Ça
ne vous avait pas échappé : Pourvoi n° 17-10255
Un quidam qui achète un bien, ou une
prestation de services, à distance (achat sur Internet ou par correspondance,
VPC ou VAD) ou hors établissement (ailleurs que dans les locaux du vendeur) a
le droit de se rétracter pendant 14 jours.
Tout le monde sait ça.
Parfois il verse d’ailleurs des arrhes
(ce qui pose des problèmes en matière de TVA que j’ignorais : On y
reviendra probablement ultérieurement), qui restent un « acompte » en
cas de livraison, ou la contrepartie d’un dédit postérieur…
Sauf qu’en cas de commande
personnalisée, l’acheteur « à distance » n’a pas le droit de se
rétracter et c’est logique : Il y a de la « valeur ajoutée »
supplémentaire et spécifique dans ce qui lui est vendu, un peu comme si vous lui
achetiez un camembert de marque (Jort, forcément) mais déjà tartiné de
confiture de figue (corse, forcément aussi…).
En revanche, il peut choisir certaines
options prévues par le vendeur sans que cela constitue pour autant une commande
personnalisée.
C’est ce qui se passe pour le citoyen
« X… » quand il achète un véhicule avec une couleur spécifique et une
option supplémentaire proposée à la vente.
Il se rétracte dans les délais et par
lettre recommandée avant de prendre livraison de sa commande et le revendeur –
ce coquin – lui refuse la restitution de l’acompte au motif que les options
commandées aurait rendu ledit véhicule « nettement personnalisé ».
Précision de la Cour suprême (de
l’ordre judiciaire) sur le sujet :
Cour de cassation, première chambre
civile
Audience publique du mercredi 17
janvier 2018
N° de pourvoi: 17-10255
Publié au bulletin
Mme Batut (président), président
SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué
(juridiction de proximité de Bourges, 7 novembre 2016), rendu en dernier
ressort, que, suivant devis du 28 octobre 2015 accepté le lendemain, M. X… a
commandé sur Internet, auprès de la société IES (la société), un véhicule de
marque Renault, avec deux options, pour le prix de 29.586 euros, et a versé un
acompte de 10 % ; que, par lettre recommandée du 2 novembre 2015, il a annulé
sa commande et vainement demandé le remboursement de l’acompte, puis assigné la
société en restitution de cette somme, assortie des intérêts majorés selon les
paliers fixés par l’article L. 121-21-4, devenu L. 242-4 du code de la
consommation ;
Sur le moyen unique, pris en ses
deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont
manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur les première, cinquième et sixième
branches du moyen :
Attendu que la société fait grief au
jugement d’accueillir la demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu’aux termes des dispositions de
l’article L. 121-21-5, alinéa 2, devenu l’article L. 221-25, alinéa 2, du code
de la consommation, le consommateur, qui a exercé son droit de rétractation
d’un contrat de prestation de services dont l’exécution a commencé, à sa
demande expresse, avant la fin du délai de rétractation, verse au professionnel
un montant correspondant au service fourni jusqu’à la communication de sa
décision de se rétracter, qui est proportionné au prix total de la prestation
convenu dans le contrat ; qu’en condamnant la société à payer à M. X… la somme
de 2.935 euros, augmentée des intérêts au taux légal tels que majorés selon le
palier fixé par les dispositions de l’article L. 121-21-4, devenu l’article L.
242-4, du code de la consommation, sans rechercher, ainsi qu’elle y avait été
invitée par la société, si le contrat conclu entre la société et M. X… ne
prévoyait pas, à la charge de la société, à côté des obligations incombant à un
vendeur, l’obligation d’accomplir des prestations de services, si les
conditions d’application des dispositions de l’article L. 121-21-5, alinéa 2,
devenu l’article L. 221-25, alinéa 2, du code de la consommation n’étaient pas
remplies en l’espèce et si, pour cette raison, la société n’était pas en droit
de conserver l’acompte qui lui avait été versé par M. X…, la juridiction de
proximité a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de
l’article L. 121-21-5, alinéa 2, devenu l’article L. 221-25, alinéa 2, du code
de la consommation ;
2°/ que les dispositions de l’article
L. 121-21-4, alinéa 3, devenu l’article L. 242-4, du code de la consommation, dont
la juridiction de proximité a fait application, sont contraires aux
stipulations de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, qui garantissent, notamment, le droit
d’accès à un tribunal et le droit à un procès équitable ; qu’en condamnant, dès
lors, la société à payer à M. X…, sur la somme de 2.935 euros, les intérêts au
taux légal tels que majorés selon le palier fixé par les dispositions de
l’article L. 121-21-4, devenu l’article L. 242-4, du code de la consommation,
la juridiction de proximité a violé les stipulations de l’article 6, § 1, de la
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que les dispositions de l’article
L. 121-21-4, alinéa 3, devenu l’article L. 242-4, du code de la consommation,
dont la juridiction de proximité a fait application, sont contraires aux
stipulations de l’article premier du premier protocole additionnel à la
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
qui garantissent le droit de propriété ; qu’en condamnant, dès lors, la société
à payer à M. X…, sur la somme de 2.935 euros, les intérêts au taux légal tels
que majorés selon le palier fixé par les dispositions de l’article L. 121-21-4,
devenu l’article L. 242-4, du code de la consommation, la juridiction de
proximité a violé les stipulations de l’article premier du premier protocole
additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
Mais attendu, d’abord, qu’en retenant
que les options relatives à la couleur de la carrosserie et à l’installation
d’une alerte de distance de sécurité n’avaient fait l’objet d'aucun travail
spécifique de la part du vendeur et ne suffisaient pas à faire du véhicule un bien
nettement personnalisé au sens de l’article L. 121-21-8 du code de la
consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°
2016-301 du 14 mars 2016, et que le contrat n’avait porté que sur la vente
d’une automobile, de sorte qu’il ne constituait pas un contrat d’entreprise
entrant dans les prévisions de l’article L. 121-21-5, alinéa 2, devenu L.
