Le voyage
intersidéral
Avertissement
:
Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure
construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
« – Bon
alors expliquez-moi !
– Alors…
très simplement. Nos véhicules spatiaux sont conçus de telle sorte qu’ils sont
revêtus de deux couches de neutronium, un agglomérat de neutrons qui absorbe
toute sorte d’énergie et de particule. Toutes en fait. Autrement dit une fine
couche sur sa partie interne, dans laquelle nous nous trouvons et qui nous
protège. Quand la machine spine le neutronium, la flèche du temps est suspendue
à l’intérieur de la cavité dans laquelle nous nous trouvons.
Il ne
s’écoule plus.
Seulement
voilà, pour spiner du neutronium, il faut de l’énergie délivrée au fil du
temps. Donc, la machinerie est situé à l’extérieur de cette activité-suspendue.
Mais
mieux que ça, en inversant le spinage d’une seconde couche de neutronium à
l’intérieur d’une cavité qui emprisonne la première plus la machinerie qui
fournit l’énergie aux deux spinages, mais globalement pas dans le même axe, un
qui sera perpendiculaire de celui protégeant la première cavité, c’est la
flèche du temps à l’extérieur du véhicule qui sera suspendu…
– Vous
voulez dire… étendu à tout l’univers connu ?
– Tout,
non. Mais on calcule assez facilement que si une étoile à neutron le faisait,
alors oui, tout l’univers entier, si l’étoile était assez massive, verrait la
flèche du temps suspendue. Vous imaginez les conséquences…
En ce qui
nous concerne, en fait le véhicule entier disparaît du monde connu. La flèche
de son temps, sa masse, son énergie cinétique, sa … matérialité.
– Il est
transporté dans une autre dimension ?
– Mais
non ! » s’emporte Steph sur le ton d’un instituteur qui s’énerve face à un
élève qui dit une bêtise, tellement il ne comprend rien.
« – Il est
toujours là. Il existe tout en entier, mais sort des dimensions habituelles de
l’espace-temps.
– Bé ce
que je dis, il est dans une autre dimension.
– Mais
enfin pas du tout, pas du tout ! Il n’y a pas d’autres dimensions. Il est
devenu a-dimensionnel. Ou quelque chose comme ça dans votre vocabulaire
d’arriéré » s’enflamme-t-il « Sans
dimension. Aucune !
– Je ne
comprends pas » admet Paul dans un souffle.
« Normal.
Et puis il vaut mieux. Vous seriez encore capable d’en changer le cours naturel
de l’évolution de votre espèce ! » commence-t-il à s’apaiser.
« – Or,
vous n’avez pas à savoir. Pas plus que la réponse à la question qui devrait
vous tarauder l’intellect… si vous en avez un à la hauteur… »
« L’Ultra » jaugeant le crétin des alpes de
Sapiens de la branche des « Homos »…
Qui avait eu le dessus de Neandertal et de Sapiens,
s’ils cohabitaient dans le même biotope ?
Paul n’ose pas demander « laquelle », de
peur de passer à côté.
Le résultat ne sera guère mieux : « Mais enfin, Paul ! Et l’énergie qu’il
faut ? Elle sort d’où ? »
Ah oui l’énergie…
« J’allais
justement vous le demander, Steph. »
Une dernière fois, le ciel s’est illuminé de façon
aussi brève que précédemment, pour finir par redevenir sombre, noir, parsemé de
quelques éclats plus brillants, dont une étoile plus proche que les autres, de
couleur bleutée : là, c’est sûr, à moins d’un scénario particulièrement
tordu et bien fait, élaboré et mis en place par un « service qui n’existe
pas » quelconque, destiné à on ne sait quelle manipulation, Paul n’est
plus dans l’espace circumterrestre, c’est évident !
« L’énergie
du vide quantique. Vous en avez détecté, même à votre époque, la trace à
travers ce qui est resté « l’effet Casimir ». »
Oui, bien sûr…
L’effet Casimir, tel que prédit par le physicien
néerlandais Hendrik Casimir en 1948, est une force attractive entre deux
plaques parallèles conductrices et non chargées.
Cet effet, dû aux fluctuations quantiques du vide,
existe également pour d’autres géométries d’électrodes.
Les fluctuations quantiques du vide sont présentes
dans toute théorie quantique des champs. Et l’effet Casimir est dû aux
fluctuations du champ électromagnétique, décrit très classiquement par la
théorie de l’électrodynamique quantique.
L’énergie du « vide » entre deux plaques se calcule en
tenant compte uniquement des photons (y compris des photons virtuels) dont les
longueurs d’onde divisent exactement la distance entre les deux plaques dès
qu’il est un entier positif, théorie des quantas oblige. Ceci implique que la
densité d’énergie du vide (entre ces deux plaques) est fonction du nombre de
photons qui peuvent exister entre ces deux plaques.
La force entre ces deux plaques, à savoir la dérivée
de l’énergie par rapport à leur distance de séparation, est donc attractive.
Tout le monde sait ça dans les écoles d’ingénieur
contemporaines de Paul, même si ça n’aucun intérêt pratique.
