C’est un drame !
On passe sa vie avec une enveloppe charnelle absolument incroyable de
complexité, quasiment parfaite, auto-réparatrice dans bien des circonstances,
parfois très nombreuses.
Mais nous ne l’avons pas choisi.
Je n’ai pas choisi d’être né.
Je n’ai pas choisi d’être né ici et pas là-bas.
Je n’ai pas choisi d’être né à ce moment-là et pas à un autre, plus tôt ou
plus tard.
Je n’ai pas choisi d’être né avec des yeux bleu ou vert, pas choisi d’être
né grand beau et svelte, ou petit moche et gros.
Je n’ai pas non plus choisi mon sexe, cet appendice parfois encombrant qui
n’en fait qu’à sa tête (de gland), ou cet orifice caché dans ses plis qui parfois gêne, saigne et fait
mal.
Personne ne choisit d’avoir un gros kul et des petits seins ou
inversement.
Ni d’avoir un visage ingrat ou un sourire lumineux…
Et pourtant je suis là. Tel que je suis et pas autrement :
Incontournable !
Et c’est pour tout le monde pareil, sans exception.
Personne ne choisit non plus ses handicaps, ses infirmités, son QI, ses maladies
génétiques, ses tares congénitales, ses limites, ni la contrainte d’être un
humain ou bien un animal, un végétal…
Personne ne choisit non plus ses géniteurs.
C’est comme ça.
Il m’a fallu attendre quelques mois pour que mon cerveau retourne l’image
du monde qui m’entoure, perçu à travers mes pupilles, encore quelques mois pour
que je puisse « bouger » dans mon espace, puis encore plein d’autres
pour que je puisse marcher, m’assoir, m’allonger et des années pour que je
sache nager, faire du vélo et que sais-je encore, car je n’ai pas les
« outils » pour voler de mes propres ailes.
Toute le monde mettra plus de deux ans avant de pouvoir dire
« je », mais mes premiers souvenirs attendront ce jour-là, alors que
d’autres, déjà oubliés auront influer mon mental, pour la vie entière, sans que
je ne le sache ni que je les aie choisis.
C’est comme ça.
Il paraît que je choisis mes « goûts et couleurs », mes
attirances et mes répulsions.
Mais mon doudou, ce sont me parents qui me l’ont procuré : il est là
pour me rassurer parce que j’y reconnais mon odeur (de lait caillé) comme
unique au monde sans même en avoir conscience.
Et puis la vie me happe comme tout le monde qui survit jusque-là.
Je me forme des projets qui parfois dureront toute une vie, parfois que
l’espace d’un rêve.
Parfois mes organes me disent que j’ai faim, que j’ai froid, que j’ai soif,
que j’ai chaud. De temps à autres, j’ai le ventre qui gonfle et j’ai appris à
déféquer et à uriner pour le soulager, à péter et roter.
Parfois, je me fais mal et je suis doté d’un réseau de neurones complexe
qui me fait savoir à quel endroit du derme ou d’ailleurs, je me suis
provisoirement estropié.
Parfois, c’est seulement de la fièvre : Je suis attaqué par plus
petit que moâ tellement petit que je ne le vois pas et qu’on appelle ça des
« micro-bes », voire des virus.
Les « macrobes », je les vois venir : j’ai appris à les
éviter ou à leur faire face.
Mais la douleur, je la subis : Ma « machine » va réparer
les conséquences de l’origine de mes maux, mais en attendant la douleur envahit
mon esprit par cette « urgence » que « ça fait mal » !
Et comme je passe le tiers de mon temps à dormir (ça soulage le cœur, les
vaisseaux, les muscles, mes organes et même mon cerveau et sa psyché), quand ça
fait si mal que je ne peux plus dormir, je deviens de très mauvaise humeur.
Et pourtant, je ne l’ai pas choisi…
En fait, je suis le jouet de la vie qui passe et des circonstances qu’elle
m’offre de croiser.
Les « anciens » disaient même que nous étions tous les
« jouets de dieux » qui s’amusent des humains, ces pôvres mortels
irrécupérables.
Un jeu qui dure si peu de temps, exceptionnellement près de 130 millions
de secondes, guère plus pour chacun d’entre nous.
Et c’est quoi une seconde ?
Rien, à peine le temps d’un battement de cœur. Il m’en faut au moins trois
pour une seule inspiration.
C’est quoi 100 millions de secondes par rapport aux 13,7 milliards
d’années qu’est né l’Univers, le nôtre, celui dans lequel chacun vit sans rien
avoir réclamé ?
Je n’en aurai de toute façon jamais assez pour satisfaire ma curiosité.
