La
bataille de la « côte 95 ».
Avertissement
:
Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure
construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
Comme Axel n’a pas de meilleure idée sur le moment,
Paul s’équipe pour aller chevaucher une des barges du bord.
L’accès à celles-ci n’est pas simple. Il faut d’abord
sortir de la sphère de vie et sa douce gravité artificielle. Il y a huit
passages possibles à travers l’entrelacs des circuits de matière accélérée qui
crée par sa masse les effets de la gravitation et il ne les connaît pas tous.
Il faut ensuite sortir par les étroits orifices de la
sphère revêtu de neutronium en l’occurrence « déspiné ». Dans le cas
contraire, ce n’est pas possible.
Ce sont des ouvertures avec à deux sas. Un d’ultime
protection de la sphère de vie et de son environnement, et deux autres vers
l’extérieur qui sont là assurer la continuité de la couche de protection du neutronium.
Celui-ci étant constitué de neutrons liés les uns aux
autres par la force-forte, il faut fournir beaucoup d’énergie mécanique pour
forcer le passage par déchirement.
Mais pas autant que pour libérer les orifices des
tuyères des réacteurs qui sont quand même plus gros.
Le principe, pour limiter les efforts, est de faire
circuler des protons animés par une vive tension d’électrons. Ça crée une
« faiblesse », certes éphémère, qui est concentrée sur la
circonférence d’un orifice assez grand, qui libère un passage dans le premier
sas.
Une opération impossible à faire quand le neutronium
est spiné : il absorbe alors toutes formes d’énergie, tel qu’il en suspend
même l’écoulement du temps, vers l’intérieur quand tous les spins sont orientés
vers un seul point à l’intérieur d’une sphère, vers l’extérieur quand ils sont
orientés parallèlement à la plus grande longueur d’un tube.
Ou d’une ogive en l’occurrence pour la forme du
vaisseau de la légion.
Par précaution, il est refermé pour assurer la
continuité de la couche de neutronium, pendant qu’un autre est ouvert de
l’autre côté du sas, de la même façon.
Puis refermé pour donner accès à tous les appareils
qui assurent l’intendance du vaisseau et sa propulsion.
Les barges sont regroupées sur les flancs, entre les
énormes « réservoirs » qui s’enroulent couche sur couche, sur toute
la longueur et le pourtour du vaisseau, contenant la matière et l’antimatière
qui circule à vitesse relativiste depuis les générateurs pour aller se perdre
dans les moteurs de propulsion, ou pour un autre usage.
Entre, il y a des passages de services, en état d’apesanteur.
Mais là on franchit de nouveau une série de sas, car on est déjà dans le
vide : un scaphandre est obligatoire, ainsi que l’usage d’un des véhicules
utilisés par les cyborgs pour se déplacer le long pour arriver au plus près par
les corridors de service.
Les barges sont juste derrière, stockées dans des
excroissances du vaisseau. Pas très pratique en cas d’évacuation d’urgence.
Les autres excroissances que Paul a pu identifier à
l’occasion de ses sorties, ce sont les tourelles pilotées par des droïdes – qui
ne craignent pas le vide intersidéral – et commandés depuis le poste central
par l’officier artificier.
Là, ce jour-là, c’est Axel dont ce n’est pas la
formation, qui va devoir s’en charger.
Paul s’arrime sur son siège après avoir refermé
l’étroite porte d’accès et déverrouille les amarres.
La barge flotte à côté de l’immense vaisseau de la
légion. Elle a une taille ridicule, tel un puceron devant une grosse meule de
foin, alors que Paul sait qu’il y a le volume d’un vaste appartement de
fonction assez grand pour accueillir une dizaine de membres d’équipage dans des
conditions de relatif confort.
Puis elle est expulsée par la mise en route simultanée
du champ de protection du vaisseau alors que Paul fait de même pour le sien.
Une barge est équipée en standard des équipements de
survie et de navigation, d’un réacteur à fusion matière/antimatière, de deux
gros réservoirs pour sa propulsion, d’un petit générateur quantique de secours
pour ses besoins en énergie et entretenir les réservoirs de
matière/antimatière, d’un canon d’autodéfense planté dans le nez, de deux
tourelles d’autodéfense qui circulent sur des rails au-dessus et en-dessous,
pivotantes sur 180° assurant ainsi une sphère de protection légère en complément
du champ sur 360°, mais pas de dispositif antigravitationnel, ni d’aucun en
neutronium.
Paul une fois éloigné suffisamment, met en marche le
réacteur pour dépasser le vaisseau.
Une trajectoire tout d’abord tangentielle, pour éviter
d’abimer le vaisseau qui coure sur son aire avec les jets d’énergie à
ultra-haute température de sa tuyère.
Accélération d’un G. Normale. Puis il stoppe le
moteur, fait pivoter sa machine avec les petits réacteurs de positionnement et
d’attitude et accélère ensuite vivement vers les « agresseurs »
préalablement verrouillés pendant la phase d’écartement du vaisseau.
