Ce
qui va changer
Dans une de mes « vies
antérieures », j’ai été en contact « étroit » (pas dans le sens « intime »,
mais dans celui de nos échanges quasi-quotidiens durant plusieurs mois) avec
une avocate assez extraordinaire en matière de droit du travail.
Diagnostic rapide et sûr, et une
profonde connaissance des procédures prud’homales.
(Si quelque « employeur » a
besoin de ses coordonnées, qu’il men fasse la demande par courriel – elle est
parigote – je les lui transmettrai par retour.)
La situation, assez classique, était la
suivante : Une « boutique » était en procédure judiciaire. Le
juge mandate un kouillon pour trouver un repreneur. Comme ça traine un peu, le
mandataire judiciaire mandate à son tour un « cabinet parigot ayant pignon-sur-rue »
que je ne nommerai pas, pour « dégraisser » les effectifs.
Ce qu’il fait, mais « à la hache » et comme un
sagouin.
Devant les dégâts sociaux, l’ex-patron
finit par reprendre l’initiative et lance sa propre reprise avec un plan de
redressement auquel « mon pote-Biterrois » m’associe. Là-dessus on
lui sert « un petit-bijou » en deux-temps trois-mouvements.
Au quatrième temps de la valse, je me
retrouve mandaté pour le mettre en œuvre avant de trouver les financements
nécessaires.
Et me voilà à devoir gérer les nombreux
contentieux prud’homaux qui, additionnés, représentaient un risque total
supérieur au dernier chiffre d’affaires…
Grâce à cette avocate, pour le moins
très adroit habile et machiavélique, allant jusqu’à me proposer
« d’acheter » les avocats des parties adverses, on finit par s’en
sortir in extremis avec une doudoune globale
qui n’obèrera même pas la trésorerie courante… (*)
Vraiment géniale la
« gamine » !
D’autant qu’elle m’a appris entre-temps
« à ne pas licencier » (ça, c’est important pour ma réputation sur
« le marché »), mais à « pousser » légalement les
« indésirables » vers la porte au moindre coût.
Depuis, je reste dans ses
« petits-papiers » et elle m’envoie régulièrement ses
« études » sur les sujets où elle excelle, à savoir le droit du
travail.
Avec sa permission, je reprends celle
reçue cet été (avec mes commentaires en
italique), car on a beaucoup causé de konneries autour de ces ordonnances.
« 1 – Le licenciement : Le
barème des indemnités pour licenciement sans CRS
Mesure phare, le projet d’ordonnance
fixe un barème des dommages et intérêts alloués par le juge en cas de
licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce barème serait écarté dans les
cas relevant d’une discrimination, d’un harcèlement ou portant atteinte aux
libertés fondamentales.
A
contrario, dans les autres situations, il s’imposerait aux conseillers
prud’homaux. Ce barème fixerait une indemnité maximale allant d’1 mois de
salaire pour moins d’1 an d’ancienneté, à 20 mois de salaire à compter de la 29ème
année d’ancienneté.
Le barème fixe également un plancher
allant de ½ à 3 mois de salaire selon l’ancienneté, mais aussi en fonction du
fait que l’entreprise compte plus ou moins de 11 salariés. »
Vous
aurez donc noté que dans toutes les autres hypothèses de licenciement – pour
cause réelle et sérieuse, pour faute – grave et lourde – pour raison
économique, le « tarif » ne change pas. Mais comme le licenciement
sans cause réelle et sérieuse, ou erreur de procédure, est juridiquement le
plus coûteux, on pourrait ainsi à l’avenir évoluer vers un plafond de verre
infranchissable.
Ce
n’est pas tant le coût lui-même – chacun sait que quand on embauche, à côté de
la rémunération et des charges sociales, on doit aussi compter un
« passif-social » qui s’incrémente au fil des ans et des
« droits-acquis » des salariés.
Ce
qui compte, c’est de maîtriser l’aléa que représente l’intervention d’un juge
qui en vient à s’introduire, s’immiscer dans votre gestion des
« compétences » à mettre en adéquation avec votre activité.
Objectif
atteint.
