Succession de CDD et de contrats de mission d’usage…
Dans une vie antérieure, j’avais déjà eu affaires avec
une boîte qui passe derrière les pompiers pour décontaminer des locaux préalablement
incendiés.
Il faut dire que ça pue et imprègne vos vêtements d’une odeur de cramé quasiment insupportable.
Même si ce n’est pas pire qu’un élevage de poulet ou un abattoir…
Les gars faisaient appel à leur cohorte de « Roms » qui glandent habituellement sur les chantiers pour des missions de quelques jours et les remettaient au chômage jusqu’au sinistre suivant.
Évidemment, les « Roms » avaient trouvé l’avocat de la CGT pour requalifier les CDD ou « à mission » en CDI, parce que le respect du tiers-temps n’était pas toujours « clair » et que les types faisaient ça très bien…
Trois contrats successifs et ils partaient en vacances au pays après avoir engagé des poursuites contre la « boutique » !
J’ai ainsi vu un « jeunot » qui avait réussi à cumuler deux ans d’indemnité en une seule saison…
Fabuleux.
Inutile de vous dire que la « boutique » a cramé tout aussi rapidement !
Non-redressable que je leur ai conseillé de se mettre sous couvert d’une convention collective idoine dans un pays étranger d’accueil de l’espace Schengen et de descendre en « Gauloisie-incendiée » que sur mission.
Car, nous n’avions pas la possibilité d’en faire
autant sur la Kapitale et les emplois d’« extras » dans la restauration, la
cueillette des olives (et autre), les formateurs dans l’enseignement, les sportifs
professionnels, les ouvriers forestiers et des chantiers navls, les auxiliaires
de vie… sont des exceptions légales prévues par le code du travail.
Les intermittents du spectacle bénéficiant encore d’un autre statut et d’une caisse de retraite et de chômage qui n’a jamais été équilibrée : C’est l’impôt qui paye comme pour celles des cheminots (et des fonctionnaires).
Par conséquent, même dans les secteurs d’activité où il est d’usage constant d’avoir recours au contrat de mission ou au contrat à durée déterminée, la relation de travail doit rester temporaire.
Sans quoi, le contrat peut être requalifié en contrat à durée indéterminée, avec les conséquences financières que cela implique. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation.
Cour de cassation, chambre sociale, 12
novembre 2020
N° de pourvoi : 19-11.402
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 30 novembre 2018
Président
M. Cathala
Avocat(s)
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt
suivant :
La société Terminal des Flandres, société par actions
simplifiée, dont le siège est Port Dunkerque Ouest, quai de Flandre, BP 53,
59279 Loon-Plage, a formé le pourvoi n° M 19-11.402 contre l’arrêt rendu le 30
novembre 2018 par la cour d’appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l’opposant
:
1°/ à M. V… D…, domicilié (…),
2°/ à Pôle emploi Ile-de-France, dont le siège est 1 avenue du docteur Gley, 75020 Paris,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le
moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Terminal des Flandres, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. D..., et l’avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l’audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée,
en application de l'article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des
président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la
loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 30 novembre 2018), M.
D… a été engagé à compter du mois de février 2006, en qualité d’ouvrier docker
occasionnel, par plusieurs entreprises de travail temporaire qui l’ont mis à
disposition de la société Terminal des Flandres, l’une des sociétés de
manutention portuaire sur le port de Dunkerque, au moyen de deux cent un
contrats de mission.
2. À compter du 1er janvier 2013, il a été
recruté directement par la société Terminal des Flandres dans le cadre de
contrats à durée déterminée d’usage.
