Théories économiques et taxes comportementales
En réalité, tout impôt, toute taxation, a un effet sur celui qui le paye.
Le Cardinal de Richelieu, ministre de Louis XIII, avait déjà compris cela au
XVIIème siècle : « L’augmentation des impôts est capable de
réduire un grand nombre de sujets du
Roi à la fainéantise, étant certain que la plus grande
partie du pauvre peuple et des
artisans employés aux manufactures aimeront mieux demeurer oisifs et les bras croisés » en disait-il.
Plus d’un siècle plus tard, Adam Smith, donnera dans son ouvrage le plus
célèbre, quatre maximes sur les impôts. La dernière de ces maximes précise que
« l’impôt peut entraver l’industrie et décourager le peuple de se consacrer
à certaines branches d’activité qui pourraient pourtant lui fournir du travail
et des moyens de subsistance. Ainsi, tandis que d’un côté il oblige le peuple à
payer, de l’autre il diminue, voire détruit, une partie des fonds qui
pourraient lui permettre plus aisément de le faire. »
Et les exemples sont légion, dans l’histoire, de taxes qui produisent des
effets qui ne sont pas ceux recherchés initialement par la puissance publique.
Ainsi en est-il de l’impôt sur les portes et fenêtres, institué en 1798, sous
le Directoire. Son but était de taxer les propriétaires des demeures les plus
grandes, celles qui disposaient du plus grand nombre de portes et fenêtres,
signe extérieur de richesse qu’il était facile de compter sans avoir à
perquisitionner les domiciles devenus inviolables.
L’imposition eut pour effet de conduire les propriétaires à murer les ouvertures, et ne produisit finalement que peu de recettes.
Il en a été de même à un moment pour les Maldives quand le gouvernement local aura décidé d’une taxe au cocotier…
Ils ont tous été coupés sauf ceux du « Club Med » et des parcs publics…
En « Gauloisie-des-portes-&-fenêtres », l’insalubrité
progressa dans des locaux mal ventilés. Cet impôt ne fût supprimé qu’en 1926 !
Plus près de nous, l’instauration de l’impôt sur les grandes fortunes (IGF) en 1981, devenu ensuite impôt de solidarité sur la fortune (ISF), a indéniablement incité les contribuables les plus fortunés à s’expatrier.
Le ministère de l’économie et des finances estime, qu’entre 2006 et 2016, près de 4.600 ménages assujettis à l’ISF, représentant un patrimoine imposable total de 23,8 milliards d’euros, ont quitté mon beau pays.
Or, ces départs ont amputé les recettes de cet impôt de 20 millions d’euros par an. Et les recettes de l’impôt sur le revenu, de la TVA, etc., ont également été diminuées par le départ de ces contribuables…
Arthur C. Pigou (1877-1959), économiste britannique, proposa en 1920 dans
son ouvrage « L’économie du bien-être », une taxe pour réduire les externalités
négatives.
En effet, il aura noté que les industriels peuvent chercher à maximiser leur intérêt privé marginal au détriment de l’intérêt social marginal. Comme ces industriels n’internalisent pas les coûts sociaux de leurs activités, il conviendrait donc d’intégrer ces coûts directement lors de la production à travers des taxes.
Cette taxe proposée, dite « pigouvienne », était censée envoyer un signal-prix au marché et rendre, de fait, plus compétitifs les produits similaires dont les externalités négatives sont moins fortes. Par conséquence, les industriels en cause seraient contraints de changer de comportement et de produire moins d’externalités négatives.
De façon symétrique, l’État pouvait subventionner la production d’externalités positives.
Pigou avait en tête la pollution atmosphérique londonienne de son temps
lorsqu’il a
« inventé » cette taxe.
Mais les taxes sur l’alcool ou le tabac sont considérées comme des taxes pigouviennes, dans le sens où elles visent à faire payer pour les coûts importants que ces produits sont censés générer pour le système de santé.
Le principal critique de Pigou fût Ronald Coase (1910-2013), « prix Nobel » d’économie en 1991, explique, qu’avec une taxe pigouvienne, l’État fixe arbitrairement un niveau d’externalités acceptable.
Mais hélas ce niveau peut ne pas être optimal puisqu’il fait fi de son coût pour les parties.
Par conséquent, la solution pigouvienne qui est autoritaire, arbitraire est aussi à somme nulle.
