Mises à niveau
Avertissement
:
Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure
construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
Tous ces mystères, cette situation inattendue,
« hors-normes », ce vocabulaire, ces notions employées tellement
étranges et étrangères à ce qu’il a l’habitude d’entendre se bousculent dans la
tête de Paul.
« J’imagine
que vous avez de très nombreuses questions à me poser, excellence. Je vais y
répondre, pas à toutes, mais à toutes celles qui vont vous permettre de réussir
les missions pour lesquelles vous avez été « ôté » de votre époque et
de votre … petite monde à vous. »
Pourquoi « excellence » ?
« – Ah oui.
C’est votre titre dans mon monde. Je n’y peux rien, c’est comme ça.
– Et ça
correspond à quoi ?
– Comme
chez vous à votre époque. À un titre d’ambassadeur. Vous êtes le représentant
des Sapiens de votre époque dans mon époque.
– Quelle
époque ?
– Vous
allez le savoir. Si j’ai bien étudié les éléments de votre biographie, vous
êtes actuellement un militaire, un marin aviateur réserviste. En plus d’un
homme d’affaires qui traite des dossiers pointus concernant votre pays et
quelques autres.
La notion
de pays nous est désormais étrangère. On résonne, à mon époque, plutôt en
ethnie, en espèce, en planète voire système planétaire quand plusieurs orbitent
dans une même région de l’espace en un temps donné.
Vous me
suivez ? »
Pas très clairement, mais admettons.
« Vous avez
donc un grade, une fonction durant ce que vous appelez votre carrière. Plusieurs
même, qui évoluent. Mon monde reprend l’essentiel de ce mode d’organisation,
mais il compose avec les multiples espèces et ethnies qui peuplent le groupe de
galaxies dans lequel nous évoluons actuellement.
Il faudra
vous y faire, mais les Homos ne sont pas les seules intelligences qui occupent
tous ces territoires, loin de là. Même si beaucoup, d’innombrables espèces ne
maîtrisent pas du tout les voyages cosmiques. Et que bien des mondes restent
hostiles à la présence d’autres espèces.
Par
exemple, vous ne pourriez pas survivre dans notre véhicule ni sur la planète où
nous allons, faute de trop peu d’oxygène gazeux. D’autres espèces ne pourraient
pas survivre sur votre planète. Moi-même, pourtant comparable à un Sapiens
comme vous, je ne peux pas y séjourner trop longtemps sans atmosphère
contrôlée, la vôtre étant trop riche en oxygène : je finirai rapidement par
avoir mes tissus et la plupart de mes composants détériorés par oxydoréduction.
Commençons
d’ailleurs mes explications par là. Dans quelques instants, nous allons faire
un saut vers notre premier relai. »
Sans un geste, sans un bruit, alors qu’ils sont tous
les deux debout au milieu d’une « pièce » assez vaste et à la lumière
diffuse, un peu bleutée, Steph dépassant d’une bonne tête Paul alors que
celui-ci est d’un gabarit pourtant déjà imposant, ce qui semblaient être des
cloisons s’illuminent tous azimuts sur ce qui apparaît être l’espace
environnant.
« Nous en
ferons d’ailleurs une succession dont le plus long nous fera changer de
galaxie, ces regroupement d’étoiles. Soyez attentif, s’il vous plaît,
excellence. »
Le soleil scintille à droite, un peu au-dessus d’eux.
Il faut se tourner vers la gauche pour voir la Lune partiellement ensoleillée,
depuis sa face cachée, puisque Paul ne reconnaît pas le dédale des tâches
sombres de l’astre nocturne qui forment des « mers » (mais n’en sont
pas) et un vague dessin d’un visage humain tout rond.
Tout d’un coup, sans le moindre frémissement, pas la
plus petite vibration, les distances semblent s’étirer vertigineusement, puis,
à peine quelques secondes après le début de ce phénomène étrange, le ciel
entier s’illumine !
Un spectacle ahurissant et splendide de beauté. Ça ne
dure pas car aussitôt après, le ciel redevient noir, parsemé de quelques
étoiles.
« Nous
avons sauté vers notre premier relai, celui que nous avons posé à l’aller. On
va le récupérer et nous sauterons vers le second. Puis le troisième et enfin
nous sortirons de cette galaxie-là. »
Je ne comprends pas… pense Paul.
« C’est
très simple. Vous ne voulez toujours pas vous désaltérer, excellence ? »
Quelle idée même si… Paul avait la gorge un peu sèche.
« Si. Vous
avez quoi à boire qui ne soit pas du poison pour moi ! »
Steph est pris d’un fou rire qui se traduit par des
« hihihi » ridicules et des tressautements de sa grande carcasse
qu’il a des plus souples, puisqu’on dirait qu’elle ondoie, semble-t-il.
