Le naufragé.
Avertissement
:
Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure
construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
« –
D’autant plus gai que je vais d’abord vous déposer sur une île voisine. Sans
grands moyens pour rejoindre votre objectif.
– Et
pourquoi ça ? Je ne peux même pas prendre un petit chasseur-bombardier
avec quelques pains de plastic à bord ?
– Comme
vous y allez, vous les Sapiens !
– Et
alors, je vais faire comment ?
– Vous
allez vous appuyer sur les ressources locales. Je vous explique. Les laboratoires
ont besoin de mécènes.
– Ne me
dites pas que je vais devoir payer pour voir, Monsieur le Gouverneur ?
– Non pas
du tout, Excellence ! Seulement « invité ». Ce que je voulais
vous dire, c’est qu’ils ont aussi besoin de personnel féminin, pour satisfaire
leurs instincts de primate et probablement faire quelques expérimentations.
Mais…, des cobayes se sont échappés desdits laboratoires et se sont réfugiés
dans l’îlot où je vous laisse. Bien sûr, ils sont recherchés et naturellement
et vous serez localisé.
–
Naturellement. On ne peut pas faire ça à ma façon : droit dans le tas avec
une puissance de feu suffisante ?
– Non…
– Oui je
sais : vous allez me dire que « ce n’est pas marqué comme
ça » dans vos archives !
– D’une
part et d’autre part, les installations sont pour une large partie
souterraines. Ce sont celles-là qui vont vous intéresser. Les autres, vous
pourrez les conserver. Et vous ne pourriez vraisemblablement pas y accéder
autrement qu’en vous laissant faire prisonnier. »
Vacherie, en pense Paul !
Il n’a pas souvent été fait prisonnier, mais ça n’a
jamais été une partie de plaisir.
C’est que pour retrouver sa liberté de manœuvre, il a
fallu en faire des efforts. Et là, après un voyage intergalactique si prolongé,
il n’a plus forcément la forme olympique d’un cocoï entrainé.
Il n’y a décidément pas plus simple, tel que, comme
par magie, Paul se retrouve tout d’un coup à proximité de la planète bleue.
Il vient de se défaire de son lourd scaphandre, a récupéré
sa tenue de voyage originelle, celle qu’il avait dans l’avion allant sur
New-York, ses papiers, accréditations diverses, permis, de conduire, de pilote
et celui de port d’arme dûment tamponné par l’autorité administrative
préfectorale française, le tout coincé dans la ceinture, tout comme son
téléphone portable, complètement déchargé pour l’occasion, et sa montre au
poignet. Il y a 4 mois de ça.
Ainsi que son 11,43.
D’ailleurs le parcours de cette arme de poing est un
vrai mystère qui n’aura jamais trouvé de solution. Pour ne pas faire sonner les
portiques d’aéroport, elle voyage dans son étui en bagage en soute. Et il ne se
souvient pas être allé se soulager dans les toilettes d’où il avait été enlevé
par « Steph » en passant par la soute à bagage…
Et pourtant, il avait pu en disposer, coincée dans un
logement de son scaphandre, à bord du vaisseau de l’amirale Landditsy quand il
avait fait feu sur deux créatures du bord qui faisaient mine de se mutiner une
seconde fois.
Probablement encore un tour de passe-passe, mais
inexplicable, celui-là.
Et dans l’affaire, il aura juste perdu son
baise-en-ville contenant une brosse à dent, un tube de dentifrice, un slip, une
chemise de rechange et ses ordinateurs et disques de sauvegarde installés dans
la valise en soute.
Seule différence notable, il ne boîte plus des suites
de son opération en Normandie. Et depuis longtemps maintenant. Mais comme il
sonnera encore à chaque passage sous les portiques de sécurité à cause de ses
broches, ça ne change pas grand-chose, sauf à se signaler comme étant
« Charlotte », le « pilote-légende-vivante » dans les
forces aériennes occidentales et les flottes commerciales du monde entier (hors
la Corée du Nord).
Que ça lui fait tout de même comme un pincement au
cœur : il a oublié comme ça peut être si joli, tout ce bleu profond,
tacheté de nuées blanches et éparses !
Manifestement, ils viennent du vaisseau situé derrière
la Lune, exactement dans la même navette qui l’avait arraché à la cabine des
toilettes de son avion de ligne, il y a 4 mois de ça.
Enfin, 4 mois, là c’est ce qu’on lui a dit, parce que
sa montre n’indique pas du tout la même chose.
Paul garde bien les pieds là où on le lui a précisé.
Pas question d’arriver dans les pommes pour un coup de G trop mal placé.
D’autant que le voilà viré manu-militari par-dessus
bord, dans le lagon d’un atoll minuscule, avec juste un gilet de sauvetage
classique qui l’empêche de nager, mais le fait remonter à l’air libre
rapidement !
Pour une arrivée, c’est une arrivée… un grand-plongeon
d’une bonne dizaine de mètres.