Coase propose une solution spontanée, contractuelle mais à somme positive. Il se demande si les parties ne peuvent pas arriver à un accord : Si l’industriel qui produit les externalités ne peut pas négocier avec ceux qui subissent les mêmes externalités afin de trouver une solution. Bref, il s’agit de laisser les parties régler le problème auquel elles sont confrontées plutôt que d’intervenir.
Coase prend donc Pigou à son propre piège, celui d’un modèle économique néo-classique dans lequel il n’existe pas de coûts de transaction.
Et Coase énoncera son théorème : « Si les coûts de transaction sont nuls et si les droits de propriété sont bien définis, les agents peuvent corriger d’eux-mêmes et spontanément les externalités en passant par un accord. »
Mais Coase, qui n’est pas un économiste néo-classique, sait que les coûts de transaction ne sont jamais nuls. Les négociations entre les parties peuvent donc être ardues et longues. Une intervention extérieure peut alors être nécessaire.
La firme a d’ailleurs été inventée pour cela nous dit Coase (dans un article de 1937) : Elle permet d’internaliser les coûts de transaction qui existent sur le marché…
Par ailleurs, en l’absence d’accord amiable entre les parties, et en
l’absence d’entrepreneurs solutionnant la question des coûts de transaction, il
peut être nécessaire de recourir à un mode autoritaire d’attribution des
intérêts. C’est le rôle des institutions judiciaires.
Or, on le voit donc, l’État n’est pas la seule et unique solution tant pour régler la question des externalités que celle des coûts de transaction. Coase invite par conséquent à une approche comparative des alternatives possibles face à une externalité.
Il faut attendre les alentours des années 1960, avec les travaux d’Edward
Chamberlin, Vernon Smith, Amos Tversky et Daniel Kahneman, pour que se
développe tout un courant de pensée prenant le contrepied des théories
économiques classiques qui mettent en avant un homo œconomicus rationnel
(qu’il n’est pas nécessairement) dont les décisions ne sont guidées que par la
maximisation de ses gains.
D’ailleurs, au nom du principe de non-immixtion dans les affaires privées, le fisc s’interdit de vous reprocher de ne pas maximiser les profits à tirer d’une opération, à condition que ce ne soit pas un acte « anormal de gestion »…
Ces travaux ont surtout été popularisés à la toute fin du XXème siècle et au début du XXIème avec les « prix Nobel » d’économie attribués en 1994 à Reinhard Selten, en 2002 à Vernon, Smith et Daniel Kahneman, et en 2017 à Richard Thaler.
L’économie comportementale, qui s’appuie sur la psychologie expérimentale, démontre que les individus prennent parfois des décisions « irrationnelles » pouvant aller à l’encontre de leur intérêt bien compris, et étant même loin d’être optimales pour l’intérêt général. En effet, les biais cognitifs et émotionnels, mais aussi les biais moraux et de conformité, influencent les choix économiques.
Conformité aux règles et aux normes sociales, jalousie, envie, procrastination, difficulté à se projeter dans l’avenir… influent sur les choix et les décisions des individus.
On sait, par exemple, que beaucoup de particuliers investissant en Bourse obtiennent de mauvais résultats. La société Blackrock a étudié de près la performance agrégée des comptes d’investisseurs particuliers au cours des 20 dernières années. Sur cette période, les actions ont rapporté en moyenne 8 % par an, tandis que l’investisseur individuel moyen ne gagnait que 2 %.
De nombreuses raisons expliquent cette sous-performance, mais deux d’entre elles sont à prendre en compte ici :
— Le biais de surconfiance : Les individus surestiment souvent leurs capacités dans un domaine spécifique. Si la plupart des gens s’estiment incapables d’opérer à cœur ouvert après avoir lu quelques ouvrages d’anatomie, la majorité d’entre eux pensent pouvoir obtenir des résultats supérieurs à la moyenne sur les marchés en feuilletant un journal spécialisé ;
— Le conformisme : Les individus ont tendance à suivre les tendances du moment, à acheter l’action qui fait la une de l’actualité parce qu’elle a connu une hausse spectaculaire de son cours. Les investisseurs ont souvent peur de « rater le train », de ne pas faire partie des heureux élus et investissent alors à mauvais escient, si ce n’est au plus mauvais moment quand le cours est au plus haut.
Et Dieu si « les marchés » sont infestés de « suiveurs » qui vous balançaient le « TINA » de rigueur (There Is No Alternative) !
