Qu’en ont-ils fait ?
Souvenez-vous, Georges Fenech, un député
« Républicain-démocrate », co-auteur d’un rapport de la
commission parlementaire sur les services de renseignement et le terrorisme, début
juillet, remis au ministre de la sécurité et des cultes qui avait aussitôt
opposé une fin de non-recevoir.
Juste un café, pour la forme…
Au lendemain de l’attentat de Nice, le député avait
piqué une gueulante : « L'exécutif
ne sait même pas ce qu'on a fait comme travail. Ils ne le savent pas. Seul « Nanar-Case-neuve »
en a pris connaissance, pour finalement nous expliquer qu'il ne l'appliquera
pas. Nous avons demandé à le remettre au président de la République. Il n'y a
eu aucune réponse. »
Ledit rapport pointait pourtant trois faiblesses
persistantes du système « Gaulois » : Le renseignement territorial,
le renseignement pénitentiaire et bien sûr le manque de coordination entre
services et leur trop grand nombre, symbolisé par la multiplication d’acronymes
plus barbares les uns que les autres.
L’attentat de Nice puis celui de Normandie ont passé
dessus avec cette imprécation gouvernementale : La coordination et la
coopération des services avait parfaitement fonctionné, que personne n’en doute !
Au fait, comment les services de renseignement fonctionnent-ils ?
Sans tenir compte de l’aspect judiciaire ou de
l’organisation des forces d’intervention (le RAID, le GIGN et la BRI…) en fait
personne ne semble savoir.
Rien que la liste ci-dessous a toutes les chances d’être
incomplète.
On y trouve :
– La Direction
Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE). Créée en 1982, elle est placée
directement sous l’autorité du ministère de la Défense. C’est le service de
renseignement extérieur du pays, chargé de l’espionnage et du contre-espionnage
et donc aussi de la lutte anti-terrorisme.
– La Direction
du Renseignement Militaire (DRM). Créée en 1992, elle dépend du Chef
d’État-Major des Armées (CEMA) qui est lui-même placé sous l’autorité du
Président de la République et du Gouvernement. Elle est chargée du
renseignement tactique et stratégique sur les théâtres d’opération.
– La Direction
de la Protection et de la Sécurité de la Défense (DPSD). Créée en 1981, elle
dépend directement du ministère de la Défense. Elle intervient manifestement « en matière de sécurité du personnel, des informations,
du matériel et des installations sensibles ».
– La Direction
Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED). Créée en 1988,
elle est rattachée à la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects
(DGDDI) du ministère des Finances et des Comptes publics. Elle est chargée de
mettre en œuvre la politique du renseignement, du contrôle et de la lutte
contre la fraude en matière douanière.
– Le service
Traitement du Renseignement et de l’Action contre les Circuits Financiers
clandestins (Tracfin). Créé en 1990, c’est une des directions du ministère des
Finances et des Comptes publics, au même titre que la DGDDI. C’est un service
qui enquête sur la fraude financière, notamment dans le cadre du financement du
terrorisme.
– La Direction
générale de la Sécurité Intérieure (DGSI). Créée en 2014 pour remplacer la DRCI
elle-même issue de la fusion de la Direction de la Surveillance du Territoire
(DST) et de la direction centrale des Renseignements Généraux (RG) en 2008.
Elle dépend directement du ministère de l’Intérieur et est chargée du
contre-espionnage et de la lutte antiterroriste à l’intérieur de nos
frontières.
– La
Sous-Direction Anti-Terroriste (SDAT). Créée Dieu seul sait quand, elle dépend
de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) au sein de la Direction
Générale de la Police Nationale (DGPN) du ministère de l’Intérieur. Installée
dans les mêmes locaux que la DGSI, elle est manifestement chargée des enquêtes
liées au terrorisme.
– Le Service
Central du Renseignement Territorial (SCRT). Créé en 2014, il dépend de la
Direction Centrale de la Sécurité Publique (DCSP) au sein de la Direction
Générale de la Police Nationale (DGPN) du ministère de l’Intérieur. Ce service
reprend manifestement les missions autrefois confiées aux Renseignement
Généraux.
– La Direction
du Renseignement de la Préfecture de Police de Paris (DRPP). Créée en 2008,
elle fait partie de la Préfecture de Police de Paris qui est elle-même placée
sous l’autorité du ministère de l’Intérieur et des cultes. Il semble qu’elle
assure les mêmes missions que le SCRT mais à Paris et dans la petite couronne.
– Le Bureau de
la Lutte Anti-Terroriste (BLAT). Créé en 2003, il dépend de la Sous-Direction
de la Police judiciaire (SDPJ) qui, contrairement à ce que l’on pourrait
penser, dépend de la Direction Générale de la Gendarmerie nationale (DGGN). Le
BLAT intervient dans le renseignement et la répression anti-terroriste.
– La
Sous-Direction de l’Anticipation Opérationnelle (SDAO). Créée en 2013, elle
dépend aussi de la Direction Générale de la Gendarmerie nationale (DGGN). La
SDAO est un service de renseignement qui interviendrait, si j’ai bien compris,
en soutien au BLAT.
