Paradoxes
temporels (22/21)
Avertissement
:
Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure
construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
« Et
maintenant ? »
C’est l’amiral Landditsy qui s’exprime. Lierreux vint
de disparaître. Comme il était venu, sans prévenir, sans laisser de trace que
ce message écrit, tracé directement avec son propre sang sur une pochette tirée
de son pyjama.
Ce barbare, tout poilu…
« Michel.
Tu nous dis la suite ? On ne va pas rester coincé là toute une éternité… »
Là, c’est Edgorkloonyx qui commence à trouver le temps
long.
« L’éternité…
Quelle drôle d’idée ! » lui répond Michel.
« – Edgorkloonyx,
tu as reconnu Pierre, le messager ?
–
Probablement. Mais j’ai surtout bien aimé son message.
– Landdisty,
tu as compris ce qu’il t’a ordonné ?
– Oui,
ça, ça va : pas les Krabitz. J’ai entendu. J’ai aussi entendu ton message.
Mais j’ai des objections ?
– Ah
non ! » intervient Edgorkloonyx.
– Ah si !
J’aime bien le côté « évacuation ». Le problème, c’est que je ne sais
comment on va faire. Tes vaisseaux me semblent vachement trop rustiques pour
envisager un long périple dans l’espace. Vous ne savez faire au mieux que des
voyages de quelques dizaines de parsecs… » (1)
Ce qui n’est pas totalement faux. À chaque
« migration », quand le biotope local est épuisé, les Krabitz
disparaissent petit-à-petit avant d’envisager de déménager. Ils consacrent
alors leurs dernières ressources pour construire quelques vaisseaux
interplanétaires pour aller « plus loin », jusqu’à un endroit qui
soit à leur portée et assez accueillant afin de s’y établir de façon
provisoire.
Et ainsi de suite de génération en génération.
Beaucoup périssent ainsi par épuisement. Les
survivants échouent souvent pour se perdre dans le cosmos, mais l’espèce survit
toutefois depuis des temps immémoriaux pour avoir toujours pu retrouver un lieu
d’accueil favorable.
Là, le problème posé par la présence des Homos, leur
première rencontre semble-t-il, c’est que ne disposant pas d’une technologie comparable,
les Krabitz sont dans l’incapacité de résister à une invasion.
L’espèce est un végétal qui ce sera libéré de son
enracinement. Les végétaux se nourrissent de nutriments puisés dans leur
environnement, en principe solide même si
certaines espèces trouvent ceux-ci dans des gaz ou des liquides, dès
lors qu’il y a un ou des solvants disponibles à profusion, et du carbone, la
matière-première indispensable, même sous forme de monoxyde ou dioxyde. Le
reste est affaire de « chimie » en fonction des réactifs disponibles.
Et les Krabitz sont à l’origine lointaine des
« plantes-marines » mais qui ont su développer une
« micro-civilisation », puisqu’ils communiquent entre eux par échanges
« chimio-électriques » comme n’importe quel végétal même ceux qui n’ont
qu’une conscience diffuse de leur identité propre, partageant leur
environnement avec d’autres espèces, notamment des « mobiles »,
bipèdes, quadrupèdes, volantes, nageantes ou non, les insectes et autres. Ils
sont d’abord « enracinés », puis, au fil du temps, ils sont sortis de
leur milieu liquide et ont acquis aussi la possibilité de se mouvoir
« hors-sol » sur les parties émergée de leur planète d’origine.
Ce n’est que quand celle-ci a été mise en danger par
son étoile qui se transformait en géante rouge au fil du temps, que les Krabitz,
qui raffolent de philosophie et de mathématique, ce sont mis à chercher des
moyens de migration.
L’espace immédiat a été identifié comme une bouée de
secours provisoire et puis ils ont ensuite migré toujours plus loin dans
l’espace.
Globalement, l’espèce est installée depuis pas mal de
temps dans ce petit coin du ciel, autour de trois étoiles, un système binaire
et une étoile proche, autour desquels orbitent, parmi d’autres, cinq planètes
telluriques et deux gazeuses situées dans des zones de températures supportables.
À distance convenable desdites étoiles.
Le système binaire est un peu instable, mais les
biotopes sont parfois riches et la bio-cinèse acceptable. Pas trop létale à
condition de prendre des précautions d’usage.
Bref, pas le paradis, mais assez « confortable »
pour avoir pu y regrouper une grande partie de la population de Krabitz pendant
longtemps avant d’envisager une nouvelle migration.
Et l’arrivée des vaisseaux d’exploration scientifique
des Homos, une espèce carnée, bipède et belliqueuse, aura été un bouleversement
inattendu.
Alors qu’ils ne sont pas du tout adaptés pour vivre et
partager le même milieu, puisque les Homos sont incapables de vivre dans une
atmosphère trop chargée en dioxyde-de-carbone, alors que c’est l’essence même
du gaz parfait qui favorise le développement des Krabitz et autres herbacés, ces
gens-là se sont permis de les expulser de leurs endroits favoris pour creuser
les sols, saccageant les autres espèces locales et les réalisations Krabitz.
