La Cour de cassation tranche.
Naturellement, il ne s’agit pas de la célèbre querelle
qui a agité le monde littéraire et artistique de la fin du XVIIème
siècle, les uns soutenant qu’on n’aura jamais été aussi proche de la perfection
sous le règne de Louis le seizième et que par conséquent la création artiste et
littéraire de l’époque moderne valait bien au-delà de toutes les créations
antérieures !
Non, il s’agit de distribution de dividendes qui oppose parfois anciens et nouveaux actionnaires. Et la Cour de cassation vient de trancher et de se prononcer sur la distribution de dividendes d’une société commerciale pris sur le report à nouveau. C’est-à-dire sur les bénéfices d'exercices antérieurs mis sur un compte d’attente.
Rappelons au préalable qu’en pratique, le versement du
dividende est généralement effectué une fois que l’assemblée générale annuelle
s’est réunie parce que c’est elle qui en décide.
Et que dans une société, les bénéfices ont vocation, au moins en partie, à être distribués à ses associés (et une autre dans la réserve légale jusqu’à saturation).
Mais tout se passe à condition de respecter une procédure bien précise.
Ainsi, dans les sociétés commerciales, quelle que soit leur forme, l’article L. 232-12, alinéa 1er du Code de commerce, prévoit, en effet, qu’après approbation des comptes annuels et constatation de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes.
Les associés doivent donc s’armer de patience, car la
distribution des dividendes intervient au plus tard neuf mois après la clôture
de l’exercice, ce délai pouvant même être prolongé en justice (C. com., art. L.
232-13, al. 2). En pratique, le versement du dividende est généralement
effectué au printemps, une fois que l’assemblée générale annuelle s’est réunie,
et qu’elle a décidé le principe du versement de dividendes ainsi que leur
montant (Pour les ponts du mois de mai, en général).
Cependant, un acompte sur dividendes peut, sous certaines conditions, être versé aux associés, généralement sur décision des dirigeants.
Et dans ce cas, la décision de distribuer un acompte sur dividende peut être prise en cours d’exercice ou après la clôture de l’exercice, mais avant la tenue de l’assemblée annuelle chargée de l’approbation des comptes (C. com., art. L. 232-12, al. 2).
Notez que les dirigeants prennent le risque de distribuer un dividende fictif, si par hasard l’assemblée ultérieure n’approuvent pas les comptes ou s’ils décident de garder le résultat de l’année en report à nouveau ou de l’affecter en réserve.
En l’absence de texte l’interdisant, il est même possible de verser plusieurs acomptes sur dividende au cours d’un même exercice.
Perso, j’en faisais un par trimestre pour me payer…
Cela dit, le report à nouveau, est donc une somme en instance d’affectation. C’est la somme que représente une partie des bénéfices que la collectivité des associés ou l'assemblée décide de laisser en instance d’affectation jusqu’à une prochaine décision collective ou assemblée générale ordinaire.
Et dans le cas qui nous occupe, les associés ont
décidé de ne pas la distribuer en dividendes ni de la mettre en réserve. Cette
somme est placée sur un compte d’attente, précisément dit compte « report à
nouveau ».
Les faits étaient les suivants : L’assemblée générale annuelle d’une SAS décide, en avril 2017, d’affecter les bénéfices de l’exercice clos au 31 décembre 2016 au compte report à nouveau.
Trois mois plus tard, une autre assemblée – c’est-à-dire une assemblée ordinaire distincte de celle ayant statué sur les comptes – vote la distribution de dividendes à partir de ce report à nouveau.
Sauf que la société aura changé d’actionnaires entre-temps (les nouveaux se remboursant partiellement de leur achat en pompant la trésorerie de la société rachatée) et pof ! un contentieux surgit quant à la validité de cette distribution.
Les ex-actionnaires assignent la société pour obtenir le paiement de leur dividende. De son côté, la société avec le soutien des nouveaux actionnaires, s’y oppose.
Cour de cassation, chambre commerciale, 12 février
2025, n° 23-11.410
Cour d'appel - Aix-en-Provence Chambre 3-4 du 17/11/2022.
