Histoire
d’histocompatibilité
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Question idiote. Priscilla, forcément, de retour des USA après le message
laissé sur son portable la veille. Sabine n’aura pas eu le temps de prendre le
train. Même en jet militaire, elle ne sera pas là avant la fin de la journée.
Paul la retrouve donc dans l’antichambre devant son bureau.
« Priscilla De Bréveuil, je présume
? Paul du même nom. Frère de Jacques ! »
Canon la dame, pour ceux qui aiment les blondes montées sur échasses,
trémoussant de la poitrine et du croupion qu’elle a tout plat, dès lors que
l’ensemble est un peu « classe ».
Ce que Paul n’aime pas du tout au premier regard, ce sont ses yeux
mi-clos, comme si la paupière du dessus veut recouvrir des cils du coup
inexistants, sa voix un peu éraillée et nasillarde et surtout, son sourire
carnassier.
Mais sans ça, elle est tout-à-fait sortable. Un peu l’air trop ingénu,
elle doit plaire à Jacques pour ressembler un peu à la Francine croisée à
Strasbourg. Sauf que l’une a les yeux bleus délavés alors que l’alsacienne les
a gris/vert.
Et le voilà qui l’introduit dans son bureau donnant sur le balcon d’angle
et lui débite l’histoire du malencontreux amerrissage en catastrophe au large
de Dubrovnik.
Bien sûr, pas un mot de ses intérêts dans l’État voisin. Si Charlotte a pu
faire le rapprochement en deux coups de cuillère à pot, d’autres le feront
forcément un jour ou l’autre. Il vaut mieux être prudent pour le moment.
« Autrement dit, parce que j’ai
voulu protéger mon frère, finalement c’est moi qui suis responsable de sa mort.
Je vous assure que je suis profondément navré. Mortifié même ! C’est le cas de
le dire ! »
Elle pose quelques questions et demande quelques détails, notamment sur
l’origine de sa peur.
« Il a reçu des lettres de menaces
de mort suffisamment précises pour, dans un premier temps déposer plainte et se
constituer partie civile, mais je ne sais pas encore auprès de qui. »
Elle n’était pas au courant. Ni d’aucun autre souci dont il se serait
épanché sur l’oreiller.
« Il a sans doute voulu vous
épargner ses tourments. Ne pas vous impliquer. »
« Mais nous aurions pu l’aider, au
contraire ! »
Comment ça ?
Et la voilà qui explique que ses activités à la tête de la fondation de
son propre père, l’oblige depuis des années à se soumettre à des « contraintes de sécurité quasiment obscènes
».
« On n’est jamais à l’abri d’un clan
déchaîné qui ira s’en prendre à vous, dans notre métier. Il y a bien eu des
gens agressés, violentés parce qu’ils pratiquent des avortements, d’autres
parce qu’ils font des expérimentations sur les animaux. En ce moment, ce sont
les OGM et les cellules-souches qui provoquent l’ire des imbéciles qui ne
comprennent pas qu’on œuvre pour la santé publique et l’intérêt général des
populations, et qui veulent interdire tout travaux sur le vivant pensant qu’on
le manipule ou qu’on le brevette ! Des délirants… »
C’est quoi, ses travaux ?
Elle n’est que biologiste de formation. Mais depuis une petite décennie,
elle travaille pour la fondation créée par son père. Et de commencer un cours
magistral sur le sujet…
« Chez l’homme, la démonstration de
l’existence du Complexe Majeur d’Histocompatibilité – CMH - est connue depuis
les travaux de Dausset, en 1952. C’est lui qui démontra la présence
d’allo-anticorps, les leuco-agglutinines dans le sérum de patients
polytransfusés et décrivit en 1958 le premier antigène du système HLA, pour «
Human Leucocyte Antigen », aujourd’hui dit « HLA-A2 ». »
« An Rood et R. Payne démontrèrent
de leur côté que la grossesse constituait également une stimulation
allo-génique, source d’allo-antisérums permettant le typage HLA. Depuis, un
nombre considérable de nouveaux antigènes ont été découverts. »
Et Paul d’apprendre que chaque individu possède à la surface de la
quasi-majorité de ses cellules nucléées des structures protéiques particulières
appelées antigènes « HLA » qui lui sont propres.