3. La relation de travail ayant pris fin le 16 juillet
2014, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à
obtenir la requalification en contrat à durée indéterminée des contrats de
mission temporaire ainsi que des contrats à durée déterminée, avec toutes les
conséquences attachées à la rupture injustifiée d’un contrat à durée
indéterminée.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après
annexé
4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code
de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement
motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la
cassation.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
Énoncé du moyen
5. L’employeur fait grief à l’arrêt de dire que la
relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée à
compter du 16 février 2006, de dire que la rupture s’analyse en un licenciement
sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de sommes en
conséquence, alors :
« 2° / que constituent des éléments objectifs
établissant la nature temporaire de l’emploi, au sens des articles L. 12421 et
L. 12422 du code du travail, interprétés à la lumière de la clause 5, point 1,
a) de l’accord cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999
mis en œuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin 2000, le caractère
fluctuant du trafic maritime et la variation continue de la charge d’activité
de chargement et déchargement des navires, de sorte que la conclusion de
contrats à durée déterminée successifs est justifiée par des raisons objectives
; qu’en l'espèce, pour dire que la relation de travail du salarié devait être
requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 16 février 2006 et que
la rupture du dernier contrat devait s’analyser en un licenciement sans cause
réelle et sérieuse, la cour d’appel a considéré que, par principe, les contrats
de missions et à durée déterminée étaient liés à l’activité normale et
permanente de la société, fût-elle fluctuante ; que pourtant, le caractère
fluctuant du trafic maritime et la variation continue de la charge d’activité
de chargement et déchargement des navires peuvent constituer des raisons
objectives justifiant la conclusion de contrats à durée déterminée successifs ;
qu’en considérant le contraire, la cour d’appel a violé l’ensemble des textes
susvisés ;
3°/ qu’en affirmant que les contrats de missions et à
durée déterminée étaient liés à l’activité normale et permanente de la société,
fût-elle fluctuante et que les pièces produites par la société ne permettait
pas d’établir l’existence de raisons objectives justifiant le recours à des
contrats à durée déterminée successifs, quand elle constatait elle-même que le
trafic maritime avait un caractère par essence fluctuant et que l’activité
continue de la société était variable en fonction de la charge d’activité de
chargement et déchargement des navires, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les
conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations, a violé l’ensemble
des articles L. 12421 et L.12422 du code du travail, interprétés à la lumière
de la clause 5, point 1, a) de l’accord cadre européen sur le travail à durée
déterminée du 18 mars 1999 mis en œuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin
2000 ;
4°/ qu’en affirmant que le caractère par essence
fluctuant de l’activité de manutention portuaire ne saurait constituer
concrètement une raison objective établissant le caractère par nature
temporaire de l’emploi concerné car à suivre la société c’est du même coup l’existence
des dockers mensualisés embauchés à durée indéterminée qui serait une anomalie,
et que la société avait la possibilité d’adapter le travail des salariés à l’activité
par essence fluctuante de l’entreprise en agissant sur la durée du travail
(modulation, temps partiel), la cour d’appel a statué par des motifs inopérants
qui n’étaient en rien de nature à exclure l’existence d’une raison objective
justifiant le recours à des contrats à durée déterminée successifs, privant
ainsi sa décision de toute base légale au regard des articles L. 12421 et L.
12422 du code du travail, interprétés à la lumière de la clause 5, point 1, a)
de l’accord cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999
mis en œuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin 2000. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l’article L. 124-2, alinéa 1, devenu
l’article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit
son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement
un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
7. Selon les articles L. 124-2, alinéa 2, L. 124-2-1
et D. 124-2 devenus les articles L. 1251-6 et D. 1251-1 du même code, dans les
secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord
collectif étendu, il peut être fait appel à un salarié temporaire pour l’exécution
d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » pour certains des
emplois en relevant lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un
contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du
caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats de mission
successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié.
8. Il résulte de l’application combinée de ces textes,
que le recours à l’utilisation de contrats de missions successifs impose de
vérifier qu’il est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence
d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
9. Ayant relevé que les contrats de mission conclus en
2006 et 2007 mentionnaient comme motif de recours « emploi pour lequel il n’est
pas d’usage de recourir au contrat à durée indéterminée » et que l’entreprise
utilisatrice, avec laquelle la relation de travail s’était poursuivie de
manière continue au moyen de contrats à durée déterminée d’usage, se contentait
d’affirmer que, compte tenu du caractère fluctuant et imprévisible de l’activité
de la manutention portuaire, le recours aux ouvriers dockers occasionnels se
justifiait nécessairement par une tâche précise et temporaire indissociablement
liée au secteur d’activité de la manutention portuaire sans qu’elle ne verse,
aucun élément permettant au juge, de vérifier concrètement l’existence de
raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi
occupé par le salarié, la cour d’appel a pu, par ces seuls motifs, en déduire
que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée
indéterminée à compter du premier contrat de mission irrégulier.
10. Le moyen, n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Terminal des Flandres aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Terminal des Flandres et la condamne à payer à M. D… la somme de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.
Vous avez compris qu’engagé en 2006 en qualité de
docker, et après plus de 200 contrats de mission, Monsieur D… voit sa relation
de travail se poursuivre en 2013 au titre de contrats à durée déterminée dit « d’usage ».
Quand son dernier contrat prend fin en 2014, il saisit la juridiction prud’homale pour demander la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée.
L’employeur estime quant à lui que le caractère temporaire de la relation de travail découle notamment de l’activité même exercée, du fait du caractère fluctuant du trafic maritime.
