Choses surprenantes à savoir
La naissance d’un système unifié et universel de poids
et de mesures a été un long chemin semé d’unités variables, de références et
d’aléas de l’histoire.
Pour les Européens du XXIème siècle, parler
de kilogrammes de riz, de litres de bière ou d’hectares de terrain est une
évidence partagée. Pourtant, on a longtemps peiné à unifier ces mesures sur le
territoire, et plus encore avec nos voisins.
Avant la mise en place du système métrique à la toute
fin du XVIIIème siècle, on utilisait ce qu’on avait sous la main, le
bras, le pied ou encore le pouce…
Le système international d’unités (SI), qui comprend
le mètre, le kilogramme, la seconde, etc., élaboré à partir de la Révolution
(il s’agissait de compter partout pareil pour lever un impôt « juste »),
est ensuite perfectionné au long des XIXème et XXème
siècles. Désormais, chacune de ces unités de mesure est définie en fonction de
constantes et non plus à partir d’un objet physique – ce qui était encore le
cas jusqu’au mois de mai dernier pour le kilogramme, qui était défini comme la
masse d’un artefact de platine et d’iridium conservé depuis le XIXème
siècle à Sèvres (Hauts-de-Seine).
– Avant le mètre, le litre ou les degrés centigrades,
chaque royaume, duché, comté, principauté avait son propre système
Sans remonter aux origines de l’humanité, la plupart
des sociétés organisées ont eu rapidement besoin de se mettre d’accord sur la
façon de mesurer des volumes ou des poids – pour vendre des liquides ou des
aliments – ou déterminer la taille des champs : Là encore, un impératif
fiscal !
La division du pouvoir politique a cependant entraîné
des divergences de définition des unités de mesure. Ainsi, avant 1799, le « pied,
utilisé partout, était une mine inépuisable de confusion » pour mesurer une
distance ou une longueur constate l’Académie des sciences : Un pied
mesurait en effet 32,48 cm à Paris-sur-la-plage, 30,48 à London-on-the-docks,
38,03 à Bologne (Ritalie), 29,68 dans le sud de la Suède…
Il en va de même pour les unités de volume : Si le nom
est le même partout dans le royaume, la définition variait. Au début du XVIIIème
siècle, à Paris-sur-Seine, la pinte est un tiers plus petite qu’à Saint-Denis,
pourtant distant de quelques kilomètres seulement : Mieux valait donc aller
boire une bière à 6.000 toises de Paris (environ 11,5 km) !
Cette multitude de valeurs pour une même unité de
mesure s’éteint lentement à partir de l’adoption du système métrique en Gauloisie
le 10 décembre 1799.
En effet, dix ans plus tôt, les cahiers de doléances
remis par les représentants du tiers état réclamaient déjà un système unifié à
l’échelle du royaume.
– Pour établir la longueur d’un mètre, vous ne le
savez pas, les scientifiques ont crapahuté entre Dunkerque et Barcelone
En 1791, l’Assemblée constituante décrète qu’il est « nécessaire
de fixer une unité de mesure naturelle et invariable » qu’elle compte
étendre « aux nations étrangères » : Pour ce faire, cette unité ne doit
« renfermer rien d’arbitraire, ni de particulier à la situation d’aucun
peuple ».
Et pour commencer, il faut mesurer le « quart du
méridien terrestre » et le mètre sera le dix-millionième de cette distance
; Jean-Baptiste Joseph Delambre (1749-1822) et Pierre-François-André Méchain
(1744-1804) se partagent la mesure de la distance Barcelone-Dunkerque, l’un
partant du Sud, l’autre du Nord, ils doivent se retrouver à Rodez (Aveyron).
On apprendra, deux siècles plus tard, que Méchain a
commis quelques erreurs dans ses mesures, essentiellement à cause du degré de
précision des instruments de l’époque. Le mètre ferait 0,2 millimètre de moins
aujourd’hui s’il avait eu des instruments précis, soit 99,98 cm…
Peu importe, au fond, puisque tout le monde s’accorde
aujourd’hui sur l’utilisation de cette unité de mesure, ou presque.
Dans un premier temps, des mètres étalons ont été
installés un peu partout en Gauloisie-géométrique et dans la capitale, ainsi
qu’en Europe lors des guerres révolutionnaires. Comme le reste des unités
universelles, depuis 1983, il est défini non plus avec un étalon mais avec une
constante (la distance parcourue par la lumière en 1/299.792.458ème de
seconde).
– Température : Fahrenheit, où la température du
cheval et le froid polaire à Dantzig…
En 1724, l’Allemand Gabriel Fahrenheit développe un
thermomètre à mercure (plus facile à étalonner que celui à alcool), le premier
à mesurer de manière efficace la température. Dans la foulée, il met au point
sa propre échelle de températures, la plus ancienne encore utilisée. Le
physicien définit le point froid et le point chaud en fonction de ce qu’il a
sous la main : Son zéro sera la température la plus basse mesurée à Dantzig –
sa ville natale, désormais polonaise sous le nom de Gdańsk – lors de l’hiver
1708-1709, soit – 18°C, qui est aussi la température de solidification d’un
mélange égal d’eau et de sel ; son point haut sera au départ la température du
sang d’un cheval, soit 38 °C.
Dans cette échelle de mesure, l’eau bout donc à 212°F
et se transforme en glace à 32°F. Néanmoins, à sa création en 1724, cette
échelle a l’incroyable mérite d’être reproductible avant d’être améliorée par
le Suédois Anders Celsius.
Et à l’exception des États-Unis et de quelques autres
pays (les îles Caïmans ou le Liberia, par exemple), le monde entier utilise des
degrés centigrades.
