Mon « Cousin » tire le sanglier à l’occasion…
Surtout quand le « cochon » se promène sans crainte
dans sa salle-à-manger !
Il faut dire que cette nuit-là, la chasse n’était pas encore ouverte, il a été réveillé par un boucan pas croyable à l’étage du dessous.
Croyant à la présence d’un voleur, il se saisit de son calibre 12 et descend en pyjama pour surprendre le bestiau.
C’est lui qui a été surpris, il a fait feu à deux reprises sur le lonzu sur pattes, aura démoli son horloge à carillon et abîmé une commode ancienne sans compter la vaisselle et les bibelots cassés par le monstre velu…
Les dégâts occasionnés par ces bestiaux, vous ne pouvez pas savoir.
Cet arrêt vient donc préciser les conséquences de l’invasion
de son maquis.
Car, par ailleurs, suite aux dégâts causés à ses cultures et récoltes par le gibier, un agriculteur peut être indemnisé par une fédération de chasseurs.
Or, « Dumè » est agriculteur-artisan ébéniste-ex-vigneron.
En revanche il ne peut pas lui réclamer la prise en charge des mesures de prévention de dommages qui pourraient survenir.
Ainsi, la fédération départementale des chasseurs de
la Mayenne clôture en linéaire des parcelles de terre d’un couple d’exploitants
agricoles ayant subi des dommages provoqués par le gibier. Le couple d’agriculteurs
saisit le juge des référés du tribunal de grande instance pour obtenir une
expertise afin d’évaluer le dispositif mis en place et les éventuels travaux à
mener pour mieux protéger leurs cultures.
L’expert désigné par la justice considère la clôture actuelle insuffisante et préconise la pose d’une clôture grillagée sur plusieurs centaines de mètres.
Les exploitants assignent la fédération devant le tribunal de grande instance compétent qui la condamne à prendre en charge le coût de ces travaux préventifs.
La cour d’appel d'Angers confirme et condamne la fédération à régler les factures des agriculteurs pour la pose de cette nouvelle protection.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 25 mai
2022, 20-16.476, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
N° de pourvoi : 20-16.476
Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, du 25 février 2020
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Foussard et Froger
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu
l’arrêt suivant :
La fédération départementale des chasseurs de la
Mayenne, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 20-16.476
contre l'arrêt rendu le 25 février 2020 par la cour d'appel d'Angers (chambre A
civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [Z] [B], épouse [N],
2°/ à M. [M] [N],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le
moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les
observations et plaidoiries de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la
fédération départementale des chasseurs de la Mayenne, les observations et
plaidoiries de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [N], et l'avis de
M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 5
avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller
rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mmes Bouvier,
Chauve, conseillers, M. Talabardon, Mme Guého, MM. Ittah, Pradel, Mme Brouzes,
conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco,
greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation,
composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation
judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré
conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 25 février 2020), à
la suite de dégâts causés par des sangliers à des cultures et récoltes sur des
terres exploitées par M. et Mme [N], la fédération départementale des chasseurs
de la Mayenne (la fédération) a mis en place, en 2009, des clôtures pour les
protéger.
2. Considérant que ces dernières étaient insuffisantes, M. et Mme [N] ont obtenu du président d'un tribunal de grande instance, statuant en référé, l'instauration d'une mesure d'expertise pour déterminer, d'une part, si ces clôtures étaient adaptées, d'autre part, les travaux à engager pour protéger les cultures ainsi que leur coût.
3. M. et Mme [N] ont assigné la fédération, sur le fondement des articles 1383, devenu 1241, du code civil et L. 426-5 du code de l'environnement, afin d'obtenir sa condamnation sous astreinte à prendre en charge les travaux préconisés par l'expert et à leur verser une provision à valoir sur la réparation de leurs préjudices.