N° 19/11774
Audience publique du 12 février 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 72 FS-B Pourvoi n° C 23-11.410
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 FÉVRIER 2025
1°/ M. [R] [F], domicilié [Adresse 5],
2°/ Mme [G] [F], domiciliée [Adresse 4],
3°/ M. [E] [F], domicilié [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° C 23-11.410 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Maga, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Midi plage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
3°/ à M. [Z] [T], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Maga,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les
observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de MM. [R] et [E] [F], et de
Mme [G] [F], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat des sociétés Maga, Midi
plage et de M. [T], et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en
l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau,
président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes
Graff-Daudret, Daubigney, M. Alt, Mme de Lacaussade, M. Thomas, conseillers,
Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, conseillers référendaires, M. Bonthoux,
avocat général, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre, la chambre
commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en
application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des
président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la
loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 novembre 2022), MM. [R] et [E] [F] et Mme [G] [F] (les consorts [F]) étaient les associés de la société par actions simplifiée Midi plage.
2. Le 30 avril 2017, l'assemblée générale de la société Midi plage a approuvé les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2016 et a décidé d'affecter les bénéfices de l'exercice au compte « report à nouveau ».
3. Le 22 mai 2017, les consorts [F] ont conclu avec M. [V], auquel s'est substituée la société Maga, une promesse de cession des actions de la société Midi plage.
4. Le 3 juillet 2017, l'assemblée générale de la société Midi plage a décidé la distribution de dividendes prélevés sur le report à nouveau décidé par l'assemblée générale du 30 avril 2017.
5. Le 28 juillet 2017, la société Maga a acquis la totalité des actions de la société Midi plage.
6. Le 23 mars 2018, les consorts [F] ont assigné la société Midi plage en paiement des dividendes dont la distribution avait été décidée par l'assemblée générale du 3 juillet 2017.
7. La société Maga est intervenue volontairement à l'instance. M. [T] a été désigné commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Maga.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
8. Les consorts [F] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement des dividendes distribués lors de l'assemblée générale du 3 juillet 2017 et de les condamner à payer à la société Midi plage la somme de 9.300 euros au titre des prélèvements sociaux versés au Trésor public à la suite de la décision de distribution de dividendes prise par les associés au cours de l'assemblée générale du 3 juillet 2017, alors « que les délibérations d'une société s'imposent tant que la nullité n'en a pas été prononcée ; qu'en déboutant les consorts [F] de leur demande en paiement de dividendes distribués lors de l'assemblée générale en date du 3 juillet 2017 par laquelle les associés de la société Midi plage avaient décidé la mise en distribution de 60.000 euros de dividendes tirés sur l'exercice clos au 31 décembre 2016, refusant, par là même, de faire produire effet à cette délibération, sans au préalable constater que l'annulation judiciaire en avait été prononcée, ce qui s'imposait pourtant à elle, la cour d'appel a violé l'article 1102 du code civil, ensemble l'article L. 235-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. Les sociétés Midi plage et Maga et M. [T], ès qualités, contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.
10. Cependant, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.
11. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1103 du code civil et L. 235-1 du code de commerce :
12. Aux termes du premier de ces textes, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Selon le second, la nullité des actes ou délibérations des organes d'une société commerciale ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II du code de commerce, à l'exception de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 225-35 et de la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 225-64 de ce code, ou des lois qui régissent les contrats, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833 du code civil.
13. Il résulte de la combinaison de ces textes que les délibérations d'une société commerciale s'imposent aux associés tant que la nullité n'en a pas été prononcée.
14. Aux termes de l'article L. 232-11, alinéa 1er, du code de commerce, le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l'exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire.
15. Aux termes de l'article L. 232-12, alinéa 1er, de ce code, après approbation des comptes annuels et constatation de l'existence de sommes distribuables, l'assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes.
16. Il résulte de la combinaison de ces textes, lesquels sont impératifs, que le report bénéficiaire d'un exercice est inclus dans le bénéfice distribuable de l'exercice suivant et que, par voie de conséquence, seule l'assemblée approuvant les comptes de cet exercice pourra décider son affectation et, le cas échéant, sa distribution. Il s'ensuit qu'encourt la nullité la délibération d'une assemblée générale autre que celle approuvant les comptes de l'exercice et décidant la distribution d'un dividende prélevé sur le report à nouveau bénéficiaire d'un exercice précédent.
