Je vous l’avais promis…
Et puis il y a eu d’autres « urgences » : Le texte du « Cons-cons »
sur la loi Avia.
Pour vos archives (et les miennes)…
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions
prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi visant
à lutter contre les contenus haineux sur internet, sous le n° 2020-801 DC, le
18 mai 2020, par MM. Bruno RETAILLEAU, Pascal ALLIZARD, Serge BABARY, Philippe
BAS, Jérôme BASCHER, Mmes Martine BERTHET, Anne-Marie BERTRAND, MM. Jean BIZET,
Bernard BONNE , Gilbert BOUCHET, Yves BOULOUX, Jean-Marc BOYER, Max BRISSON,
Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François CALVET, Christian CAMBON, Mme Agnès
CANAYER, M. Jean-Noël CARDOUX, Mme Anne CHAIN-LARCHÉ, MM. Patrick CHAIZE, Pierre
CHARON, Alain CHATILLON, Mme Marta de CIDRAC, MM. Pierre CUYPERS, Philippe
DALLIER, René DANESI, Mathieu DARNAUD, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE,
Chantal DESEYNE, M. Laurent DUPLOMB, Mmes Dominique ESTROSI SASSONE, Jacqueline
EUSTACHE-BRINIO, MM. Bernard FOURNIER, Jordi GINESTA, Daniel GREMILLET, Jacques
GROSPERRIN, Mme Pascale GRUNY, MM. Charles GUENÉ, Alain HOUPERT, Benoît HURÉ,
Mme Corinne IMBERT, MM. Roger KAROUTCHI, Marc LAMÉNIE, Mme Élisabeth LAMURE,
MM. Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Ronan LE GLEUT,
Jean-Pierre LELEUX, Henri LEROY, Mmes Brigitte LHERBIER, Vivette LOPEZ, Viviane
MALET, Marie MERCIER, M. Sébastien MEURANT, Mme Brigitte MICOULEAU, M. Albéric
de MONTGOLFIER, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Jean-Marie MORISSET, Philippe
MOUILLER, Philippe NACHBAR, Mme Sylviane NOËL, MM. Claude NOUGEIN, Olivier
PACCAUD, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, Ladislas PONIATOWSKI, Mmes Sophie
PRIMAS, Isabelle RAIMOND-PAVERO, M. Michel RAISON, Mme Françoise RAMOND, MM.
Jean-François RAPIN, André REICHARDT, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Alain
SCHMITZ, Vincent SEGOUIN, Bruno SIDO, Mme Esther SITTLER, M. Jean SOL, Mme
Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART, Jean-Pierre VIAL et Jean-Pierre VOGEL,
ainsi que Mme Annick BILLON, M. Philippe BONNECARRÈRE, Mmes Françoise FÉRAT,
Catherine FOURNIER, Françoise GATEL, Nathalie GOULET, Jocelyne GUIDEZ, M. Loïc
HERVÉ, Mme Sophie JOISSAINS, MM. Laurent LAFON, Michel LAUGIER, Mme
Anne-Catherine LOISIER, MM. Pascal MARTIN, Jean-Marie MIZZON, Mmes Catherine MORIN-DESAILLY,
Sonia de la PROVÔTÉ, Nadia SOLLOGOUB et Dominique VÉRIEN, sénateurs.
Au vu des textes suivants :
•la Constitution ;
•l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi
organique sur le Conseil constitutionnel ;
•la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil
du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la
société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché
intérieur (« directive sur le commerce électronique ») ;
•la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication ;
•la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie
numérique ;
Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 10
juin 2020 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Les sénateurs requérants défèrent au Conseil
constitutionnel la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur
internet. Ils contestent certaines dispositions de ses articles 1er et 7 et ses
articles 4, 5 et 8.