4. Par jugement du 26 juin 2017, un tribunal de grande instance a, notamment, condamné la fédération à prendre à sa charge le coût des travaux préconisés par l'expert.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
La fédération fait grief à l'arrêt de la condamner à
prendre à sa charge le coût des travaux préconisés par l'expert, de dire que la
fourniture des piquets et le coût de la pose des clôtures seront pris en charge
par la fédération, de dire que celle-ci devra rembourser sur justification du
travail réalisé le montant des factures acquittées par M. [N] dans le délai de
deux mois à compter de la présentation des factures sous astreinte de 100 euros
par jour de retard et que l'astreinte courra durant quatre mois alors « que si
la fédération départementale des chasseurs peut prendre à sa charge les
dépenses liées à la prévention des dégâts de grand gibier dont elle répartit le
montant entre les adhérents, les territoires de chasse et les chasseurs de
grand gibier, l'indemnisation qu'elle peut être contrainte de verser à
l'exploitant lorsque les conditions légales sont réunies est limitativement
définie par l'article L 426-1 du code de l'environnement et ne peut avoir pour
objet que la réparation des dégâts causés aux cultures et aux récoltes
agricoles par des sangliers ou des grands gibiers ; qu'en condamnant la
Fédération départementale des chasseurs de Mayenne à financer la mise en place
d'une clôture préventive sur le terrain des époux [N], la cour d'appel a violé
les articles L 426-1 et L 426-5 du code de l'environnement. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 426-1 et L. 426-5 du code de
l'environnement, dans leur rédaction issue de la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012
applicable au litige :
5. Selon le premier de ces textes, en cas de dégâts
causés aux cultures ou aux récoltes agricoles, soit par les sangliers, soit par
les autres espèces de grand gibier provenant d'une réserve où ils font l'objet
de reprise ou d'un fonds sur lequel a été exécuté un plan de chasse,
l'exploitant qui a subi un dommage nécessitant une remise en état, une remise
en place de filets de récolte ou entraînant un préjudice de perte agricole peut
en réclamer l'indemnisation à la fédération départementale ou
interdépartementale des chasseurs.
7. Selon le second, la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs prend à sa charge les dépenses liées à l'indemnisation et à la prévention des dégâts de grand gibier et, dans le cadre du plan de chasse mentionné à l'article L. 425-6 du même code, est instituée, à la charge des chasseurs de cerfs, daims, mouflons, chevreuils et sangliers, une contribution par animal destinée à financer l'indemnisation et la prévention des dégâts de grand gibier.
8. Pour condamner la fédération à prendre en charge le coût des travaux de clôture préconisés par l'expert, en ce compris la fourniture des piquets et le coût de la pose de la clôture, l'arrêt, après avoir relevé qu'en application de l'article L. 426-5 du code de l'environnement, dans sa version issue de la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012, la fédération doit prendre en charge les mesures de prévention des dégâts de grand gibier, retient que ce texte ne peut qu'être interprété comme instaurant l'obligation de financer les travaux de prévention nécessaires, et en déduit qu'il appartient seulement à l'exploitant de démontrer la nécessité d'une action de prévention des dégâts causés par le grand gibier.
9. En statuant ainsi, alors que si la loi du 7 mars 2012 a consacré, à l'article L. 426-5 du code de l'environnement, un principe général de prise en charge, par les fédérations départementales et interdépartementales des chasseurs, des mesures de prévention des dégâts causés par le grand gibier, elle ne comporte aucune disposition ouvrant à un exploitant agricole un droit à la prise en charge, par ces fédérations, sur le fondement de ce texte, du coût de mesures de prévention de dommages susceptibles d'affecter son exploitation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à
l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des
articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du
code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 9 qu'il y a lieu de rejeter les demandes de M. et Mme [N] aux fins de condamnation de la fédération à prendre à sa charge le coût des travaux préconisés par l'expert.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer
sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. et Mme
[N] de leur demande de dommages-intérêts « au titre de leur surcoût de travail
et de surveillance depuis plusieurs années lié à l'insuffisance de la clôture
actuelle et des tracas », l'arrêt rendu le 25 février 2020, entre les parties,
par la cour d'appel d'Angers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. et Mme [N] de leurs demandes.
Condamne M. et Mme [N] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Angers ;
En application de l'article 700 du code de procédure
civile, rejette les demandes formées tant devant la cour d'appel d'Angers que
devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.
Par conséquent, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt
rendu par la cour d’appel. Elle rappelle qu’il n’appartient pas à la fédération
des chasseurs de financer une clôture préventive.
Seule la réparation des dégâts provoqués par le gibier est prévue par le Code de l’environnement selon des barèmes locaux (système financé par une contribution versée par les chasseurs pour chaque bracelet de chasse acheté) : Si un agriculteur peut être indemnisé par une fédération de chasseurs, il ne peut en revanche pas lui réclamer la prise en charge des mesures de prévention de dommages qui pourraient survenir.
D’autant que « Dumè » n’avait qu’à fermer ses portes et fenêtre pour éviter les dégâts dans son « sweet-home ».
Vous me direz, cette année, il a fait chaud et en général on profite de la fraîcheur nocturne pour « ventiler » un peu en Balagne…
Bon week-end à toutes et à tous !
I3
Il faut dire que cette nuit-là, la chasse n’était pas encore ouverte, il a été réveillé par un boucan pas croyable à l’étage du dessous.
Croyant à la présence d’un voleur, il se saisit de son calibre 12 et descend en pyjama pour surprendre le bestiau.
