Les chiens de guerre (2)
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Ils ne sont pas les seuls
à œuvrer de par le monde : la société DynCorp, qui entraîne l’armée
afghane, assure aussi avec ses « contractors » la garde rapprochée du
président Karzaï.
Le président afghan Hamid
Karzaï pourrait même fixer une date limite pour leur dissolution.
En Afghanistan comme en
Irak, les armées américaine et britannique sous-traitent une part de plus en plus
importante de leurs activités à des sociétés militaires privées (SMP). À
l’échelle de la planète, celles-ci emploieraient près de 1 million de personnes
: réunies, elles représenteraient, sur le papier, la deuxième armée du monde.
Amorcée il y a une vingtaine
d’années, guère plus, la privatisation de la guerre, sous toutes ses formes,
est une entreprise juteuse : elle constitue un énorme marché estimé à 170
milliards d’euros par an !
La première société
militaire privée est apparue en 1989. Créée par d'anciens commandos
sud-africains, installée en Angola sur une base abandonnée par les Soviétiques,
Executive Outcomes proposait aux États africains menacés par la rébellion des
opérations de contre-insurrection « clefs en main ». Elle reste à ce
jour la seule vraie tentative de privatisation de l’activité combattante.
« La dissolution
des compagnies privées de sécurité est un programme gouvernemental sérieux. La
décision du président est claire et très bientôt, le président va fixer une
date limite pour une dissolution des compagnies privées de sécurité »,
a déclaré Waheed Omar, porte-parole d’Hamid Karzaï, le 10 août.
Une annonce aussitôt
minimisée par Washington. « Je ne crois pas qu’une décision ait été
prise. Nos troupes ont des besoins en matière de sécurité, nous voulons donc
faire en sorte de répondre aux inquiétudes du gouvernement afghan tout en
répondant à nos besoins », a affirmé un porte-parole du Pentagone,
David Lapan.
Apparaît ensuite aux
États-Unis, dans les années 1990, la Military Professional Resources Inc.
(MPRI). Société de droit privé, elle n’en est pas moins étroitement liée au
Pentagone. À ses débuts, elle vend surtout ses services aux pays de l’ex-bloc
soviétique qui mettent leurs armées aux normes de l’Otan avant d’intégrer l’Alliance
atlantique.
À cette époque, les
tâches confiées à des « contractors » privés relèvent pour
l’essentiel de la logistique.
Lors de la première
guerre du Golfe, en 1991, on ne compte qu’un civil sous contrat pour 100
militaires américains. Mais tout change avec la guerre d’Irak.
En 2003, lors de
l’invasion, le rapport est déjà de 1 à 10.
En 2007, pour la première
fois, il y a autant de « contractors » employés par l’US Army que
d’hommes en uniforme.
Du jamais-vu !
Le 16 septembre de cette
année-là, des employés de Blackwater, l’une des plus grosses sociétés
militaires privées (aujourd’hui rebaptisée « Xème Services
LLC »), tirent sur un véhicule en plein centre de Bagdad. La fusillade
fait 17 morts. La justice américaine est saisie.
La société Blackwater
aura été écartée du marché irakien après que ses employés ont déclenché cette
fusillade à Bagdad…
Ce qui ne l’empêche pas
de continuer à travailler aujourd’hui encore pour le gouvernement américain,
notamment pour la CIA, en Afghanistan.
Deux de ses employés
figuraient parmi les victimes de l’attentat du 30 décembre 2009 contre une base
américaine à Khost, dans le sud-est du pays.
La société possèderait
une base secrète, près de la frontière avec le Pakistan, d’où elle fait
décoller ses propres drones en direction des zones tribales pakistanaises.
En principe, la tâche de
ces avions sans pilote ultrasophistiqués consiste à identifier des cibles qui
seront ensuite « traitées » par d’autres appareils, équipés de
missiles et appartenant, eux, à l’armée américaine.