« Assouplir les règles du
licenciement
Un employeur pourrait compléter le
motif d’un licenciement après sa notification, soit de sa propre initiative,
soit à la demande du salarié. Si le salarié n’a rien demandé, l’insuffisance de
motivation constituerait une irrégularité ne privant plus systématiquement le
licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvrira droit à une simple
indemnité d’au plus 1 mois de salaire. Une irrégularité de forme commise au
cours de la procédure, notamment en lien avec l’entretien préalable, ne
priverait plus le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvrirait droit à
une indemnité d’au plus 1 mois de salaire. »
Un
point très important : Personne ne maîtrise vraiment les procédures, non
pas qu’on soit tous ignorant de celles-ci, mais jusque-là il suffisait au juge
prud’homal de requalifier un licenciement pour constater de facto que la procédure n’est pas la bonne et
alourdir la facture.
Désormais,
exit les effets des requalifications, qui ne restent pas prohibées, loin de là,
mais dont les effets sont plafonnés.
« Sécuriser la rupture des
contrats de travail
Afin d’éviter les erreurs de procédure,
un formulaire-type rappelant les droits et devoirs de chaque partie serait
défini par décret. »
Ça existe
pour partie, dans le cadre des ruptures conventionnelles.
« Le délai laissé aux salariés
pour contester un licenciement serait harmonisé. Il serait ainsi fixé à 12 mois
aussi bien pour les licenciements économiques (sans changement), que pour les
licenciements pour motif personnel (deux ans actuellement).
Une procédure dite de « rupture
conventionnelle collective » serait instaurée. Il s’agirait d’élaborer des
plans de départ volontaire par accord collectif et d’en obtenir la validation
par l’administration pour sécuriser les ruptures qui découleraient de leur mise
en œuvre. »
Ça,
c’est nouveau. Jusque-là, la procédure de rupture conventionnelle était
individuelle, comme d’une transaction mais sous contrôle de l’administration.
« Les conditions d’octroi des
indemnités légales de licenciement seraient modifiées. En effet, une indemnité
serait accordée aux salariés dès lors qu’ils ont acquis 8 mois d’ancienneté au
lieu d’1 an. En outre, le montant de cette indemnité devrait être augmenté de
25 % par voie réglementaire. »
Une
nette amélioration du sort des salariés…
Mais
il paraît qu’ils n’en veulent pas, manifestent et ont bloqué les routes !
« Le licenciement pour motif
économique
Le motif économique (difficultés
économiques, mutation technologique, sauvegarde de la compétitivité) d’un
licenciement ne serait plus évalué au niveau international, sauf en cas de
fraude, mais au niveau des entreprises du groupe appartenant au même secteur
d’activité et situé sur le territoire national. »
Abandon
d’une dérive jurisprudentielle qui faisait si peur aux investisseurs étrangers…
« L’obligation de reclassement
serait simplifiée. Les employeurs devraient toujours faire connaître les offres
de reclassement aux salariés concernés, mais ne seraient plus tenus d’adresser
à chacun les offres pertinentes par écrit. Ils pourraient aussi communiquer au
salarié l’ensemble des emplois disponibles via une liste par tout moyen,
notamment sur l’intranet de l’entreprise. »
Un
détail : Il s’agit toujours de négociations individuelles.
« 2 – La fusion des représentants
du personnel
La mise en place d’un comité social et
économique (CSE) serait obligatoire dans les entreprises d’au moins 11
salariés. »
Là,
franchement, en descendant une fois de plus les seuils d’effectif, ça va finir
par devenir infernal pour les employeurs… enfin passons.
« Si elles comptent moins de 50
salariés, le comité y assumerait les fonctions liées à la délégation du
personnel (DP).
Dans les entreprises de plus de 50
salariés, le CSE fusionnerait les fonctions actuelles des DP, du CE, et du
CHSCT.
Il conserverait la personnalité morale
actuellement accordée au CE et ainsi la capacité d’ester en justice. Une
commission de santé, sécurité et des conditions de travail centrale devrait
être mise en place dans les entreprises d’au moins 300 salariés et, à la
demande de l’inspection du travail, dans celles dont les activités à risque le
justifient. »
Très
bien.
« Le CSE pourrait toujours
recourir aux expertises, mais devrait alors prendre en charge leur coût à
hauteur de 20 % (sauf en cas de PSE ou de risque grave où l’employeur les
prendrait en charge à 100 %).
En outre, un accord majoritaire
pourrait prévoir de fusionner les IRP (institutions représentatives du personnel)
en y incluant les délégués syndicaux. Dans ce cas, l’instance appelée conseil
d’entreprise serait habilitée en matière de négociation collective. »
Rien
à en dire de particulier pour le moment, on simplifie la vie des PME…
On
verra bien comment les choses vont évoluer par la suite.