17. Pour rejeter la demande en paiement de dividendes des consorts [F], l'arrêt, après avoir constaté, d'une part, que l'assemblée générale de la société Midi plage du 30 avril 2017 avait approuvé les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2016 et avait décidé l'affectation des bénéfices de cet exercice en report à nouveau, d'autre part, que l'assemblée générale du 3 juillet 2017 avait décidé la distribution des dividendes litigieux qui avaient été prélevés sur le report à nouveau bénéficiaire décidé par l'assemblée générale du 30 avril 2017, retient que le montant des capitaux propres de la société était, avant la distribution des dividendes décidée le 3 juillet 2017, inférieur au montant du capital augmenté des réserves non distribuables. L'arrêt en déduit qu'il ne pouvait être procédé à la distribution des dividendes litigieux.
18. En statuant ainsi, alors que la délibération de l'assemblée générale de la société Midi plage du 3 juillet 2017, bien qu'encourant la nullité dès lors que cette assemblée, qui n'était pas celle de l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2017 dans lequel était inclus le report bénéficiaire de l'exercice précédent, ne pouvait décider la distribution des dividendes litigieux, s'imposait tant que la nullité n'en avait pas été prononcée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y est lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de MM. [R] et [E] [F] et Mme [G] [F] en paiement des dividendes distribués lors de l'assemblée générale du 3 juillet 2017, condamne MM. [R] et [E] [F] et Mme [G] [F] à payer à la société Midi plage la somme de 9.300 euros au titre des prélèvements sociaux versés au Trésor public ensuite de la décision de distribution de dividendes prises par les associés au cours de l'assemblée générale du 3 juillet 2017, et statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne les sociétés Midi plage et Maga et M. [T], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Maga, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Midi plage et Maga et M. [T], ès qualités, et les condamne à payer à MM. [R] et [E] [F] et à Mme [G] [F] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du
douze février deux mille vingt-cinq et signé par M. Ponsot, conseiller doyen en
ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau président, empêché, le conseiller
rapporteur et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de
l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de
procédure civile.
Ainsi, selon les juges de la haute Cour, seule
l'assemblée approuvant les comptes peut décider de l'affectation d'un report à
nouveau et, le cas échéant, sa distribution. Il s’ensuit « qu’encourt la
nullité la délibération d’une assemblée générale autre que celle approuvant les
comptes de l’exercice et décidant la distribution d’un dividende prélevé sur le
report à nouveau bénéficiaire d'un exercice précédent ».
Par conséquent, la Cour de cassation sanctionne la distribution
du report à nouveau hors assemblée générale d’approbation des comptes. Une
solution qui semble au premier abord excessivement rigide.
Mais elle se justifie probablement pour des raisons d'opportunité et par le souci de la Cour de cassation de protéger la société dans le contexte d'un changement d'actionnariat : Il s'agit probablement de prévenir le risque que les actionnaires majoritaires sur le départ procèdent à des prélèvements importants dans la trésorerie de la société – pour ne pas dire « vident les caisses » – avant qu’ils ne vendent leurs titres.
La bonne technique de « faiseurs » et autres charognards, comme savait le faire « Nanar-Tapis » l’ex-« sinistre de la ville » de « Mythe-errant », seigneur de la caverne d’Alibaba…
Lui reprenait des entreprises en faillite avec promesse de les redresser : Facile, ça arrête immédiatement les recours et saisies des tiers fournisseurs, État et Urssaf compris, alors que la machine tourne encore et que les clients sont priés de payer…
Résultat des courses, « la malade » a tout d’un coup les caisses pleines et plus de dette, effacées par le plan de reprise !
Là, il pouvait distribuer ce qu’il voulait et surtout vendre « à des amis », à la casse et à vil prix : Une façon comme une autre de détruire le paysage industriel du pays…
Dans l’affaire jugée, les dividendes issus du report à
nouveau n’ont pas été versés aux ex-actionnaires, leur demande en paiement
ayant été rejetée. Que ce serait-il passé s’ils le report à nouveau leur avait
d’ores et déjà été payé ?