C’est probablement de
cette façon qu’aura été assassiné le numéro 2 du régime iranien, le général
Qassem Soleimani en janvier 2020 (Cf. ci-après).
Mais est-ce si sûr ? Les
bombardements des zones tribales pakistanaises sont devenus une pièce centrale
de la nouvelle stratégie de Washington. Entre 2008 et 2009, leur nombre a
augmenté de 50 %, passant de 36 à 53, et le rythme s’est encore accéléré depuis
le début de l’année...
Un rapport du service
d’étude du Congrès américain, publié en décembre 2009, estimait à 104.100 le
nombre de civils travaillant en Afghanistan pour le seul Pentagone. Les
effectifs militaires, à la même époque, étaient de 63.950 soldats : en
clair, 62 % des hommes qui œuvraient sur le terrain pour le ministère américain
de la Défense étaient des privés – un pourcentage jamais atteint dans
l’histoire des États-Unis.
Le déploiement des
renforts (30.000 hommes) annoncés par Barack Obama devrait se traduire par
l’embauche de 56.000 « contractors » supplémentaires.
« En Afghanistan »,
analyse Olivier Hubac, spécialiste de l’intelligence stratégique et coauteur
d’un ouvrage sur la guerre afghane, « le recours aux
« contractors » fait partie intégrante de la stratégie de l’Otan.
Tout ce qui ne constitue
pas le cœur du métier de soldat est externalisé afin de permettre aux
militaires de se consacrer au combat et aux actions de sécurisation. »
Pourquoi le Pentagone
fait-il aussi massivement appel à leurs services ?
« Parce que nous
coûtons moins cher. Environ 80 % de nos effectifs sont des employés locaux,
payés au prix du marché local, quelques centaines de dollars. Et même si
certains de nos salariés occidentaux touchent aux alentours de 1.000 dollars
par jour, cela reste moins cher. »
Combien gagnent ces
sociétés ?
« Pour les
contrats au forfait, leur marge bénéficiaire est d'environ 10 %. »
Plusieurs affaires ont récemment
défrayé la chronique, mettant en cause la qualité des services rendus par les
« contractors »...
« C’est aux
pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités. L’État accorde
systématiquement les appels d’offres aux moins chers des postulants, ce qui
n’est pas forcément la meilleure façon de procéder », précise le
Président de l’International Peace Operations Associations, qui rassemble une soixantaine
de SMP américaines.
Quelles sont les tâches
confiées au privé ?
« Il y a d’abord
tout ce qui relève du « soutien de l’homme » et de la logistique :
hébergement, maintenance, ravitaillement, connexions Internet, gardiennage,
etc. La sécurité de tous les « camp-vie » de l’Otan en Afghanistan
est ainsi assurée par des sociétés privées.
D’autres services rendus
par les « contractors » relèvent peu ou prou de la délégation de
service public : déminage, surveillance aérienne, lutte antidrogue, formation
des forces gouvernementales afghanes.
Ce dernier marché semble
promis à une croissance exponentielle si l’Otan veut atteindre ses objectifs
affichés : porter l’armée afghane de 9.000 à 134.000 hommes, puis à 240.000
hommes. »
L’armée est entraînée principalement
par Kellogg Brown and Root (KBR) et par DynCorp. Première SMP en Afghanistan
aujourd’hui, cette dernière assure aussi la garde rapprochée du président Hamid
Karzaï.
La MPRI, elle,
spécialisée dans le conseil, est chargée d’élaborer la doctrine militaire de
l’Armée nationale afghane – un contrat de 200 millions de dollars – et de
former ses chefs de corps. Enfin, l’instruction de la police afghane, dont les
effectifs pourraient atteindre 160.000 hommes, est assurée pour l’essentiel par
la société Paravant, filiale de Blackwater.
