Il y en a qui restent « très drôles »
Imaginez plusieurs propriétaires indivis d’une
parcelle qui assignent en bornage le propriétaire d’une parcelle voisine.
L’article 646 du Code civil, dans sa rédaction
inchangée depuis la loi n° 1804-01-31 promulguée le 10 février 1804, précise
que : « Tout propriétaire peut
obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se
fait à frais communs ».
Il s’agit d’une opération par laquelle les
propriétaires de terrains contigus s'entendent pour reconnaître la limite
commune de leurs propriétés respectives. Ils dressent, ou font dresser par un
géomètre, un procès-verbal de leurs opérations et ils implantent des piquets de
métal, ou des blocs de ciment pour délimiter la ligne séparative.
L’opération matérielle consistant à poser des bornes
se nomme « abornement ».
Sachez que a fixation d’une « ligne divisoire »
entre les fonds n’est pas une simple délimitation matérielle même acceptée par
les parties ne peut pallier l’absence de bornes : Elle ne constitue pas un
bornage.
Et une demande en bornage judiciaire n’est irrecevable
que si la « limite divisoire » fixée entre les fonds a été
matérialisée par des bornes (3ème Chambre civile, 19 janvier 2011,
pourvoi n° 09-71207).
Les « bornes », ce sont des petits blocs de
béton avec un piquet dessus qui délimitent une propriété à chaque angle et qui
servent au cadastre à enregistrer les surfaces (sources de taxations ultérieures
et annuelles) en désignant le lot qui servira aux notaires en cas de cession ou
la liquidation patrimoniale.
Inutile de vous dire que dans les campagnes, elles
servent à « moissonner-droit » et qu’en « Corsica-Bella-Tchi-Tchi »,
même sans « moisson en courbe », elles se « déplacent »
parfois.
Ça plus un « attentat » concomitant aux
archives cadastrales, c’était assez courant jusqu’à ce que l’autorité publique
ce soit décidée à démultiplier les lieux de dépôts de ces archives.
Mais ça reste anecdotique au regard de ces « voisins »
où l’ambiance semble… « délicate » :
Cour de cassation – Troisième chambre civile.
Arrêt n° 1091 du 13 décembre 2018 (17-31.270)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Jariel, conseiller référendaire
Avocat général : M. Burgaud, avocat général
référendaire
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -
SCP Piwnica et Molinié
Demandeur(s) : M. Jean X...
Défendeur(s) : M. Patrice Y... ; et autres.
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Riom, 17 juillet
2017), que Mmes Jeannine et Anne-Marie Z… et MM. Raymond, Robert et Christian Z…,
propriétaires indivis des parcelles cadastrées section (…), ainsi que Mmes
Claudine et Catherine A… et M. X…, propriétaires indivis de la parcelle
cadastrée même section (…), ont assigné en bornage M. Y…, propriétaire de la parcelle
cadastrée section (…) ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter la
demande alors, selon le moyen, que la contiguïté constitue la condition
nécessaire et suffisante à l’accueil d’une demande en bornage ; qu’en relevant
que l’« action en bornage ne (pourrait) être exercée lorsque les fonds sont
séparés par une limite naturelle » et qu’il n’y avait pas lieu à bornage aux
motifs qu’une falaise, « limite
naturelle mais encore infranchissable sans moyen technique approprié » se «
dessin(erait) » entre les parcelles en cause, quand cette circonstance n’était
pas de nature à faire obstacle au bornage de fonds contigus, la cour d’appel a
violé l’article 646 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que l’action
en bornage ne peut être exercée lorsque des fonds sont séparés par une limite
naturelle et constaté que la parcelle n° (…) était séparée des parcelles n° (…)
par une falaise dessinant une limite
non seulement naturelle mais encore infranchissable sans moyens techniques
appropriés, la cour d’appel en a exactement déduit que l’action n’était pas
fondée ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une
décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont
manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi (…)
Conséquence logique et rigolote : Une action en
bornage ne peut aboutir que lorsque les fonds sont contigus !
Question de bon le sens…
Or, cette condition n’est pas remplie s’ils sont
séparés par une limite naturelle, telle qu’une falaise (ou une rivière, ou n’importe
quoi d’autres).
La cour d’appel de Riom, puis la Cour de cassation
rejettent la demande des voisins « litigieux » constatant que la limite
des parcelles, non seulement sont naturelles, mais qu’en plus elles sont infranchissables
sans moyens techniques appropriés.
La solution est forcément logique : Lorsque les
parcelles sont séparées par une falaise, les limites entre les terrains sont
déjà dessinées !
Sauf que…
Sauf que, si je ne sais pas qui ne voulait pas payer
les frais de bornage (expert-géomètre, acte de propriété, frais de cadastre),
on ne nous dit rien du lieu du bornage.
En haut ou en bas de la falaise ?
Car une falaise, ça s’érode, ça s’effrite, ça recule !
Autrement dit le « fond dominé » s’agrandit
au fil du temps au détriment du « fond dominant ».
Et sauf au propriétaire de la falaise de « monter
un mur » pour la consolider (grâce à son « droit d’échelle »),
les gravats vont finir par envahir le « fond dominé » jusqu’à peut-être
y faire prospérer un « chemin de promenade »…
Remarquez, il sera dangereux en cas de « chute de
pierre ».
Et alors quid des responsabilités engagées en cas d’accident
si le « fond dominant » ne peut pas entraver (à défaut de
bornage) la circulation « au pied de chez lui » ?
C’est en effet au « fond dominant » de faire
face à ses responsabilités…
Cette histoire un peu démente me fait penser à cette autre
encore plus démente où un habitant en vallée de Seine, posée sous une falaise
dans laquelle son fond possédait des bauves profondément creusées il y a plusieurs
siècles de ça par les « troglodytes » qui y habitaient et s’en
servaient de greniers à grain.
Il avait assigné le « fond dominant » pour
qu’il installe des filets de sécurité : Des silex gros comme des balles de
tennis (parfois de simples cailloux pas plus gros qu’une balle de ping-pong) tombaient
régulièrement de leur support calcaire où ils étaient enchâssés et ça abîmait
les pales de sa tondeuse à gazon.
Pas dégonflé, le « fond dominant » aura
répliqué qu’il s’estimait propriétaire des « tréfonds » de son
terrain, donc des bauves, et voulait faire murer leurs entrées…
J’ai perdu de vue ce « client-là » : Je
ne sais pas jusqu’où ils ont été, mais personnellement, j’aurai juste demandé à
pouvoir poser moi-même et à mes frais ce « filet de sécurité »…pour
protéger ma tondeuse !
En revanche, on connaît assez bien le sort d’un cours
d’eau mitoyen, qui sépare deux propriétés : Si l’eau qui y circule reste
la propriété de la puissance publique, les limites de propriété des deux fonds
se situent sur une ligne imaginaire séparant le cours en deux parties égales,
rive pour rive.
Et chacun des riverains de rester responsable, pour
son côté, de l’entretien du lit de la rivière. Jusqu’à devenir propriétaire des
limons apportés par le fleuve.
Seulement voilà, quand un ru devient volage, tel un homme
ou une dame resté insatisfait, et change de lit, qu’est-ce qui se passe ?
Bé c’est là, et dans tous les cas, que commencent les « histoires »
à n’en plus finir…
Bon week-end à toutes et à tous !
I3
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