« Mac-Donald-Trompe »
et « Kim-Jong-tout-fou » se mettent enfin d’accord.
Sur quoi, personne ne sait vraiment et contrairement à d’autres, je reste
inquiet : Qu’est-ce que ces deux-là ont-ils pu décider sur le dos de tous
les autres ?
Après tout, « Trompe », c’est le roi (que dis-je…), l’empereur
de l’entourloupe-populiste, déchirant gaiment les traités soigneusement et
précautionneusement élaborés et signés par d’autres que lui durant des
décennies, et « Kim » reste l’héritier d’une dynastie de dictateurs
pour le moins sanguinaires depuis… plusieurs décennie… qui n’hésite pas non
plus à se prendre des sanctions internationales dans la tronche en piétinant
allègrement ses engagements !
Quand ces deux-là se mettent d’accord, on peut douter de tout et rester
pour le moins circonspect.
Le truc a commencé par une poignée de main scrutée dans le monde entier et
en direct.
Qu’on se souvient encore de la trace du pouce de « Jupiter » sur
la paluche de l’américain, à peine une poignée de jour avant…
C’est sur la terrasse d’un bâtiment colonial désert, que les deux hommes
se sont approchés l’un de l’autre. Figé, le geste aura duré à peu près douze
secondes.
« Jupiter », ringardisé…
« Trompe » touchant ensuite l’épaule de « Kim » sans
pour autant épousseter une pellicule imaginaire, plus petit que lui, mais sans
autre signe ostensible de domination virile comme ceux que le président
américain aime souvent à distiller.
Et puis ils se sont ensuite vus en tête-à-tête pendant un peu plus de 45
minutes, avant une discussion bilatérale entre « équipe-au-complet » et
un déjeuner mêlant mets occidentaux et asiatiques. Au menu : cocktail de
crevettes, porc croustillant sauce aigre-douce et tarte tropézienne (ah la
gastronomie gauloisienne qui s’insinue décidément partout… !).
« C’était vraiment une
rencontre fantastique » qui s’est déroulée « mieux que quiconque aurait pu imaginer », a lancé l’américain
annonçant qu’un processus de dénucléarisation de la péninsule coréenne allait
commencer « très rapidement ».
Notez que la formulation de la déclaration commune reste tout de même assez
vague en termes de calendrier. Surtout, elle ne précise pas que la
dénucléarisation doit être « vérifiable
et irréversible », comme le réclamaient les États-Unis avant le sommet
de Singapour. Ce qui risque d’apparaître comme un recul de la part de l’américain.
« Kim Jong Un a réaffirmé son
engagement ferme et inébranlable en faveur d’une dénucléarisation complète de la
péninsule coréenne » est-il écrit dans ce texte, que les deux hommes
s’engagent à mettre en œuvre « dans
sa totalité » et « très
rapidement ».
Les deux dirigeants ont signé un
document qualifié de « global »
par le locataire de la Maison Blanche et d’« historique » par le leader nord-coréen. Mais pour les détails,
vous ne saurez pas tout de suite.
« Kim » aura également salué
un nouveau départ dans les relations entre les deux pays : « Aujourd’hui, nous avons eu une rencontre
historique et nous avons décidé de tourner la page du passé » a-t-il
lancé, remerciant le président américain d’avoir permis la rencontre. « Le monde va assister à un changement majeur ».
Aïe-aïe-aïe…
Et le président américain aura
également assuré qu’il était prêt à inviter le leader nord-coréen à la Maison
Blanche. « Absolument »,
a-t-il lancé comme on l’interrogeait sur une possible invitation à
Washington : « Nous allons nous
rencontrer souvent », rajoutant avoir noué « une relation très spéciale » avec son interlocuteur.
Ne dit-on pas que qui se ressemble
s’assemble ?
Jugeant que cette première rencontre était un « bon prélude à la paix » (on n’y est pas encore, par conséquent
et officiellement, la Corée du Nord reste toujours « en guerre »), le
jeune dirigeant nord-coréen a souligné que « le chemin pour en arriver là » n’avait pas été facile (c’est
le moins qu’on puisse en dire), ne dévoilant absolument rien de ses intentions
sur le fond.
