Grande question…
On a toutes & tous en tête quelques pertes de
contrôle de véhicules en mouvement sur les chaussées (glissantes ou non)
provoquant fracas et froissement de tôle plus ou moins réparables.
Parfois même, ce genre de situation provoque des
blessures plus ou moins graves, voire létales.
Si vous n’avez jamais été victime ou témoin de ce type
de situation, vous avez bien de la chance !
Parce que c’est hélas assez courant.
Personnellement, je suis toujours partagé entre deux
réflexes après avoir su et pu éviter d’être impliqué personnellement : Les
gens au volant me foutent parfois tellement la trouille, que je suis devenu
très prudent, anticipant longuement avant « la konnerie » à venir
détectée dans mon champ de vision.
Et puis, soit je m’arrête pour venir en aide après m’être
rangé pour ne pas provoquer un suraccident, soit les accidentés sont déjà pris
en charge et mis à l’abri par plus rapide que moâ et alors je me casse.
Je me souviens ainsi d’une bretonne sur l’A10 roulant « un
peu vite » devant moâ à la sortie d’un virage serré sur sol mouillé, qui
ne contrôle pas un survirage, monte sur le talus et se retourne dans le fossé,
éparpillant sur le bas-côté le contenu de son linge-sale qui devait être lavé
chez « papa-maman » dans la soirée.
Nous sommes plusieurs à se ranger sur la BAU et je la
sors de son « tas-de-boue-roulettes », blême à faire peur et complètement choquée…
Comme il pleuvait, je l’ai abritée dans ma chignole
pendant que d’autres appelaient les secours à la borne suivante : On a
attendu les services et une ambulance alors que j’essayais de la faire rire…
Ce que je ne savais pas, c’est que je prenais le
risque insoutenable d’une longue procédure quand, des années plus tard, je suis
tombé sur cet arrêt…
Cour de cassation, deuxième chambre civile
Audience publique du jeudi 24 octobre 2019
N° de pourvoi : 18-20910
M. Pireyre (président), président,
SCP Marc Lévis, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano,
avocat(s).
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu
l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l’article 1er de la loi n° 85-677 du 5
juillet 1985 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 20 juin 2014,
alors qu’il circulait en voiture, M. J… s’est arrêté pour relever un scooter
qui était à terre, appartenant à M. H… ; qu’il s’est ensuite rendu au service
des urgences où a été constatée une rupture de la portion distale du tendon du
biceps droit à l’occasion d’un effort de soulèvement ; qu’il a assigné M. H… et
son assureur, la société Gan assurances (l’assureur), en indemnisation de ses
préjudices sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, en présence de la caisse
primaire d’assurances maladie des Alpes-Maritimes ;
Attendu que pour débouter M. J… de ses demandes et le
condamner à rembourser à l’assureur la provision perçue, l’arrêt retient que le
fait que M. J… ait relevé un scooter et qu’il ait été blessé n’est pas un
événement fortuit et imprévisible mais résulte d’un acte volontaire, qu’il ait
eu lieu de sa propre initiative ou bien sur demande d’un tiers ; que la rupture
de la portion distale du tendon du biceps droit à la suite du mouvement d’effort
au soulèvement n’est donc pas la conséquence d’un accident de la circulation et
que ce préjudice ne relève pas d’une indemnisation au sens de la loi du 5
juillet 1985 ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses
constatations que la victime s’était blessée en relevant un véhicule terrestre
à moteur et qu’elle avait ainsi été victime d’un accident de la circulation au
sens de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985, la cour d’appel a
violé le texte susvisé par refus d’application ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur
les autres branches du moyen unique :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt
rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence
; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d’appel de Nîmes ;
Condamne M. H… et la société Gan assurances aux dépens
;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette
la demande de M. H… et de la société Gan assurances et les condamne in solidum
à payer à M. J… la somme globale de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près
la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en
marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième
chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du
vingt-quatre octobre deux mille dix-neuf.
Monsieur J… est bien gentil. Il est témoin d’un
accident de scooter et veut se rendre utile en l’absence des « secours
autorisés » en opérant un « redressement de situation » de l’engin
gisant sur le macadam.
L’accident de la circulation est terminé, clos :
Circulez, il n’y a plus rien à voir !
Par malchance, il se blesse.
Une belle déchirure d’un muscle du bras droit (celui
qui signe les chèques ?).
L’imprudent, va !
Et c’est lui qui se retrouve à l’hôpital…
Dans un premier temps, sa demande d’indemnisation à l’assureur,
poussé par la caisse primaire de la « Sec-Soc », n’aboutit pas.
Pour le juge, le fait de se blesser en relevant un
scooter n’est décidément pas un événement fortuit et imprévisible assurable car
n’est donc pas la conséquence d’un accident de la circulation…
C’est pour sa pomme.
Sauf qu’il faut relire la loi applicable : Elle
prévoit le principe d’une indemnisation « aux victimes d’un accident de
la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur
ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et
des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. »
Et l’article 2 indique même que : « Les
victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force
majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien d’un véhicule
mentionné à l’article 1er. »
On va même plus loin avec l’article 3 qui précise que :
« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à
moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne
qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute
à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident. »
C’est même pour ces raisons qu’on vous oblige à
souscrire une assurance minimale qui s’appelle « responsabilité aux tiers »…
(Pas le tiers du préjudice, mais le « tiers-pas-vous »…)
Le juge du fond n’est pas un ignare en matière de loi
applicable, naturellement…
Il lui semblait seulement que l’accident (insurmontable,
imprévisible) était déjà dépassé en l’espèce… de l’histoire ancienne.
Pas du tout lui répond la Cour de cassation. La
victime s’est blessée en relevant un « véhicule terrestre à moteur »
donc elle a bien été victime d’un accident de la circulation au sens de l’article
1er de la loi du 5 juillet 1985.
Bon, si elle avait redressé un avion, un vélo, un train
ou un tramway, la réponse aurait probablement été différente :
Personnellement, j’ai bien poussé tout seul une Micheline (celle de « Corsica-Bella-Tchi-Tchi)
pour faire une blague (c’était un pari pour épater mes potes du moment), mais
sans me blesser : La difficulté, c’est de démarrer le mouvement (il faut
insister une bonne vingtaine de secondes), après ça roule tout seul !
Et pas question de l’arrêter : Il ne faut pas non
plus dékonner…
Bref, heureusement que je n’ai pas glissé à me tordre
la cheville à l’époque où j’ai relevé ma « bretonne » sur le bord de
l’A10… Elle n’était même pas à moteur-thermique, elle, mais plutôt frigorifiée !
Bonne poursuite de votre week-end à toutes et tous !
I3
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