« 3 – La négociation collective et
l’articulation entre accord de branche, accord d’entreprise et contrat de
travail
Accord de branche
De nouveaux domaines seraient ouverts à
la négociation de branche et donneraient lieu à des accords qui s’imposeraient
au niveau des entreprises :
– Règles encadrant les conditions de
recours au CDD et au contrat de travail temporaire (durée, renouvellements,
etc.),
– Contrat de chantier dans les secteurs
où cette forme d’emploi s’avérerait pertinente. »
Et
on vous a expliqué que les accords de branche étaient morts ?
Laissez-moi
rire…
Et
puis vous avez tellement entendu d’ânerie sur le sujet où soi-disant chaque
entreprise ferait désormais ce qu’elle voudrait, eh bien que nenni !
En
rappelant que quand il n’y a pas d’accord – de branche – sur ces sujets, c’est
le droit commun qui s’applique.
« S’agissant notamment des
facteurs de pénibilité, de l’insertion professionnelle, du maintien dans
l’emploi des travailleurs handicapés, l’accord de branche serait libre de
décider de sa primauté sur les accords d’entreprise. »
Encore
faut-il qu’il en décide en concertation…
« Pour les sujets relevant de la
négociation collective qui ne seraient pas confiés aux branches, c’est l’accord
d’entreprise qui primerait. Les entreprises pourraient ainsi négocier leur
agenda social, les modalités d’information-consultation, ou définir des primes
spécifiques remplaçant celles prévues par la branche. »
Rien
sur les salaires, la nature des contrats, etc. contrairement à ce qui a été
raconté.
« Une nouvelle obligation serait
mise à la charge des négociateurs de branche. Pour prétendre à l’extension, les
conventions et accords de branche devraient comporter des stipulations
spécifiques aux entreprises de moins de 50 salariés. »
Voilà
qui est clair : Juste une nouvelle articulation…
« Accord d’entreprise
À partir du 1er mai 2018,
l’ensemble des accords devraient être majoritaires, soit plus de 50 % des
suffrages exprimés. »
J’en
ai mis beaucoup en place au fil de ma carrière. Mais la plupart de mes accords
passait par l’aval des DP et/ou des DS, voire par un mandataire d’un syndicat
représentatif.
Et
quand j’avais la possibilité de « préférer » un référendum, il
fallait atteindre le score de 75 % des effectifs.
La
vie va devenir plus facile…
« Un accord non majoritaire
pourrait être validé par référendum à l’initiative de l’employeur, si le texte
a été signé par des syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages et si
ces derniers ne s’y opposent pas. »
Ils
restent donc « avoir la main ».
« Un nouveau type d’accord
majoritaire permettrait aux entreprises de s’adapter rapidement aux évolutions
du marché en portant sur l’aménagement de la durée et l’organisation du
travail, la rémunération et la mobilité professionnelle ou géographique interne
à l’entreprise. »
Reste
à trouver une majorité, ce qui n’est jamais simple…
« Ces accords se substitueraient
de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail.
En cas de refus de l’accord par le salarié, il serait licencié pour un motif « sui generis » (ni économique, ni
personnel) constituant une cause réelle et sérieuse et son CPF serait abondé
par l’employeur. D’après le gouvernement, cet abondement, qui serait fixé par
voie réglementaire, devrait s’élever à 100 heures. »
Alors
là, cette dernière mesure va enfin régler le problème du gars qui s’oppose à tous
les autres, avec toutes les dérives jurisprudentielles qui tournaient autour.
Y
compris sur le domaine des « rythmes de travail » (horaire
hebdomadaire, annuel, saisonnier, etc.)
Très
bien.
« Dans les entreprises dont
l’effectif ne dépasse pas 20 salariés et dépourvues d’élu du personnel,
l’employeur aurait la possibilité de proposer un projet d’accord directement
aux salariés. Le texte soumis à consultation pourrait porter sur l’ensemble des
thèmes ouverts à la négociation collective. Cet accord ne serait validé
qu’après avoir été ratifié à la majorité des deux tiers du personnel. »
Et
une pincée de « souplesse », à condition de ne pas adhérer à une
convention collective et de ne pas déroger au droit commun du travail.
« Dans les entreprises de taille
supérieure dépourvues de délégué syndical, la négociation ne serait possible
qu’avec un salarié mandaté ou un membre de la délégation du personnel.
4 – Simplifier le compte de prévention
de la pénibilité
L’ensemble des dispositions relatives
au compte personnel de prévention de la pénibilité serait réécrit, mais le
dispositif serait préservé et dénommé « compte
professionnel de prévention ».