Dans la mesure où la Cour de cassation juge que la délibération de l’assemblée autre que celle approuvant les comptes qui décide une distribution du report à nouveau peut être annulée, la société est assurément en droit de réclamer la restitution du report à nouveau irrégulier, dès lors que cette nullité est prononcée par le juge.
À moins qu’une prochaine assemblée – obligatoirement celle statuant sur les comptes de l’année suivante – ne régularise cette distribution, ce qui paraît possible…
Et c’est probablement ce qui va se passer… mais ça repousse les délais d’encaissement (et de dépeçage !).
Bonne fin de week-end à toutes et tous !
I3
Pour mémoire (n’en
déplaise à « Poux-tine ») : « LE PRÉSENT BILLET A ENCORE ÉTÉ RÉDIGÉ PAR UNE
PERSONNE « NON RUSSE » ET MIS EN LIGNE PAR UN MÉDIA DE MASSE « NON RUSSE »,
REMPLISSANT DONC LES FONCTIONS D’UN AGENT « NON RUSSE » !
Post-scriptum : Alexeï Navalny est mort en détention pour ses opinions politiques. Les Russes se condamnent à perpétuité à en supporter toute la honte !
Постскриптум: Алексей Навальный умер в заключении за свои политические взгляды. Россияне обрекают себя на всю жизнь нести весь позор!
Parrainez Renommez la rue de l'ambassade de Russie à Paris en rue Alexeï Navalny (change.org)
Non, il s’agit de distribution de dividendes qui oppose parfois anciens et nouveaux actionnaires. Et la Cour de cassation vient de trancher et de se prononcer sur la distribution de dividendes d’une société commerciale pris sur le report à nouveau. C’est-à-dire sur les bénéfices d'exercices antérieurs mis sur un compte d’attente.
Et que dans une société, les bénéfices ont vocation, au moins en partie, à être distribués à ses associés (et une autre dans la réserve légale jusqu’à saturation).
Mais tout se passe à condition de respecter une procédure bien précise.
Ainsi, dans les sociétés commerciales, quelle que soit leur forme, l’article L. 232-12, alinéa 1er du Code de commerce, prévoit, en effet, qu’après approbation des comptes annuels et constatation de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes.
Cependant, un acompte sur dividendes peut, sous certaines conditions, être versé aux associés, généralement sur décision des dirigeants.
Et dans ce cas, la décision de distribuer un acompte sur dividende peut être prise en cours d’exercice ou après la clôture de l’exercice, mais avant la tenue de l’assemblée annuelle chargée de l’approbation des comptes (C. com., art. L. 232-12, al. 2).
Notez que les dirigeants prennent le risque de distribuer un dividende fictif, si par hasard l’assemblée ultérieure n’approuvent pas les comptes ou s’ils décident de garder le résultat de l’année en report à nouveau ou de l’affecter en réserve.
En l’absence de texte l’interdisant, il est même possible de verser plusieurs acomptes sur dividende au cours d’un même exercice.
Perso, j’en faisais un par trimestre pour me payer…
Cela dit, le report à nouveau, est donc une somme en instance d’affectation. C’est la somme que représente une partie des bénéfices que la collectivité des associés ou l'assemblée décide de laisser en instance d’affectation jusqu’à une prochaine décision collective ou assemblée générale ordinaire.
Les faits étaient les suivants : L’assemblée générale annuelle d’une SAS décide, en avril 2017, d’affecter les bénéfices de l’exercice clos au 31 décembre 2016 au compte report à nouveau.
Trois mois plus tard, une autre assemblée – c’est-à-dire une assemblée ordinaire distincte de celle ayant statué sur les comptes – vote la distribution de dividendes à partir de ce report à nouveau.
Sauf que la société aura changé d’actionnaires entre-temps (les nouveaux se remboursant partiellement de leur achat en pompant la trésorerie de la société rachatée) et pof ! un contentieux surgit quant à la validité de cette distribution.