« Cette situation est tout à fait
comparable au système des groupes sanguins ABO. Ils sont également appelés
antigènes de transplantation ou tissulaires parce qu’étroitement liés au
phénomène de rejet de greffe. »
Le mode de transmission des gènes « HLA » se fait sur le mode mendélien.
L'ensemble de ces gènes est transmis en bloc de parents à enfants.
Théoriquement, il existerait plusieurs millions de combinaisons phénotypiques
possibles.
De ce fait, le « système HLA » constitue un marqueur génétique
incomparable.
Quant aux anticorps « anti-HLA », ils sont la conséquence d’immunisations
induites principalement par les grossesses, les transfusions ou les
transplantations.
« Ces derniers constituent une «
masse antigénique » étrangère contre laquelle le patient pourrait développer
des anticorps. »
L’hyper-immunisation, plus de 80 % d’anticorps, peut exister chez
certains, mais c’est assez rare.
« L’une des principales activités
d’un laboratoire d’histocompatibilité est la détection périodique de la
pré-immunisation HLA, avant la greffe, chez les candidats à la transplantation.
Alors que les « anticorps HLA »
présents chez la femme enceinte ne sont pas nocifs, les « anticorps HLA »
préformés chez un candidat à la greffe ont une influence certaine sur la
stratégie du choix du donneur. À compatibilité égale, la probabilité qu’aura un
receveur d’être greffé rapidement sera d’autant plus grande que son degré
d’immunisation est faible ou nul. »
Et c’était une partie de son travail de biologiste quand elle est entrée
dans la fondation de son père.
« Aujourd’hui, d’autres équipes
s’occupent de ça. »
Les critères immunologiques prioritaires, qui règlent la sélection d’un
receveur, sont dans une première étape de sélection, le système « ABO » des
groupes sanguins.
« Des substances des « groupes
sanguins ABO » sont présentes sur les organes greffés. Ils constituent de ce
fait un des systèmes majeurs d’histocompatibilité au même titre que le «
système HLA ». La situation de greffe est tout à fait comparable à la
transfusion sanguine si l’on assimile la poche de sang à une greffe d’hématies.
Les mêmes règles imposées en transfusion sanguine sont alors également
d’application lors des greffes d’organes. En transplantation rénale et/ou
pancréatique, sauf situation d’extrême urgence, la règle générale est de
transplanter en situation « iso-groupe ». Ceci est surtout valable pour le
donneur universel O, de manière à ne pas encombrer une liste d’attente déjà «
chargée » en receveurs. Alors que de son côté, le rôle des antigènes du système
rhésus apparaît comme négligeable et l’on n’en tient pas compte en
transplantation d’organes et de tissus ! »
Passionnant, ose dire Paul.
Ravie par son auditoire attentif, Priscilla poursuit.
« La deuxième étape est le test de
compatibilité entre donneur et receveur : Le « crossmatch lymphocytaire ».
C’est entre 1966 et 1968 que Kissmeyer Nielsen et Terasaki ont pu démontrer que
des rejets suraigus de greffes rénales, c’est-à-dire la destruction immédiate
du greffon, étaient liés à la présence chez le receveur, d’anticorps dirigés
contre les cellules du donneur. C’est la présence ou l’absence d’anticorps «
HLA » dans le sérum du receveur qu’il s’agira de mettre en évidence dans un
test appelé « crossmatch ». Ce test consiste à faire réagir les lymphocytes du
donneur avec le sérum du receveur qui contient éventuellement des « anticorps
HLA » incompatibles.
En situation dite de « crossmatch
positif », « l’anticorps HLA » présent chez le receveur reconnaît chez le
donneur des antigènes qui lui sont spécifiques. Ce résultat est une
contre-indication absolue à la greffe. Par contre, en situation dite de «
crossmatch négatif », c’est à dire lorsqu’il n’existe pas « d’anticorps HLA »
incompatibles dans le sérum du receveur, capables de reconnaître les antigènes
présents sur le greffon, la greffe peut avoir lieu. »
Il s’agit de mise en culture en boîte de Pétri et de manière générale, la
règle exige de récuser toute transplantation rénale et pancréatique en
situation de « crossmatch positif ».