221-25 du même code, la juridiction de proximité a procédé à la recherche
prétendument omise ;
Attendu, ensuite, que la sanction
prévue à l’article L. 121-21-4, alinéa 3, devenu L. 242-4 du code de la
consommation ne prive pas le professionnel du droit à un procès équitable, dès
lors que celui-ci peut engager une action devant une juridiction pour obtenir
restitution des sommes qu’il aurait indûment remboursées au consommateur ou
contester, en défense, la demande en paiement de ce dernier ;
Et attendu, enfin, que cette sanction
constitue une mesure propre à assurer la protection des consommateurs et à
garantir l’effectivité de cette protection, en ce qu’elle est dissuasive ; que
la majoration des sommes dues est progressive et ne s’applique qu’à l’issue d’un
délai de dix jours après l’expiration du délai de quatorze jours à compter de
la date à laquelle le professionnel est informé de la décision du consommateur
de se rétracter ; que, dès lors, elle ne porte pas atteinte au droit de propriété
et est proportionnée à l’objectif poursuivi ;
D’où il suit que le moyen n’est pas
fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société IES aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure
civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de
cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son
audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.
Autrement dit, le fait de choisir des
options relatives, par exemple, à la couleur du bien ou à une fonction
spécifique proposée par le vendeur, cet achat ne fait pas l’objet d’une
personnalisation lorsque les options commandées par le consommateur ne demandent
aucun travail spécifique au vendeur et ne suffisent pas à faire du bien un
produit nettement personnalisé au sens des dispositions du Code de la
consommation (comme votre… camembert tartiné de confiture de figue).
La couleur de la carrosserie et
l’installation d’une alerte à distance de sécurité restent des spécifications,
suffisamment communes, qui n’entrent pas de par leur nature, à priver
l’acheteur de son droit de se rétracter, peu importe la convention des droits
de l’homme.
Et le garagiste se retrouve avec sur
les bras un modèle à la couleur « kaka » et une option inutile qui ne
remplace pas un bon usage de la vision du conducteur (devant et dans ses
rétroviseurs).
Et plusieurs chèques à faire (un à son
ex-futur-client, plus quelques autres à ses avocats « au conseil » et
aux bonnes œuvres des magistrats…) !
Rigolo comme tout…
Parce qu’admettons que j’aie eusse
avoir assez les moyens de me payer une belle-bagnole
« haut-de-gamme » (typer Ferrari pour pétarader à Monaco comme mes
« petits-copains » locaux qui roulent en Corvette), mais que je la
veux en peinture de camouflage-militaire (qui n’est pas une option) et avec
l’ABS démonté (je veux pouvoir faire des dérapages incontrôlés dans les virages
des nombreux tunnels qui trouent « le Rocher ») et qu’on me rajoute
un détecteur de missile (celui qui est sur les meilleurs chasseurs aériens de
la chasse aérienne russe, pour faire face avec succès à la haine de tous les
maris jaloux de mon « simple-quintal » qui plaît tant à leurs
épouses, filles et belles-sœurs), devrais-je faire abandon de « mes
arrhes » si finalement je m’aperçois que le cendrier est trop petit pour
accueillir proprement mes cendres de pipe ?
Probablement : Le « travail à
façon », ce n’est plus de la « vente-standard » (avec option),
mais du travail d’artisan (sinon d’artiste chez Ferrari)…
Voilà qui va mieux en le précisant,
naturellement.
Merci aux « juges de
proximité » de Bourges, capitale incontournable du Cher, une juridiction
qui va disparaître avec la « transformation » jupitérienne de la
carte judiciaire…
Bonne fin de journée à toutes et à
tous !
I3
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire