Oui, mais le fisc veille à prendre sa part…
Rendre la justice, libre et éclairée, c’est l’apanage
des États de droit qui exercent ainsi un pouvoir régalien sur nous toutes et
tous, égal pour toutes et pour tous.
Sauf qu’on ignore souvent qu’il faut payer une taxe (et parfois une caution « pour faire sérieux » qui vous sera restituée à la fin de la procédure).
En effet les dispositions de l’article 963 du code de procédure civile indique que les parties ne peuvent soulever l’irrecevabilité encourue par la partie qui ne s’est pas acquittée du règlement de la taxe fiscale de l’article 1635 bis P du code général des impôts.
Cependant, cette irrecevabilité doit être relevée d’office par le juge si la partie ne s’en est pas acquittée avant que le juge statue.
En conséquence, est cassé l’arrêt qui statue sur le fond de l’appel sans relever d’office l’irrecevabilité de l’appel pour non-acquittement, par l’appelant, du paiement de la contribution prévue à l’article 1635 bis P du code général des impôts.
Cour de cassation, civile, deuxième chambre civile, 3
mars 2022, n° 20-23.329, Publié au bulletin
Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, du 19 novembre 2020
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Ghestin
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu
l’arrêt suivant :
Arrêt n° 231 F-B
Pourvoi n° W 20-23.329
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE
CIVILE, DU 3 MARS 2022
Mme [K] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le
pourvoi n° W 20-23.329 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour
d'appel de Metz (1ère chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [D] [W],
domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de Mme [T], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 19 novembre 2020), Mme [T] a acquis un véhicule d'occasion de M. [W].
2. Se plaignant d'une délivrance non conforme, elle a obtenu devant un tribunal de grande instance la résolution de la vente et des dommages-intérêts.
3. M. [W] a interjeté appel de ce jugement.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
4. Mme [T] fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en résolution de la vente du 16 mars 2017 du véhicule Peugeot 308 et tendant à condamner M. [W] à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que l'appelant doit justifier, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office par le
magistrat ou la formation compétents à l'exclusion des parties, de l'acquittement du droit prévu par l'article 1635 bis P du code général des impôts ; que M. [W] n'a pas justifié de l'acquittement de ce droit, raison pour laquelle Mme [T] n'a pas poursuivi sa demande d'expertise judiciaire devant le conseiller de la mise en état ; qu'en s'abstenant de constater d'office l'irrecevabilité de l'appel de M. [W], la cour d'appel a violé l'article 963 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 963 du code de procédure civile et l'article 1635 bis P du code général des impôts :
5. Selon le premier de ces textes, lorsque l'appel entre dans le champ d'application du second, les parties justifient, à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses, selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article. L'irrecevabilité est constatée d'office par le magistrat ou la formation compétents.
Les parties n'ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité.
6. L'arrêt infirme le jugement et déboute Mme [T] de ses demandes.
7. Il résulte du dossier de la procédure que l'appelant ne s'est pas acquitté du droit prévu par l'article 1635 bis P du code général des impôts avant que la cour d'appel ne statue.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'office l'irrecevabilité de l'appel tirée de ce que les parties ne s'étaient pas acquittées du paiement de la contribution prévue à l'article 1635 bis P du code général des impôts, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt
rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.
Condamne M. [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [W] à payer à Mme [T] la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt-deux.
Voilà
le genre de décision qui m’amuse au plus haut point : Pour un litige
portant sur 500 €, tu payes d’abord 225 € de « timbre » (il fallait
suivre mes cours sur le sujet reportés sur ce blog) pour accéder à la justice d’État
(il n’y a pas de petits profits…) et si tu perds, tu t’en prends pour 3.000
euros dans les dents au titre de ta mauvaise foi procédurale.
D’autant que dans ce cas-là, c’est à l’avocat de faire son boulot et d’acquitter le droit prévu par l’article 1635 bis P du code général des impôts : Le « baveux » en oublie ses devoirs…
Trop
drôle !
Pour résumer, dans le cadre d’une action en résolution
de vente automobile, un vieux tas de ferraille « sur roulettes », le
vendeur fait appel, et obtient le débouté du demandeur, intimé. Au soutien de
son pourvoi, le demandeur se prévaut des dispositions l’article 963, et fait
reproche au juge d’appel d’avoir statué au fond alors qu’il aurait dû relever
d’office l’irrecevabilité de l’appel.
La Cour de cassation accueille le moyen et casse l’arrêt d’appel.
Car c’est un cas d’irrecevabilité que les parties ne peuvent même pas soulever elles-mêmes…
Quelle étrange fin de non-recevoir que celle du
non-acquittement de la taxe fiscale ! Alors que les parties ont à leur
disposition de nombreux moyens de procédure pour mettre un terme prématurément
à l’instance d’appel, l’irrecevabilité de l’article 963, pour non-acquittement
de la taxe fiscale de l’article 1635 bis P du code général des impôts, leur
échappe.
En effet, l’article 963, in fine, prévoit que « les parties n’ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité ».
C’est donc une affaire entre le juge et la partie, sans que l’autre partie s’en mêle.
On comprend que la finalité de cette sanction n’est
pas de faire tomber des procédures d’appel, mais de faire tomber des sous dans
les caisses du fonds qui a permis de mettre en place la réforme tendant à la
suppression de la profession d’avoués.
Par conséquent, la sanction doit être dissuasive, pour contraindre les parties à payer la dîme.
Et il n’existe pas d’incident entre les parties pour s’expliquer sur cette irrecevabilité dans cette affaire-là.
Pour autant, il existe un contentieux, qui alimente
une jurisprudence assez confidentielle (Cf. Civ. 2ème, 22 mars 2018,
n° 17-12.770 ; 16 mai 2019, n° 18-13.434 P ; 1er juill. 2021,
n° 19-10.668 P), mais il faut croire que rares sont ceux qui s’intéressent à
mes cours de fac, précisément en raison du fait que les parties ne peuvent s’en
prévaloir … Mais qu’elles peuvent néanmoins invoquer !
L’arrêt de cassation ci-dessus aura peut-être pour conséquence que les parties vont s’intéresser davantage à cette question de l’acquittement de la taxe fiscale.
(I-Cube (l'exilé): Archives... (flibustier20260.blogspot.com))
En l’espèce, l’appelant n’avait pas réglé la taxe
fiscale, sans que la Cour d’appel s’en inquiète. Et le jugement dont appel a
été infirmé.
Force reste à la Loi !
Et les ex-avoués seront correctement indemnisés, s’il en reste encore qui ne se sont pas convertis à l’avocature…
Ceci dit, demain, on vote, n’oubliez pas.
Ça coûte une blinde à organiser, mais on ne vous demandera pas de payer quoique ce soit pour glisser votre bulletin dans l’urne.
Car c’est un devoir de citoyen conquis de hautes luttes pluriséculaires.
Notez que dans « ma République », celle où je serai élu (et payé cher) pour boire la cave de l’Élysée, vous serez payés pour faire ce geste si simple, afin de lutter contre l’absentéisme…
Une toute autre dimension, n’est-ce pas ?
Bon week-end (électoral) à toutes et à tous !
I3
Sauf qu’on ignore souvent qu’il faut payer une taxe (et parfois une caution « pour faire sérieux » qui vous sera restituée à la fin de la procédure).
En effet les dispositions de l’article 963 du code de procédure civile indique que les parties ne peuvent soulever l’irrecevabilité encourue par la partie qui ne s’est pas acquittée du règlement de la taxe fiscale de l’article 1635 bis P du code général des impôts.
Cependant, cette irrecevabilité doit être relevée d’office par le juge si la partie ne s’en est pas acquittée avant que le juge statue.