Toutefois, pour un receveur « rein et/ou pancréas », à partir du typage du
donneur, on recherchera la meilleure compatibilité « HLA » possible. Dans le
cadre de la sélection d’un receveur, on donnera la priorité au receveur le
moins immunisé s’il présente un « crossmatch négatif ». On peut imaginer toute
la difficulté de trouver un donneur compatible pour un receveur fortement
immunisé.
« Dans ce contexte, le rôle de notre
organisation prend toute son importance au plan international. En effet, il est
plus facile de trouver un organe disponible pour un receveur fortement immunisé
dans le cadre d’un large consensus d’échanges internationaux, plutôt que se
limiter aux offres exclusivement locales. »
« Des échantillons de sérum de
chaque patient inscrit sur liste d’attente de reins et de pancréas sont envoyés
systématiquement tous les mois dans nos laboratoires et tous les trois mois
dans les 49 laboratoires d’autres organisations comme « Eurotransplants ». Pour
les autres greffes, cardiaques, pulmonaires et hépatiques, la règle de
compatibilité pose un difficile problème d’appariement quasi-impossible à
respecter, vu les temps réduits d’ischémie des greffons d’à peine 4 à 5 heures
pour le cœur et les poumons, le foie et le pancréas, moins de 12 heures ; les
reins : moins de 48 heures. Si le « cross-match » n’est pas souvent pratiqué en
pré-greffe, il est cependant toujours réalisé a posteriori. »
Ce qui permet d’adapter le traitement antirejet.
« Pour les greffes rénales réalisées
entre donneur et receveur apparentés, on choisira, si possible au sein de la
famille, la meilleure « compatibilité HLA ».
Enfin, la taille et le poids des
organes futurs greffons sont pris en compte dans la sélection du receveur dans
la liste d’attente surtout dans les cas d’organes thoraciques, cœur et poumons et
de transplantations de foie. »
« Mais le temps d'ischémie froide,
qui correspond à la durée entre le prélèvement de l'organe et la restauration
de la circulation dans l'organe alors greffé chez le receveur, est
nécessairement pris en compte. Cette durée doit être la plus courte possible
car plus elle s'allonge, plus les organes se dégradent et plus les chances de
réussite de la greffe sont compromises. C’est de notre rôle que de tenter de le
raccourcir par tout moyen. »
Et comment ça ?
« Les receveurs sont identifiés de
longues dates. En revanche, un donneur histocompatible, c’est toujours une part
de hasard. Un accident routier, par exemple, qui fournit l’essentiel des
organes un peu partout dans le monde. Nous militons pour que chacun ait non
seulement permis, par la législation de son pays, ou par déclaration
individuelle, avant son décès, le prélèvement de ses organes, mais aussi qu’on
puisse étudier très en amont sa « compatibilité HLA », à l’occasion de tests en
milieu hospitalier, ou d’analyses biologiques. C’est assez simple que de
cultiver un peu de sérum de chacun avec différentes classes de « compatibilité
HLA ». Au moment du décès, on affine, parfois après la transplantation. »
Intéressant.
« Le plus intéressant est d’avoir
des patients en phase terminale de vie dont on sait qu’ils ont fait savoir
qu’ils ne sont pas contre un prélèvement. Là, il est possible d’identifier le
meilleur receveur, quitte à approcher ledit receveur potentiel du lieu où se
trouve être maintenu en vie le donneur. Après, la nature fait son œuvre et il
est possible d’intervenir dans les meilleures conditions possibles ! »
Et Paul qui pensait que tout cela était « anonymisé ».
« En France, la loi de bioéthique
précise que « Les règles de répartition et d'attribution des greffons
doivent respecter le principe d'équité. ».
Les règles de répartition sont publiées sous forme de décrets. La liste
nationale d'attente, qui regroupe tous les patients en attente de greffe, est
gérée de façon transparente par l'Agence de la biomédecine, qui est totalement
indépendante des équipes de prélèvement et de transplantation, ce qui garantit
son impartialité. Aucun patient ne peut être transplanté en France s'il n'a pas
préalablement été inscrit sur cette liste. Il n'existe donc pas de possibilité
de « passe-droit » pour les malades ».
Il ne doit pas y avoir un débat, sur cette loi ?
