Retournement
de situation.
Avertissement
:
Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure
construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
« Les deux,
cher ami ! »
C’est la réponse d’un homme qui se présente comme le
maître des lieux : Caroll Milton.
Un quadra qui porte bien son âge, la voix typique
américaine, qui vient du fond de la gorge, le cheveu châtain, le visage émacié,
élancé, presque gracieux en tout cas quant à ses manières éduquées, un tantinet
précieuses.
« Fondateur
du Milton Institute of Ocean Research. Nous étudions les effets du
réchauffement climatique dans cette partie du monde. L’élévation du niveau des
océans, mais aussi et surtout les impacts que ça peut avoir sur le milieu halieutique,
la faune, la flore, tout ça ! »
Ce gars-là se fait accompagner par une sorte de
« mignon », Albin (« Albine » en anglais), alors lui,
parfaitement efféminé, tout de blanc vêtu, alors que son hôte se promène en
chemise hawaïenne et en short à fleur…
Tout un poème.
« – Enchanté !
Paul de Bréveuil, échoué là depuis quelques temps et sans grands moyens de me
sortir seul de l’embarras où je me trouvais. Je ne saurai trop vous remercier
assez que d’avoir envoyé vos hommes en reconnaissance.
– Pas du
tout, pas du tout. Ils devaient de toute façon procéder à quelques prélèvements
sur l’îlot où vous vous trouviez ! »
C’était bien la peine d’avoir ramé à charrier autant
de bois assez sec mais pas trop, pour faire de la fumée…
« – Paul de
Bréveuil… Dites-moi on se connaît ?
– Pas
bien sûr…
–
N’êtes-vous pas ce passager qu’on cherchait partout à JFK il y a trois ou
quatre mois aux USA ? Celui qui avait disparu en plein vol au-dessus de
l’Atlantique ?
–
Possible…
– Et
alors, comment avez-vous pu vous retrouver en plein milieu de l’océan Indien
après cette si longue absence ?
–
Ouh-là ! C’est toute une histoire, ça. »
Il ne va quand même pas lui raconter son voyage jusqu’aux
portes de l’univers, là ?
Ce serait tellement incroyable qu’il en passerait pour
avoir pris un coup de soleil sur le crâne un peu plus fort que les autres et
aura « dispersé » durablement le fonctionnement de ses neurones.
« – Excusez-moi,
si je peux me permettre…
–
Dites !
– Est-ce
que je peux vous demander de pouvoir me décrotter convenablement ?
– Mais
bien entendu. Albin, conduis notre invité dans la salle de bain de l’étage.
–
Uhuh ! Mais volontiers Caro. Il est trop mignon comme ça. Il va être
encore plus beau après », fait la créature efféminée à souhait :
petit-cul, grosse bite qui forme une bosse dans son pantalon serré et longs
doigts. Le piano blanc qui siège dans un coin du vaste living-room doit être
pour lui.
« – Je vais
lui montrer !
– Euh,
sans vouloir abuser, si je dois me raser…
– Il y a
des rasoirs mais ne vous laissez pas faire par Albin. Il est homme à avoir
envie d’abuser…
– Non, ce
n’est pas ça. Ça serait bien que je ne sois pas entravé !
– Oh mais
si, justement ! » rajoute Albin, tout frétillant.
« Mon
Dieu ! Je n’avais pas remarqué. Excusez les hommes de mon service de
sécurité. Il y a des pirates dans la région et nous nous devons de prendre
toutes les précautions nécessaires pour assumer seuls notre propre sécurité. »
Et il donne des ordres pour qu’on retirer les menottes
de plastique qui entravent les poignets de Paul.
Comme accueil… enfin, ne soyons pas médisant : il
y a peut-être du vrai dans ce qui vient d’être dit.
Pendant que Paul se refait une beauté, Albin lui
apporte des vêtements propres – une chemisette et un bermuda à fleur et légers
– et en profite pour mâter la nudité de Paul sous la douche, alors que Caroll fait
préparer un couvert de plus pour leur repas.
Néanmoins, disposant de liaisons internet par
satellite, il ne manque pas de se renseigner sur son « invité ».
Et dès le début du repas qui suit, il ne manque pas
d’étaler sa science sur « son » sujet.
Une belle prise de guerre…
« – Ainsi
donc, vous seriez bien ce passager qui a disparu en plein vol. J’aimerai
entendre votre version des faits en avant-première.