Les ex-actionnaires assignent la société pour obtenir le paiement de leur dividende. De son côté, la société avec le soutien des nouveaux actionnaires, s’y oppose.
COUR DE
CASSATION
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 72 FS-B Pourvoi n° C 23-11.410
R É P U B L I
Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU
PEUPLE FRANÇAIS
2°/ Mme [G] [F], domiciliée [Adresse 4],
3°/ M. [E] [F], domicilié [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° C 23-11.410 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Maga, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Midi plage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
3°/ à M. [Z] [T], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Maga,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 novembre 2022), MM. [R] et [E] [F] et Mme [G] [F] (les consorts [F]) étaient les associés de la société par actions simplifiée Midi plage.
2. Le 30 avril 2017, l'assemblée générale de la société Midi plage a approuvé les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2016 et a décidé d'affecter les bénéfices de l'exercice au compte « report à nouveau ».
3. Le 22 mai 2017, les consorts [F] ont conclu avec M. [V], auquel s'est substituée la société Maga, une promesse de cession des actions de la société Midi plage.
4. Le 3 juillet 2017, l'assemblée générale de la société Midi plage a décidé la distribution de dividendes prélevés sur le report à nouveau décidé par l'assemblée générale du 30 avril 2017.
5. Le 28 juillet 2017, la société Maga a acquis la totalité des actions de la société Midi plage.
6. Le 23 mars 2018, les consorts [F] ont assigné la société Midi plage en paiement des dividendes dont la distribution avait été décidée par l'assemblée générale du 3 juillet 2017.
7. La société Maga est intervenue volontairement à l'instance. M. [T] a été désigné commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Maga.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
8. Les consorts [F] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement des dividendes distribués lors de l'assemblée générale du 3 juillet 2017 et de les condamner à payer à la société Midi plage la somme de 9.300 euros au titre des prélèvements sociaux versés au Trésor public à la suite de la décision de distribution de dividendes prise par les associés au cours de l'assemblée générale du 3 juillet 2017, alors « que les délibérations d'une société s'imposent tant que la nullité n'en a pas été prononcée ; qu'en déboutant les consorts [F] de leur demande en paiement de dividendes distribués lors de l'assemblée générale en date du 3 juillet 2017 par laquelle les associés de la société Midi plage avaient décidé la mise en distribution de 60.000 euros de dividendes tirés sur l'exercice clos au 31 décembre 2016, refusant, par là même, de faire produire effet à cette délibération, sans au préalable constater que l'annulation judiciaire en avait été prononcée, ce qui s'imposait pourtant à elle, la cour d'appel a violé l'article 1102 du code civil, ensemble l'article L. 235-1 du code de commerce. »
Recevabilité du moyen
9. Les sociétés Midi plage et Maga et M. [T], ès qualités, contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.
10. Cependant, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.
11. Le moyen est donc recevable.
Vu les articles 1103 du code civil et L. 235-1 du code de commerce :
12. Aux termes du premier de ces textes, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Selon le second, la nullité des actes ou délibérations des organes d'une société commerciale ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II du code de commerce, à l'exception de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 225-35 et de la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 225-64 de ce code, ou des lois qui régissent les contrats, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833 du code civil.
13. Il résulte de la combinaison de ces textes que les délibérations d'une société commerciale s'imposent aux associés tant que la nullité n'en a pas été prononcée.
14. Aux termes de l'article L. 232-11, alinéa 1er, du code de commerce, le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l'exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire.
15. Aux termes de l'article L. 232-12, alinéa 1er, de ce code, après approbation des comptes annuels et constatation de l'existence de sommes distribuables, l'assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes.
16. Il résulte de la combinaison de ces textes, lesquels sont impératifs, que le report bénéficiaire d'un exercice est inclus dans le bénéfice distribuable de l'exercice suivant et que, par voie de conséquence, seule l'assemblée approuvant les comptes de cet exercice pourra décider son affectation et, le cas échéant, sa distribution. Il s'ensuit qu'encourt la nullité la délibération d'une assemblée générale autre que celle approuvant les comptes de l'exercice et décidant la distribution d'un dividende prélevé sur le report à nouveau bénéficiaire d'un exercice précédent.