- Sur certaines dispositions de l'article 1er :
. En ce qui concerne le paragraphe I :
2. Le paragraphe I de l’article 1er de la loi
déférée modifie l’article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 mentionnée ci-dessus
prévoyant que l’autorité administrative peut demander aux hébergeurs ou aux
éditeurs d’un service de communication en ligne de retirer certains contenus à
caractère terroriste ou pédopornographique et, en l’absence de retrait dans un
délai de vingt-quatre heures, lui permet de notifier la liste des adresses des
contenus incriminés aux fournisseurs d’accès à internet qui doivent alors sans
délai en empêcher l’accès. Le paragraphe I de l'article 1er réduit à
une heure le délai dont disposent les éditeurs et hébergeurs pour retirer les
contenus notifiés par l’autorité administrative et prévoit, en cas de
manquement à cette obligation, l’application d’une peine d'un an
d'emprisonnement et de 250.000 euros d’amende.
3. Les sénateurs requérants font valoir que ces dispositions,
adoptées en nouvelle lecture, l’auraient été en méconnaissance de l’article 45
de la Constitution. Ils reprochent ensuite à ce paragraphe, qui aurait pour
objet la transposition de la directive du 8 juin 2000 mentionnée ci-dessus, d’être
manifestement incompatible avec celle-ci. Ils font également valoir que l’atteinte
portée à la liberté d’expression et de communication serait disproportionnée en
raison de l’absence de garanties suffisantes. En outre, ils soutiennent que ces
dispositions imposeraient à l’ensemble des éditeurs et hébergeurs des sujétions
impossibles à satisfaire et méconnaîtraient, ce faisant, le principe d’égalité
devant les charges publiques.
4. Aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des
opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut
donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette
liberté dans les cas déterminés par la loi ». En l’état actuel des moyens de
communication et eu égard au développement généralisé des services de
communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services
pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des
opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services et de s’y
exprimer.
5. L’article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe
les règles concernant ... les droits civiques et les garanties fondamentales
accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Sur ce
fondement, il est loisible au législateur d’édicter des règles concernant l’exercice
du droit de libre communication et de la liberté de parler, d’écrire et
d'imprimer. Il lui est aussi loisible, à ce titre, d’instituer des dispositions
destinées à faire cesser des abus de l’exercice de la liberté d’expression et
de communication qui portent atteinte à l’ordre public et aux droits des tiers.
Cependant, la liberté d’expression et de communication est d’autant plus
précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des
garanties du respect des autres droits et libertés. Il s’ensuit que les
atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires,
adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi.
6. La diffusion d’images pornographiques représentant des
mineurs, d’une part, et la provocation à des actes de terrorisme ou l’apologie
de tels actes, d’autre part, constituent des abus de la liberté d’expression et
de communication qui portent gravement atteinte à l’ordre public et aux droits
des tiers. En imposant aux éditeurs et hébergeurs de retirer, à la demande de l’administration,
les contenus que cette dernière estime contraires aux articles 227-23 et
421-2-5 du code pénal, le législateur a entendu faire cesser de tels abus.
7. Toutefois, d’une part, la détermination du caractère
illicite des contenus en cause ne repose pas sur leur caractère manifeste. Elle
est soumise à la seule appréciation de l’administration. D’autre part, l’engagement
d’un recours contre la demande de retrait n’est pas suspensif et le délai d’une
heure laissé à l’éditeur ou l’hébergeur pour retirer ou rendre inaccessible le
contenu visé ne lui permet pas d’obtenir une décision du juge avant d’être
contraint de le retirer. Enfin, l’hébergeur ou l'éditeur qui ne défère pas à
cette demande dans ce délai peut être condamné à une peine d’emprisonnement d’un
an et à 250.000 euros d’amende.
8. Dès lors, le législateur a porté à la liberté d’expression
et de communication une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et
proportionnée au but poursuivi.
9. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d’examiner les
autres griefs, le paragraphe I de l’article 1er de la loi est
contraire à la Constitution.