–
Naturellement. Je vous dois bien ça ! »
Paul y a réfléchi sous la douche, pendant qu’il régale
la rétine d’Albin qui en profite pour fantasmer tellement fort, que ça se
voyait…
Une histoire pas trop débile pour être crédible mais
assez invraisemblable pour ne pas pouvoir être vérifiée.
« – C’est
tout simple. J’ai débarqué à New-York et j’ai été alpagué en catimini par des
hommes du service de sécurité de l’aéroport avant même de passer les contrôles
de douane et de l’immigration. Vous comprenez, mon Colt…
– Oui, en
effet, une arme bien embarrassante pour un paisible passager…
–
J’imagine qu’ils l’avaient détectée. Soyez rassuré, j’ai toutes les
autorisations nécessaires pour voyager de la sorte. D’ailleurs j’aimerai la
récupérer.
– Mais
naturellement. Plus tard. Restaurez-vous en attendant. Et alors ? La suite
de cet épisode ?
– Eh bien
je ne me suis pas méfié. En réalité, il s’agissait d’agents d’une puissance
étrangère qui m’ont trainé jusqu’à un avion dans lequel j’ai été obligé
d’embarquer. Sans me signaler donc !
– Ah oui,
je vois… Quelle puissance ?
–
Chinoise…
– Tiens
donc ! Et par quel miracle vous vous retrouvez au milieu de l’océan
Indien, alors ? Un détournement en vol ?
– Non pas
du tout ! Je suis « en affaire » avec les autorités chinoises.
– Je suis
au courant. Votre fameux prototype Nivelle 002. L’avion suborbital qui fait des
envieux même aux USA.
– C’est exactement
ça.
– Il
faudra que vous rencontriez Elon Musk à ce sujet. Il était très impatient de
vous connaître et a été très déçu de votre disparition. Peut-être pourrez-vous
collaborer à ses projets spatiaux…
–
Peut-être… Pourquoi pas de toute façon. Un ami commun voulait déjà que je le
croise à San Francisco (1). Harry Harrison,
junior n° 4. Mais je n’ai croisé à l’époque que Bill Gates.
– Je suis
au courant également.
– Très
bien…
– Mais ça
n’explique pas comment, de Chine, vous vous retrouvez dans nos parages…
– Oh
c’est très simple. Ils ne m’ont pas laissé le choix. Soit je collaborais à la
mise au point d’un missile intercontinental supersonique, soit ils me
promettaient le sort de Napoléon Bonaparte, jusqu’à ce que je revienne à de
meilleures dispositions. Je dois avouer que l’exil à Sainte-Hélène ne m’aurait
pas déplu, sauf que je me suis retrouvé parachuté à votre proximité.
– Tiens…
curieux ! Il y a combien de temps de ça ?
– Une
grosse semaine…
– Ah oui,
peut-être… Nos équipements radars ont noté la présence de drones ou d’avions
non identifiés dans notre zone de sécurité. Mais vous savez, la proximité
relative de la base de Diego Garcia, provoque aussi ce genre de passage. Je
n’imagine pas un avion chinois qui se soit dirigé depuis le continent sans être
immanquablement repéré par la flotte de mon pays.
–
Excusez-moi. Quand je dis parachuté, c’est plutôt « jeté » d’un
hélicoptère après être arrivé dans la région en cargo.
– Ah oui,
je comprends mieux. Et ils vont revenir sonder vos intentions dans combien de
temps ?
– Oh alors
là, je ne sais pas. Probablement un mois. Au retour du cargo, je suppose.
– Très
bien. Et si je comprends bien, si je vous propose de rester au secret aux USA,
ça vous plairait mieux ?
– Je
préfère une collaboration plus… comment dire ? Ouverte et volontaire.
Surtout si ce n’est pas pour faire des armes nouvelles.
– J’entends
bien. Même si votre biographie signale que vous avez dirigé une usine de
missile jusqu’à encore récemment.
–
Effectivement. La MAPEA. Mais je n’y ai plus aucune responsabilité depuis un
bout de temps maintenant. Mais vous-mêmes ? »
Et le Caroll, avec l’arrivée de coupes de sorbets
somptueuses, se lance alors dans un exposé relativement crédible des activités
de son institut de recherche, financé par un pool de milliardaires américains.
Un gros budget qui ne correspond pas totalement aux moyens déployés qui restent
à portée de vue, mais pourquoi pas, finalement.
Avant de conclure de façon totalement imprévisible,
alors qu’Albin se trémousse d’impatience sur ses petites fesses à lui.