Il faut dire qu’avec les robots du « speed trading » qui ne font qu’amplifier les mouvements sur les cours, être rapide est parfois une question de survie…
Parmi les biais cognitifs les plus connus, on peut aussi citer « l’effet
Ikea » qui consiste à accorder davantage de valeur qu’il n’en a à un bien que
nous avons créé, même partiellement. C’est ainsi que les produits de l’enseigne
suédoise sont survalorisés proportionnellement au mal qu’ont eu les acheteurs à
les assembler.
À l’économie comportementale, on peut également rattacher la neuro-économie même si cette dernière en diffère par le fait qu’elle s’appuie sur la neurobiologie, grâce notamment à l’imagerie cérébrale, pour comprendre les comportements. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) permet ainsi de repérer les zones du cerveau qui sont activées lors de décisions économiques et les émotions qui y sont associées.
Des expériences menées en neuro-économie sur l’entrepreneuriat par exemple, ont permis de montrer notamment « que les émotions influencent bel et bien l’évaluation et l’exploitation des possibilités ou occasions. L’analyse permet de mesurer et de discriminer leur impact : La crainte diminue la capacité de repérer et d’exploiter les occasions, à l’inverse de la joie ou de la colère. La complexité et l’ambiguïté de l’information semblent par ailleurs jouer un rôle déterminant dans l’activation interne des facultés entrepreneuriales des agents en jouant sur 12 le stress et l’attention. Ces premiers résultats suggèrent à eux seuls des protocoles nouveaux pour améliorer l’entrepreneur-ship dans les organisations »
Le nudge (« coup de coude » en « francilien-natif », mais le
plus souvent traduit par « coup de pouce ») est issu des travaux en économie
comportementale et neuro-économie. Il consiste à influencer les comportements,
les motivations, les décisions individuelles et collectives par des suggestions
indirectes. Thaler et Sunstein, inventeurs du concept, ont qualifié leur
théorie de « paternalisme libertarien » puisqu’elle vise à ne rien interdire ni
à restreindre les choix, mais au contraire « à aider les hommes à prendre
des décisions qui améliorent leur vie sans attenter à la liberté des autres »
Parmi les exemples les plus connus de nudge, on peut citer la mouche dessinée au fond des urinoirs qui incite les utilisateurs à la viser, ce qui réduit de 80 % les éclaboussures et débordements, volontaires ou non.
Ou bien les passages piétons dessinés en relief qui font immanquablement ralentir les automobilistes !
Les pouvoirs publics s’intéressent de près à ces nouvelles pratiques.
Ainsi, dès 2010, « Camé-Rhône », premier ministre du Royaume-Uni,
crée-t-il la Behavioural Insights Team (BIT), sorte de « nudge unit »
chargée de faire des propositions pour améliorer l’action publique.
Par exemple, en modifiant une seule phrase sur le site internet consacré au don d’organes, la BIT a permis le « recrutement » de 96.000 nouveaux donneurs d’organes potentiels au Royaume-Uni.
De même a-t-elle permis un meilleur recouvrement des impôts en envoyant un SMS, plutôt qu’une lettre de relance, aux contribuables en retard de paiement.
Depuis la BIT a été en partie privatisée : Le cabinet du premier ministre (UK Cabinet Office) en est toujours actionnaire, mais aux côtés désormais de la fondation Nesta et des employés de la BIT. En moins de dix ans, l’organisation a considérablement grossi, disposant de sept bureaux dans le monde et passant de sept personnes à plus de 150 aujourd’hui.
En 2018, les équipes de la BIT ont conduit des projets dans 31 pays
différents. « Baraque-Haut-Bas-Mât », président
des « Ricains », a également créé une « nudge unit » au
sein de son administration. En « Gauloisie-exceptionnelle », il
existe même une direction interministérielle de la transformation publique (DITP)
qui s’intéresse à ces questions depuis 2014.
Aujourd’hui, trois personnes essaient d’y développer la connaissance de l’économie comportementale et des nudges et de la transmettre à l’ensemble de l’administration.
Le ministère de la transition écolologique et solidaire évoque sur son site internet les « nudges » verts et en donne quelques exemples.
Ainsi, selon le ministère, la généralisation des compteurs d’électricité Linky, en fournissant des données de consommation en temps réel, permettra aux ménages de réduire leur consommation énergétique.