Fabuleux : il pensait avoir droit à quelques
égards en qualité d’Excellence de la Coupole !
Eh bien, rien, même pas une échelle de coupée, pas un
seul matériel de survie, rien…
Et le voilà « ramant » vers ce qui semble
être la plage la plus proche.
Pourvu que les requins fassent la sieste, dans ce coin
perdu. Ou restent derrière la barrière du lagon.
Des oiseaux de mer se rapprochent. Sous la surface de
l’eau, c’est splendide : il y a de la vie et des poissons de toutes les
tailles et couleurs. Sans ration de survie, il lui faudra réapprendre à
pêcher !
Il a finalement pied à un plus de cinquante mètres du
rivage de sable blanc. Il se sent comme observé, espionné, mais n’identifiera
ni par qui ni par où.
Maintenant, reprendre son souffle et faire
l’inventaire. La plage où viennent mourir les vagues depuis les déferlantes océaniques
de la barrière de corail est jonchée de détritus de toutes sortes à peu près à
mi-hauteur de l’estran.
Paul imagine que le dernier coup de vent les a portés
jusque-là.
Une monstruosité, la pollution maritime !
Et pourtant là, c’est inespéré : il va bien
trouver de quoi sortir de ce trou ou de se signaler d’une façon ou d’une autre.
En l’occurrence, en bon naufragé, l’urgence, c’est
déjà de trouver à boire, à manger et ensuite un endroit abrité pour pioncer et
récupérer. Demain on verra bien.
Il s’enfonce ainsi dans la végétation de type
tropical, pas très fourni. Il y a des cocotiers.
Donc du lait de coco, mais à… 15 mètres du sol !
Et à moins de disposer soit d’une perche, soit d’une
lanière quelconque pouvant faire office de corde, voire des deux, et en ne s’y
prenant pas forcément comme un manche pour éviter de se glisser et de se casser
la gueule, se désaltérer, ce n’est pas gagné.
D’autant que le soleil cogne sans qu’on ne s’en rende
compte, tellement l’alizé donne une sensation de fraîcheur… Toute relative la
fraîcheur.
Paul se confectionne d’ailleurs un
« couvre-chef », il n’y a pas d’autre mot parce que ça ne ressemble à
rien de connu, avec quelques morceaux de sacs à patate échoués sur la grève.
Pas terrible, mais pour l’heure, il n’y a pas mieux.
La faune ne semble pas être très dense : juste
des traces de rongeurs et des oiseaux. Il vaudra mieux s’essayer à la pêche,
sauf à poser quelques pièges ici ou là.
Mais s’il y a des rongeurs, c’est qu’il doit bien y
avoir des points d’eau douce, ou au moins saumâtre, mais assez peu salée pour
être potable…
Il lui faudra envisager de suivre les pistes laissées
par les bestioles.
Et oh surprise, son îlot s’ouvre sur une anse circulaire.
La langue de terre est si étroite, qu’on se retrouve vite sur ce lagon
intérieur.
Il ne sait pas où il est, mais lors des moussons ou
simplement des tempêtes, vue que l’altitude maximum doit être de quelques
mètres, et encore, il ne sait pas encore où, ça ne doit pas être confortable,
ni très glorieux.
La nuit approchant, il s’agit maintenant de s’abriter
de l’humidité de l’air marin. Derrière un petit monticule de terre émergeant de
dessous le sable ?
Là, le lendemain, il est réveillé par la soif et la faim.
Franchement, il est désormais temps de penser à s’hydrater. Il y a bien des
baies sauvages accrochées à des arbustes maigrichons, mais Paul ne reconnaît
pas l’espèce et remarque qu’aucun de ses fruits n’est grignoté par les rongeurs
du coin. Pas forcément comestible et ce n’est pas le moment de se choper une « galopine » :
il se viderait inutilement.
Aussi, en poursuivant sa randonnée
« découverte », tout d’un coup, il repère une noix de coco au sol.
Avec beaucoup de difficulté et un caillou un peu plus
gros que les rares autres – il mettra un temps infini à mettre la main dessus –
il finit par la fendre…
Vide, évidemment. Mais le reste de la pulpe, pour
autant ferme, calmera la danse de ses sucs gastriques insatisfaits.
En attendant.
Plus loin, une perche pas trop tordue. Ça peut faire
un harpon s’il parvient à en tailler un des bouts, le plus fin, en pointe. Avec
tout ce qui traine sur la plage, il va bien arriver à se faire quelques
outillages.
Alors que le soleil grimpe à son zénith, il repère une
nuée d’oiseaux marins qui survolent un coin du lagon pas trop éloigné du bord.
Ils pêchent. C’est peut-être le moment d’aller les accompagner et d’en tirer de
quoi se nourrir ?
Oui, mais avec quoi faire cuire la chair d’un poisson,
d’un rongeur, d’un oiseau ?