. En ce qui concerne le paragraphe II :
10. Le paragraphe II de l’article 1er crée un
article 6-2 dans la loi du 21 juin 2004 imposant à certains opérateurs de
plateforme en ligne, sous peine de sanction pénale, de retirer ou de rendre
inaccessibles dans un délai de vingt-quatre heures des contenus illicites en
raison de leur caractère haineux ou sexuel.
11. Les sénateurs requérants reprochent tout d’abord à ce
paragraphe, qui aurait pour objet la transposition de la directive du 8 juin
2000, d’être manifestement incompatible avec celle-ci. Ils soutiennent ensuite
que le délit sanctionnant l’absence de retrait des contenus incriminés serait
contraire à la liberté d’expression et de communication. À ce titre, ils font
valoir que l’atteinte portée à cette liberté ne serait pas nécessaire dès lors
qu’il existe de nombreuses dispositions législatives permettant de prévenir et
de réprimer la diffusion de tels propos. Cette atteinte serait également
disproportionnée dans la mesure où la brièveté du délai laissé aux opérateurs
pour procéder à ce retrait, couplée à la difficulté pour eux de déterminer si
des propos sont ou non manifestement illicites, les incitera à retirer tout
contenu signalé comme potentiellement illicite. Les sénateurs requérants
estiment également que ces dispositions méconnaîtraient le principe de légalité
des délits. Selon eux, le délit créé ne serait pas défini en des termes
suffisamment clairs et précis dès lors qu’il pourrait résulter d’une simple
négligence de l’opérateur et que ce dernier devra se livrer à un travail de
qualification juridique complexe pour identifier les propos illicites. Enfin, l’absence
de retrait d'un propos haineux ou à caractère sexuel étant susceptible d’être
poursuivie sous plusieurs qualifications pénales, il en résulterait une
violation des principes de nécessité des peines et d’égalité devant la loi
pénale.
12. En application des dispositions contestées, certains
opérateurs de plateforme en ligne dont l’activité dépasse des seuils définis
par décret doivent, sous peine de sanction pénale, retirer ou rendre
inaccessible tout contenu qui leur est signalé dès lors que ce contenu peut
manifestement relever de certaines qualifications pénales énumérées par ces
dispositions. Il s’agit des infractions d’apologie à la commission de certains
crimes ; de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard
d’une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur
appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou
une religion déterminée ou à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle
ou identité de genre ou de leur handicap ou de provocation à la discrimination
à l’égard de ces dernières personnes ; de contestation d’un crime contre l’humanité
tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire
international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis
soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article
9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une
juridiction française ou internationale ; de négation, de minoration ou de
banalisation de façon outrancière de l’existence d’un crime de génocide, d’un
autre crime contre l’humanité que ceux précités, d’un crime de réduction en
esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou d’un crime
de guerre lorsque ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une
juridiction française ou internationale ; d’injure commise envers une personne
ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou
de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée ou envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur
sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ;
de harcèlement sexuel ; de transmission d’une image ou d’une représentation
d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère
pornographique ; de provocation directe à des actes de terrorisme ou d’apologie
de ces actes ; de diffusion d’un message à caractère pornographique susceptible
d’être vu ou perçu par un mineur.
13. En adoptant ces dispositions, le législateur a voulu
prévenir la commission d’actes troublant gravement l’ordre public et éviter la
diffusion de propos faisant l’éloge de tels actes. Il a ainsi entendu faire
cesser des abus de l’exercice de la liberté d’expression qui portent atteinte à
l’ordre public et aux droits des tiers.
14. Toutefois, en premier lieu, l’obligation de retrait s’impose
à l’opérateur dès lors qu’une personne lui a signalé un contenu illicite en
précisant son identité, la localisation de ce contenu et les motifs légaux pour
lesquels il est manifestement illicite. Elle n’est pas subordonnée à l’intervention
préalable d’un juge ni soumise à aucune autre condition. Il appartient donc à l’opérateur
d'examiner tous les contenus qui lui sont signalés, aussi nombreux soient-ils,
afin de ne pas risquer d’être sanctionné pénalement.