Ce qui est une vaste fadaise : Le compteur est planqué sur les paliers d’immeuble, quasiment inaccessibles !
Même notre administration fiscale a également emprunté au « nudge » pour convaincre davantage de contribuables à télédéclarer leurs revenus. Elle a ainsi communiqué sur le fait que tel pourcentage des contribuables fait déjà sa déclaration en ligne. Il s’agissait d’inciter les citoyens à se conformer à une norme sociale. Cette campagne a permis d’augmenter assez fortement le nombre de télé-déclarants (bien obligé de s’y pencher à l’occasion du confinement général).
Mais le « nudge » n’est pas exempt de critiques. La plus forte
de ces critiques assimile le « nudge » à une technique de
manipulation potentiellement dangereuse car cherchant à annihiler le libre-arbitre,
la réflexion, la délibération et la responsabilité. Le « nudge » nous
pousse « gentiment, coup de pouce après coup de pouce, à des comportements
irréfléchis »
De plus ne porte-t-il pas, finalement, une vision infantilisante de l’individu ?
Par ailleurs, le « nudge » n’est pas une technique infaillible (il existe des échecs) et peut avoir des effets pervers comme celui de l’adoption d’un comportement plus « vertueux » dans un domaine entraînant une moindre vigilance dans un autre.
On peut se demander s’il n’y a pas là « une prétention de l’économie à comprendre les comportements humains qui est véritablement excessive »
On voit bien que la taxe pigouvienne n’est pas le seul outil à la
disposition des pouvoirs publics pour faire évoluer les comportements. Le
marché et les droits de propriété comme l’a montré Coase, les apports de
l’économie comportementale et de la neuro-économie, notamment des « nudges »,
sont des alternatives à la taxation. Néanmoins politiciens et fonctionnaires
restent séduits par l’imposition qui renforce, sinon étend, leur domaine
d’intervention en plus d’être un moyen efficace de remplir des caisses publiques
souvent vides.
Il reste donc à s’interroger sur la légitimité de l’État à vouloir changer
les comportements des citoyens.
Pour mémoire (n’en
déplaise à « Poux-tine ») : « LE PRÉSENT BILLET A ENCORE ÉTÉ RÉDIGÉ PAR UNE
PERSONNE « NON RUSSE » ET MIS EN LIGNE PAR UN MÉDIA DE MASSE « NON RUSSE »,
REMPLISSANT DONC LES FONCTIONS D’UN AGENT « NON RUSSE » !
Post-scriptum : Alexeï Navalny est mort en détention pour ses opinions politiques. Les Russes se condamnent à perpétuité à en supporter toute la honte !
Постскриптум: Алексей Навальный умер в заключении за свои политические взгляды. Россияне обрекают себя на всю жизнь нести весь позор!
Parrainez Renommez la rue de l'ambassade de Russie à Paris en rue Alexeï Navalny (change.org)
artisans employés aux manufactures aimeront mieux demeurer oisifs et les bras croisés » en disait-il.
L’imposition eut pour effet de conduire les propriétaires à murer les ouvertures, et ne produisit finalement que peu de recettes.
Il en a été de même à un moment pour les Maldives quand le gouvernement local aura décidé d’une taxe au cocotier…
Ils ont tous été coupés sauf ceux du « Club Med » et des parcs publics…
Plus près de nous, l’instauration de l’impôt sur les grandes fortunes (IGF) en 1981, devenu ensuite impôt de solidarité sur la fortune (ISF), a indéniablement incité les contribuables les plus fortunés à s’expatrier.
Le ministère de l’économie et des finances estime, qu’entre 2006 et 2016, près de 4.600 ménages assujettis à l’ISF, représentant un patrimoine imposable total de 23,8 milliards d’euros, ont quitté mon beau pays.
Or, ces départs ont amputé les recettes de cet impôt de 20 millions d’euros par an. Et les recettes de l’impôt sur le revenu, de la TVA, etc., ont également été diminuées par le départ de ces contribuables…
En effet, il aura noté que les industriels peuvent chercher à maximiser leur intérêt privé marginal au détriment de l’intérêt social marginal. Comme ces industriels n’internalisent pas les coûts sociaux de leurs activités, il conviendrait donc d’intégrer ces coûts directement lors de la production à travers des taxes.
