Ces
interminables étapes
Avertissement
:
Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure
construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
Finalement, Paul fait la visite complète du vaisseau
qui est, grand, mais grand, immense.
Probablement de plusieurs kilomètres.
Qu’il faut se déplacer sur de petits véhicules individuels,
probablement électromagnétiques autonomes, qui se commandent avec un joystick
en trois dimensions dans les coursives et autres entrelacs de cheminements
faiblement éclairés, en état d’apesanteur, peuplées d’innombrables machines,
câblages, droïdes et autres cyborgs…
Parfois c’est sportif quand on n’a pas l’habitude, car
il s’agit surtout de contrôler son inertie !
C’est l’occasion de se rapprocher d’Axel qui, pour en
rajouter, ne sent décidément pas bon. Et c’est une sensation probablement
réciproque et partagée…
Il s’agit de savoir comment ce foutu vaisseau
fonctionne et de quoi il est fait.
En notant que c’est plus facile avec un plan en main.
Et des plans, il y en a partout accrochés aux cloisons, avec derrière chaque
cloison amovible, des détails sur le compartiment qui s’ouvre à sa visite.
Globalement, le vaisseau aurait la forme d’une
lentille elliptique. Devant et derrière sont regroupés deux groupes de trois
moteurs. De gros accélérateurs de particules dans lesquels de la matière et de l’antimatière
s’annihilent mutuellement à très haute température dans une chambre au très
fort gradient électromagnétique, pour s’évacuer par une tuyère d’une taille
ridicule par rapport à l’engin lui-même : ça doit
« pulser » !
Paul tente de calculer de tête que l’éjection de
quelques kilogrammes de matière et antimatière par seconde qui s’échappent à la
vitesse de la lumière, ça doit forcément dégager des poussées invraisemblables,
mais il se perd dans les zéros, ceux avant la virgule !
Sur place, les tuyères auraient presque la dimension
d’une dizaine de mètres.
Les trois sorties de tuyères sont prolongées entre
elles par un cône de fuselage tronqué qui peut lui-même s’ouvrir comme une
tulipe pour embarquer de gros chargements, et le tout, invisible de l’intérieur
et recouvert, non pas d’une peinture noire, mais de neutronium, à l’état de
repos pour le moment, d’un noir absolu : même pas la trace d’une ombre à
sa surface !
Quand il est « spiné », il ferme le champ
des tuyères et ne sont actives que des sondes qui émergent à travers et vers le
milieu extérieur.
De ce que Paul comprend des explications fournies par
Axel et le cyborg Alpha, la manœuvre de déplacement dans l’espace infini
consiste à accélérer dans une direction, droit devant après avoir positionné le
vaisseau entier dans la bonne direction grâce aux moteurs tournant à faible
régime et pivotant sur trois axes, et de fermer le champ du temps qui s’écoule
en spinant le neutronium de l’enveloppe extérieur.
À charge pour les détecteurs et sondes de détecter les
obstacles situés en aval et de déclencher le despinage, soit de façon
programmée soit automatiquement en cas de « d’alerte-panne » ou pour
éviter une éventuelle « collision ».
Le vaisseau entier avance donc à son allure première
dans l’espace, mais comme le temps est suspendu à l’extérieur, quelle que soit la
vitesse initiale, le déplacement atteint une vitesse infinie.
À l’intérieur, il s’agit de contrebalancer les effets
de la suspension du flux du temps qui s’écoule du fait du spinage de la coque extérieure
en neutronium, car les machines doivent « vivre » pour fournir
l’énergie nécessaire à ce spinage.
Il s’agit d’énormes boîtes à « énergie
quantique » qui tournent sans arrêt. Même s’il paraît que ça se déphase et
tombe en panne de temps-à-autre, chose que les cyborgs spécialisés sont sensés
réparer jusqu’à la… limite d’usure.
L’énergie primaire ainsi pompée dans le vide quantique
de l’endroit est stockée dans des accélérateurs de particules après avoir été
transformées en matière et antimatière, qui s’enroulent autour de tout le
fuselage.
Une partie est prélevée pour les moteurs à
l’avancement, une autre est récupérée dans un générateur nucléaire de fusion,
pour produire l’électricité nécessaire au « spinage » de la coque
extérieur, mais également d’une sphère inversement spinée qui contient
l’ensemble des espaces de vie des équipages.
En effet si le temps ne s’écoule plus dans le monde
extérieur pendant le déplacement du vaisseau, il s’écoule à l’intérieur
soumettant les équipages au vieillissement au même titre que les machines et
sources d’énergie.
Pour protéger l’équipage des effets de ce
vieillissement, la sphère est elle-même spinée de la même façon. Et s’il s’agit
bien d’une sphère, c’est qu’une partie de l’énergie stockée dans les anneaux
des accélérateurs de particules, sert de « masse » pour créer un
champ de gravitation différentiel et artificiel interne à ladite sphère de vie,
compensant les effets des accélérations éventuelles à subir par des
tressautements ou autres accidents de l’ensemble dudit vaisseau.