15. En deuxième lieu, s’il appartient aux opérateurs de
plateforme en ligne de ne retirer que les contenus manifestement illicites, le
législateur a retenu de multiples qualifications pénales justifiant le retrait
de ces contenus. En outre, son examen ne doit pas se limiter au motif indiqué
dans le signalement. Il revient en conséquence à l’opérateur d'examiner les
contenus signalés au regard de l’ensemble de ces infractions, alors même que
les éléments constitutifs de certaines d’entre elles peuvent présenter une
technicité juridique ou, s’agissant notamment de délits de presse, appeler une
appréciation au regard du contexte d’énonciation ou de diffusion des contenus
en cause.
16. En troisième lieu, le législateur a contraint les
opérateurs de plateforme en ligne à remplir leur obligation de retrait dans un
délai de vingt-quatre heures. Or, compte tenu des difficultés précitées d’appréciation
du caractère manifeste de l’illicéité des contenus signalés et du risque de
signalements nombreux, le cas échéant infondés, un tel délai est
particulièrement bref.
17. En quatrième lieu, s’il résulte des travaux
parlementaires que le législateur a entendu prévoir au dernier alinéa du
paragraphe I du nouvel article 6-2 une cause exonératoire de responsabilité
pour les opérateurs de plateforme en ligne, celle-ci, selon laquelle « Le
caractère intentionnel de l’infraction … peut résulter de l’absence d'examen
proportionné et nécessaire du contenu notifié » n’est pas rédigée en des termes
permettant d’en déterminer la portée. Aucune autre cause d’exonération de
responsabilité spécifique n’est prévue, tenant par exemple à une multiplicité
de signalements dans un même temps.
18. En dernier lieu, le fait de ne pas respecter l’obligation
de retirer ou de rendre inaccessibles des contenus manifestement illicites est
puni de 250.000 euros d’amende. En outre, la sanction pénale est encourue pour
chaque défaut de retrait et non en considération de leur répétition.
19. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des
difficultés d’appréciation du caractère manifestement illicite des contenus
signalés dans le délai imparti, de la peine encourue dès le premier manquement
et de l'absence de cause spécifique d’exonération de responsabilité, les
dispositions contestées ne peuvent qu’inciter les opérateurs de plateforme en
ligne à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu’ils soient ou non
manifestement illicites. Elles portent donc une atteinte à l’exercice de la
liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et
proportionnée. Dès lors, sans qu’il soit d'examiner les autres griefs, le
paragraphe II de l’article 1er est contraire à la Constitution.
20. Il en va de même de l’article 3 de la loi déférée, qui
complète le nouvel article 6-2 de la loi du 21 juin 2004, des mots « et à l’avant-dernier
alinéa du I de l’article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la
confiance dans l’économie numérique, » figurant au second alinéa de l’article
10 et du 1 ° de l’article 12, qui en sont inséparables.
- Sur les articles 4, 5, 7, 8, 9 et 18 :
21. Les articles 4, 5, 7, 8, 9 et 18 définissent certaines
obligations de contrôle des contenus illicites auxquelles peuvent être soumis
certains opérateurs ainsi que leur régime d’entrée en vigueur.
22. Les sénateurs requérants reprochent aux articles 4, 5 et
7, qui auraient pour objet la transposition de la directive du 8 juin 2000, d’être
manifestement incompatibles avec celle-ci. Par ailleurs, selon eux, la sanction
prévue par l’article 7, susceptible d’être prononcée par le Conseil supérieur
de l’audiovisuel à l’encontre des opérateurs manquant à leurs obligations
méconnaîtrait l’article 16 de la Déclaration de 1789, faute qu’aient été
prévues des garanties suffisantes au regard de son montant et en raison du
risque de cumul de sanctions administratives infligées, pour des mêmes faits,
dans plusieurs États membres de l’Union européenne. Enfin, l’article 8
autorisant l’administration à demander à certains opérateurs d’empêcher l’accès
à des sites reprenant un contenu déjà jugé illicite serait soit entaché d’incompétence
négative soit dépourvu de portée normative. Il méconnaîtrait également la
liberté d’expression et de communication faute d’avoir prévu des garanties
suffisantes.