Cette taxe proposée, dite « pigouvienne », était censée envoyer un signal-prix au marché et rendre, de fait, plus compétitifs les produits similaires dont les externalités négatives sont moins fortes. Par conséquence, les industriels en cause seraient contraints de changer de comportement et de produire moins d’externalités négatives.
De façon symétrique, l’État pouvait subventionner la production d’externalités positives.
« inventé » cette taxe.
Mais les taxes sur l’alcool ou le tabac sont considérées comme des taxes pigouviennes, dans le sens où elles visent à faire payer pour les coûts importants que ces produits sont censés générer pour le système de santé.
Le principal critique de Pigou fût Ronald Coase (1910-2013), « prix Nobel » d’économie en 1991, explique, qu’avec une taxe pigouvienne, l’État fixe arbitrairement un niveau d’externalités acceptable.
Mais hélas ce niveau peut ne pas être optimal puisqu’il fait fi de son coût pour les parties.
Par conséquent, la solution pigouvienne qui est autoritaire, arbitraire est aussi à somme nulle.
Coase propose une solution spontanée, contractuelle mais à somme positive. Il se demande si les parties ne peuvent pas arriver à un accord : Si l’industriel qui produit les externalités ne peut pas négocier avec ceux qui subissent les mêmes externalités afin de trouver une solution. Bref, il s’agit de laisser les parties régler le problème auquel elles sont confrontées plutôt que d’intervenir.
Coase prend donc Pigou à son propre piège, celui d’un modèle économique néo-classique dans lequel il n’existe pas de coûts de transaction.
Et Coase énoncera son théorème : « Si les coûts de transaction sont nuls et si les droits de propriété sont bien définis, les agents peuvent corriger d’eux-mêmes et spontanément les externalités en passant par un accord. »
Mais Coase, qui n’est pas un économiste néo-classique, sait que les coûts de transaction ne sont jamais nuls. Les négociations entre les parties peuvent donc être ardues et longues. Une intervention extérieure peut alors être nécessaire.
La firme a d’ailleurs été inventée pour cela nous dit Coase (dans un article de 1937) : Elle permet d’internaliser les coûts de transaction qui existent sur le marché…
Or, on le voit donc, l’État n’est pas la seule et unique solution tant pour régler la question des externalités que celle des coûts de transaction. Coase invite par conséquent à une approche comparative des alternatives possibles face à une externalité.
D’ailleurs, au nom du principe de non-immixtion dans les affaires privées, le fisc s’interdit de vous reprocher de ne pas maximiser les profits à tirer d’une opération, à condition que ce ne soit pas un acte « anormal de gestion »…
Ces travaux ont surtout été popularisés à la toute fin du XXème siècle et au début du XXIème avec les « prix Nobel » d’économie attribués en 1994 à Reinhard Selten, en 2002 à Vernon, Smith et Daniel Kahneman, et en 2017 à Richard Thaler.
L’économie comportementale, qui s’appuie sur la psychologie expérimentale, démontre que les individus prennent parfois des décisions « irrationnelles » pouvant aller à l’encontre de leur intérêt bien compris, et étant même loin d’être optimales pour l’intérêt général. En effet, les biais cognitifs et émotionnels, mais aussi les biais moraux et de conformité, influencent les choix économiques.
Conformité aux règles et aux normes sociales, jalousie, envie, procrastination, difficulté à se projeter dans l’avenir… influent sur les choix et les décisions des individus.
On sait, par exemple, que beaucoup de particuliers investissant en Bourse obtiennent de mauvais résultats. La société Blackrock a étudié de près la performance agrégée des comptes d’investisseurs particuliers au cours des 20 dernières années. Sur cette période, les actions ont rapporté en moyenne 8 % par an, tandis que l’investisseur individuel moyen ne gagnait que 2 %.
De nombreuses raisons expliquent cette sous-performance, mais deux d’entre elles sont à prendre en compte ici :
— Le biais de surconfiance : Les individus surestiment souvent leurs capacités dans un domaine spécifique. Si la plupart des gens s’estiment incapables d’opérer à cœur ouvert après avoir lu quelques ouvrages d’anatomie, la majorité d’entre eux pensent pouvoir obtenir des résultats supérieurs à la moyenne sur les marchés en feuilletant un journal spécialisé ;
— Le conformisme : Les individus ont tendance à suivre les tendances du moment, à acheter l’action qui fait la une de l’actualité parce qu’elle a connu une hausse spectaculaire de son cours. Les investisseurs ont souvent peur de « rater le train », de ne pas faire partie des heureux élus et investissent alors à mauvais escient, si ce n’est au plus mauvais moment quand le cours est au plus haut.