17. Pour rejeter la demande en paiement de dividendes des consorts [F], l'arrêt, après avoir constaté, d'une part, que l'assemblée générale de la société Midi plage du 30 avril 2017 avait approuvé les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2016 et avait décidé l'affectation des bénéfices de cet exercice en report à nouveau, d'autre part, que l'assemblée générale du 3 juillet 2017 avait décidé la distribution des dividendes litigieux qui avaient été prélevés sur le report à nouveau bénéficiaire décidé par l'assemblée générale du 30 avril 2017, retient que le montant des capitaux propres de la société était, avant la distribution des dividendes décidée le 3 juillet 2017, inférieur au montant du capital augmenté des réserves non distribuables. L'arrêt en déduit qu'il ne pouvait être procédé à la distribution des dividendes litigieux.
18. En statuant ainsi, alors que la délibération de l'assemblée générale de la société Midi plage du 3 juillet 2017, bien qu'encourant la nullité dès lors que cette assemblée, qui n'était pas celle de l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2017 dans lequel était inclus le report bénéficiaire de l'exercice précédent, ne pouvait décider la distribution des dividendes litigieux, s'imposait tant que la nullité n'en avait pas été prononcée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y est lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de MM. [R] et [E] [F] et Mme [G] [F] en paiement des dividendes distribués lors de l'assemblée générale du 3 juillet 2017, condamne MM. [R] et [E] [F] et Mme [G] [F] à payer à la société Midi plage la somme de 9.300 euros au titre des prélèvements sociaux versés au Trésor public ensuite de la décision de distribution de dividendes prises par les associés au cours de l'assemblée générale du 3 juillet 2017, et statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne les sociétés Midi plage et Maga et M. [T], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Maga, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Midi plage et Maga et M. [T], ès qualités, et les condamne à payer à MM. [R] et [E] [F] et à Mme [G] [F] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la partiellement cassée ;
Mais elle se justifie probablement pour des raisons d'opportunité et par le souci de la Cour de cassation de protéger la société dans le contexte d'un changement d'actionnariat : Il s'agit probablement de prévenir le risque que les actionnaires majoritaires sur le départ procèdent à des prélèvements importants dans la trésorerie de la société – pour ne pas dire « vident les caisses » – avant qu’ils ne vendent leurs titres.
La bonne technique de « faiseurs » et autres charognards, comme savait le faire « Nanar-Tapis » l’ex-« sinistre de la ville » de « Mythe-errant », seigneur de la caverne d’Alibaba…
Lui reprenait des entreprises en faillite avec promesse de les redresser : Facile, ça arrête immédiatement les recours et saisies des tiers fournisseurs, État et Urssaf compris, alors que la machine tourne encore et que les clients sont priés de payer…
Résultat des courses, « la malade » a tout d’un coup les caisses pleines et plus de dette, effacées par le plan de reprise !
Là, il pouvait distribuer ce qu’il voulait et surtout vendre « à des amis », à la casse et à vil prix : Une façon comme une autre de détruire le paysage industriel du pays…
Dans la mesure où la Cour de cassation juge que la délibération de l’assemblée autre que celle approuvant les comptes qui décide une distribution du report à nouveau peut être annulée, la société est assurément en droit de réclamer la restitution du report à nouveau irrégulier, dès lors que cette nullité est prononcée par le juge.
À moins qu’une prochaine assemblée – obligatoirement celle statuant sur les comptes de l’année suivante – ne régularise cette distribution, ce qui paraît possible…
Et c’est probablement ce qui va se passer… mais ça repousse les délais d’encaissement (et de dépeçage !).
Post-scriptum : Alexeï Navalny est mort en détention pour ses opinions politiques. Les Russes se condamnent à perpétuité à en supporter toute la honte !
Постскриптум: Алексей Навальный умер в заключении за свои политические взгляды. Россияне обрекают себя на всю жизнь нести весь позор!
Parrainez Renommez la rue de l'ambassade de Russie à Paris en rue Alexeï Navalny (change.org)
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