C’est lui qui a été surpris, il a fait feu à deux reprises sur le lonzu sur pattes, aura démoli son horloge à carillon et abîmé une commode ancienne sans compter la vaisselle et les bibelots cassés par le monstre velu…
Les dégâts occasionnés par ces bestiaux, vous ne pouvez pas savoir.
Car, par ailleurs, suite aux dégâts causés à ses cultures et récoltes par le gibier, un agriculteur peut être indemnisé par une fédération de chasseurs.
Or, « Dumè » est agriculteur-artisan ébéniste-ex-vigneron.
En revanche il ne peut pas lui réclamer la prise en charge des mesures de prévention de dommages qui pourraient survenir.
L’expert désigné par la justice considère la clôture actuelle insuffisante et préconise la pose d’une clôture grillagée sur plusieurs centaines de mètres.
Les exploitants assignent la fédération devant le tribunal de grande instance compétent qui la condamne à prendre en charge le coût de ces travaux préventifs.
La cour d’appel d'Angers confirme et condamne la fédération à régler les factures des agriculteurs pour la pose de cette nouvelle protection.
Cour de cassation - Chambre civile 2
N° de pourvoi : 20-16.476
Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, du 25 février 2020
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Foussard et Froger
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANÇAIS
2°/ à M. [M] [N],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
2. Considérant que ces dernières étaient insuffisantes, M. et Mme [N] ont obtenu du président d'un tribunal de grande instance, statuant en référé, l'instauration d'une mesure d'expertise pour déterminer, d'une part, si ces clôtures étaient adaptées, d'autre part, les travaux à engager pour protéger les cultures ainsi que leur coût.
3. M. et Mme [N] ont assigné la fédération, sur le fondement des articles 1383, devenu 1241, du code civil et L. 426-5 du code de l'environnement, afin d'obtenir sa condamnation sous astreinte à prendre en charge les travaux préconisés par l'expert et à leur verser une provision à valoir sur la réparation de leurs préjudices.
4. Par jugement du 26 juin 2017, un tribunal de grande instance a, notamment, condamné la fédération à prendre à sa charge le coût des travaux préconisés par l'expert.
Énoncé du moyen
7. Selon le second, la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs prend à sa charge les dépenses liées à l'indemnisation et à la prévention des dégâts de grand gibier et, dans le cadre du plan de chasse mentionné à l'article L. 425-6 du même code, est instituée, à la charge des chasseurs de cerfs, daims, mouflons, chevreuils et sangliers, une contribution par animal destinée à financer l'indemnisation et la prévention des dégâts de grand gibier.
8. Pour condamner la fédération à prendre en charge le coût des travaux de clôture préconisés par l'expert, en ce compris la fourniture des piquets et le coût de la pose de la clôture, l'arrêt, après avoir relevé qu'en application de l'article L. 426-5 du code de l'environnement, dans sa version issue de la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012, la fédération doit prendre en charge les mesures de prévention des dégâts de grand gibier, retient que ce texte ne peut qu'être interprété comme instaurant l'obligation de financer les travaux de prévention nécessaires, et en déduit qu'il appartient seulement à l'exploitant de démontrer la nécessité d'une action de prévention des dégâts causés par le grand gibier.
9. En statuant ainsi, alors que si la loi du 7 mars 2012 a consacré, à l'article L. 426-5 du code de l'environnement, un principe général de prise en charge, par les fédérations départementales et interdépartementales des chasseurs, des mesures de prévention des dégâts causés par le grand gibier, elle ne comporte aucune disposition ouvrant à un exploitant agricole un droit à la prise en charge, par ces fédérations, sur le fondement de ce texte, du coût de mesures de prévention de dommages susceptibles d'affecter son exploitation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 9 qu'il y a lieu de rejeter les demandes de M. et Mme [N] aux fins de condamnation de la fédération à prendre à sa charge le coût des travaux préconisés par l'expert.
Condamne M. et Mme [N] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Angers ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.
Seule la réparation des dégâts provoqués par le gibier est prévue par le Code de l’environnement selon des barèmes locaux (système financé par une contribution versée par les chasseurs pour chaque bracelet de chasse acheté) : Si un agriculteur peut être indemnisé par une fédération de chasseurs, il ne peut en revanche pas lui réclamer la prise en charge des mesures de prévention de dommages qui pourraient survenir.
D’autant que « Dumè » n’avait qu’à fermer ses portes et fenêtre pour éviter les dégâts dans son « sweet-home ».
Vous me direz, cette année, il a fait chaud et en général on profite de la fraîcheur nocturne pour « ventiler » un peu en Balagne…
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