Ce que
personne ne vous a dit sur la loi « El Konnerie » !
Et c’est totalement invraisemblable, finalement. Vous
assistez, presqu’incrédules à la décomposition du paysage « syndicalo-politique »,
presqu’en direct, alors que globalement, au démarrage, ce projet de loi ne
trouvait que 18 % d’opinion défavorable : Pensez, simplifier le droit du
travail, absolument génial comme objectif !
D’ailleurs, j’ai été le premier (ou un des premiers) à
affirmer qu’il fallait le faire.
À la clé, une « souplesse » qui aurait
permis d’envisager des embauches nouvelles.
Les « intentions » (d'embauche) seraient d’ailleurs en
hausse d’après un sondage auprès d’une partie des 2,3 millions d’établissements
répertoriés par « Lyne-sait » (tout), pour environ 83.000 recensées : Une goutte d'eau dans la marée des millions de chômeurs décomptés, mais quand même.
Et puis vlan, une méga-fuite organisée en amont de la
présentation du papelard en Conseil des ministres (les meks ne savaient donc
même pas de quoi il retournait), et c’est la bronca généralisée : Défilé
de « syndicaleux », grève générale ici et ailleurs, les lycées et les
facultés qui montent au créneau et bloquent les « établissements du savoir »,
eux qui savent tout mieux que quiconque, des « zadistes » jusqu’au cœur
des parigots et des volées de bois-vert jusqu’au sein du parti des « soces ».
Formidable, non ?
Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que le
texte soit vidé peu-à-peu de sa substance ?
Et bien le débat en devient surréaliste !
D’un côté, le texte s’enkyste peu à peu comme un
symbole de plus de l’abandon par le « Capitaine-de-pédalo-à-la-fraise-des-bois »,
qui pédale en rond, autour du thème du « retournement de veste » de
toutes les valeurs de gauche foulées au pied !
Des polémiques qui nourrissent un fond de contestation
dont « la Nuit Debout » n’est que l’un des visages.
Pour « François III », elle est en tout cas
porteuse d’une défaite dès le premier tour aux prochaines élections
présidentielles.
D’un autre côté, elle se vide chaque jour un peu plus
de son substrat « libéral » parce que le gouvernement tente d’arrondir les
angles et fait des petits cadeaux aux contestataires.
Et dans ce contexte étrange, la mollesse du « boss
des boss » du MEDEF vis-à-vis d’un projet de loi de plus en plus éloigné
de ses intérêts ne manque pas de surprendre…
On l’a connu plus coriace sur le renoncement à
plafonner les indemnités de licenciement, sur la taxation supplémentaire des
CDD (dont l’intervention brouillonne de « François III » et de ses
ministres qui soufflent tour-à-tour le froid et le chaud, ne permet plus de
savoir si elle aura lieu ou pas), ou sur la confusion en matière de
licenciement économique.
Une « mollesse » qui met le président du
MEDEF en difficulté même en interne. Beaucoup de ses adhérents sont des
fédérations professionnelles où les petites entreprises sont majoritaires, ou
en tout cas influentes (on pense à l’intérim, au Syntec, à la Propreté, au
Bâtiment), et où le projet de loi passe mal.
La grogne est de plus en plus forte et le pousse, sans
doute contre son sentiment, à boycotter les prochaines négociations de l’assurance-chômage…
Curieux, non ?
D’autant qu’il arrondit les angles lui aussi et comme
il peut, et propose régulièrement de « ne
pas taper » sur le gouvernement.
En coulisse, il ne s’en cache pas : Il faut
épargner « Menuet-Valse » !
Mais quelle puce lui démange-t-elle l’oreille ?
Simple pour certaines mauvaises langues : Les affaires
du président du MEDEF appartiennent à la complexe galaxie de l’industrie
aéronautique gauloise, où se fâcher avec le gouvernement obéit à un art subtil.
Il est des sujets où l’on peut se livrer à un
véritable combat de boxe, comme la fiscalité des entreprises, et plus encore la
fiscalité des patrons.
Mais il est des sujets qui valent bien une messe
officielle : Jamais on ne verra un patron de l’aéronautique se fâcher avec le
pouvoir pour une histoire de droit du travail dans les petites entreprises !
Cette sensibilité patronale à l’influence
gouvernementale n’est pas propre à l’univers de l’aéronautique. Elle a aussi
joué à plein dans le secteur des travaux publics où l’ancien président de la
fédération éponyme, n’a jamais hésité à plaider pour la relance des
investissements publics massifs !
Un patron aussi peu libéral, c’est du pain béni pour
un « État-mange-tout » : On ne crache décidément pas dans la main
qui vous donne à manger !