« Figurez-vous
que dans l’intervalle de ma première visite et de votre enlèvement, nous avons
fait quelques « provisions » à votre intention ! »
Ça voulait dire quoi ?
« À propos,
avez-vous lu le fascicule que je vous ai remis ? »
Non, pas en entier. Il devait le terminer pendant les
phases d’éveil de son vol vers les caraïbes…
Paul n’en aura pas eu le temps.
« – Si vous
m’aviez laissé dans mon avion, j’aurai pu en prendre connaissance. Pourquoi
votre… organisation s’acharne sur moi, s’il vous plait ?
– C’est
une question à laquelle je peux répondre. Mais ça ne va pas satisfaire votre
curiosité. C’est vous, parce que c’est comme ça.
– Comment
ça, « comme ça » ?
– Vous
êtes pour nous une… singularité, je vous l’ai déjà dit. Un Sapiens certes, mais
pour le moins une espèce arriérée pour mon époque, mais qui a su évoluer au
cours de son Histoire. Je suis d’ailleurs le fruit d’une longue lignée de
mutations génétiques engendrées par ce Sapiens ancien. L’Ultra. Après avoir
évolué en « Augmenté », « Amélioré ». D’ailleurs pas très
loin de votre époque, celui-là.
Votre
époque est assez extraordinaire, et vous ne le savez pas.
– Comment
ça ?
– Pour la
première fois, vous découvrez que votre planète est finie. Qu’elle est unique
et qu’il faut la préserver alors même qu’à plusieurs reprises votre espèce est
en voie d’extinction à travers des conflits sans nom.
Plusieurs
pistes de recherche sont semble-t-il élaborées, dont une migration vers les
planètes de votre proche espace, mais également des actions de conservation de
sa biosphère et le génie génétique qui cherche d’abord à adapter des espèces
végétales aux conditions prévisibles des consommations alimentaires.
Puis,
plus tard, animale et enfin Homo elle-même qui sera d’abord
« augmenté » pour devenir « amélioré », puis « Ultra »,
comme moi.
Parce que
naturellement, Sapiens est une espèce qui grandit vite, explose même sur son
petit caillou mais il dégrade son environnement. Plus il le dégrade, plus il
devient nombreux, plus il consomme d’énergie et vous le savez sans doute, toute
énergie finie par se dégrader en chaleur.
Or, la
planète d’origine de Sapiens est « finie » comme je viens de le dire
et l’énergie dissipée ne peut pas s’évacuer…
D’où
toutes ces pistes de recherche pour faire face ou sortir de cette impasse
prévisible. »
Encore un discours écologique…
Paul avait déjà le même du Pape François, retracée
dans son encyclique « Laudato si… » (1) à laquelle il n’avait
peut-être pas tout compris finalement.
« Oh, ça va
vous demander plusieurs générations, naturellement. D’autant que les vôtres
sont courtes et que ce qui est perdu par les uns doit être réappris ou
redécouvert par la génération suivante.
C’est assez
curieux d’ailleurs… »
Le même phénomène fascinant d’un ciel qui s’illumine
dans sa totalité jusqu’à saturation puis replonge dans le noir vient de se
reproduire.
« … une des
premières choses que les chercheurs de Sapiens auront tenté, non sans succès,
c’est d’améliorer sa propre espèce ! En longévité, mais également en
qualité de vie.
D’abord
avec des implants, puis avec des modifications génétiques mineures et enfin des
adaptations majeurs.
Du coup,
plusieurs espèces de Sapiens cohabitent depuis. Les « Augmentés »
plus spécialement adaptés à des milieux comparables à la planète d’origine, la
Terre. Et les « Ultra » comme moi, plus spécialement adaptés à des
conditions de vie extrêmes dans le cosmos.
En bref,
nous assurons des liaisons entre espèces sur des territoires très étendus et
éloignés, et pour ce faire, nous sommes dépourvus de tout instinct belliqueux,
le principal défaut des Sapiens d’origine comme vous, qui les rend si
dangereux. »
Charmant…
« Oh, ça ne
s’est pas fait en peu de temps. Il y a eu de nombreux échecs, et il a fallu
des… comment dites-vous ? Des siècles et des siècles d’avancées
scientifiques et techniques dans divers domaines pour parvenir à notre degré
d’adaptation et d’organisation.
Par où
commencer, pour vous expliquer tout ça ? »
Par le commencement : Qu’est-ce que Paul vient
faire là ?
« – Oui. Je
vous emmène dans votre futur, un futur lointain pour votre époque…
– Je
croyais que le voyage vers le futur n’était pas possible.