« Les SMP font
souvent appel à d’anciens militaires anglo-saxons pour les postes les plus
qualifiés et recrutent sur place pour les tâches d’exécution. Mais leur
présence croissante pose des problèmes de fond. »
L’auteur d’un ouvrage
consacré à la privatisation de la guerre en Irak, Georges-Henri Bricet des
Vallons estime que cette pratique d’externalisation a atteint aujourd’hui
« un point de non-retour ».
Il n’hésite pas à parler
d’une situation de « dépendance », voire d’une
« addiction » de l’armée américaine à l’égard des SMP, seules à même
de leur fournir une expertise qui leur fait défaut.
En Afghanistan, les
mercenaires assurent notamment les tâches de déminage, de surveillance
aérienne, de lutte antidrogue... Sur les 104.100 « contractors »
employés par le Pentagone en septembre 2009, 9 % étaient américains, 16%
étaient des expatriés d’autres nationalités et 75 % afghans.
Les SMP assurent aussi la
sécurité de nombreuses institutions civiles, qu’il s’agisse de l’ONU, des ONG,
de certaines entreprises, voire des maisons d’hôte où séjournent les étrangers
de passage.
Mais, sur ce marché plus
classique du gardiennage et de la sécurité rapprochée, elles sont de plus en
plus concurrencées par des sociétés locales, souvent créées par d’anciens
seigneurs de la guerre. L’une des plus importantes est l’Asia Security Group, qui
appartient à un cousin du président Hamid Karzaï. Très active également, la
société Sherzai, fondée par un ancien gouverneur de la province de Kandahar,
Gul Agha Sherzai.
La privatisation de
tâches qui autrefois incombaient aux armées permet de faire la guerre en
limitant l’envoi de troupes sur place et en minimisant les chiffres officiels
des pertes humaines : les morts des SMP ne figurent dans aucune
comptabilité !
C’est un sacré avantage
pour un gouvernement confronté à une opinion publique fragile et à un Parlement
pointilleux...
Reste à savoir quelles
sont les conséquences sur le terrain de cette pratique.
Docteure en droit public,
chargée d’étude à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire
(Irsem), le lieutenant-colonel Marie-Dominique Charlier a été pendant six mois,
en 2008, l’un des conseillers politiques auprès du général commandant les
forces de l’Otan en Afghanistan. Elle est en France l’un des rares experts à
avoir réfléchi à ces questions.
Venus éradiquer Al-Qaeda,
les Occidentaux ont-ils commis la même erreur qu’Alexandre le Grand et que
l’Armée rouge : L’Express présente la mosaïque de peuples totalisant 27
millions d’habitants, détaille la rivalité fondamentale entre les Durrani et
les Ghilzai au sein des Pachtouns, explique l’imprévisible tradition de la
volte-face tribale et du retournement d’alliance.
Deux sentiments en
ressortent. D’abord, la certitude qu’une part de la sécurité du monde se joue,
toujours, dans ces vallées périlleuses – et au Pakistan. Ensuite, l’angoisse de
voir les Occidentaux, qui ont déjà abandonné leur rêve d’une démocratie
afghane, rater leur sortie de scène, si la « réconciliation afghane »
escomptée virait à la guerre civile.
Et, convaincu que les SMP
pèsent directement sur la conduite de la guerre, il est rapporté que « certaines
des tâches confiées aux « contractors » les mettent au cœur du
système. Ils connaissent les opérations, les acteurs, les points de contact.
Ils ont, en outre, une expérience d’ensemble du terrain que n’ont pas les
militaires. Eux restent sur place entre quatre et cinq ans, alors que nos
rotations ne sont que de six mois en moyenne. Cela leur donne une grande
légitimité auprès des Afghans et une vraie mémoire. »
L’armée française est jusqu’ici
restée, pour l’essentiel, à l’écart de cette tendance à l’externalisation.