Et les commandes publiques « achètent » les « patroneux »…
Ces alliances naturelles (et discrètes) qui rappellent
qu’il existe, comme aux États-Unis, un complexe militaro-industriel qui a tout
d’un gouvernement profond qui vous est inaccessible.
Les partenaires sociaux ont pu le vérifier dans
l’étrange cadeau que « François III » s’obstine à faire à « Pierrot-Gâte-gaz »
depuis plusieurs années : Reconnaître au MEDEF une présomption irréfragable de
représentativité quand ce dispositif inventé sous De Gaulle a été supprimé par « Bling-bling »
pour les syndicats de salariés.
Et oui, c’est dans le projet de loi présenté…
Le coup avait déjà été tenté avec la loi « Rab’ s’amène »
et c’est finalement l’article 19 de la loi « El-Konnerie » qui le
prévoit : Sans aucune mesure d’audience, le MEDEF devrait être officiellement
reconnu comme l’organisation patronale légalement majoritaire en « Gauloisie-des-boss ».
Un choix qui ne manque pas de surprendre, dans la
mesure où ceux qui connaissent un peu les milieux patronaux savent que le MEDEF
est un mouvement confédéral et non fédéral : Il reçoit les adhésions de
fédérations, et non d’entreprises !
Si l’on faisait directement voter les patrons pour un
syndicat patronal, le MEDEF ne remporterait certainement pas l’élection.
D’ailleurs, c’est complètement différent ailleurs et même
à la marge à la CGPME, par exemple : Les Fédé-locales, directement issues
des adhésions-terrain, participent activement à l’activité de la confédération
qui les représente.
D’ailleurs, elles sont parfois « très
indépendantes » de la conf’ de la Défense.
Le MEDEF n’est pas présent dans les terroirs, alors
que je peux témoigner de l’activisme de la CGPME un peu partout dans « les
pays », au service de leurs adhérents.
C’est d’ailleurs une évidence : La MEDEF n’est
finalement qu’une émanation des « Maîtres des forges », regroupés
dans leur syndicat des Industries métallurgiques et mécaniques (IUMM). Pensez
donc que le commerce, petit et grand, n’existe au MEDEF qu’à travers un seul
fauteuil d’administrateur attribué au CNC (Confédération Nationale du Commerce) !
C’est vous dire que la plupart adhère ailleurs.
Or, sans commerçant, l’industrie peut toujours aller
se brosser pour vous vendre au détail sa production : Il n’y a que les
constructeurs de bagnoles qui sont équipés pour faire face avec leurs réseaux
de concessions (qui leur coûte si cher à entretenir… mais comme c’est vous qui
payez, ce n’est pas bien grave pour eux !) : Je sais, j'y ai été.
Une stratégie du MEDEF qui consiste à graver dans le
marbre une représentativité imaginaire qui n’est pas un accident de l’histoire,
mais bien le produit d’un énième cafouillage d’un gouvernement dont la
cohérence fut plus d’une fois prise en défaut. Il s’agirait plutôt d’une
volonté affirmée de « François III » : Le MEDEF doit rester
l’organisation patronale majoritaire coûte-que-coûte.
Et l’enjeu ne se limite pas à une simple affaire de
mains serrées sous les ors des salons de la République : Elle a un impact
financier direct, puisque la représentativité patronale sert de clés de
répartition pour le fonds paritaire créé par la loi de mars 2014 (loi « Pas-sain »)
sur la formation professionnelle, tout simplement !
À l’occasion de
cette loi, on se souvient que le gouvernement a fait le choix de transformer
les différentes cotisations servant à financer les organisations syndicales en
une taxe nouvelle sur les salaires, infinitésimale certes, mais qui permet de
dégager bon an mal an 50 millions d’euros pour le « financement du paritarisme ».
Je me souviens qu’on m’avait fait le coût pour mes « petites-crèches » :
Elles étaient toutes affiliées à la « convention 51 » dite « FEHAP »
(des cliniques privées), pour des questions de commodité. Mes personnels y
étaient habitués pour être peu ou prou issus des formations et milieux
médicaux.
Et un décret d’extension voulait nous faire passer
d'autorité sous la « convention 84 » (des
centres sociaux), une sorte de « convention-collective-balai » pour
toute association employant des salariés.
Malcommode pour nos activités où les postes,
fonctions, responsabilités, compétences, diplômes et formations étaient totalement inconnus.
Mais la première chose que ces kons ont faite, c’était
de nous réclamer le paiement d’une cotisation et d’une participation au « financement
du paritarisme ».
Si !
Et avec sommation d’huissiers à tes frais !