« Si ! Mais les difficultés portent
sur les naissances, les FIV, les mères-porteuses, les travaux sur les cellules-souches
et les embryons. Ton frère… Je peux te tutoyer, puisque nous sommes de la même
famille ?... Devait nous apporter un éclairage expert et européen sur ces
questions. Hélas, il a disparu », fait-elle dans un présumé sanglot trop
bien maîtrisé, tel qu’il sonne faux.
Et de reprendre, en prenant à peine le temps de respirer.
« Afin de réduire le temps
d'ischémie, le choix du receveur tient souvent compte de la distance entre
l'hôpital où se trouve le greffon et le centre de transplantation dans lequel
le receveur doit se rendre dans les meilleurs délais. »
Ceci expliquant la raison du déplacement anticipé du receveur vers un
donneur potentiel ?
Exactement.
« Lorsqu'un organe est destiné à
être greffé dans un hôpital différent de celui où se déroule le prélèvement,
deux possibilités existent : soit les chirurgiens de l'hôpital greffeur
viennent réaliser le prélèvement et repartent avec le greffon, soit le greffon
voyage seul jusqu'au lieu de la greffe, par voie routière, ferroviaire ou
aérienne...
S’il existe plusieurs receveurs
potentiels à distance équivalente, la priorité est donnée au receveur pour
lequel la greffe est la plus urgente ou à celui qui est inscrit en liste
d’attente depuis le plus longtemps. Il faut noter également que les enfants de
moins de 16 ans sont prioritaires. »
Le choix du receveur se fait évidemment à l’exclusion de toute
considération financière, sociale ou ethnique, du moins dans la majeure partie
du monde occidental.
« Le conditionnement du greffon a
pour but de préserver sa qualité ainsi que sa stérilité : l’organe est conservé
par le froid à 4° C dans un container en plastique ressemblant à une glacière
dans lequel des glaçons pilés maintiennent la bonne température. Ce
conditionnement est étanche et assure à l’organe la protection contre les
chocs. À l’intérieur du container se trouve soit une boîte en plastique
stérilisé, contenant les vaisseaux sanguins et autres, soit une boîte en acier
inoxydable, pour le foie uniquement, qu’accompagne chaque organe, plus une boîte
« immunologique » comprenant un fragment de rate, des ganglions, des tubes de
sang, destinés aux tests de compatibilités ultimes, le « cross-match... ». Pour
le rein, le conditionnement est très particulier car il est en PSE ce qui en
fait un récipient isotherme et fortement résistant aux chocs. »
Mais la grande hantise de ce type d’opération, qui reste complexe car il
faut non seulement revasculariser l’organe implanté, mais tout autant le
ré-innerver du mieux que l’on peut, c’est le processus immunologique par lequel
l’organisme d’un receveur se défend contre l’intrus qu’est pour lui le greffon
ou tout transplant allo-génique, c’est-à-dire provenant d’un donneur ayant une
constitution génétique différente.
« Le système de défense de
l’organisme reconnaît le greffon comme un hôte étranger. Sans thérapie
médicamenteuse antirejet, les lymphocytes T, les plus petits des globules
blancs, vont détruire progressivement le greffon. Ce processus immunologique
est responsable de la formation de caillots dans le greffon obstruant
progressivement tous les vaisseaux de l’organe. En cas de rejet total et
définitif, le greffon rénal, par exemple, sera de couleur violacée. »
Heureusement, cette crise de rejet peut régresser sous l’influence du
traitement immunodépresseur, et même être définitive.
« On distingue le rejet aigu
cellulaire. C’est le plus fréquent. Le rejet chronique. C’est une lente
dégradation de la fonction de l’organe apparaissant plusieurs mois ou années
après la greffe, faisant le plus généralement suite à un ou plusieurs rejets
aigus antérieurs. »
Pour y faire face, les transplantés reçoivent à vie un traitement
médicamenteux destiné à prévenir le rejet. Ces médicaments sont appelés
immunosuppresseurs, car ils diminuent les défenses immunitaires de l’organisme.
L’interruption du traitement conduit le plus souvent au rejet du greffon,
même après plusieurs années de bonne tolérance.
« Et on dispose
à ce jour de trois grandes classes de médicaments, qui ont des actions
complémentaires : Le Tacrolimus et la Cyclosporine, le Mycophénolate Mofetil,
l’Azathioprine et le Sirolimus, et les Corticostéroïdes. Dans nos laboratoires,
nos chercheurs nous en préparent de nouvelles générations avec les industriels.