– Enfin, le
Bureau du Renseignement Pénitentiaire (BRP). Créé allez savoir quand, il dépend
de la Sous-Direction des Missions de la Direction de l’Administration
Pénitentiaire du ministère de la Justice. Comme son le nom le suggère, le BRP
est chargé des activités de renseignement dans les prisons.
Voilà, voilà ! Un vrai boxon administratif, même pas « chapeauté »,
qui forcément se marche sur les pieds des uns des autres, hors toute velléité de
se glisser des peaux-de-banane sous les semelles, naturellement : Que des
fonctionnaires assermentés œuvrant avec abnégation, courage et force d’âme, et une
redoutable efficacité pour la protection de tous les citoyens !
Douze structures dont les missions et attributions me
semblent parfois largement redondantes.
Douze structures qui ont leurs propres chaînes de
commandement, leurs propres organisations, des systèmes peu ou pas partagés.
Douze structures qui « collaborent » même
au-delà du nécessaire, cela va sans dire…
Ça marche tellement bien que cette organisation porte
le sceau infamant des machins administratifs qui ne fonctionnent pas : Une
Structure de Coordination !
Pis que ça, pas une structure mais… trois !
La coordination de nos efforts de renseignement est en
effet assurée par :
– Le Conseil
National du Renseignement (CNR). Créé en 2008 et présidé par le président de la
République, il assure la coordination des six services constituant la «
communauté française du renseignement » (la DGSE, la DGSI, la DRM, la DPSD, la
DNRED et Tracfin).
– L’Unité de
Coordination de la Lutte AntiTerroriste (UCLAT). Créée en 1984 et rattachée au
cabinet du directeur général de la Police Nationale (ministère de l’Intérieur),
elle est supposée coordonner la DGSI, la DGSE, le BLAT, la DNRED, le BRP et la
DPSD.
– L’État-Major
Opérationnel de Prévention du Terrorisme (EMOPT). Créé en 2015 et directement rattaché
au ministre de l’Intérieur, qui coordonne le suivi des « personnes radicalisées » pour « s’assurer
que celui-ci est bien effectif ».
Mais si !
Même avec les meilleurs spécialistes équipés des
meilleurs outils, même en partant du principe que tous collaborent en mettant
leur ego de côté, même en multipliant les financements et les dispositifs
légaux, c’est sûr que ça ne peut pas marcher.
Même pas en rêve !
C’est d’ailleurs ce que dit la commission d’enquête
parlementaire, celle dont le rapport a été enterré version « première-classe »
avec palmes !
Il faut dire que les députés proposaient de « créer une agence nationale de lutte
antiterroriste, rattachée directement au Premier ministre, en charge de
l’analyse de la menace, de la planification stratégique et de la coordination
opérationnelle. »
Un comité Théodule de plus tel qu’on pouvait se
demander pourquoi ça n’existait pas déjà, puisque là, c’est pire que dans la
multiplication des poissons sur les bords du Jourdain ?
Et puis il y a le fond : Tout d’abord, le
renseignement de proximité a été le maillon faible de la grande réforme de « Bling-bling »
dans sa tête (le bien-nommé), qui a abouti à la création de l’actuelle
Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), issue de la fusion de la
Direction de la Surveillance du Territoire et des Renseignements Généraux.
Les missions des RG dites en milieu ouvert (suivi des
cités, des conflits sociaux…) ont été externalisées au sein d’une
sous-direction de la police, qui porte le nom de Service central de
renseignement territorial (SCRT), aux effectifs insuffisants.
Du coup, le fossé s’est creusé entre la DGSI et le
SCRT, qui permet pourtant de détecter les premiers signes de radicalisation
dans les quartiers sensibles.
Et encore, le SCRT a vu ses effectifs passer de 1.622
agents en 2008 à 2.350 aujourd’hui. Il ne s’occupait que d’une centaine
d’individus « radicalisés » il y a deux ans, il en compte désormais environ
3.600.
Mais il laisse les plus dangereux (au nombre de 2.000)
à la DGSI selon une répartition des tâches plus claires qu’auparavant.
Sauf que le SCRT doit aussi cohabiter avec deux autres
entités territoriales : La Sous-direction de l’anticipation opérationnelle (540
analystes), créée en 2013 au sein de la gendarmerie, dont le rapport du député déplore
qu’elle soit « encore trop absente
des locaux de la DGSI » et la Direction du renseignement de la
préfecture de Paris (DRPP), sorte d’État dans l’État, peu impacté par les
réformes.
Le rapporteur « soce » « Seb-Pierre-Sainte »
prône d’ailleurs la création d’une seule direction générale du renseignement
territorial, regroupant le SCRT, la SDAO et certaines missions de la DRPP.
Autre faille béante pointée par le rapport : Les services
pénitentiaires, qui n'ont fait leur entrée dans la « communauté du
renseignement » que le mois dernier, après un an de tergiversations dues
aux réticences de « T’oubliera », l’ex-Garde des Sceaux, merci à elle !