La Cour de cassation s’oblige alors, tout comme la Cour
d’appel avant elle, à estimer qu’au contraire des prétentions de l’employeur,
bien qu’il soit d’usage constant pour cette activité d’avoir recours à un
contrat de travail temporaire ou à durée déterminée, ces contrats ne peuvent
pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Le salarié était déjà sous le statut d’un CDI sans le savoir vraiment et devait être considéré comme tel à l’occasion de la cessation de son contrat et pas être viré comme une vieille chaussette : D’où la procédure commune.
Elle rejette donc le pourvoi demandé par l’employeur qui s’est fait avoir par ignorance : La relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée.
Ignorance pas du tout… ignorante : C’était
probablement un « ballon d’essai » pour « tuer » cette saloperie de contrat de docker et
introduire une souplesse bienvenue contrariée par les « Cégétistes »
de la profession.
Là, c’étaient les dunkerquois, mais les marseillais avaient essayé avant eux.
Avec le même résultat.
Les havrais et les dieppois ne s’y essayent même pas. Pas plus que les nazairiens…
Et les Génois et Barcelonais se sont frottés les mains…
Tout comme le port de commerce toulonnais a vu son trafic passager se gonfler vers la « Corsica-Bella-Tchi-tchi »…
En bref, rien de bien nouveau, finalement.
Ce qui méritait d’être salué.
Bon week-end à toutes et tous tout de même !
I3
Il faut dire que ça pue et imprègne vos vêtements d’une odeur de cramé quasiment insupportable.
Même si ce n’est pas pire qu’un élevage de poulet ou un abattoir…
Les gars faisaient appel à leur cohorte de « Roms » qui glandent habituellement sur les chantiers pour des missions de quelques jours et les remettaient au chômage jusqu’au sinistre suivant.
Évidemment, les « Roms » avaient trouvé l’avocat de la CGT pour requalifier les CDD ou « à mission » en CDI, parce que le respect du tiers-temps n’était pas toujours « clair » et que les types faisaient ça très bien…
Trois contrats successifs et ils partaient en vacances au pays après avoir engagé des poursuites contre la « boutique » !
J’ai ainsi vu un « jeunot » qui avait réussi à cumuler deux ans d’indemnité en une seule saison…
Fabuleux.
Inutile de vous dire que la « boutique » a cramé tout aussi rapidement !
Non-redressable que je leur ai conseillé de se mettre sous couvert d’une convention collective idoine dans un pays étranger d’accueil de l’espace Schengen et de descendre en « Gauloisie-incendiée » que sur mission.
Les intermittents du spectacle bénéficiant encore d’un autre statut et d’une caisse de retraite et de chômage qui n’a jamais été équilibrée : C’est l’impôt qui paye comme pour celles des cheminots (et des fonctionnaires).
Par conséquent, même dans les secteurs d’activité où il est d’usage constant d’avoir recours au contrat de mission ou au contrat à durée déterminée, la relation de travail doit rester temporaire.
Sans quoi, le contrat peut être requalifié en contrat à durée indéterminée, avec les conséquences financières que cela implique. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation.
N° de pourvoi : 19-11.402
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 30 novembre 2018
Président
M. Cathala
Avocat(s)
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés
RÉPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
2°/ à Pôle emploi Ile-de-France, dont le siège est 1 avenue du docteur Gley, 75020 Paris,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Terminal des Flandres, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. D..., et l’avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l’audience publique du 23 septembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Prieur, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Terminal des Flandres aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Terminal des Flandres et la condamne à payer à M. D… la somme de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.
Quand son dernier contrat prend fin en 2014, il saisit la juridiction prud’homale pour demander la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée.
L’employeur estime quant à lui que le caractère temporaire de la relation de travail découle notamment de l’activité même exercée, du fait du caractère fluctuant du trafic maritime.
Le salarié était déjà sous le statut d’un CDI sans le savoir vraiment et devait être considéré comme tel à l’occasion de la cessation de son contrat et pas être viré comme une vieille chaussette : D’où la procédure commune.
Elle rejette donc le pourvoi demandé par l’employeur qui s’est fait avoir par ignorance : La relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée.
Là, c’étaient les dunkerquois, mais les marseillais avaient essayé avant eux.
Avec le même résultat.
Les havrais et les dieppois ne s’y essayent même pas. Pas plus que les nazairiens…
Et les Génois et Barcelonais se sont frottés les mains…
Tout comme le port de commerce toulonnais a vu son trafic passager se gonfler vers la « Corsica-Bella-Tchi-tchi »…
Ce qui méritait d’être salué.
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