»
Un jour, si l’occasion se présente, elle lui fera un cours sur les tissus
humains et un autre sur les mécanismes de la pharmacopée, toutes ces choses sur
lesquelles travaille la fondation de son père.
« L’une des voies possibles et
particulièrement intéressante pour le renouvellement des organes défaillants,
c’est de travailler à partir de cellules souches de chacun et de recréer des
organes complets sur du collagène de porc. Nous en sommes au stade
expérimental, avec d’autres laboratoires. Si nous réussissons, le donneur sera
le malade lui-même. Et on pourra se passer de prélèvement sur des cadavres !
»
Belle perspective, s’il en est.
« Mais je ne suis pas là pour ça,
Paul. La disparition de ton frère me cause un très grand préjudice. Affectif,
comme tu peux l’imaginer, mais tout autant matériel : où vais-je dormir, ce
soir ? »
Mais chez toi, belle-sœur !
« C’est l’appartement de Jacques. Et
je suppose que ses enfants ont un droit de regard sur tous ses biens, puisque
nous étions mariés sous un régime de séparation ! »
Certes. Mais la loi prévoit que l’épouse ne soit pas dépouillée pour
autant.
« Ne t’en fais pas. La succession de
Jacques n’est pas encore ouverte. Il faut d’abord qu’un tribunal constate son
décès, ce qui va demander un peu de temps. Ensuite seulement les notaires
seront convoqués pour préparer sa succession et il est possible que Jacques ait
fait un testament en ta faveur, va savoir ! »
Et puis cherchant dans ses poches : « Il
m’a d’ailleurs confié ses clés avant que nous décollions. Je te les donne.
»
Elle ne veut pas non plus apparaître âpre au gain. Les enfants d’abord !
« Ne t’en fais pas. La loi règle ce
genre de choses. Tu n’as pas de souci à te faire. Rentre plutôt chez toi. Mais
passe un coup de fil si tu as un problème. »
Et s’ils dormaient ensemble, le premier soir ? Elle a peur de se retrouver
seule, le premier soir.
Là, Paul ne comprend pas.
« Tu n’as jamais vécue seule
jusque-là, même la nuit ? »
« Excuse-moi. Je ne voulais pas que
tu comprennes de travers. Mais il faut que je fasse mon deuil. »
Et elle n’a pas quelques amies à appeler à l’aide, pour ces premières
soirées ?
« Si, si, bien sûr. Je vais m’en
enquérir. Je n’imagine pas passer cette nuit chez nous, toute seule… Tu sais,
je suis horriblement triste. Jacques était un époux merveilleux, même si on ne
se voyait pas assez souvent. Mais il avait ses occupations professionnelles et
politiques et moi les miennes. »
Admettons.
« Dis donc Priscilla, est-ce que par
hasard tu connais un certain Philips McShiant ? »
Là, elle s’est raidie très nettement.
Pourquoi pose-t-il cette question ?
« Une coïncidence. Simplement, j’ai
rencontré le bonhomme il y a quelques jours et il m’a parlé de la fondation de
ton père avant que je ne sache que tu sois ma belle-sœur. Il voudrait que je me
présente pour être membre d’un comité stratégique quelconque. »
Une excellente idée, se reprend-elle.
« En effet, mon père et la
génération des « sages » qui l’entoure se fait âgée. La dernière fois qu’ils se
sont réunis, c’est mon père qui leur a imposé de « renouveler les cadres ».
Comme ça, on pourra se revoir. Et
Jacques restera plus facilement dans nos souvenirs si tu viens passer un peu de
temps avec nous.
Si tu veux, je t’invite à Montréal dès
que tu as un moment. Préviens-moi juste quelques jours avant que je puisse te
faire visiter moi-même nos installations.
J’aurai peut-être même l’occasion de te
faire des analyses d’histocompatibilité, si tu veux bien. Comme ça, le jour où
tu auras besoin d’un organe, on saura t’en procurer un ! » s’exclame-t-elle.
Où l’inverse !
« Comment ça ? »
« Si je suis histocompatible avec
l’un de tes malades, je peux aussi devenir un donneur pré-consenti ! »
« En effet. Tu ne crois pas si bien
dire », conclue-t-elle avant qu’ils ne se séparent.
« Ça marche en
effet dans les deux sens. »
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