Un bon plan-retraite !
Dans le cadre d’une séparation entre concubins, le « devoir
de conscience et d’honneur » empêche-t-il à l’ex-concubin de réclamer à
son ex-concubine le remboursement d’une dette contractée solidairement par le
couple et acquittée personnellement par l’ex-concubin pour les besoins de leur
logement commun ?
Cour de cassation, première chambre civile
Audience publique du mercredi 19 décembre 2018
N° de pourvoi: 17-27855
Mme Batut (président), président,
SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Rocheteau
et Uzan-Sarano, avocat(s).
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu
l'arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Y... et M.
X... ont vécu en concubinage ; que, par acte sous seing privé du 14 juin 2007,
ils ont souscrit un prêt destiné à financer la construction d’une maison d’habitation
sur un terrain appartenant à Mme Y..., dont les mensualités de remboursement ont
été réglées par M. X... jusqu’en septembre 2011, après leur séparation ; que
celui-ci a assigné Mme Y... en remboursement des sommes versées par lui, sur le
fondement de l’enrichissement sans cause ;
Sur le moyen unique, pris en ses troisième et
quatrième branches, ci-après annexé :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une
décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de
nature à entraîner la cassation ;
Mais sur la première branche du moyen :
Vu l’article 1235, devenu 1302 du code civil ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l’arrêt
retient, par motifs propres et adoptés, que Mme Y... ne démontre pas avoir
contribué de manière excessive aux dépenses de la vie courante pendant le temps
du concubinage, de sorte qu’il n'est pas établi que M. X... ait entendu assumer
le paiement du prêt pour rembourser les aides financières qu’elle lui avait
accordées pendant leur vie commune et qu'en l’absence d’intention libérale, l’enrichissement
de Mme Y..., dont la maison a été financée en partie par un prêt qu’elle n’a
pas payé, est sans cause ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y
était invitée, si le financement de la maison d’habitation au moyen des seuls
deniers personnels de M. X... ne s’expliquait pas par le devoir de conscience
dont celui-ci s’estimait tenu à l’égard de son ancienne concubine, en raison
des circonstances de leur rupture, la cour d’appel n’a pas donné de base légale
à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur
l’autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt
rendu le 26 juillet 2017, entre les parties, par la cour d’appel d’Agen ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d’appel de Toulouse ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, le
condamne à payer à Mme Y... la somme de 3.000 euros et rejette l’autre demande
;
Dit que sur les diligences du procureur général près
la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en
marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première
chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du
dix-neuf décembre deux mille dix-huit.
Ils en voient décidément des curieuses, dans cette
chambre spécialisée dans les « affaires de famille » de la Cour de
Cass’…
En l’espèce, vous l’avez compris, les deux concubins s’engagent
solidairement à financer un prêt pour la construction d’une maison appartenant
à la concubine.
C’est elle la propriétaire du terrain et par voie d’accession,
ce qui est dessus lui appartient juridiquement et légalement.
Le couple se sépare et l’homme sollicite le remboursement
des sommes qu’il a versées pour régler le prêt commun, la maison ne lui
appartenant pas.
Ce dernier estime, en effet, qu’il s’est appauvri pour
ce bien et que sa concubine s’est enrichie à son détriment et « sans cause »,
ce qui reste « suspect » pour le code civil.
Notez que c’est un délit pour le code pénal quand il s’agit
d’un vol, d’une escroquerie, d’une extorsion de fonds ou d’un abus de confiance…
Mais le « sans cause » pourrait rester
incertain en l’occurrence, puisqu’il y avait bien « services sexuels »
présumés…
Sauf à considérer que Madame jouait la « gourgandine »,
ce qui reste un revenu imposable dans la catégorie des « Bénéfices non
commerciaux ».
D’ailleurs, j’aimerai bien voir les conséquences qu’en
tirera le Service : Simple gain en capital (mais il faut attendre la
revente), ou « libéralité » (ce
qui est exclu dans ce cas, puisque la décision retient l’absence de
libéralité…) ?
En fait, il me semble qu’en conséquence de la
rédaction « très fine » de cet arrêt, ce n’est ni plus ni moins que l’indemnité
d’un préjudice subi, exonéré de tout impôt.
C’est même déductible de l’assiette de l’IFI… (ex-ISF).
Car au-delà, c’est là que ça devient « très drôle » :
Si la Cour d’appel retient bien « l’enrichissement sans cause », la
Cour de cassation refuse l’argument et casse.
Pour quel motif, me demanderez-vous ?
Eh bien elle reconnaît une dette morale au profit de
la concubine abandonnée dans des circonstances particulièrement vexatoires.
En effet, le concubin, après plus de 15 ans de vie
commune, a demandé à sa compagne de quitter leur domicile, bien personnel de la
concubine, et devant son refus, lui a imposé pendant 6 mois la présence de sa
nouvelle partenaire dans le foyer, le goujat !
Et l’autre pétasse d’accepter de vivre sous le toit de
celle qu’elle a évincé dans le cœur de son amant…
J’avoue que là, … enfin passons !
Compte tenu de ses éléments, l’ex-concubine est définitivement
dispensée de rembourser à son ex-concubin les sommes qui ont servi à financer
son bien personnel, mais en plus celui-ci est condamné à lui payer 3.000 euros !
Il faut aussi dire qu’il s’estimait débiteur d’un « devoir
de conscience » à l’égard de son « ex ».
Il est tellement « consciencieux » que s’il
l’avait mariée ou pascée, les choses ne se seraient pas passées de la sorte :
Il y aurait eu liquidation de la communauté au moins de fait, et reddition des
comptes.
Est-ce que la solution aurait été différente si le
concubin avait payé un « loyer » pour bons et loyaux « services »
à sa concubine qui aurait emprunté pour faire construire sa baraque avec ?
Et si madame avait fait payer un loyer à la
nouvelle-venue (dans un torride trio acharné) ?
En tout cas, j’ai trouvé la façon de compléter ma maigre
retraite putative : J’achète un terrain à construire dans une escale
ensoleillée. Je me mets « à la colle » avec une jolie héritière qui
finance « my sweet home » (vieux-cochon-pervers revendiqué) et je la
laisse en jachère telle qu’un jour ou l’autre elle va me ramener un jeune
étalon et ses microbes à la maison.
Et je les jette tous les deux passés six mois…
Pof, je peux louer les lieux ainsi libérés pendant les
vacances que je passerai en mer, et ça ne m’aura pas coûté grand-chose.
Malin comme plan…
Merci à la Présidente de la première chambre :
Sans elle, je n’y aurai pas pensé !
Bonne fin de week-end à toutes et à tous !
I3
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