Faut-il en finir avec cette exception culturelle ? Des observateurs estiment
que l’évolution est « sans doute inéluctable » car « les
guerres modernes sont devenues hybrides » et parce que les SMP sont aussi
devenues, pour les États qui font appel à elles, des « vecteurs
d’influences ».
La généralisation de ce
néo-mercenariat pose pourtant un problème de fond qui touche à la finalité même
de la guerre. En Afghanistan comme en Irak, les États qui ont engagé des
troupes sur le terrain ont pour objectif de stabiliser la situation, dans les
meilleurs délais possibles, afin de pouvoir amorcer un désengagement.
Or, les SMP sont, elles,
dans une logique économique de retour sur investissement : leurs intérêts
financiers sont aux antipodes des intérêts militaires et politiques de l’Otan.
Ces deux annexes sont là
pour vous rappeler le rôle important des « SMP » (Société Militaire
Privée) dans le contexte des conflits actuels qui courent autour de la planète.
C’est l’une des faces de
la pièce de monnaie des milices privées : celle-là, à défaut d’être
légale, reste pour le moins « tolérée » sinon encouragée.
Les États leur délèguent
ainsi à moindre coût (financier et « politique » : la question
des pertes humaines…) la puissance de coercition et le droit de vie ou de mort
que les démocraties détiennent du peuple pour en avoir le monopole… de la
« violence d’État ».
L’autre face de la même
pièce, ce sont les milices de « guérillas » et assimilées, qualifiées
par les États de « terroristes » : elles usent des mêmes outils
de contrainte sur les populations, parfois des mêmes hommes, mais n’ont pas les
mêmes financements.
Et la frontière reste
parfois très floue entre « révolutionnaires » et
« trafiquants », les uns et les autres s’épaulant dans bien des
régions du monde également en conflit…
Elle le devient encore
plus quand l’État qui contrôle un territoire devient un
« État-voyou » au fil des renversements de régime.
Et quand on dit que les
uns et les autres sont « bien équipés », pas de doute pour les
États-nations : c’est de l’impôt citoyen aux moyens quasiment illimités.
Quand il s’agit de
groupuscules « opaques », les ressources financières sont soit
assumées par les trafics illégaux, soit par d’autres États-nations qui y
trouvent un avantage.
On l’a vu, ce sont des
armes de guerre, des véhicules plus ou moins blindés, mais aussi des
hélicoptères, des avions de combat et de nombreux navires.
Y compris des
sous-marins, pas forcément armés, mais qui « trafiquent » à outrance
là où les garde-côtes sont actifs en surface.
C’était l’hypothèse
retenue dans les pages de ce roman : le synopsis du suivant (encore à
l’écriture) suppose effectivement « un choc » des consciences autour
des installations des Chagos de Paul de Bréveuil.
Et pour faire bon poids,
il a besoin « d’amorcer la situation » avec du matériel adapté.
Un sous-marin réarmé,
seul susceptible de créer la surprise.
Il aura été intégré dans
ce volume par Alexis Dubois.
Se rajoute également à ce
bref aperçu la lutte antiterroriste la lutte antidrogue et la lutte
« révolutionnaire » et « contre-révolutionnaire » avec ses
« coups tordus », dont au moins deux.
La plupart sont menées
« sous fausse bannière » : on peut penser à ces sabotages
récents de navires dans la mer d’Oman qui ont été suivis d’une cacophonie de
déclarations à l’emporte-pièce tendant à faire supporter la responsabilité de
ces attentats à une « puissance publique » (ou une autre) :
c’est le signe indélébile d’une manipulation, notamment quand aucun auteur ne
peut être arrêté, sinon identifié.
Le fait le plus marquant
reste toutefois l’assassinat du général Qassem Soleimani.
Enfin, plus récemment, on
aura noté l’arrestation au Venezuela de « barbouzes » tentant, d’après
le président en exercice, à le renverser avec l’appui de navires de guerre
américain restés au large.
270 pages – 12,30 €
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