Les plus proches sont à 8 minutes-lumière. La seconde
vague est à 22 minutes dans une autre direction. La troisième est à à peu près
une heure. Et une quatrième se profile à l’horizon de 12 heures, encore dans un
autre azimut.
Ça va être coton…
L’idée première de Paul est de faire une
reconnaissance « rapprochée » pour évaluer la menace. Puis de
s’interposer entre les premiers « agresseurs » et le vaisseau de la
Légion, afin de retarder comme il peut le moment du contact.
Il sera toujours temps de rejoindre le vaisseau, et
pour celui-ci d’en profiter pour refaire un peu d’énergie avec ses générateurs
quantiques, au moins assez pour un « petit-saut » et s’éloigner de la
menace.
C’est qu’en approchant de la cible la plus grosse, il
s’aperçoit au fil de sa progression qu’elle est entourée d’une myriade de
« pierres » plus petites qui virevoltent autour, comme en orbite.
Même matière apparemment rocheuse, gris-sombre, en forme de courgette
irrégulière. Pas d’activité électromagnétique, mais un taux d’émission de
radiation ionisante, dans la gamme des rayons X et gamma typique d’une activité
radioactive.
Ces trucs-là sont soit des blocs de transuraniens,
soit dotés de réacteurs nucléaires…
Pas foncièrement dangereux, mais tout de même
incompatible avec la forme de vie de Paul et des « Homo-Plus ».
Probablement aussi pour les Krabitz.
Il met presque trois heures pour parcourir les 8
minutes lumières, en économisant l’énergie du bord. En revanche, les
« agresseurs » n’accélèrent pas, ne ralentissent pas, ne changent pas
de cap, mais tournent sur eux-mêmes à un rythme assez lent.
Pas très véloce, même s’il ne faut pas se fier aux
apparences.
Peut-être qu’il s’agit seulement de blocs de matière
inertes qui suivent leur cheminement dans l’espace, tout simplement, comme de
vulgaires astéroïdes, sauf que les trajectoires sont convergentes vers le
vaisseau : pas l’effet du hasard.
À moins d’une minute-lumière de distance, il s’agit de
les « tester ». Paul arme un tir de semonce. Le canon est un bitube.
Le premier éjecte à une vitesse relativiste un jet d’antimatière et l’autre un
jet de matière qui se focalisent tous les deux à une distance donnée.
Normalement, au moment du « mélange », les deux jets s’annihilent et
dégagent une formidable énergie, celle qui sert dans les réacteurs du vaisseau
et de sa barge. Sauf que si dans les réacteurs l’énergie dégagée est canalisée
par un puissant champ électromagnétique pour transformer cette énergie en
poussée dans la tuyère, là, la désintégration se fait sans être canalisée, tous
azimuts. Provoquant non pas une onde de choc, mais un plasma exothermique de
plusieurs millions de degré. De quoi disloquer toute forme de matière.
Hors le neutronium spiné…
Pas de réaction visible.
Juste quelques « pierres » parmi les plus
petites qui changent de trajectoire et accélèrent dans la direction de
Paul : il y a donc un mécanisme « intelligent » qui vient en
reconnaissance.
Se sentant menacé, Paul réitère sa manœuvre, mais avec
les tourelles qui sont programmées pour les viser directement afin de provoquer
leur destruction. Les morceaux seront en principe arrêtés ou déviés par le
champ de protection de la barge pour éviter tout impact destructeur.
La plus grosse pierre précédemment visée par le coup
de semonce se met à émettre un puissant rayon dans la gamme des gammas, depuis
une ouverture qui s’agrandit, telle une immense gueule ouverte au sommet avant
de la « courgette », dans sa direction que ça secoue la machine via
son champ de protection. Là, il s’agit de déguerpir rapidement : l’énergie
nécessaire à la génération du champ de protection pourrait vite être épuisée.
Paul manœuvre. Il fait face à une réelle menace. S’il
est capable d’envoyer une slave plus puissante et plus longue, la barge
pourrait ne pas y résister.
Le prochain coup est pour l’ouverture gigantesque qui
se rapproche mollement. Le canon l’explose littéralement.
Dans un grand dégagement de gaz chauds qui illuminent
cette portion du ciel d’un éclat invraisemblable.
Et il s’agit de ne pas attendre la suite. Paul
persiste à manœuvrer en tous sens pour ajuster et tirer sur le caillou suivant
avant que celui-ci n’ouvre lui aussi son orifice et crache son rayonnement
mortel.
On n’est pas au contact et la lumière, qui renseigne
sur l’environnement, met un peu de temps à parcourir les distances : il
faut donc impérativement anticiper !
Deux minutes-lumière et il prend le risque de se faire
désagréger par le flux d’énergie que les « courgettes » sont capables
d’envoyer pour lui barrer la route.
Le champ de protection de la barge réagit très bien,
sauf que ça perturbe complètement sa trajectoire, avec parfois de violentes
accélérations à subir.
