant que j’ai une sainte horreur de la
roulette de mon dentiste : ça me stresse horriblement[1] !
En revanche, pour les autres, c’est vrai que jusqu’en mai, ça aura été
l’hécatombe.
Mais j’anticipe (à mon tour !)[2].
Ce soir-là, nous rentrons tous les trois au même hôtel, mais ni aux mêmes
étages ni dans les mêmes chambres.
Paul va faire un tour sur le tapis de course pour remplacer son jogging
matinal, pendant que j’ai une liaison avec Dimitri.
Lui au moins, de chez lui ou du siège, il est toujours disponible.
Et il me confirme que la « mouillante » Rachel est en contact
par WhatsApp avec le « bleu » en escale à Madrid.
« Et tu sais ce qu’ils se disent ? »
Non c’est interdit, je devrais le savoir.
« Et puis ils parlent probablement hébreu ou yiddish et c’est
crypté ! »
Il aura donc essayé…
Le « piège » de Paul se referme sur Rachel : il aura donc toujours
ce qu’il veut !
Je lui en fais part au moment où il rentre se doucher.
« Vous pourriez aller la rejoindre dans sa chambre quand elle en
aura terminé, non ? »
Moi et mes idées…
« Dites donc Alexis, je vais déjà me la coltiner « h24 »
pendant deux mois non-stop, vous avez vraiment de drôles d’idées, vous ! »
Je n’en saurai pas plus.
Et nous rentrons le lendemain matin par le vol du matin, escale à
Barcelone.
Dans l’avion, je demande tout de même quelques précisions… sur un autre
sujet.
« À propos, les types à qui vous avez volé un sous-marin, vous ne
craignez pas une réaction brutale ou violente de leur part ? »
« Oh là ! Que si ! Je crois vous l’avoir déjà dit. »
Pas que je me souvienne, ou alors j’étais distraite.
« D’abord, ils ont été dans le brouillard total. Pendant les
premières heures qui ont suivi notre « détournement », nous n’avons
pas cessé de recevoir des messages à l’attention de mes kidnappeurs.
Il se sont probablement lassés quand nous avons
plongé : le lendemain, en navigation au schnorkel, l’antenne hors de
l’eau, on ne recevait plus rien, même sur onde moyenne, de celles qui font le
tour de la Terre en se réfléchissant sur l’ionosphère. »
Ils ont probablement compris qu’ils venaient de perdre un bâtiment et un
équipage, sans savoir comment.
« Le consulat aura dû faire remonter l’information parue dans la
presse espagnole de l’arrestation de clandestins au Canaries pour qu’ils
fassent le rapprochement.
Dès lors, ils ont probablement lancé la chasse depuis Moscou
qui, sinon pilote au moins, accompagne l’opération.
J’imagine la tête du maître du Kremlin…
En fait non, je ne sais pas s’il est rentré dans une phase
de crise de rage insondable propre aux Asperger, ou s’il a éclaté de rire ! »
On ne saura jamais ce détail…
J’apprends comme ça que le président russe serait atteint d’autisme. D’une
forme légère et particulière qu’est le syndrome décrit par Asperger…
Je m’en étonne ouvertement.
« Mais ils sont tous autistes, à des degrés divers, dans ces
milieux-là des hautes sphères du pouvoir. Asperger, on n’en meurt pas, parfois
c’est même un atout, et de toute façon il vaut mieux ça que paranoïaque ou
pervers schizophrène ! »
Rassurant…
« Ceci dit, c’est sciemment qu’on a refait les niveaux à
Londonderry pour se faire repérer en route vers les îles Shiant, dans le Minch.
Là, ils n’ont pas été longs à se montrer : j’en avais
besoin pour convaincre lady Margareth de nous suivre. Mais je crois que c’est
plutôt l’officier des SAS qui lui aura foutu la trouille au ventre.
Après ça a été un peu compliqué que de les semer en route
vers l’Islande où ils nous ont perdus. »
Je savais déjà les détails.
« La Miss Rachel étant peu discrète, elle va les conduire peu ou
prou jusqu’aux Chagos.
Pas tout de suite, mais dès le printemps. Parce qu’en mai,
on va voir apparaître un « chalutier-espion » russe dans nos parages,
probablement détourné de sa mission initiale de faire un relevé du trafic
autour de Diego Garcia, la base US au milieu de l’océan Indien.