–
Naturellement ! D’ailleurs quiconque essayerait disparaîtrait aussitôt. À
la fois pour des raisons éthiques, mais aussi pour des raisons d’organisation
des espèces.
– Comment
ça ?
– Elles
sont nombreuses à vivre dans le même univers. Très, très nombreuses et nous ne
les avons pas encore toutes explorées ou rencontrées. Chaque chose doit se
faire en son temps, à son époque, dans son déroulé si on ne veut pas créer un
chaos permanent.
On
imagine qu’il doit y avoir une « autorité supérieure » qui veille à
ce genre de détail.
Nos
élites sont elles-mêmes guidées par celles-là et elles se sont organisées en
une sorte de… comment dire ? De confédération pacifique d’où on peut
espérer qu’émergera dans un futur encore plus lointain la création de cette
« autorité supérieure ».
Pour
l’heure, nous nous contentons de faire vivre une « Coupole » qui
fédère les espèces capables de se mouvoir dans l’espace et même parfois sur la
flèche du temps.
Pour
cette dernière, elles sont encore si peu nombreuses, que ça reste assez
ordonné.
– Vous
maîtrisez le voyage vers le futur, vous ?
– Non pas
vraiment, dois-je vous dire. Vers le passé, pas de problème, même s’il y a des
limites et je vous dois de vous expliquer lesquelles. Ce qui est d’ailleurs une
des raisons de votre présence dans notre véhicule.
–
Ah ?
–
Techniquement le voyage vers l’avenir n’est pas possible. On ne peut pas non
plus voyager vers ce qui n’existe pas encore, à mon sens. Et je ne suis pas le
seul à en être convaincu. C’est une des deux
limites techniques, que dis-je, scientifiques, qui empêche le voyage vers
l’avenir.
En
revanche, partant d’un présent quelconque, bien identifié dans ses quatre
dimensions en comprenant la dimension temporelle, on peut voyager vers le passé
avec nos technologies, justement vers un autre point, bien identifié dans
l’espace mais aussi le temps pris en références absolues, pas de doute possible.
Et vous
l’aviez compris avec l’agent George, ce que vous avez pris pour un
« MIB » qui vous a envoyé vingt-ans plus tôt que votre époque d’un
même point d’une côte océanique (2).
Quand un
relai ou un véhicule arrive dans son passé et qu’il y retourne par simple
coupure des connexions, s’il emporte un animal, une plante ou un Homo vers son
présent, pour ce passager, ce sera bien un voyage vers le futur !
Nos
fameuses « singularités ».
En
principe, elles n’en reviennent pas, sauf vous, parce que ce sera la seconde
mission qui vous sera confiée, chronologiquement postérieure à celle que nous
avons entamée, et dont on sait que vous les mènerez à bien toutes les deux,
votre excellence… »
De quoi il cause ?
« – Vous l’avez
peut-être déjà compris, la seconde limite du voyage dans le temps, vers le
passé comme on vient de le dire, c’est la limite temporelle. L’instant zéro
avant lequel il n’y a rien.
De la
même façon qu’on ne peut pas se déplacer vers ce qui n’existe pas encore, on ne
peut pas non plus se déplacer vers ce qui n’a jamais existé…
–
Logique.
– Or,
plus on voyage vers le passé, plus on voyage loin, compte-tenu de la vitesse
limite des lois de la physique. Celle de la lumière.
Je crois
avoir lu dans les rapports de votre biographe, que ça aussi vous l’avez déjà
assimilé, votre excellence (3). Il faut pouvoir
se déplacer dans le passé pour viser à bon escient l’étoile ou le système vers
lequel on veut aller.
Or, aller
au-delà de disons… une sphère de 13,5 milliards de vos unités (probablement qu’une
unité correspondant à une année terrestre en déduit Paul), alors que la lumière n’est pas encore née, que l’univers est totalement
opaque dans sa phase post-inflation quantique, ce n’est matériellement pas
possible.
Et il se
trouve que l’univers est bien plus vaste, nous le savons, bien plus vaste que
cette distance-limite. Où que nous nous trouvions, la plus vieille lumière
observable reste toujours de l’ordre de cette même durée, même quand on a pu se
déplacer de plusieurs centaines de million d’unités.
–
Intéressant…
–
D’autant plus intéressant, je ne sais pas pourquoi votre excellence, mais vous
êtes cette « singularité » qui ira bien au-delà de cette limite, et
surtout, qui en reviendra, là d’ici quelques dizaines de vos cycles circadiens.
– Ah
oui ? »
Et de nouveau les écrans de la pièce s’embrasent de
mille feux éblouissants qui s’évanouissent l’instant d’après.
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