Tout juste à peine assez pour me « reproduire » et lancer à mon
tour des êtres humains comme l’ont fait mes parents, seulement pour passer le
relai et encore.
Mes souvenirs disparaîtront à jamais avec moi, même les plus beaux. Et
d’autres se feront les leurs qui à leur tour disparaîtront…
Une atroce condition humaine (animale, végétale) qui n’est jamais que
provisoire, éphémère, très éphémère finalement.
Et que je n’ai pas demandé.
Mais que se passe-t-il quand en plus, funeste destin, la machine trahit
l’âme (ou l’esprit) et que l’enfer sur Terre fait son apparition ?
Quand le corps ne cesse de lancer des messages de souffrance au cerveau,
tel que le cerveau n’en peut plus et/ou n’en veut plus… ?
La science, cette chose qui n’est jamais que la somme des connaissances
découvertes au fil du temps et que les humains ne cessent de se transmettre de
bouche à oreille ou sur tout autre support, et qui s’enrichit de génération en
génération (qu’on appelle parfois « progrès ») a déjà des solutions
thérapeutiques.
On peut faire cesser les douleurs insupportables !
Un coup d’épée ou de fleuret, de couteau ou de pistolet, une chute (aidée
ou non) qui vous fracasse le cou et c’est terminé.
Plus de souffrance, plus de souvenir, plus de vie, plus rien : La
délivrance seulement, mais définitive !
Naturellement, il y a « moins sauvage »…
La « civilisation » aura inventé des « poisons »
indolores qui opèrent ce genre de « soulagement ».
Et les pouvoirs publics et son armée de « sachants » s’en
mêlent forcément, puisque ça vous concerne : Quand faut-il, quand peut-on,
dans quelles circonstances et selon quels protocoles la
« sédation-civilisée » est autorisée au lieu et place de la bonne
vieille méthode « d’achever les chevaux », euthanasier son chien ou
son chat, ces « ultimes trahisons » imposées à l’animal… selon les
« circonstances de la vie » ?
Après tout, nous ne sommes que des animaux, pas des végétaux…
La semaine précédente, à ma grand surprise le ministère de la Santé a
décidé de répondre favorablement aux instances de la Haute Autorité de santé
(HAS) en permettant, par modification de son autorisation de mise sur le
marché, la vente en pharmacie, d’ici quatre mois, du Midazolam.
C’est un puissant anesthésique, jusqu’à présent réservé aux hôpitaux, pour
la pratique de la « Sédation Profonde Continue Maintenue jusqu’au Décès »
(SPCMD) !
Une pendaison chimique, jusqu’à ce que mort s’en suive selon la formule
rituelle…
Une décision saluée par le syndicat des toubibs généralistes, car la plupart
de ces médecins n’ont pas la possibilité de prendre en charge les patients en
fin de vie à domicile, faute de pouvoir se procurer le Midazolam et de
l’administrer.
Une molécule qui « suspend » la conscience du patient avec le
bon dosage sans provoquer immédiatement son décès.
Et pour cela le médecin recevra un « guide de bonne pratique »,
revu et corrigé en janvier 2020…
J’admire la précision de la décision… et du « dosage ». Trop ça
tue (de toute façon ça tue…) pas assez et on vous entend encore râler :
Insupportable !
Rappelons que dans le serment d’Hippocrate, le médecin promet : « Je
ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les
agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. »
C’est le texte « post-moderne ».
Compliqué…
Car où se trouve la limite entre la sédation profonde menée jusqu’au décès
et l’euthanasie ?
N’est-ce pas utopique de légitimer l’une en interdisant l’autre, tant la
possibilité de glissement est aisée ?
Comme il y a des vivants (qui n’ont pas non plus demandé à être là à cette
époque-ci) qui se servent aussi de leurs neurones pour réfléchir, ceux-là distinguent
bien les contradictions et proposent six critères :
– L’intention : Soulager une souffrance et répondre à la demande de
mort.
– Le moyen : Altérer la conscience et provoquer la mort.
– La procédure : Distinction entre médicament sédatif et dose létale.
– Le résultat : Sédation profonde et mort du patient.
– La temporalité entre l’euthanasie lente et la mort immédiate.
– Enfin le respect de la législation qui autorise la sédation mais rend
parfois illégale l’euthanasie active.
Et dans tout ça, quid du patient qui ne peut pas exprimer sa volonté…
Quid du cas difficile de Vincent Lambert ?
Qui pour se substituer à « son absence » ?
Pour lui, l’âme, l’esprit était déjà parti. Seul fonctionnaient encore les
fonctions vitales « de la machine » (et sans assistance…).