Attention les yeux : Le service mobilise
aujourd’hui 114 agents en équivalents temps-plein, pour 189 prisons et 68.000
détenus !
« Si les
renforcements en effectifs déployés depuis un an vont permettre de
professionnaliser ces services, ils ne constituent pas encore le « saut
capacitaire » que la délégation parlementaire au renseignement appelait
déjà de ses vœux dès 2014 », remarque poliment le rapport…
Celui-ci pointe ainsi le manque persistant de
coordination globale des services, symbolisée par l’absence de fichier
consolidé des individus dangereux.
« Tout au
long de ses investigations, la commission d’enquête a éprouvé de grandes
difficultés pour obtenir le nombre d’individus, identifiés comme représentant
une menace pour la sécurité nationale, faisant l’objet d’un suivi de la part de
l’ensemble des services en charge de la lutte antiterroriste. »
À l’ère des datas, ça fait un peu tache…
La Commission appelle donc à la création d’une base de
données commune tout en notant quand même des progrès notables dans le partage
d’informations : « Avec la
création de la cellule Allat en juin 2015, qui regroupe des officiers de
liaison des différents services sous la houlette d'un commissaire de la DGSI,
les infos circulent beaucoup mieux, c’est une vraie révolution », en
dit le chef de l’un des services concerné.
Mais ces efforts restent largement insuffisants et le
rapport s’inquiète de la multiplication intempestive des structures. Ainsi,
l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), placée au sein de
la police, était déjà censée permettre d’unifier les efforts de tous les
ministères…
« Les
réunions de l’Uclat ne m’ont jamais servi à rien », balance,
lapidaire, un des participants. Et comme si cela ne suffisait pas, le ministre s’était
adjoint une nouvelle cellule resserrée : L’état-major opérationnel de prévention
du terrorisme (EMOPT) !
En réponse aux attentes, rappelez-vous que le « Capitaine-de-pédalo-à-la-frais-des-bois »
a veillé à ne parler que des veilles recettes au lendemain de l’attentat du 14
juillet à Nice : Augmenter les frappes, prolonger l’État d’urgence et le
déploiement de la force Sentinelle, etc.
Trois propositions qui ont montré leur inanité dans
l’instant : On a bien vu par exemple que la force Sentinelle n’avait même
pas eu le droit d’intervenir au Bataclan…
Selon les premiers éléments de l’enquête, l’auteur de
l’attentat de Nice n’était pas fiché pour terrorisme et même pas pour « radicalisation »
soudaine…
L’enquête parlementaire a montré que les auteurs des
attentats du 13 Novembre étaient tous connus des services de police et par la
justice, et que personne ne les a empêché de passer à l'action…
Et le mode opératoire d’un camion jeté à pleine
vitesse contre une foule rassemblée, ça évoque quoi aux autorités ?
Le patron de la DGSI, en aurait dit qu’il va y avoir
des attentats avec des voitures piégés.
On l’attendait
à Calvi, souvenez-vous, à l’occasion la clôture de son festival « Calvi
on the rocks », mais d’autres voix en disent que c’était à Cannes…
Résultat, le « garde des sots », s’est
résigné au début de l’été à revoir les rapporteurs et le rendez-vous doit toujours
ne se tenir qu’en ce mois septembre, malgré les urgences.
La proposition phare à l’ordre du jour sera surtout de
créer cette « grande agence nationale de lutte antiterroriste »,
rattachée à Matignon, sur le modèle américain. Elle serait chargée de gérer la
base de données commune, de l’analyse globale de la menace et de la
planification stratégique.
« Elle
regrouperait en son sein des spécialistes issus à la fois de la fonction
publique, des services de renseignement et du monde académique ».
Les universitaires sont ainsi peu impliqués chez nous…
Le ministre de l’intérieur, de la sécurité et des
cultes reconnaît qu’il faudrait une plus grande centralisation. Selon Le Monde,
il s’est ainsi montré favorable au renforcement du rôle du coordonnateur
national du renseignement, très puissant aux États-Unis.
Mais entre-deux, les « cultes » se sont
réunis pour envisager un « discours anti-Djihad », une transparence
des financements des mosquées par des puissances étrangères, la création de
centres et cursus universitaires obligatoires pour devenir Imam.
Vous l’ai-je déjà dit ?
Oui, c’était le 3 août dernier (et encore
auparavant d’ailleurs), vous pouvez vérifier : Le terrorisme-islamique n’a
rien à voir avec l’islam.
C’est juste une récupération « politique »
du Califat et le fait de quelques « désocialisés » de nos zones de
non-droit, de nos ghettos-déscolarisés.
Et il me semble, sauf erreur ou omission de ma part,
que cette réalité n’est toujours pas prise vraiment en compte : C’est vous
dire si je fulmine…
Autrement dit, il ne s’est rien passé d’utile cet été
pour la protection de vos chérubins (et accessoirement de vous-même) !
Merci qui ?
Mais aux autistes que vous avez portés au pouvoir en 2012,
tiens donc…
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