On verra bien…
Paul passe ainsi une partie de sa journée à lancer
maladroitement son « harpon » dans les eaux translucides, sur tout ce
qui bouge.
« Saloperie
de poiscailles ! » peste-t-il à plusieurs reprises. Il est « colère »
de sa maladresse. C’est que c’est vicelard, ces bestioles-là ! Très agiles
dans l’eau, très curieux de leur visiteur, elles te vous narguent à passer à
portée de main, parfois entre les jambes, mais alors, en trouver une seule
volontaire pour le sacrifice suprême et calmer l’estomac de Paul, c’est
galère !
Finalement, après de nombreux échecs, Paul tire de
l’eau une espèce de poisson coloré, plein de sorte d’épines sur la nageoire
dorsale : si ça se trouve, ce n’est même pas comestible !
Fier comme Job, il lui reste à réinventer le feu…
Quelques brindilles, un peu de lichen sec, et quelques
algues desséchées à craquer sous les doigts, beaucoup d’efforts et de chance pour
la première fumerole indicatrice d’un foyer, le tout allumé avec deux petits
morceaux de bois sec trouvés dans la « déchetterie » de la grève à
l’occasion de « sa promenade » d’approche, qu’il s’agit de frotter
vigoureusement l’un contre l’autre, mais sans les briser…
Pas facile.
Et encore moins facile de faire un vrai feu. C’est
plus facile dans les livres…
Quant à cuire les chairs de la bestiole… n’en parlons
pas ! Une partie est brulée, l’autre est crue. Il a encore des progrès à
faire en matière de science culinaire.
À en regretter la cambuse du vaisseau de la légion et même
ses rations infectes.
Dire qu’il restait encore des tranches de foie-gras
d’oie dans la sienne… Et quelques bouteilles de vin blanc des vaux de Loire,
liquoreux à souhait…
Il va devenir urgent de trouver de l’eau, de la vraie,
parce que sa pêche à la noix de coco, elle reste maigre. Les rongeurs qui
laissent tant de traces doivent bien avoir trouvé un coin de flotte abordable,
pas possible autrement.
En fait, le lendemain, Paul est pris de maux de ventre
qui lui tordent les boyaux. Le poisson au goût et à l’aspect si bizarre n’était
peut-être pas comestible, finalement. Il va falloir qu’il modifie son
alimentation.
Il a repéré que sur les rochers à fleur d’eau, il y
avait des coquillages à « cueillir ». Mais sans récipient et sans
eau, ce n’est peut-être pas du tout recommandé pour éviter une gastro-entérite.
Finalement, au deuxième jour, toujours avec cette
impression d’être épié dans le dos, il finit par mettre la main sur une sorte
de vieille liane assez souple pour ne pas se rompre en la tordant et paraissant
assez solide pour supporter son poids.
C’est l’occasion de s’essayer à la grimpette sur un
des cocotiers pas trop haut et chargé de fruits.
Là encore, plus facile à dire qu’à faire. La technique
consiste à passer la « liane » autour du tronc, d’en saisir les deux
extrémités, et de s’appuyer à la force des bras comme d’un point de rappel pour
avancer les pieds de bas en haut sur la face antérieure du tronc de l’arbre, formant
ainsi une pince à la force des jambes.
Premières glissades, premiers échecs.
Finalement, de rage, les articulations meurtries, Paul
finit par grimper comme à l’école de guerre, en étreignant un tronc pas trop
épais.
Nouvel échec et puis au fil de l’exercice, il
s’agrippe assez fort pour atteindre le graal des noix de cocos accrochées en
grappes…
Et réussir à en faire tomber.
À lui maintenant de les rejoindre, sans se rompre le
cou à son tour. Ou se tordre la cheville. Et sans s’arracher la peau des bras
et des jambes, s’il vous plait.
Et là, stupeur…
Avec bien des difficultés, alors que le soir tombe
rapidement, confirmant qu’on se trouve sous les tropiques, pas moyen de mettre
la main sur la demi-douzaine de fruits qu’il a réussi à faire tomber.
« Mais enfin
quoi ? Elles sont où ces putains de coco ! Ce n’est pas croyable,
ça ! »
Ce n’est pas croyable, effectivement : il n’y a
pas de pente où elles auraient pu rouler, pas assez de vent pour les faire
tomber ailleurs ni encore moins les pousser, pas d’animal assez gros pour les
emporter, d’ailleurs les traces au sol sont illisibles tellement il a piétiné
le pied de l’arbre depuis le milieu d’après-midi, alors quoi, où
sont-elles ?
Il n’y a qu’une seule explication possible, hors toute
tentative d’introduire une explication surnaturelle : on les lui a volé
pendant qu’il descendait et il n’a rien vu trop occupé à ne pas déraper !
Ce qui veut dire qu’il n’est pas seul sur cet îlot
perdu au milieu de l’océan, battu par les flots et le vent. Comme on l’a
prévenu, il faut dire…
Mais alors qui ? Où ?
C’est à rien y comprendre…
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