Sauf à démontrer que l’effet Casimir dérive de la
théorie quantique des champs, qui impose que tous les champs fondamentaux,
comme le champ électromagnétique, soient quantiques en chaque point de l’espace.
De manière très simple, un champ physique peut être vu comme un espace rempli
de balles et de ressorts vibrants tous interconnectés. La force du champ se matérialise
comme le déplacement d’une balle depuis une position au repos.
Des vibrations dans ce champ se propagent selon l’équation
d’onde appropriée pour un champ particulier.
Dès lors, l’hypothèse de seconde quantification de la
théorie quantique des champs requiert que chaque combinaison balle-ressort soit
quantique, c’est-à-dire, que la force du champ sera quantique en chaque point
de l’espace.
Le champ se décrit partout comme un oscillateur
harmonique simple. Les excitations du champ correspondent à des particules
élémentaires de la physique des particules.
Toutefois, de ce qu’en avait appris Paul, c’est que le
vide a une structure complexe. Tous les calculs de la théorie quantique des
champs doivent être rendus relatifs à ce modèle de vide.
Dès lors, le vide a, implicitement, toutes les propriétés
qu’une particule peut avoir : spin, une polarisation dans le cas de la lumière,
l’énergie, etc. Toutes ces grandeurs ont des valeurs moyennes nulles : le vide
est, après tout, « vide » en ce sens, à l’exception près de l’énergie.
Or, la somme de l’énergie de tous les oscillateurs
dans tout l’espace donne une quantité infinie. Pour s’en débarrasser dans les
équations, on « renormalise » : on considère comme seules significatives les
différences d’énergie, un peu comme la tension électrique, dont seules les
différences comptent.
Si la « renormalisation » permet de prédire
des résultats corrects, elle demeure fondamentalement problématique. L’élimination
de cet infini est d’ailleurs l’un des défis de la « Théorie du tout ». Même si
on ne sait pas actuellement, à l’époque de Paul, pourquoi il convient de donner
à cet infini une valeur nulle.
La quantité d’énergie du vide, à l’échelle de l’univers,
serait d’ailleurs modélisée par la constante cosmologique dans l’équation d’Einstein.
L’effet Casimir étant d’origine quantique et
relativiste, on s’attend, toujours à l’époque de Paul, à ce que la force par
unité de surface de Casimir dépende des deux constantes fondamentales : la
vitesse de la lumière dans le vide « c », et la constante de Planck
réduite « ℏ ».
Le plus étonnant c’est que le calcul exact, fait par
Casimir en 1948, suppose une température thermodynamique identiquement nulle. Or,
il donne une valeur non nulle mais négative de la constante « k ». Et
le signe moins indique que cette force est attractive.
Cet effet, prédit par Casimir en 1948, a depuis fait
l’objet d’un certain nombre de vérifications expérimentales à l’aide de miroirs
dans un vide poussé : la première en 1958 par Marcus Spaarnay. Cette expérience
a seulement montré une force attractive qui « n’est pas en contradiction avec la prédiction théorique de Casimir ».
Mais on peut attribuer à cette première expérience une marge d’erreur de 100 %.
La première expérience au résultat non ambigu date de
1978, et a été réalisée par van Blokland et Overbeeck. On peut attribuer à
cette expérience une précision de l’ordre de 25 %.
À la fin des années 1990, Umar Mohideen et ses collègues
de l’université de Californie vérifient la prédiction théorique de Casimir avec
une précision de l’ordre de 1 %.
À ce niveau de précision, des effets de réflexion
imparfaite des miroirs doivent être inclus dans le calcul théorique.
Bref, Neandertal pouvait ne rien en comprendre, au
moins autant que les meilleurs scientifiques « Sapiens » du début du
XXème siècle, mais pas Paul.
Et l’autre d’enfoncer le clou.
« Heureusement
que vous n’avez pas lu tout le fascicule que je vous ai remis. La description
des boîtes à énergie que nous utilisons y est parfaitement claire. »
Merde, en pense Paul pour lui-même… Lui qui cherchait
une source d’énergie primaire suffisante pour le « 003 » afin d’animer
les futurs moteurs de son engin orbital… il était passée à côté.
Quand même pas de chance !
D’autant que ça semblait assez puissant pour soulever
des montagnes de neutrons… spinés qui ne doivent pas avoir une masse très
légère, puisque la densité doit logiquement être celle des étoiles à neutron.
La masse du soleil tout entier réduite à la dimension
de la Lune ou de la Terre...
« – Mais il
n’y a pas que ça dans la navigation spatiale intersidérale. Vous avez compris
que si à l’intérieur de notre cavité, le temps ne s’écoule plus, ni même à
l’extérieur de l’enveloppe extérieure du véhicule, le tout grâce à une
machinerie qui tire son énergie du vide, pour celle-là, la flèche du temps
poursuit son cheminement.
On en a
besoin pour entretenir les spinages des deux enveloppes du véhicule, mais aussi
pouvoir « déspiner » si un obstacle non détecté par la sonde passe à
proximité immédiate.