23. Toutefois, sans qu’il soit besoin d’examiner ces griefs,
en premier lieu, l’article 4 insère un article 6-3 dans la loi du 21 juin 2004,
qui détermine la liste des obligations auxquelles sont tenus les opérateurs
mentionnés aux premier et deuxième alinéas du nouvel article 6-2 de la même
loi, créé par le paragraphe II de l’article 1er de la loi déférée,
aux fins de lutter contre la diffusion en ligne de contenus mentionnés au même
premier alinéa de cet article 6-2. L’article 5 complète cette liste. Parmi ces
obligations, plusieurs sont directement liées aux conditions de mise en œuvre
de l’obligation de retrait de certains contenus instituée par le paragraphe II
de l’article 1er. Ce paragraphe II ayant été déclaré contraire à la
Constitution, il en va de même, par voie de conséquence, des articles 4 et 5 de
la loi déférée.
24. En deuxième lieu, le paragraphe I de l'article 7 insère
dans la loi du 30 septembre 1986 mentionnée ci-dessus, un article 17-3
déterminant les compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour veiller
ou encourager au respect des dispositions des articles 6-2 et 6-3 de la loi du
21 juin 2004, créés par le paragraphe II de l’article 1er et les
articles 4 et 5 de la loi déférée. Le paragraphe II du même article 7 complète,
aux mêmes fins, l’article 19 de la loi du 30 septembre 1986. Les paragraphes I
et II de l’article 1er et les articles 4 et 5 ayant été déclarés
contraires à la Constitution, il en va de même, par voie de conséquence, des
deux premiers paragraphes de l’article 7 de la loi déférée ainsi que du reste
des dispositions de cet article 7, qui en sont inséparables. Il en va de même
du paragraphe II de l’article 19, qui est inséparable de l’article 7.
25. En troisième lieu, l’article 8 de la loi déférée insère
dans la loi du 21 juin 2004 un article 6-4 définissant les conditions dans
lesquelles l’administration peut demander à un opérateur d’empêcher l’accès à
un site reprenant un contenu dont un juge a considéré qu’il relevait des
infractions prévues au premier alinéa du paragraphe I de l’article 6-2 créé par
le paragraphe II de l’article 1er de la loi déférée. L’intéressé est
alors inscrit sur une liste tenue par l’administration. Ce paragraphe II ayant
été déclaré contraire à la Constitution, il en va de même, par voie de
conséquence, de l’article 8 et de l’article 9, qui, en ce qu’il régit les
relations entre certains annonceurs et les opérateurs inscrits sur la liste
tenue par l’administration, est inséparable de cet article 8.
26. En dernier lieu, les articles 4, 5 et 7 ayant été déclarés
contraires à la Constitution, il en va de même des références à ces articles
figurant à l’article 18, qui en détermine les modalités d’entrée en vigueur.