Forcément, la révolte a grondé et a tourné en faveur
des espèces autochtones qui se sont liguées contre les envahisseurs venu de
l’espace.
S’en est suivi une courte période de calme, jusqu’à
l’arrivée d’une flotte de vaisseaux armés qui, en représailles, ont réduit en
cendre les habitats de la première planète envahie.
Quelques Krabitz ont pu s’en échapper pour rejoindre
les colonies sises à proximité. Mais s’en est suivi alors une course-poursuite
qui a permis de regrouper les Krabitz sur une seule des planètes, un peu
hostile et à la gravitation insuffisante – il y a parfois des vents furieux qui
balayent la surface de la planète et détruisent tout sur leur passage, jusqu’à
propulser hors de l’atmosphère nombre d’objet « non-enracinés » – qui est désormais entièrement mise sous
blocus.
Tous les vaisseaux spatiaux ont été détruits. Il n’y a
plus de moyen de fuite et la flotte humaine s’apprête à donner l’assaut final à
coup de grands dégagements d’énergie ponctuels.
Alors l’épisode de suspension temporel est vécu par Edgorkloonyx,
le Krabitz, comme inespéré. Puisque son espèce n’a plus les moyens de ne pas
disparaître, pourquoi ne pas accepter de migrer là où elle sera le plus
utile ?
Même si l’apparition d’un curieux
« humanoïde » reste suspecte dans cet épisode.
Mais Edgorkloonyx n’en est plus à sa première
« rencontre » aliène : il a vécu longtemps sur ce qui
s’apparentait à une sorte de barge en suspension autour d’une planète inconnue
où il avait déjà rencontré un humanoïde.
C’était d’ailleurs juste avant l’arrivée des
« sans-âmes », cette poussière noire qui se mange si facilement et
qui envahissait tout.
Il en garde le souvenir d’un « paradis » à
retrouver et à partager avec le plus grand nombre de ses congénères, avant
d’avoir eu l’idée de retrouver la barge de l’humanoïde qui les avait visité et
que tous les deux disparaissent dans un « puits-du-temps »
improbable.
Pierre était manifestement revenu à son époque et sur
son monde d’origine, Edgor également, alors que la population des autres
Krabitz s’en donnait probablement encore à cœur-joie de bouffer du
« sans-âme » et à en prospérer de façon soutenue.
Certes, il était passé pour un hurluberlu sur sa
planète, quand il avait raconté son histoire, alors même que tous les Krabitz
envisageaient déjà une migration.
L’arrivée des vaisseaux de la Légion donnait sens à
tout cela.
« La
solution va arriver incessamment. » C’est Michel qui l’affirme.
« Ta parole
d’officier général que tu ne vas pas t’y opposer ? »
Quelle question…
En fait ce qui taraude l’amiral, c’est la réaction de
ses troupes : tous ses officiers sont prêts à en découdre. Ils ont
redoublé d’efforts pour éradiquer toutes traces de vie sur trois des planètes
rocheuses. Manifestement, les humains veulent des territoires vierges pour
mieux les exploiter, en extraire des minéraux qui semblaient si précieux à leur
expédition d’étude scientifique.
Il en reste deux.
Sur les planètes gazeuses, ils ont lâché des quantités
prodigieuses de cyanobactérie non-symbiotique (2) donc capables d’une vie
indépendante, parfois « aérobiques », qui réduisent en un temps record le taux de
gaz carbonique du milieu naturel, le rendant impropre à la vie des Krabitz.
Et avec le blocus orbital, toute échappatoire devient
très difficile : les vaisseaux humains et leurs machines de guerre sont
sans pitié. Ils détruiraient tout ce qui tente de passer.
Ce sont en fait des robots qui veillent et appliquent
sans aucune empathie les consignes des officiers de la Légion.
Du coup, les Krabitz survivants se sont regroupés sur
les deux planètes rocheuses et inconfortables, qui orbitent l’une autour de
l’autre, en vue de produire des vaisseaux assez rapidement dans des cavernes
parsemées dans les profondeurs de la plus petite des planétoïdes qui reste
« creuse » : de vastes galeries générées par des
« macro-biotiques-mange-pierre », qui se nourrissent de silicate mais
restent heureusement hydrophobiques.
Cette espèce a déserté ses galeries, qui sont restées,
au contact des nappes phréatiques profondes.
Sans grand espoir : même si les humains peuvent
éventuellement les laisser faire un temps, il faudrait mettre au point une
tactique de leurre des drones qui interdisent tout trafic spatial autour de ces
deux planètes.
Et là, les intentions de l’amiral Landditsy sont
claires : il va passer à l’offensive, au moins sur la plus grosse des
planètes-refuges.
Alors évidemment, changer du tout au tout tous ses
plans de de bataille jusque-là élaborés, même parce qu’il aurait vu et dialogué
avec un « ancêtre », même celui de la légende des officiers généraux,
ça n’a rien d’évident.
« Tu vas le
faire. De toute façon, je t’ai dit que je ne te laisserai pas saccager
« mon jardin » et détruire jusqu’au dernier des Krabitz comme tu en
as reçu la mission. Tu vas laisser faire leur prochaine migration et celle-ci
sera définitive.