C’est la circulation de cette matière relativiste qui
a été, non pas coupée, mais « équilibrée » de telle sorte que tout-à-l’heure,
lors de la prise du bâtiment par Paul, en son centre, là où se trouve le poste
de commandement et les espaces de vie de l’équipage, se sont retrouvés en
apesanteur relative…
Ils auraient pu tout aussi bien être écrasés par une
pesanteur artificiellement provoquée de la même façon…
La « sphère de vie » possède en son centre
le poste de commandement lui-même, au plancher légèrement courbe, comme un
couvercle, recouvert d’écrans qui restitue dans différentes longueurs d’ondes
l’environnement naturel à la demande. Sans pivoter, on peut faire pivoter la
vue restituée sur un angle d’environ 30° avec des repères gradués en radian qui
permettent de s’orienter.
Et devant, tout un tas de compteurs divers qui
rapportent l’essentiel du fonctionnement des machines.
Autour du poste de commandement, relativement étroit,
il y a les « locaux techniques », au-dessous les locaux de vie de
l’équipage, sur deux niveaux, par lesquels on accède par une échelle de coupée,
et l’ensemble est protégé par des cloisons manifestement étanches.
Et au-dessus, des issues qui permettent d’accéder, en
champ gravitationnel inversé ou neutre, vers d’autres équipements et
compartiments.
Ce qui reste le plus impressionnant, ce sont les
tubulures qui enferment de la matière accélérée dans ses entrelacs qui
« tressent » l’environnement gravitationnel autour du poste de
commandement. Où on règle la pesanteur relative en fonction des besoins en
déplaçant ces masses.
Vers le centre du poste de pilotage pendant les
manœuvres, plutôt vers les étages de vie dans les moments de repos. On peut
ainsi avoir une « pesanteur-zéro » ou au contraire des pics tels
qu’ils écrasent, contrebalancent l’inertie des accélérations du vaisseau.
« Jusqu’à
un niveau 500… »
C’est tellement bien fait qu’il s’agit de se regrouper
au centre de la sphère surtout de ne pas se déplacer au moment d’une manœuvre,
pour que « l’ajustement » se traduise par un simple petit-choc
quasiment imperceptible.
En revanche, par effet de marée, sortir de son
fauteuil pourrait disloquer des matières molles composant le corps des Homos du
bord.
Les cyborgs, les droïdes, les machines, les placards
et les appareils sont fixés et conçus pour supporter ces différentiels.
Paul a pris campement dans la vaste cabine de
l’amirale, bien équipée. Chose assez étonnante, c’est que le décor est
« au choix ». Il peut ainsi recréer les perspectives d’un paysage de
plaine, de plage, de mer, de montagne de son choix et même faire circuler du
vent, du doux zéphyr à la tempête – avec ou non des embruns – maîtriser la
température, l’hygrométrie et quelques autres paramètres.
Une de ses réalisations restera de restituer le pont
d’Eurydice, depuis la plage arrière, depuis le carré, depuis le poste de barre,
depuis la plage avant : assez extraordinaire !
Comme ça, il n’est pas trop perdu.
Mais il refera aussi sa vue depuis sa chambre des
« Collines de Cabourg », la salle à manger du restaurant
« Cuisine de filles », la vue qu’il a sur Notre-Dame-de-Paris depuis
la fenêtre de son loft, celle de Paris depuis le toit des bureaux du
Kremlin-Bicêtre et encore quantité de lieu qu’il a autrefois visité.
La pièce est finalement relativement petite, mais ça
donne une impression vertigineuse d’immensité, surtout quand on laisse tout
bonnement les cloisons se remplir des lumières des étoiles qui entourent le
vaisseau.
Prodigieux.
Mais dès confirmation parvenue que les chaloupes de
secours sont parvenues au vaisseau « bis », le temps que Paul se
familiarise avec les commandent du bord, ce sera le premier saut.
Comme prévu, on vise une des « zone de
froid », toute petite il faut bien le dire, dans le rayonnement fossile.
Axel aidée des calculateurs du bord précise alors les zones de
« crêtes » gravitationnelles, comme Paul le lui explique après avoir
rapporté l’essentiel de sa conversation d’avec « Stéphane » sur le
sujet.
Le tout afin de déterminer l’accès le plus proche
d’une « sortie » de la galaxie, pas trop encombré.
Une opération qui demandera effectivement 5 arrêts
pour corriger la route.
C’est que les cartes en quatre dimensions restent
peut-être suffisamment précises, elles ne sont pas parfaites : on vise et
s’aligne « là », pensant que la route est libre, et le
« là » est en fait ailleurs et on aura croisé un obstacle
non-inventorié !
On se sangle, on attend que tous les voyants soient au
vert, les indicateurs et sondes à leur niveau optimal, les pleins d’énergie
partiellement refaits à un niveau suffisant, et on appuie sur un bouton qui
démarre la poussée des réacteurs : une toute petite partie des
considérables réserves d’énergie contenu dans les anneaux des accélérateurs de
particules est dérivée vers les trois chambres de fusion qui expulse l’énergie
dégagée dans leurs tuyères à confinement électromagnétique.
L’engin tressaute quasi-imperceptiblement, pour une
accélération de niveau deux qui écrase un court instant la colonne vertébrale
sur le dossier, puis un voyant s’allume.
On appuie alors sur un second bouton, celui qui
démarre le « spinage » du neutronium des deux coques, l’interne et
l’externe, gros moment de consommation d’énergie, le ciel s’illumine de tous
ces feux, transformant chaque point lumineux traduisant la présence d’une
étoile en de vastes traits de lumière à travers la restitution qu’en font les
écrans panoramiques situés devant eux et immédiatement après, les traits
disparaissent pour un ciel qui redevient noir d’encre, parsemé d’un autre champ
d’étoiles dont aucune n’a la même place, la même couleur, la même taille que
l’instant d’avant…
Déroutant.
On n’est pas là où l’on croyait être arrivé : un
planétoïde, une masse noire, un gradient d’énergie noire aura été détecté par
les sondes restées en fonctionnement durant tout le parcours. Ou bien les
machines ont besoin de souffler un peu et d’être ravaudées, rééquilibrées,
réparées.
Les horloges du poste de commandement n’ont même pas
avancé dans l’intervalle.
Étonnant.
Il faut alors se positionner dans ce nouvel
environnement, le temps que les calculateurs s’y retrouvent assez précisément,
enregistrer la position, la transmettre à la balise qui va être larguée et dont
une partie va faire rapidement le chemin inverse, tant que la
« route » ainsi tracée n’est pas perturbée par un élément nouveau pas
croisé à l’aller.
C’est que tout bouge dans le cosmos : il n’est
jamais identique d’un moment à un autre. Et si les « plus gros »
morceaux ont des trajectoires qui se calculent, parce que très prévisibles en
application des lois de la mécanique céleste, les plus petits peuvent échapper
à l’observation, donc à la détection et à la prévision.
Ça dure un peu. Paul a eu une journée pour le moins
très chargée : il y a encore peu, il était dans un avion volant vers le
nouveau continent.
Sa montre bracelet annonce un peu plus de 26 heures
depuis son décollage de Roissy-Charles-de-Gaulle !
Et il est là, perdu au milieu de rien, quelle que part
au milieu de n’importe où ailleurs !
Qu’il laisse donc Axel manipuler les calculateurs sous
la surveillance de Bêta et va piquer un petit roupillon à l’étage inférieur et
à la pesanteur un peu supérieure.
Pas longtemps : il est informé qu’un second saut
se prépare.
Il y en aura encore quatre autres pour atteindre un
endroit sur le bord de la galaxie où l’essentiel des lumières des étoiles se
trouvent derrière eux. Et devant, immensément plus de « lucioles »,
toujours de façon aussi dense peut-être, mais dont l’éclat apparent est
beaucoup plus faible et tire vers le rouge.
D’ailleurs la vue est meilleure dans l’infrarouge
profond…
Là, il faut beaucoup plus de temps pour préparer le
saut suivant : d’abord recharger les réserves d’énergie, ensuite repérer
les fameuses « crêtes » qui s’alignent vers le
« point-froid » visé.
Ce qui demande des temps de détection des quelques
photons venus mourir de parfois si loin dans le fond des instruments de détection
qui s’allonge parce que la lumière n’est pas si dense que ça.
Là, coincés à faire l’inventaire de ce qu’il y a
autour, ils vont devoir patienter une petite semaine qui s’écoule avec lenteur.
Paul se fait l’effet de ces navigateurs au long-cours
sur leurs porte-containers. Autant sur un voilier, il se passe toujours quelque
chose, autant sur un pétrolier ou un cargo, il ne se passe jamais rien :
la machine se pilote elle-même et toute seule jusqu’au port et la seule
distraction reste… « les exercices ».
On en fait un peu n’importe comment, n’importe quand,
pour ponctuer et réduire la routine.
Le seul qui a un peu d’activité, c’est le cuistot.
Même si les tâches qu’il a fournir sont toujours les mêmes, il est là pour
varier l’ordinaire en fonction de son inspiration du moment, des réserves et
des restes à accommoder !
Eh bien à bord de cet engin de la Légion, c’est
pareil.
Et Paul, s’il n’avait pas ses trois cyborgs « à
géométrie variable », il deviendrait vite neurasthénique.
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