Et Dieu si « les marchés » sont infestés de « suiveurs » qui vous balançaient le « TINA » de rigueur (There Is No Alternative) !
Il faut dire qu’avec les robots du « speed trading » qui ne font qu’amplifier les mouvements sur les cours, être rapide est parfois une question de survie…
À l’économie comportementale, on peut également rattacher la neuro-économie même si cette dernière en diffère par le fait qu’elle s’appuie sur la neurobiologie, grâce notamment à l’imagerie cérébrale, pour comprendre les comportements. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) permet ainsi de repérer les zones du cerveau qui sont activées lors de décisions économiques et les émotions qui y sont associées.
Des expériences menées en neuro-économie sur l’entrepreneuriat par exemple, ont permis de montrer notamment « que les émotions influencent bel et bien l’évaluation et l’exploitation des possibilités ou occasions. L’analyse permet de mesurer et de discriminer leur impact : La crainte diminue la capacité de repérer et d’exploiter les occasions, à l’inverse de la joie ou de la colère. La complexité et l’ambiguïté de l’information semblent par ailleurs jouer un rôle déterminant dans l’activation interne des facultés entrepreneuriales des agents en jouant sur 12 le stress et l’attention. Ces premiers résultats suggèrent à eux seuls des protocoles nouveaux pour améliorer l’entrepreneur-ship dans les organisations »
Parmi les exemples les plus connus de nudge, on peut citer la mouche dessinée au fond des urinoirs qui incite les utilisateurs à la viser, ce qui réduit de 80 % les éclaboussures et débordements, volontaires ou non.
Ou bien les passages piétons dessinés en relief qui font immanquablement ralentir les automobilistes !
Par exemple, en modifiant une seule phrase sur le site internet consacré au don d’organes, la BIT a permis le « recrutement » de 96.000 nouveaux donneurs d’organes potentiels au Royaume-Uni.
De même a-t-elle permis un meilleur recouvrement des impôts en envoyant un SMS, plutôt qu’une lettre de relance, aux contribuables en retard de paiement.
Depuis la BIT a été en partie privatisée : Le cabinet du premier ministre (UK Cabinet Office) en est toujours actionnaire, mais aux côtés désormais de la fondation Nesta et des employés de la BIT. En moins de dix ans, l’organisation a considérablement grossi, disposant de sept bureaux dans le monde et passant de sept personnes à plus de 150 aujourd’hui.
Aujourd’hui, trois personnes essaient d’y développer la connaissance de l’économie comportementale et des nudges et de la transmettre à l’ensemble de l’administration.
Le ministère de la transition écolologique et solidaire évoque sur son site internet les « nudges » verts et en donne quelques exemples.
Ainsi, selon le ministère, la généralisation des compteurs d’électricité Linky, en fournissant des données de consommation en temps réel, permettra aux ménages de réduire leur consommation énergétique.
Ce qui est une vaste fadaise : Le compteur est planqué sur les paliers d’immeuble, quasiment inaccessibles !
Même notre administration fiscale a également emprunté au « nudge » pour convaincre davantage de contribuables à télédéclarer leurs revenus. Elle a ainsi communiqué sur le fait que tel pourcentage des contribuables fait déjà sa déclaration en ligne. Il s’agissait d’inciter les citoyens à se conformer à une norme sociale. Cette campagne a permis d’augmenter assez fortement le nombre de télé-déclarants (bien obligé de s’y pencher à l’occasion du confinement général).
De plus ne porte-t-il pas, finalement, une vision infantilisante de l’individu ?
Par ailleurs, le « nudge » n’est pas une technique infaillible (il existe des échecs) et peut avoir des effets pervers comme celui de l’adoption d’un comportement plus « vertueux » dans un domaine entraînant une moindre vigilance dans un autre.
On peut se demander s’il n’y a pas là « une prétention de l’économie à comprendre les comportements humains qui est véritablement excessive »
Post-scriptum : Alexeï Navalny est mort en détention pour ses opinions politiques. Les Russes se condamnent à perpétuité à en supporter toute la honte !
Постскриптум: Алексей Навальный умер в заключении за свои политические взгляды. Россияне обрекают себя на всю жизнь нести весь позор!
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