Je
t’envoie aide et assistance. Une flottille de vaisseaux cargos devrait
convenir. »
Et elle va sortir d’où, cette flottille ? Les
moyens de la Légion ne sont pas illimités et ça va demander des années et
années.
« – Ne
t’inquiète pas. Elle va arriver. Tu laisseras les Krabitz embarquer et ils
fileront là où ils sont attendus pour te laisser place nette… Ta mission sera
couronnée de succès.
– Et où
donc ? » demande Edgorkloonyx, un peu angoissé. « Là où nous migrerons, ils vont bien tenter de nous poursuivre.
– Tu as
raison sur leurs intentions Edgor. Mais là où vous allez, ils ne peuvent pas
vous pourchasser. C’est bien trop loin pour leurs vaisseaux et ils n’ont aucune
idée de la façon de faire.
– Ils
pourront nous pister.
– Bien
sûr, mais pas longtemps. D’une part, la route sera fermée à jamais après votre
arrivée sur place et puis, va couvrir votre départ un vaisseau doté d’armes
contre lequel ceux de la légion ne peuvent encore rien. »
Landditsy voudrait bien voir ça, tiens donc…
La légion est équipée des engins de destruction et de
mort les plus élaborés de l’univers à base de matière et antimatière. Et, en
tout cas dans l’amas local de galaxies, il n’y a rien de plus puissant.
De plus, si la majeure partie des moyens de la légion
est actuellement mobilisée pour mater les rebelles de Qarassa qui piratent les
lignes commerciales entre les diverses civilisations d’un coin de la galaxie
pas trop éloigné, là où d’ailleurs on attend sa flottille une fois sa mission
commandée par la « Haute autorité » intergalactique contre les
Krabitz terminée, elle pourrait être rapidement mobilisée pour repousser
n’importe quelle agression.
« – Il ne
s’agit pas de ça. Il s’agit d’une technologie qui dépasse la vôtre, Amiral.
– Celle
de la Garde ?
–
Effectivement. Que fait-on de mieux à ton époque…
– Là
encore, c’est une légende ! Une de plus.
– Si tu
en es certain, qu’as-tu à redouter à tenir ta parole ?
– J’ai
surtout les moyens de détecter tous mouvements suspects d’ici jusqu’à quelques
24 à 48 heures-lumières (3)…
– Je te
laisse avec tes certitudes. Rentre chez toi, rends compte à tes autorités et
laisse venir et faire. Toi, Edgor, tiens les tiens près à un départ massif.
Entendu ? »
Et que bien sûr ! Même s’il reste à convaincre
les siens de laisser tomber les solutions jusque-là envisagées pour se tirer
d’affaire et échapper à un génocide.
Pas certain qu’il y parvienne…
D’autant qu’il se retrouve, sitôt la suspension
temporelle de « Michel » terminée, dans la même situation qu’avant
son « échappée » chez « Michel », dans le bruissement
général qui l’empêche dans premier temps de se faire entendre. De là à se faire
comprendre…
Heureusement que les événements se précipitent à
l’extérieur.
Tout comme pour l’amiral de la légion spatiale…
Lui aussi se retrouve l’instant d’après dans son poste
de commandement, entouré de ses officiers là où il les avait laissés, finissant
leurs mouvements entamés au moment de la « suspension » qu’il a vécu
avec une troupe improbable dans un endroit encore plus improbable, les rapports
de position des diverses machines déployées dans le système Boomerkar où sa
flottille s’apprête à livrer une bataille facile continuant à être égrainés par
un droïde de liaison.
« –
Amiral ? Oh, Amiral !
–
Quoi ?
– Quels
sont vos ordres ?
– Mes
ordres ?
– L’ordre
du feu.
– L’ordre
du feu ?... Euh, non… On suspend l’offensive.
– Pardon ?
– On
suspend. Il va se passer un événement nouveau.
– Comment
ça, amiral ?
– En
attendant, prenez ceci (il tend le message remis sur un bout de chiffon par
Lierreux), analysez-le moi de toute
urgence et préparez immédiatement une sonde de liaison avec l’état-major ! »
L’officier d’ordonnance semble interdit.
« Exécution ! »
(1) Un parsec est égal à environ 3,2616 années-lumière. Historiquement,
le parsec est défini comme la distance à laquelle une unité astronomique
sous-tend un angle d’une seconde d'arc. Autrement dit, la distance à partir de
laquelle on verrait la distance terre-soleil, sous un angle d’une seconde d’arc.
Mais là, comme il s’agit
d’autres mesures du temps et des distances – seul ne nom est resté – la
distance n’est pas la même.
(2) Sur terre, elles ont été responsables de la « grande
oxygénation » de la planète peu après sa formation et elles survivent sous
forme d’algues « bleues vertes » qui prolifèrent dans les océans à la
faveur des changements climatiques en cours au XXIème siècle.
(3) Là encore, la référence n’est pas comparable, puisque
décimale, avec celles de leur passé : seul les noms sont restés dans la
mémoire collective.
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