« C’est une énorme victoire
pour Kim Jong Un, qui a fait un véritable coup avec son face-à-face avec le
président », relève Michael Kovrig de l’International Crisis Group
(ICG) à Washington, soulignant que son père comme son grand-père « en avaient rêvé ». « Pour les États-Unis comme la communauté
internationale, c’est un point de départ positif pour des négociations qui
devraient être longues et difficiles » ajoute-t-il.
Donc, ce n’est effectivement pas fini, même si c’est très bien que ça
commence enfin après un été-brûlant d’échange de « twists »
incendiaires quand ce n’était pas carrément des insultes…
À la table, « Kim-Jong-tout-fou », son bras droit Kim Yong Chol,
qui a récemment fait le déplacement à la Maison Blanche, et de plusieurs autres
dirigeants du parti au pouvoir, dont sa sœur, « Kim-Yo-Jong-toute-belle ».
Et Pékin, principal partenaire de la Corée du Nord, a aussitôt salué le
début d’une « nouvelle histoire »
tout en appelant son voisin à une « dénucléarisation
totale ».
Comme quoi, tout le monde semble d’accord sur ce point, la Corée du Nord
ne disposant plus de centre d’essai de ses munitions nucléaires, la faute à la
montagne qui l’abritait de s’être effondrée…
Quand même pas banal : Arrivé au pouvoir sans la moindre expérience diplomatique,
l’américain a pris de grands risques en faisant le pari, il y a trois mois, d’un
sommet avec celui avec qui il a échangé menaces et insultes pendant des mois.
Un peu plus de 500 jours après son arrivée à la Maison Blanche, il joue l’un
des moments les plus importants de sa présidence sur la scène internationale,
où il s’est mis nombre de dirigeants à dos, y compris parmi les alliés des États-Unis.
Retenons toutefois qu’en dépit de la spectaculaire détente diplomatique
des derniers mois, nombre de points d’interrogation demeurent : « Nous verrons si Kim Jong Un lui accorde
autre chose que quelques amabilités superficielles et de belles images de
télévision » en dit une ancienne spécialiste de l’Asie au sein du
Pentagone.
Quant à Kim, il n’avait jusqu’à cette année jamais effectué la moindre
visite officielle à l’étranger. Il vient de faire un pas de géant dans la
globale-sphère, jusqu’à s’offrir une spectaculaire sortie nocturne, visitant,
visiblement ravi, les hauts lieux touristiques de la ville, lui le dictateur
d’un des pays les plus fermés du monde…
Rappelons que l’arsenal nucléaire nord-coréen a valu à Pyongyang une
impressionnante série de sanctions de l’ONU au fil des ans. Objectif affiché de
Washington : La dénucléarisation « complète,
vérifiable et irréversible » de la péninsule. Personnage central de ce
dialogue, le chef de diplomatie américaine Mike Pompeo a affirmé encore à la
veille du sommet que les États-Unis étaient prêts à apporter à la Corée du Nord
des « garanties de sécurité uniques,
différentes » de celles proposées jusqu’ici, si elle répondait aux
demandes américaines.
Possible résultat concret évoqué côté américain : Un accord de principe
pour mettre fin à la guerre de Corée. Le conflit de 1950-1953 avait en effet
été conclu avec un armistice et non par un traité de paix, Nord et Sud étant
juridiquement toujours en guerre.
« Mac-Donald-Trompe », qui met inlassablement en avant son sens
de la négociation et « son instinct » des deals, avait assuré qu’il
saurait « dès la première minute »
de sa rencontre avec l’homme fort de Pyongyang si ce dernier est déterminé à
bouger. Et si, en dépit de préparatifs chaotiques, des signaux parfois
contradictoires envoyés par l’administration américaine, d’une annulation
suivie presque immédiatement d’une reprise des contacts, ce président atypique
réussit là où tous ses prédécesseurs avaient échoué…
Il faut lui en rendre grâce.
Sauf si demain, à travers un « twist-rageur » il anéantit sa
« belle-ouvrage », comme un peu plus tôt au Canada à l’issue dudit G7.
N’oublions pas non plus que le régime de Pyongyang est passé maître dans
l’art des promesses non tenues. En 1994 puis en 2005, des accords avaient été
conclus mais aucun d’entre eux n’a jamais été réellement appliqué.