Et comme le paquebot, même au mouillage n’est pas très
discret, sans compter les allers-et-retours de cargos dans le coin qui
déchargent les matériels dont on a besoin pour le tunnelier, je vais être
obligé de sortir le sous-marin pour les refouler hors du lagon. »
Et du coup, révéler le nouveau mouillage de leur sous-marin perdu…
« Précisément ! Poutine va exulter et on aura ensuite un
second chalutier-espion posté quasiment à demeure, ce qui me convient très
bien, puisque ça va agiter un peu le Pentagone.
Et du coup déclencher les visites que je compte faire faire
à mes futurs bailleurs de fonds… »
… et organiser une « petite-bataille navale » ?
« Petite, c’est le mot. Vous en serez, vous ai-je dit. J’ai besoin
que vous en rapportiez les détails… pour plus tard. »
Ah oui, c’est vrai : une promesse faite le jour où Makarond est passé
incognito !
« Mais justement, pourquoi vous ne le lui avez pas dit et proposé
de vous mettre sous la protection du pavillon français ? »
J’aurai dit une grosse bêtise…
« On est en territoire britannique. Même entre alliés, c’est trop
compliqué notamment au moment où les négociations de fin de Brexit patinent et
où la planète aura d’autres urgences à gérer », gronde-t-il.
La fameuse crise annoncée au Président français ?
« Exactement, mais comme celui-là est décidément con sous son
chapeau, il n’y a pas grand-chose à en espérer…
Et puis je suis assez copain avec les services de sa
Majesté, je reste pair d’Angleterre tout de même, je n’aurai aucune difficulté
avec les services secrets et la Home-fleet.
Quand même une autre dimension que la maigrelette flotte
tricolore dans ledit océan où sa présence relève plus du symbole qu’autre
chose. »
Probablement.
« Mais alors, la crise que vous lui avait annoncée, c’est cette
fameuse pandémie ? »
Là, je marque des points :
« Vous avez tout compris Alexis ! Bravo. »
Pourquoi ne l’avoir pas dit directement, il aurait peut-être été écouté.
« Attendez, vous avez vu comme moi comment ça s’est déroulé. J’y
suis allé mollo pour ne pas le brusquer ni le braquer après l’avoir
longuement flatté à lui faire piloter mon jet personnel et lui avoir expliqué
mes plans en long, en large et en profondeur. Et lui ne m’a même pas laissé
terminer : il s’est cassé comme si je l’avais offensé ou insulté ! »
Pourtant, il avait déjà eu la preuve de ses … « petits-talents »
« Oui, mais décidément il n’a pas été à la hauteur. Tant pis vous
ai-je dit, j’aurai essayé. »
Ça va être si terrible que ça ?
« Pour plusieurs dizaines de milliers de morts, bien sûr. Pour le
pays encore plus, parce que faute de moyens et d’un peu de précautions, il
aurait pu en aller différemment.
Ce que je redoute, et à juste titre, c’est que comme ça va
secouer le monde entier, il en sortira de profondes blessures de la part des
uns et des autres.
Ce qui va permettre à certain d’accroître la pression
exercée sur les Libertés publiques.
Les français sont mûrs pour cette étape. »
Et le reste du monde ?
Je ne saurai pas…
[1]
NdN : Je pensais réellement tenir cette promesse faite à moi-même. Mais
finalement, je ne me suis pas méfiée : pour Noël, j’ai craqué sur des
cerises « exotiques » qui faisaient vraiment envie tellement elles
étaient belles. Et effectivement, j’ai « claqué » une dent de
sagesse. Je ne m’en suis pas rendue compte tout de suite et quand ça a commencé
à me faire vraiment mal, il a bien fallu que je me traine jusque chez mon
dentiste qui m’a fait un mal de chien et a noyé un début de septicémie sous un
déluge d’antibiotiques qui m’aura rincée jusqu’au mois mars. J’étais au fond de
mon lit en pestant contre ma gourmandise, peinant pour mettre au propre les
volumes additionnels, ce que je n’avais pas terminé quand on a appris que nous
étions tous confinés ! Je ne suis même pas allée voter… De quoi rendre
furieuse ma Grand-mère.
[2]
NdN : Une réflexion qui aura bien fait rire Paul et paraît-il le
« Gardien »… Ils l’ont laissée l’un et l’autre.
270 pages – 12,30 €
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