Pour cette échelle de mesure, Celsius choisit en 1742
comme repères la température à laquelle l’eau se transforme en glace et celle à
laquelle l’eau douce bout au niveau de la mer : Voilà nos 0 °C et 100 °C.
L’intérêt de ce choix réside dans le fait que ces
mesures sont faciles à réaliser pour étalonner un thermomètre.
Près de trois siècles plus tard, c’est toujours l’état
de l’eau qui permet de définir l’échelle des températures.
– Comment se fait-il que les États-Unis soient la
seule grande nation à ne pas être passée au système métrique ?
Si les États-Unis ont montré, au XVIIIème
siècle, un certain empressement à quitter l’empire britannique, ils n’ont pas
fait preuve d’un enthousiasme équivalent pour quitter le système impérial
britannique de poids et mesures.
À l’époque, plusieurs systèmes (néerlandais,
britannique ou locaux) cohabitent selon les régions des États-Unis. Thomas
Jefferson, alors ministre des affaires étrangères, demande en 1793 que la Gauloisie-révolutionnaire
envoie un étalon de kilogramme. La Convention envoie en 1794 le naturaliste
Joseph Dombey avec un kilogramme en cuivre, qui doit servir d’étalon pour le
nouveau système de mesure dans tout le nouveau pays.
Mais le bateau est pris dans une tempête, il est
dérouté vers les Caraïbes et probablement attaqué par des pirates. Joseph
Dombey est tué.
Près de deux cents ans après, en 1975, une nouvelle
loi tente à nouveau d’imposer le système métrique aux États-Unis : Elle dispose
que ce système de poids et mesures est le système privilégié dans le commerce
et les exportations.
Jusqu’en 1982 et sa suppression par Ronald Reagan, la
loi crée même un organisme chargé d’accompagner la conversion du système
impérial vers le système métrique, l’United States Metric Board (USMB).
Devant l’opposition républicaine, et du fait du manque
de moyens mis en œuvre pour l’adoption du système métrique par la suite –
seules les administrations fédérales étaient tenues de l’utiliser, escomptant
que les entreprises s’y mettraient ensuite –, le résultat se fait encore
attendre.
Pourtant, en 2004, une nouvelle loi a cherché à
l’imposer dans l’administration fédérale, avec l’insuccès que l’on sait.
Si les scientifiques américains utilisent
majoritairement le système métrique dans leurs recherches, certaines agences
fédérales emploient toutefois les unités impériales ; c’est le cas, par
exemple, des degrés Fahrenheit encore utilisés à l’Institut géologique
américain (USGS).
– D’ailleurs la NASA a perdu des millions de dollars à
cause d’une erreur de conversion : Le 23 septembre 1999, la NASA perd « Mars
Climate Observer », qui devait étudier le climat de la Planète rouge.
Au moment de la mise en orbite, la sonde est détruite
en entrant dans l’atmosphère martienne. La poussée des propulseurs destinée à
adapter la trajectoire était communiquée en système impérial (livre-force par
seconde), alors que la sonde réclamait des mesures en système métrique (à
savoir en newton par seconde), soit un rapport de 4,5 entre les deux grandeurs.
Toutes les micro-corrections de trajectoires précédentes n’ont fait que rapprocher
la sonde de sa destruction et d’une perte de 125 millions de dollars (environ
140 millions d’euros de 2018).
Le système impérial de poids et mesures a aussi failli
coûter la vie à 69 passagers du vol d’Air Canada entre Ottawa (Ontario) et
Edmonton (Alberta) le 23 juillet 1983. Comme le rappelait le New York Times, le
Canada était passé au système métrique depuis à peine plus de dix ans : Les
pilotes calculent qu’ils ont besoin de 22 tonnes de carburant (à raison de
0,803 kg/litre, il faut environ 16 tonnes en plus des 6,1 tonnes qu’ils ont
encore dans les réservoirs), mais les équipes de ravitaillement font le calcul
en livre par litre et ne remplissent l’avion qu’avec 11.350 litres de kérosène
(9,1 tonnes), soit un total de 15 tonnes sur les 22 tonnes nécessaires…
Le Boeing 767 a fini son trajet en planant jusqu’à une
piste d’aviation désaffectée de la Royal Canadian Air Force à Gimli (Manitoba).
Des études donnent des chiffres différents mais vont
toutes dans le même sens : Être l’un des seuls pays à ne pas utiliser le
système métrique coûte cher (les Britanniques ont calculé que les deux systèmes
leur coûtaient 5 milliards de livres chaque année, soit 5,53 milliards
d’euros), du fait du double étiquetage et de la nécessité d’avoir deux jeux de machines
pour tout mesurer.
Cet état de fait est aussi coûteux pour le système
éducatif américain puisque les élèves doivent apprendre les deux systèmes, et
qu’il est plus compliqué de calculer avec le système impérial de poids et
mesures (dont les unités sont parfois divisées en 12, en 4 ou en 3).
À l’heure du Brexit, il serait étonnant que les
britanniques acceptent les mesures révolutionnaires (et universelles) dans les
prochaines semaines : Ils ont d’autres soucis.
Il n’empêche que ça reste un des apports majeurs de la
Révolution : Le système décimal.
Même les heures, les semaines et mois devaient être
ramenés à un système décimal. Mais ça n’a pas bien pris.
En attendant, vous noterez avec moi que puisque la
mesure d’une distance se fait en mètre en Gauloisie-actuelle, que celle du
temps se fait en seconde (système non décimal…), quand vous voyez un panneau de
limitation de vitesse marqué « 80 », il s’agit donc de 80 m/s, seules
unités ayant cours légal au pays…
Soit environ 288 Km en une heure…
À vos radars !
Bonne fin de week-end à toutes et tous !
I3
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