Les règles relatives aux 6 critères
actuellement appliqués seraient globalement maintenues : Travail de nuit,
répétitif, en horaires alternants ou en milieu hyperbare, ainsi que le bruit et
les températures extrêmes.
En revanche, les obligations de
déclaration de l’employeur seraient supprimées concernant les 4 autres facteurs
de pénibilité : La manutention de charges lourdes, les postures pénibles, les
vibrations mécaniques et les risques chimiques.
Les salariés exposés à ces risques
devraient néanmoins pouvoir bénéficier d’un départ anticipé à la retraite en
cas de reconnaissance d’une maladie professionnelle et d’un taux d’incapacité
permanente excédant 10 % sans condition liée à la durée d’exposition. »
On
« taille » à la hache dans ce « bidule » inapplicable
qu’avait pu inventer « Tagada-à-la-fraise-des-bois ».
Personnellement,
j’aurai quand même gardé les « risques chimiques » et rajouté les
risques « ionisants ».
Mais
comme d’un autre côté, on garde la possibilité de déclencher des départs à la
retraite en cas de maladie professionnelle et/ou d’incapacité permanente, ça
peut compenser pour les gars qui « se tuent au travail » à petit-feu…
En
bref, pas du tout la grande révolution attendue : Aucune simplification
véritable du code du travail (hors la représentation du personnel – mais quelle
utilité ?) ; aucune ambition de rapprochement avec la condition du
travailleur de droit public.
Comme
quoi, il ne faut pas attendre d’un énarque qu’il renverse la table, loin de là,
car du coup et par contrecoup, il confirme les 3.200 pages dudit code ainsi que
le rôle des syndicats laissé par « Bling-bling »…
Dommage !
Toutefois,
on note que les contrats à durée déterminée (CDD) seront négociés au niveau de
la branche. C’est l’une des mesures fortes du texte : les conditions (nombre de
renouvellements, durée…) d’utilisation de ces contrats de travail ne seront
plus déterminées par la loi mais par les partenaires sociaux.
Concrètement
les CDD pourront, si un accord de branche est signé, être renouvelés plus de
trois fois.
Par
ailleurs, le contrat de chantier pourrait être étendu…
La
lettre de licenciement est simplifiée. Le chef d’entreprise pourra préciser a posteriori les motifs pour lesquels il veut se séparer
d’un salarié. Les patrons des TPE arrêteront de s’arracher les cheveux pour
rédiger une lettre de licenciement.
Le
télétravail devient un droit pour les salariés. Chaque employé pourra demander
à son employeur de travailler de chez lui un certain nombre de jours par
semaine, les boss devront motiver leur refus par écrit.
Les
primes finiront par être négociées directement dans l’entreprise. Sont
concernés les treizièmes mois. Ce qui revient sans dire à jouer sur le niveau
de rémunération annuelle des employés. Mais comme en réalité on ne peut pas « diminuer »
un salaire, il s’agira probablement de « lisser » les primes existantes.
Peut-être
un bon point pour les trésoreries (et trésoriers) d’entreprise, je ne sais pas…
(*) Le principe, puisqu’avant même de
commencer le contentieux était perdu d’avance pratiquement sur tous les motifs
et les procédés tellement mes prédécesseurs avaient mal fait les choses, consistait
à arriver, soit avant soit pendant la phase de conciliation avec des
propositions de transaction d’un niveau minimal.
On se fixait tout de même un plafond de
négociation d’environ 10 % du montant total des demandes justifiées.
Et de faire miroiter un travail rapide
et rémunéré deux fois – le salarié demandeur et l’employeur défendeur – à
l’avocat du salarié…
Banco dans 100 % des cas !
Ce dernier poussait à la négociation et
présentait à son client « sa victoire » comme une performance
éclatante (alors que c’était le minimum conventionnel).
Et curieusement, tout le monde était
content – y compris les conseiller-prud’homaux –, s’épargnant une procédure qui
pouvait être longue (dans la « boutique » en question, il y avait un
vieux contentieux qui traînait depuis plus de 6 ans…) et au résultat aléatoire.
Figurez-vous que je ne pensais pas que
les gens pouvaient être aussi veules que ça…
Juste la correction de quelques excès, en échange de l'augmentation du coût du licenciement. Et pourtant beaucoup de bruit. Une grande mise en scène.
RépondreSupprimerExactement !
SupprimerAssez fabuleux, tu ne trouves pas ?
Bien à toi !
I-Cube