- Sur la place d’autres dispositions dans la loi déférée :
27. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article
45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et
41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente
un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au
Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les
dispositions introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Dans ce
cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de
ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
28. La loi déférée a pour origine la proposition de loi
déposée le 20 mars 2019 sur le bureau de l’Assemblée nationale, première
assemblée saisie. Dans cette rédaction, cette proposition comportait huit
articles. Son article 1er imposait à certains opérateurs de
plateforme en ligne de retirer sous vingt-quatre heures certains contenus
publics manifestement illicites, sous peine de sanction par le Conseil
supérieur de l’audiovisuel. Son article 2 modifiait les modalités de
signalement de contenus illicites aux hébergeurs. Son article 3 imposait aux
opérateurs de plateforme en ligne de mettre à disposition du public des
informations sur les recours dont disposent, notamment, les victimes de
contenus illicites mentionnés à l’article 1er. Son article 4
confiait au Conseil supérieur de l’audiovisuel le soin de veiller à la lutte
contre la diffusion de contenus illicites sur internet. Son article 5 obligeait
les opérateurs de plateforme en ligne à disposer d’un représentant légal en
France et augmentait l’amende sanctionnant la méconnaissance des obligations
existantes. Son article 6 conférait à l’autorité administrative un pouvoir d’injonction
afin d’empêcher l'accès à des contenus dupliquant des contenus interdits par
une décision judiciaire. Son article 7 prévoyait un rapport annuel au Parlement
sur l’exécution de la loi et sur les moyens consacrés à la lutte contre les
contenus illicites, y compris en matière d’éducation, de prévention et d’accompagnement
des victimes. Son article 8 était relatif à la recevabilité financière de la
proposition de loi.
29. L’article 11 de la loi déférée modifie les articles 138
du code de procédure pénale et 132-45 du code pénal afin de compléter la liste
des obligations susceptibles d’être prononcées dans le cadre d’un contrôle
judiciaire ou d’un sursis probatoire, en y ajoutant l’interdiction d’adresser
des messages, notamment électroniques, à la victime. Introduites en première
lecture, ces dispositions, applicables à tout contrôle judiciaire ainsi qu’à
tout sursis probatoire, quelle que soit l’infraction en cause, ne présentent
pas de lien, même indirect, avec l’article 1er du texte initial qui
instaurait une sanction administrative réprimant l’absence de retrait de
certains contenus illicites publiés sur internet, ni avec son article 3 qui
prévoyait des mesures d’information des victimes visées par de tels contenus,
ni avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans la proposition de loi
déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale.
30. Les 2 ° et 3 ° de l'article 12 modifient les
dispositions des articles 510 et 512 du code de procédure pénale relatives à l’appel
des décisions rendues à juge unique en matière correctionnelle. Introduites en
première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect,
avec celles qui figuraient dans la proposition de loi déposée sur le bureau de
l’Assemblée nationale.
31. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la
conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences
constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure
contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les autres dispositions :
32. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune
autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé
sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la
présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
•les paragraphes I et II
de son article 1er ;
•son article 3 ;
•son article 4 ;
•son article 5 ;
•son article 7 ;
•son article 8 ;
•son article 9 ;
•les mots « et à l’avant-dernier
alinéa du I de l’article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la
confiance dans l’économie numérique, » figurant au second alinéa de son article
10 ;
•le 1 ° de son article 12
;
•les mots « 4 et 5 ainsi
que les I, II et III de l'article 7 » figurant à la première phrase de son
article 18 et la seconde phrase de ce même article ;
•le paragraphe II de son
article 19 ;
•son article 11 et les 2
° et 3 ° de son article 12.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel
de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18
juin 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Valéry GISCARD d'ESTAING, Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN,
Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT
Rendu public le 18 juin 2020.
D’une extraordinaire précision : Du caviar à
juriste-plumitif (tel que moâ) !
Vous l’aurez compris, la loi est parfaitement
constitutionnelle et s’applique dès après sa publication au Journal Officiel de
la République, hors tout ce qui est réputé « contraire à la Constitution »,
c’est-à-dire l’essentiel !
Autrement dit la « merdasse »…
Magnifique, finalement.
De vous à moâ, de toute façon il est fort probable que
cette eût été inapplicable au moment même où « Dieu-a-donné » se fait
interdire de chaîne « YouTube » et où « Twister », « Fesse-Bouc »
et quelques autres se font chahuter pour des motifs équivalents plus ou moins bien
fondés.
Le bon sens l’aura donc emporté sur des motifs
parfaitement légitimes et constitutionnels.
Et je m’en réjouis, figurez-vous !
Bon week-end à toutes et tous !
I3
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