J’ai refusé de payer et réussi, avec d’autres, à avoir
deux rescrits ministériels (du travail et de la famille) exonérant l’application
de « la 84 » pour tous adhérents à la « 51 ».
Sur cette cagnotte, la moitié va aux organisations de
salariés, et l’autre moitié aux organisations patronales. Elle rapporte environ
15 millions d’euros au MEDEF, soit un bon tiers de son budget.
Vous pigez mieux ?
Pour le MEDEF, le maintien de la représentativité est
donc un enjeu financier : Il permet de faire payer par les entreprises et les
salariés une part importante de ses frais de fonctionnement.
Mais pourquoi, se demandera-t-on, « François III »
tient-il absolument à asseoir le MEDEF (et pas seulement son patron) comme
l’interlocuteur patronal principal du gouvernement, en s’asseyant allègrement
sur les principes d’audience que « Bling-bling » avait imposés pour
les syndicats de salariés ?
Pour défaire une fois de plus ce que son prédécesseur
avait fait ?
Pas seulement car de ce fait, il apparaît finalement
infiniment moins respectueux de la démocratie sociale que n’a pu l’être son prédécesseur !
Deux raisons peuvent expliquer ce choix profondément
réactionnaire de la part d’un Président qui avait annoncé une grande lutte
(jamais menée) contre la finance.
– La première raison est circonstancielle. Les
élections approchent et « François III » aura besoin d’argent et de
soutiens pour sa campagne, d'autant que le nombre d'encartés s'épuise dramatiquement, s’il commet la folie qui lui tient à cœur de se
présenter à sa propre succession. En 2012, déjà, il avait pu compter sur le
soutien éclairé de quelques mécènes, dont son ancien camarade de promotion, le
boss d’Axa sur le départ.
Par les temps qui courent, un petit cadeau au MEDEF
n’est donc pas mal venu.
– La deuxième raison est plus profonde : Il est avant
tout un énarque de pure souche. Il aime l’économie conçue comme un « jardin
à l'anglaise », c’est-à-dire de grandes étendues de gazon tout-propre, débarrassées de toutes ses scories inutiles, de ses touffes colorées et disparates, que le directeur de la protection sociale de l’UIMM avait appelée, il y a
quelques mois, la « concurrence émiettée
».
Toutes ces petites entreprises, avec leurs patrons aux
mains calleuses, aux ongles sales, aux doigts tâchés de cambouis, au rire gras,
amateurs de mauvais vin, de calembours à la kon et de voitures clinquantes, pour
lui le prince régnant, c’est l’horreur !
Qu’ils végètent, pourquoi pas, mais à condition d’être
matraqués fiscalement en expiation de leurs fautes, mais qu’ils ne s’avisent
surtout pas de fréquenter les palais de la République.
Ceux-ci doivent être réservés aux gens fréquentables,
qui ont pignon sur rue dans des mouvements financés par les entreprises des
noyaux durs…
Et depuis, face à cet entre soi de cols blancs aux
bonnes manières, qui s’adressent des sourires de complaisance au bal de la
Cour, les mouvements patronaux alternatifs grondent et grognent. Une coalition
de laissés-pour-compte a même grossi les rangs des contestataires qui appellent
au retrait de la loi.
Elle rassemble l’UNAPL (mouvement des professions
libérales, qui espère depuis plusieurs années toucher le pactole du «
financement du paritarisme »), l’UDES (les patrons de l’économie sociale), et
l’UPA (Union des Artisans), alors que la CGPME préfère se partager le pactole
avec le MEDEF, l’allié aux élections professionnelles : On ne crache
toujours pas dans la main qui vous nourrit !
Le fait que l’UPA ait rejoint cette coalition est un
élément important. L’UPA est en effet reconnue comme représentative au niveau
nationale et constitue l’une des trois forces qui négocient les accords
interprofessionnels. Son ralliement à la contestation s’explique par le « tour
de cochon » que lui ont joué le MEDEF et la CGPME en signant un accord dans son
dos répartissant 90 % des voix d’autorité dans les structures paritaires, ni
plus ni moins.
Pour la CGPME, c’est un véritable dilemme qui s’ouvre.
D’un côté, demander le retrait de la loi à ce stade
est un exercice compliqué pour les raisons exposées ci-dessus : Le MEDEF a
passé un accord avec la CGPME pour se partager le magot du paritarisme sans
mesure effective de l’audience de ces organisations parmi le monde patronal.
Cette mesure de sécurisation et de consolidation dans un monde de plus en plus
précaire constitue un avantage important qu’il est difficile de jeter aux
oubliettes.
De ce point de vue, le MEDEF l’a joué fine en arrimant
à lui la CGPME dans cette aventure.