« – Ça vous
a plu ?
– Comment
ça ?
– Vous
m’avez raconté un si beau roman, que je vous ai servi le mien. Ça vous a
plu ?
– Mais…
parfaitement ! Pour quelle raison vous raconteriez des balivernes ?
– Parce
que vous vous êtes moqué de moi précédemment.
– Mais
non, pas du tout ! » proteste Paul.
« – Mais
si ! Je sais pertinemment qui vous êtes. Le super agent très spécial des
services secrets de votre pays.
– Oh vous
savez… J’ai rendu service à mon pays, mais je ne suis pas un agent des services
secrets. Juste un ex-militaire qui n’a pas rempilé.
– Allons
donc ! Quelle modestie pour le dénommé « Charlotte », connu et
reconnu à travers toute la planète pour ses faits héroïques. Je vous fais un
petit résumé ?
– …
–
« Charlotte », un héros de la guerre d’Afghanistan, décoré des deux
plus prestigieuses distinctions de mon pays, fait CGVO et pair d’Angleterre
pour un épisode que je ne connais pas trop bien ; sans doute un agent-double
du FSB russe plus certainement une taupe chinoise pour on ne sait quel service
spécial ; ayant été accrédité par la CIA, là encore pour des missions
restées secrètes, mais probablement envoyé ici par les mêmes.
Parce
qu’ils aimeraient bien qu’on leur montre ce qu’ils n’ont pas à voir.
– Et de
quoi s’agit-il ?
– Tous
les espions qui ont vu en sont morts, dévorés par les requins qui pullulent
dans ces eaux. Vous voulez partager leur sort ?
– Pas
vraiment. J’ai surtout hâte de rentrer chez moi.
– Mais
moi j’ai hâte de vous montrer et d’en finir avec vous. Je vous explique en deux
mots : vous faites partie depuis quelques semaines du club très fermé des
milliardaires…
- … Ah
oui ? Et de quelle façon ?
– Comment
ça ? Vous ne savez pas ? La CISA (2),
c’est vous tout de même !
– Oui,
c’est une de mes boîtes. Mais ça ne vaut pas un milliard. Et puis elle n’est
pas à vendre.
– Eh bien
pendant votre absence, son logiciel et ses données ont été cédés à mon
gouvernement.
– Quelle
connerie !
– Oui,
peut-être, mais ça fait de vous un homme riche. Et justement, mon institut est
financé par quelques-uns de ces milliardaires de la côte-ouest. Alors, si vous
en faisiez partie, ça nous conviendrait très bien !
– Pour
étudier le plancton du coin ? Vous rigolez, j’espère !
– Pas du
tout. En compensation de la disparition de la fondation du professeur Risle (3). Vous avez été son dernier président, avant sa dissolution, si je ne
m’abuse.
–
Exact ! Une entreprise criminelle, je vous rappelle. Et ce n’est pas moi
qui l’ait dissoute, mais les autorités canadiennes.
– Je sais
tout cela. J’y ai perdu une fortune à cette occasion.
– Désolé…
– D’où
l’idée d’une juste compensation. À moins que vous préfériez finir en repas pour
requin comme prévu.
– Je vous
écoute avec intérêt, s’il s’agit d’une association fructueuse. Quoique je ne
sois pas bien sûr de faire partie du club des milliardaires que vous dites. Je
vous rappelle que j’ai « disparu » plusieurs mois de la surface de la
planète. »
Et là, ce n’est pas un mensonge.
« Bien sûr.
De toute façon, si vous êtes mon invité, c’est d’abord dans cet objectif-là.
Même si vous restez mon prisonnier en attendant. Comprenez que si vous ne
faites pas le chèque attendu, vous finirez au fond de l’océan. »
D’homme-libre, Paul se retrouve désormais en position
d’otage !
Pas mal le retour à la civilisation, finalement :
il n’a même pas eu le temps d’être surpris…
Quel retournement de situation…
« –
Admettons. Il s’agit de quoi alors ?
– Vous
êtes au courant que notre planète se dégrade du fait de la présence prédatrice
de l’homme, n’est-ce pas ?
– C’est
un point de vue.
– C’est
le point de vue des meilleurs scientifiques de notre époque et ça date d’avant
la création du GIEC, qui n’en est qu’un des aspects institutionnels.
Or, nous
n’avons qu’une planète. Tant que Musk ou un autre ne nous emmène pas sur Mars
ou ailleurs. »
S’il savait d’où venait Paul…
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