À plus de 5 minutes-lumière, ce sont les anticipations
de Paul et des calculateurs du bord qui foirent leur propre tir au canon…
La bonne distance, c’est donc 3-4 minutes-lumières. À
la fois beaucoup et assez peu.
Car à part ce détail, c’est relativement facile pour
Paul, face à des objets qui voyagent relativement lentement et c’est manifestement
plus difficile pour elles face à la barge de Paul nettement plus véloce et
agile, d’autant que son pilote manque de s’envoyer dans les pommes à plusieurs
reprises avec ses propres accélérations de 3 à 5 G, toujours d’arrière en
avant, alors que la trajectoire de sa barge fait des arabesques dans les trois
dimension de l’espace en accélérant à chaque fois puisqu’il change d’axe de
poussée…
Qu’il s’agit d’ailleurs un moment de ralentir en
retournant l’appareil, dans la mesure où les calculateurs du bord se mettent à
moins bien anticiper les mouvements des cibles qui se présentent : on
n’est plus très loin de la saturation et le tir du canon semble avoir loupé sa dernière
cible… La distance, la vitesse, les changements de cap…
Mais au fil de la bataille, il s’agit toujours de
repousser plus en aval la proximité des « courgettes » de leur axe de
progression vers le vaisseau.
Sauf qu’à un moment, manifestement, il n’y a plus un
axe convergeant, mais plusieurs.
Les cargos des Krabitz seraient-ils déjà en
approche ?
C’est possible mais compte tenu de la distance, le
renseignement n’arrive pas à Paul à temps pour confirmer ou infirmer.
Il se passe autre chose : Paul en a la
confirmation quand il reprend les cartes des déplacements. Les
« agresseurs » se dispersent au fil de ses tirs. Notamment ceux dont
il est le plus proche.
Certes, eux aussi dégagent de l’énergie ionisante en
quantité dans sa direction, qu’il persiste à éviter en anticipant, mais
désormais, il fait mouche à chaque coup et l’escadron de courgettes la plus
proche s’éparpille.
Celle qui était à 22 minutes-lumière semble
s’éloigner. Il n’y a d’ailleurs plus de trace sur les détecteurs des deux plus
lointaines.
Par quel mystère ?
Plus grave, alors que les réserves d’énergie commencent
à indiquer un niveau assez faible tel qu’il faille envisager de faire le plein
sur le vaisseau ou changer de barge, Paul se rend compte que celui-ci a disparu
des écrans de contrôle…
L’effroi quand il se rend compte que son vaisseau est
introuvable !
Alors même qu’il n’a pas pu être détruit ou avalé par
les « agresseurs » de la « côte 95 ».
Ce n’est pas possible, s’interroge-t-il. Il y aurait
eu des traces résiduelles.
Et ses appels en direction d’Axel restent vains. Ce
qui est logique compte tenu des distances.
Mais pas durant plusieurs heures. Or, la bataille n’a
pas duré plus d’une demi-journée terrestre. Il n’a pas pu s’éloigner du
vaisseau au plus de 12 heures-lumière. Même pas la moitié, même pas le quart…
Bref, il est perdu. Axel a disparu et avec elle le
vaisseau. Elle l’aura déplacé « hors-champs » pour le récupérer et
rejoindre un port d’attache quelconque de la Légion.
« Salope ! »
peste Paul enragé par la perspective.
Il s’est fait rouler comme un bleu !
Diantre : il a combien de réserve pour finir de
divaguer dans l’espace infini avant de mourir de faim, d’épuisement ou de
désespoir ?
Un rapide calcul permet d’affirmer que c’est de froid
ou d’intoxication au gaz carbonique, faute d’énergie si par hasard le
générateur quantique se met en carafe – il ne sait pas le relancer – et qu’il
n’y aura plus moyen de chauffer ou de régénérer l’air ambiant.
Quant à la bouffe, ça peut être plus rapide, tellement
il allait s’intoxiquer avec des nourritures « difficiles » pour son
métabolisme. Et puis combien de temps d’abstinence d’alcools forts et autres
vins argentins tiendra-t-il sans devenir fou ?
Les paris sont ouverts…
Et alors, la mission confiée par le Gouverneur ?
Un échec total !
Et son retour sur Terre à son époque à lui, pour la
seconde mission promise, un leurre ?
Le Nivelle 003 ne verra donc jamais le jour…
Lui et ses certitudes !
C’est con de se faire rouler de façon aussi sotte. Vraiment,
quel con !
Il désespère ainsi une cinquantaine d’heures, se
satisfaisant seulement de constater que le ciel scruté sans discontinuer est
désormais vide. Totalement vide. Pas de vaisseau, c’est certain, même les
« pierres » agressives se sont éloignées : personne ne saura
jamais de quoi elles étaient faites, comment elles fonctionnaient, d’où elles
venaient, quelle technologie mystérieuse elles utilisaient.
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