D’un autre côté, la grogne monte. Si le député « Sir-aigu »,
rapporteur de la loi, a « fait le taf » en adaptant la définition du
licenciement économique aux problématiques des petites et très petites
entreprises, la taxation des CDD constitue un casus belli majeur. Pour l’instant, l’équilibre est encore
suffisant dans la loi pour ne pas appeler à son retrait, mais il ne faudrait
pas de goutte d’eau supplémentaire.
Un amendement malheureux, une concession nouvelle du
gouvernement, mettrait en effet la CGPME au bord d’un précipice…
Et c’est le sens caché de l’intervention du « Boss des
boss » en conférence de presse ce mardi dernier. Le président du MEDEF a
même menacé, comme la CGPME l'a confirmer plus tard, de quitter la table de négociation si le
gouvernement ne revenait pas à de meilleures intentions.
La pression des fédérations a fait son œuvre.
Bref, les enjeux de la loi « El-Konnerie »
sont de plus en plus internes au monde patronal, à défaut d’espérer encore créer
de l’emploi.
Et il n’en faudrait pas beaucoup plus pour que les
patrons, à leur tour, réclament son retrait.
D’autant que le MEDEF a fait son boulot sur une autre
question, celle de la retenue à la source, assez peu contestée dans ses rangs,
quand il a s’agit d’espérer de se charger de la prélever avec un taux de
recouvrement prévisionnel de l’ordre de 99,9 %.
Et ainsi de transformer les entreprises en auxiliaire
du fisc, en mobilisant des milliers de personnes pour ajuster les taux tous les
mois en fonction du mariage, du divorce, du décès, du déménagement ou du sens
du vent et de la force des vagues…
Une source d’informations précieuses et inespérée pour
gérer « finement » leurs effectifs pléthoriques !
Alors que dans les PME et TPE, voire même les ETI, l’intérêt
reste limité, voire se transforme en contrainte supplémentaire qui va probablement gâcher, en plus,
les fragiles équilibres sociaux dans les entreprises.
Si le Medef n’a rien dit et n’a pipé mot, c’est parce
qu’il devait y avoir la loi « El Konnerie » et que cette loi valait « bien
une messe », en l’occurrence un prélèvement à la source qui va emmerder
toutes les entreprises et se transformer en sac de nœud monumental, mais les
gains par ailleurs étaient tels que l’on pouvait faire cette concession.
Dès lors, si le MEDEF n’a pas sa loi « El Konnerie »
et son article 19, mais en plus les CDD qui vont lui coûter plus cher et, enfin, qu’il
devra prélever l’impôt dont ils seront tenus responsables, là tout devient possible…
Autrement dit, il vient de se faire enfler dans les
grandes largeurs !
Et comme le MEDEF n’est pas bon joueur, il va passer à
l’antijeu !
Et l’antijeu, c’est la grève du recrutement, c’est le
blocage des instances paritaires pour laisser le gouvernement légiférer et
c’est mettre des bâtons dans les roues à un gouvernement en bout de course en
attendant le suivant !
Pour le moment, le MEDEF, et sauf rebondissement ces
prochains jours, se contente d’un ultimatum au sujet de la convention de l’assurance
chômage, ultimatum ne servant pas à grand-chose et avant tout symbolique.
C’est après que les choses vont se compliquer pour le
gouvernement.
Quand les entreprises expliqueront aux salariés que ça
va être très, très compliqué la retenue à la source, personne n’en voudra et,
soit « François III » devra reculer une nouvelle fois et à quelques semaines des
présidentielles, soit il les perdra sur ce sujet ou celui de l’emploi.
Cette gestion « syndicalo-politique »
de l’intérêt supérieur de la Nation (et très accessoirement de l’ensemble de
ses citoyens) est finalement effrayante par sa capacité à se créer elle-même
les conditions de ses propres problèmes, comme si ceux existants naturellement
n’étaient pas suffisants !
Notons enfin, qu’il n’y a pas plus facile pour les
entreprises que de s’assurer de l’impossibilité totale pour le « Capitaine-de-pédalo-à-la-fraise-des-bois »
d’inverser la courbe du chômage, voire même de l’augmenter histoire de bien
achever ce quinquennat-perdu et minable en freinant des « quatre-fers »
en attendant l’arrivée d’un nouveau président.
C’est peut-être le meilleur service que rendra le
MEDEF à ce pays (celui que j’aime tant…).
Mais bon, il reste toujours la possibilité que ces « plans
sur la comète » se fracassent sur « Le Front » : C’est le
peuple qui en décidera !
Et là, plus personne n’en rigolera comme aujourd’hui…
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