Elle a mis d’ailleurs plusieurs jours à s’éteindre, faute d’avoir été
nourrie et hydratée.
Son corps est en fait mort de faim et de soif…
Justement, en ce qui le concerne, il avait émis « un avis » de
pleine conscience : Avant son accident.
Alors, le « législateur » (en l’occurrence le gouvernement et
ses « sachants ») fait comme pour les dons d’organe : Sauf si le
patient s’y est opposé dans des directives anticipées, le médecin peut arrêter
un traitement de maintien en vie au titre « du refus de l’obstination
déraisonnable », et mettre en œuvre une « SPCMD ».
Tant pis pour vous : Il faut libérer la place.
Notez, je comprends…
D’autant qu’il est prévu que cette « sédation profonde » peut
même être demandée par le patient « atteint d’une affection grave et
incurable » et « susceptible d’entraîner une souffrance insupportable ».
Ça a été le cas récent de ma « Môman-à-moâ-même » : Elle
n’en pouvait plus.
Mais la loi pose quelques limites : Une procédure collégiale réunissant un
médecin extérieur (là, elle n’y a pas eu droit…) et les soignants pour vérifier
que les critères de la loi sont bien respectés ; et consultation de la
personne de confiance ou de la famille du malade qui n’a pas donné ses
directives anticipées (ni ma « sœur-petite-sœur » ni « moâ-même »
n’avons été consultés : De toute façon, on savait).
Et c’est toujours au médecin seul que revient l’ultime décision.
Il y en a qui en font même leur métier « dans le civil » :
Ils œuvrent dans les établissements de « soins palliatifs »…
Mais s’agit-il de mourir ou seulement de ne plus souffrir ?
Attention à la volonté de faire l’amalgame entre l’euthanasie et la
demande de soulager la souffrance…
On vous expliquera parfois que « les patients réclament une meilleure
qualité des soins. (…) Lorsqu’une personne en fin de vie est soulagée
par des soins adaptés, la demande d’euthanasie est neutralisée dans la majorité
des cas. »
Ah oui tiens donc…
Et oui, la Morphine, j’en ai des tonnes : Toutes ces boîtes marquées « Oxy-quelque
chose »
De toute façon, il est plein de molécules qui vous abrutissent pour
« soigner » tel ou tel organe en défaillance et finissent par vous
emporter par empoisonnement.
Ma « Môman-à-moâ-même » les évitait : C’est pourquoi j’en
ai un stock phénoménal, remboursé par la « Sek-Sok »…
Alors, « consentait-elle » comme elle l’affirmait crânement ou
inconsciemment s’y refusait-elle ?
Restons donc vigilants : Le président de l’Association pour le droit
de mourir dans la dignité (ADMD) dénonce « l’hypocrisie de la loi
Claeys-Leonetti » et demande un nouveau texte législatif sur le droit au
suicide assisté et l’euthanasie…
Le groupe « soce-y’à-liste » du Sénat le recevra prochainement et
compte soumettre, cet été, une proposition de loi sur « l’aide active à
mourir », au nom de la « Liberté, Égalité, Fraternité ».
De quoi je me mêle ?
Comme disait le poète (Brassens) « Lorsque mon âme et (mon
corps) ne seront plus d’accord/Que sur un seul point : (le divorce). »,
les choses se font toutes seules.
Qu’a-t-on donc besoin d’une nouvelle loi et d’un débat de conscience
difficile juste pour libérer des lits ?
C’est la douleur qu’il faut combattre, pas la vie. Parce que personne n’a
jamais voulu naître là quand il est né et devoir « partir » en
souffrances.
Ce qui n’empêche pas d’avoir un peu de compassion, d’autant mieux que les
molécules sont archi-connues et d’usage quasiment courant : Un toubib, une
ordonnance et hop, c’est même remboursé avec votre carte vitale.
Quoi de plus simple.
Et c’est si facile de tuer « un malade » : Il lui suffit
d’avaler la boîte en une seule prise… à condition d’agonir en solitaire.
Ça tombe bien, la mort est une aventure solitaire, au sens d’être
forcément « intime », en toutes circonstances.
Il n’empêche, quelle idée de disposer d’une machine « parfaite »
et de devoir s’en séparer quand elle dékonne !
Ça, c’est incompréhensible.
Ne naître que pour pouvoir mourir ?
Excusez du peu, question schizophrénie !
Me vient à l’esprit le « souvenir » de « ma nichée »
qui te vous réclame un château de sable sur les plages de Balagne, juste mieux
que pour les piétiner.
Est-ce là le véritable « secret de l’humain » ?
Rester des gamins toute une vie, si courte soit-elle ?
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