Vous connaissez le principe…
Celui contenu dans l’article L. 1152-1 du code du
travail : « Aucun salarié ne doit subir
les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet
une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à
ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de
compromettre son avenir professionnel ».
Et quand tu n’es pas « salarié », t’en fais
pas qu’il faut avoir un mental « solide »…
Ceci dit, on se souvient tous de l’arrêt de la Cour de
Cassation (chambre sociale) du 13 septembre 2017 (req. n° 15-23.045), qui a
décidé, en toute connaissance de cause et pour la première fois, que l’immunité
disciplinaire conférée au salarié dénonçant un harcèlement moral ne vaut qu’à
la condition que ce dernier ait expressément qualifié les faits comme tels.
Eh bien une décision plus récente (21 mars 2018, n° 16-24.350)
est venue préciser cette exigence de qualification des faits :
Cour de cassation chambre sociale
Audience publique du mercredi 21 mars 2018 ; n°
de pourvoi : 16-24350
Non publié au bulletin
M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de
président), président
SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Gatineau
et Fattaccini, avocat(s)
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt
suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-2, L. 1152-3 et R. 1455-6 du
code du travail ;
Attendu qu’aux termes du premier de ces textes aucun
salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné,
licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte,
notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation,
de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation
ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des
agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels
agissements ou les avoir relatés ; que selon le deuxième, toute rupture de
contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L.
1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul ;
qu’il s’en déduit que le salarié qui relate des faits qualifiés par lui de
harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi,
laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne
sont pas établis ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué statuant en référé, que
M. Y…, engagé par la société Alten Sud-Ouest en qualité d’ingénieur d'études, a
été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre notifiée le 6 novembre
2015 ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes
en nullité de son licenciement, de réintégration à son poste de travail sous
astreinte et en paiement de diverses sommes, l’arrêt retient qu’il résulte de la
lettre de licenciement que l’employeur s’est borné à y contester les
accusations de harcèlement dont il faisait l’objet, tout en relevant que le
salarié n'était lui-même pas certain du bien-fondé de cette qualification, et
que cette contestation s’inscrit dans le strict cadre du rappel de la situation
factuelle des parties avant la rupture, et ce alors qu’il résulte des termes et
de la construction de cette lettre de licenciement que cette rupture est fondée
et motivée par le non-respect par le salarié de ses obligations contractuelles
et ce indépendamment de toute accusation de harcèlement ; que, par conséquent,
les demandes présentées par le salarié excèdent la compétence du juge des
référés dès lors que le trouble manifestement illicite allégué, à savoir la
nullité du licenciement litigieux, est insuffisamment caractérisé ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’était énoncé dans la
lettre de licenciement un grief tiré de la relation de faits qualifiés de
harcèlement moral par le salarié et sans se prononcer, comme il le lui était
demandé, sur la mauvaise foi du salarié lorsqu’il avait dénoncé ces faits, pour
déterminer si le licenciement de celui-ci constituait un trouble manifestement
illicite, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt
rendu le 27 juillet 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel
d'Agen ;
Condamne la société Alten Sud-Ouest aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne
la société Alten Sud-Ouest à payer à M. Y… la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près
la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en
marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un
mars deux mille dix-huit.
Peut-être un tournant jurisprudentiel intéressant… Ce
serait celui d’une application stricte, mais pragmatique, de la protection
conférée au salarié dénonçant des faits de harcèlement moral.
Vous allez comprendre.
Dans la première affaire citée en amont, un directeur
commercial avait été licencié pour faute, son employeur lui reprochant
notamment, parmi de nombreux griefs, d’avoir proféré des accusations
diffamatoires. Le courrier de licenciement visait plus précisément un courriel
par lequel le salarié avait affirmé subir un « traitement abject, déstabilisant et profondément injuste ».
Estimant avoir été licencié pour avoir dénoncé des
agissements de harcèlement moral, le salarié a sollicité la nullité de son
licenciement.
Tant le Conseil de prud’hommes que la Cour d’appel ont
accueilli favorablement cette demande.
Saisie de cette affaire, la Cour de cassation censure
les juges du fond et avaient considéré, au contraire, que la protection
conférée au salarié dénonçant un harcèlement moral n’est pas applicable si ce
dernier n’a pas « dénoncé des faits
qualifiés par lui d’agissements de harcèlement moral ».
C’était une grande première jurisprudentielle.
En effet, conformément aux articles L.1152-2 et
L.1152-3 du Code du travail, un salarié ne peut en aucun cas être sanctionné
pour avoir dénoncé une situation de harcèlement moral.
À défaut, la sanction est frappée de nullité.
En septembre 2017, la Cour de cassation aura fait
preuve de pragmatisme et admet l’existence de deux exceptions à l’application
de la protection visée à l’article L.1152-2 susvisé : D’une part, et
c’était déjà le cas, lorsque le salarié est de mauvaise foi, laquelle procède
de la connaissance par ce dernier de la fausseté des faits qu’il dénonce et d’autre
part – la nouveauté de l’époque – lorsque le salarié ne qualifie pas
expressément et précisément les faits qu’il dénonce, autrement dit, lorsque le
salarié ne fait pas clairement état d’une situation de « harcèlement moral » ou d’une situation de « harcèlement sexuel ».