Question
autant de sécurité que de cohérence.
La masse
du véhicule a disparu, il ne peut pas y avoir d’accident avec un astéroïde,
voire une planète. En revanche, un micro trou noir ou carrément un objet massif
comme une protoétoile ou une étoile qui viendrait à croiser la trajectoire du
véhicule, même si elle est virtuelle, pourrait déstabiliser, de par sa masse et
sa proximité, le fonctionnement de l’inter-couche où sont logés les générateurs
et les machines. Et ce serait une catastrophe : on n'en prend pas le risque, jamais.
De plus, accessoirement
ça provoquerait un « désordre » dans la trajectoire dudit astre avec
des conséquences incalculables sur l’environnement cosmologique.
Vous
suivez ?
– Oui
naturellement, Steph », même si ce n’est pas certain.
« Par
conséquent, ce type de navigation n’est possible que sur des distances
relativement courtes à l’échelle de la galaxie, ou, au contraire, sur des
distances intergalactiques importantes, là où l’on présume qu’il n’y a rien.
Ce n’est
pas très confortable dans des zones de matière dense. On est sans arrêt
« arrêter » par les dispositifs de sécurité qui
« déspinent » automatiquement les enveloppes du véhicule.
Il faut
alors reprendre en manuel.
D’autant
que les matériels peuvent tomber en panne. Ils sont en nombre redondant
suffisant, mais sur des laps de temps importants, on passe son temps à les
réparer… »
Là, il faut bien le dire, Paul ne pige plus : le
gouverneur vient de lui expliquer en long, en large et en travers que le temps est
suspendu pour tout le monde.
Dedans et dehors.
« – Vous le
faites exprès ou quoi ?
Dedans,
dehors, oui, mais par dans la partie intermédiaire qui fournit l’énergie
primaire et la poussée des moteurs pour avancer, accélérer, ralentir et
corriger les trajectoires une fois arrivé à l’étape visée et entretenir le
spinage du neutronium.
C’est
vrai que c’est bien commode, mais il y a un arbitrage à faire entre vitesse et
précipitation.
– Vous
allez m’éclairer. La vitesse de déplacement est probablement
« infinie ». Puisqu’il s’agit communément d’une distance donnée
parcourue dans un temps donné.
– Exact.
– Or, si
le temps s’écoule jusqu’à ralentir à la valeur zéro, la suspension dont vous me
parlez, la distance devient infinie, c’est bien ça, quelle que soit la vitesse
initiale.
– C’est
bien cela. Sauf pour la machinerie inter-cavité. Elle, elle vieillit, s’use,
s’auto-répare peut-être, mais finit par rendre l’âme au fil du temps qui passe
pour elle.
Alors nos
véhicules sont équipés de systèmes redondants qui permettent de prendre le
relai le temps nécessaire, mais comme je vous l’ai dit, dans les périodes de
« réalité » de la flèche du temps qui s’écoule normalement, on passe
sa vie à réparer avant de repartir en toute sécurité.
C’est
d’ailleurs ce qui va vous ralentir dans votre progression. Vous allez y passer
quelques unités de votre vie biologique.
Désolé.
– Ma
progression vers quoi ?
– Vers
rien. En tout cas au-delà de l’univers connu. Je vous explique, Paul. Si le
cosmos est né il y a quelques milliards d’unité, son expansion, qui d’ailleurs
s’accélère, a été telle avant que la lumière ne fuse, qu’il est de
considérables portions dont personne ne verra jamais la trace lumineuse.
C’est
rigoureusement et géométriquement impossible vous ai-je dit précédemment. »
Impressionnant…
« – Et j’y
suis obligé ?
– Et
pourquoi je serai obligé moi-même de me coltiner ce voyage en votre compagnie
et celle de tous vos phéromones ?
Nous
sommes peut-être génétiquement cousin, je suis formé et habitué à cohabiter
avec des centaines d’espèces parfois bien plus repoussantes que vous, Paul.
Mais je serai peut-être mieux ailleurs à admirer la beauté de quelques
équations en mouvement dans un coin de l’espace.
– En
écoutant de la musique…
– Ah
désolé ! Nous y sommes insensibles : nous ne sommes pas dotés comme
vous d’appareil de détection vibratoire atmosphérique.
– Et
alors, comment m’entendez-vous quand je parle ?
– Je ne
vous entends pas comme vous l’imaginez, Paul. Je lis dans vos pensées quand
votre cerveau les conçoit, les verbalise, prononce vos mots. D’ailleurs, je les
entendrais que ça ne me dirait rien. Nous n’avons absolument pas les mêmes
codes de communication. Moi je réagis aux champs que votre mécanisme cérébral génère.
– Et moi,
comment je vous entends ?
– De la
même façon. Le reste est factice. Je n’ai pas de voies respiratoires. Pas
besoin pour métaboliser mon matériel protéinique par oxydoréduction. C’est …
« électrique » chez nous. »
Ah bé « ça alors ! » en pense Paul
complètement bluffé…
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