En conséquence, est cassé l’arrêt qui statue sur le fond de l’appel sans relever d’office l’irrecevabilité de l’appel pour non-acquittement, par l’appelant, du paiement de la contribution prévue à l’article 1635 bis P du code général des impôts.
Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, du 19 novembre 2020
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Ghestin
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANÇAIS
Pourvoi n° W 20-23.329
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de Mme [T], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 19 novembre 2020), Mme [T] a acquis un véhicule d'occasion de M. [W].
2. Se plaignant d'une délivrance non conforme, elle a obtenu devant un tribunal de grande instance la résolution de la vente et des dommages-intérêts.
3. M. [W] a interjeté appel de ce jugement.
Énoncé du moyen
4. Mme [T] fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en résolution de la vente du 16 mars 2017 du véhicule Peugeot 308 et tendant à condamner M. [W] à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que l'appelant doit justifier, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office par le
magistrat ou la formation compétents à l'exclusion des parties, de l'acquittement du droit prévu par l'article 1635 bis P du code général des impôts ; que M. [W] n'a pas justifié de l'acquittement de ce droit, raison pour laquelle Mme [T] n'a pas poursuivi sa demande d'expertise judiciaire devant le conseiller de la mise en état ; qu'en s'abstenant de constater d'office l'irrecevabilité de l'appel de M. [W], la cour d'appel a violé l'article 963 du code de procédure civile. »
Vu l'article 963 du code de procédure civile et l'article 1635 bis P du code général des impôts :
5. Selon le premier de ces textes, lorsque l'appel entre dans le champ d'application du second, les parties justifient, à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses, selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article. L'irrecevabilité est constatée d'office par le magistrat ou la formation compétents.
Les parties n'ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité.
6. L'arrêt infirme le jugement et déboute Mme [T] de ses demandes.
7. Il résulte du dossier de la procédure que l'appelant ne s'est pas acquitté du droit prévu par l'article 1635 bis P du code général des impôts avant que la cour d'appel ne statue.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'office l'irrecevabilité de l'appel tirée de ce que les parties ne s'étaient pas acquittées du paiement de la contribution prévue à l'article 1635 bis P du code général des impôts, a violé les textes susvisés.
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.
Condamne M. [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [W] à payer à Mme [T] la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt-deux.
D’autant que dans ce cas-là, c’est à l’avocat de faire son boulot et d’acquitter le droit prévu par l’article 1635 bis P du code général des impôts : Le « baveux » en oublie ses devoirs…
La Cour de cassation accueille le moyen et casse l’arrêt d’appel.
Car c’est un cas d’irrecevabilité que les parties ne peuvent même pas soulever elles-mêmes…
En effet, l’article 963, in fine, prévoit que « les parties n’ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité ».
C’est donc une affaire entre le juge et la partie, sans que l’autre partie s’en mêle.
Par conséquent, la sanction doit être dissuasive, pour contraindre les parties à payer la dîme.
Et il n’existe pas d’incident entre les parties pour s’expliquer sur cette irrecevabilité dans cette affaire-là.
L’arrêt de cassation ci-dessus aura peut-être pour conséquence que les parties vont s’intéresser davantage à cette question de l’acquittement de la taxe fiscale.
(I-Cube (l'exilé): Archives... (flibustier20260.blogspot.com))
Force reste à la Loi !
Et les ex-avoués seront correctement indemnisés, s’il en reste encore qui ne se sont pas convertis à l’avocature…
Ça coûte une blinde à organiser, mais on ne vous demandera pas de payer quoique ce soit pour glisser votre bulletin dans l’urne.
Car c’est un devoir de citoyen conquis de hautes luttes pluriséculaires.
Notez que dans « ma République », celle où je serai élu (et payé cher) pour boire la cave de l’Élysée, vous serez payés pour faire ce geste si simple, afin de lutter contre l’absentéisme…
Une toute autre dimension, n’est-ce pas ?
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