« Trump va probablement crier
victoire quel que soit le résultat du sommet, mais la dénucléarisation de la
péninsule coréenne est un processus qui prendra des années », estime « l’Arms
Control Association ». Le « vrai test » sera « l’adoption ou non par la Corée du Nord de
mesures concrètes pour réduire la menace que représentent ses armes nucléaires ».
En attendant, les sanctions internationales perdurent…
« La mise en scène de ce
sommet, des poignées de main aux drapeaux jusqu’au décor, ressemble en tous
points à celle d’une rencontre entre deux États souverains avec des relations
diplomatiques normales. L’effet de légitimation pour le régime de Corée du Nord
est indéniable ».
Et dire que le « vieux fou » et le « petit gros » s’insultaient encore par
médias interposés…
On doit pouvoir imaginer (sans trop se « trumper ») que l’accord
signé comporte au moins quatre points principaux :
– Les États-Unis et la Corée du
Nord s’engagent à établir de nouvelles relations conformément à la volonté de paix et de prospérité des peuples des deux pays.
– Les États-Unis et la Corée du
Nord associeront leurs efforts pour bâtir un régime de paix durable et
stable dans la péninsule coréenne.
– Réaffirmant la déclaration de Panmunjom du 27 avril
(signée par les présidents coréens), la Corée du Nord s’engage quant à elle à « travailler » à une complète dénucléarisation de la péninsule coréenne.
– Les États-Unis et la Corée du Nord s’engagent à restituer les restes des
prisonniers de guerre et des portés disparus au combat, avec un rapatriement
immédiat de ceux déjà identifiés.
Le reste reste à écrire…
Mike Pompeo, la cheville ouvrière du sommet côté américain, va se rendre
pour sa part rapidement en Corée du sud et au Japon pour informer ses
homologues du contenu des discussions, avant de faire de même à Pékin.
Nous en saurons plus à ces occasions-là.
Des malins, observateurs avertis, disent douter de la volonté réelle de la
Corée du Nord de renoncer à la bombe atomique, que le régime considère comme sa
meilleure police d’assurance-vie, et soulignent qu’en tout état de cause, un
processus de dénucléarisation complète s’étalerait sur plusieurs années et
s’accompagnerait nécessairement d’importantes concessions de la part des États-Unis.
Lesquelles ?
Lequel des deux régimes fera le plus de concession ?
C’est une question qui n’est pas tranchée : L’américain se pense et
agit comme « le roi du monde », qui fait et défait jusqu’à la météo
et règle la cadence des accidents d’avion de plus de 20 places…
Dans le même temps, il s’isole sur la scène internationale, piétine
allègrement plus d’un demi-siècle de travail « pro-business » à
travers toute la planète.
Tous contre un seul, il a déjà perdu, sauf sa réélection !
« Kim-tout-fou » (qui aurait paraît-il supplié à genou la tenue
de ce sommet – les mauvaises langues, vous savez…) n’a pas d’élection à gagner
ou à perdre. Mais le pays est exsangue, n’existe encore avec son régime que
grâce au soutien de Pékin (et plus indirectement de Moscou) et l’attractivité
des « cousins-du-sud » sur les populations du nord ne peut
qu’accroître au fil du temps : C’est « l’effet-Berlin ».
Un îlot de prospérité dans un monde de pénurie et on sait comment cela c’est
terminé.
Là, on est dans le schéma inverse : Un îlot de pôvreté dans un monde
de prospérité…
(La très grande supériorité du « Libéralisme-Global » sur les
« dictatures-et-déclinistes » et chose curieuse et paradoxale, c’est
l’homme des « barrières-douanières » qui porte ce drapeau-là :
Avouez que c’est fort drôle de ce que le situationnisme-appliqué fait faire aux
gens…)
« Kim-tout-fou » a peut-être sauvé son régime : Lui connait
la vie occidentale pour avoir été élevé en Helvétie (et être à la tête de la
plus grosse fortune – quasi-indécente – de son pays).
Ce n’est plus une « longue-marche » mais une « longue
route » : La situation se débloque et il lui suffira de faire
exactement comme le PCC de Pékin.
Garder le pouvoir politique mais ouvrir l’économie (tout en luttant – et
là ce n’est pas dans la nature du régime – contre la corruption).
Écoutez, si je reste dubitatif devant ce moment de
« politique-spectacle », mes vœux pour ce grand dessein pacifique à
venir sont pleins et entiers.
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