C’était une décision qui marquait la volonté de la
Cour de cassation de limiter les risques d’instrumentalisation de la protection
posée à l’article L.1152-2 du Code du travail.
Dans l’affaire rapportée ci-dessus, c’est un ingénieur
d’études qui accuse son employeur de « harcèlement
moral ».
Quelques temps après, ce salarié est licencié par son
employeur pour avoir failli à ses obligations contractuelles. Et le courrier de
licenciement fait état des accusations de harcèlement proférées par le salarié…
Considérant avoir été licencié pour avoir dénoncé un
harcèlement moral, celui-là demande donc la nullité de son licenciement (comme
l’y poussait son avocat).
Et après avoir été débouté en référé, puis au fond
devant les Prud’hommes et la cour d’Appel, la haute juridiction se prononce en
faveur de la nullité du licenciement !
Pour ce faire, la Cour confirme que l’immunité
disciplinaire dont bénéficie le salarié relatant des faits de harcèlement moral
n’est applicable qu’à la condition que ce dernier ait expressément qualifié les
faits comme tels.
Continuité jurisprudentielle.
Sauf qu’au cas de l’espèce, le salarié avait
expressément fait part d’une situation de « harcèlement moral », de sorte que
la nullité du licenciement devait en toute logique être justifiée.
Et que l’employeur, assez malin, fait seulement état
de reproches vagues énoncés par le salarié, voire d’accusations de «
harcèlement » mais sans plus de précisions, ce qui ne permet donc pas de démontrer
que le salarié entendait dénoncer des faits de harcèlement moral au sens de
l’article L.1152-1 du Code du travail.
Il aurait donc été permis de penser que la nullité
d’un licenciement n’est plus encourue lorsque c’est seulement le « tortionnaire-employeur »
qui en fait mention dans son courrier de licenciement.
Malin, ni l’une ni l’autre des parties ne précise les
faits de harcèlement, mais l’un utilise les accusations de l’autre contre ce dernier.
Notez, j’aurai probablement été tenté de faire pareil,
mais je crois que je m’y serai pris autrement…
Car, vous avez compris qu’au contraire, la protection
contre le licenciement devrait bénéficier au salarié qui, sans se référer à la
notion de « harcèlement moral », vise néanmoins dans ses griefs des notions
proches de la définition légale du harcèlement moral.
Conclusion : Il est en toute hypothèse vivement
recommandé aux employeurs de ne jamais faire état, dans une lettre de
licenciement, même à titre anecdotique, d’accusations ou de reproches énoncés
par un salarié puisque, sauf mauvaise foi avérée de celui-ci, ces faits ne
peuvent pas, dans tous les cas, valablement étayer un licenciement.
Vu ?
On attend la suite, naturellement. Personnellement, j’aimerai
me retrouver dans le cas inverse, où « patron » (directeur, mandaté,
responsable, peu importe) je serai « harcelé » par un subordonné.
Pour tout vous dire, ça m’est arrivé tellement de fois
que je ne les compte plus.
Et pas que « sexuel », malgré ma forme « attractive-indéniable »…
Je suis encore capable de me faire « agneau »
qui va au sacrifice en marchant ostensiblement à reculons pour aller à la
rencontre de « mes syndicalistes », et me « shooter » pour
avoir un certificat médical de « burn-out ».
Quitte à payer quelques « psy-déjantés » pour
en rajouter…
Je dis « déjantés », parce qu’ils sont tous
de « gôche » (même les toubibs du travail… alors, hein, ils ne vont
pas devenir complice de la manœuvre qui va consister à virer mon/ma
harceleur(e) sur le motif du harcèlement…)
Eh, en qualité de « responsables » (légal, contractuel
ou de fait), je dois veiller à la dignité, à la bonne santé morale et au
confort de tout le personnel, y compris de moi-même !
Après tout, j’ai déjà été séquestré dans mon bureau toute
une journée par des « furieux », on m’a abîmé mon « beau-tas-de-boue-à-roulette »
je ne sais combien de fois, on a piégé mon téléphone à plusieurs reprises et je
ne compte plus le nombre de larcins malveillants dont j’ai été victime.
Tout ça parce que je suis « chef »…
Et puis j’ai déjà entendu dire qu’une chemise
arrachée, ça vaut de la prison… je ne sais plus où en « Gauloisie ».
Mais je crois savoir que c’est récent.
Alors, imaginez la scène : « Monsieur le juge, il m’a traité de
sale-Corsu que j’en ai fait un burn-out ! »
D’accord, il faut attendre les suites des plaintes de
dément relatives aux échauffourées du match Aiacciu/Le Havre pour savoir si c’est
valablement un motif de « harcèlement » ou pire encore.
Sur le terrain, ils avaient la tête dans les chiottes,
m’a-t-on affirmé, énervés au possible par leur arrivée, le bus caillassé par
des konnards qui déchantaient pour n’avoir pas pu entrer dans le stade…
Chaud : Imagine donc que « sale-Corsu »,
ce ne soit pas admis comme d’une injure ethnique (un peu comme si je disais « sale-blanc »)…
Là, on ferait vraiment avancer la jurisprudence !
Sur ce, bon week-end à toutes et à tous !
I3
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