Risque pénal à la clé !
L’employeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité
pénale pour défaut de visite médicale d’embauche, même s'il a procédé à la
déclaration préalable à l’embauche.
Il doit, en principe, lors de tout recrutement,
procéder à une déclaration préalable à l'embauche. En vertu de l'article R
1221-2 du Code du travail, cette déclaration vaut notamment demande d'examen
médical d'embauche.
Toutefois, la chambre criminelle de la Cour de
cassation juge que cette formalité n'exonère pas l'employeur de son obligation
de s'assurer que la visite médicale a bien eu lieu ni, en conséquence, de sa
responsabilité pénale si tel n'est pas le cas.
Jugeant ainsi, la chambre criminelle prend une
position comparable à celle de la chambre sociale. Celle-ci a en effet considéré
que, dans ce cas, l'employeur n'était pas exonéré de sa responsabilité civile
(Cass. soc. 18-12-2013 n° 12-15.454).
Confirmation de la chambre criminelle :
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu
l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société TPNG Crystal Event,
- M. Alain X...,
- M. Franck X...,
contre l'arrêt n° 1 de la cour d'appel de PARIS,
chambre 6-1, en date du 14 octobre 2014, qui, pour embauche de salariés sans
examen médical préalable, les a condamnés, la première, à 294 amendes de 100
euros avec sursis, le deuxième et le troisième, à 294 amendes de 50 euros avec
sursis ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique
du 17 novembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article
567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Monfort,
conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller MONFORT, les
observations de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et
TEXIDOR, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE
;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation
des articles 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août
1789, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4 et 122-2 du
code pénal, R. 1221-16, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, R.
4624-10, R. 4745-3, D. 4622-14 et D. 4622-22 du code du travail, 591 et 593 du
code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société
TPNG coupable de l'infraction d'embauche de salariés sans avoir fait procéder à
une visite médicale et l'a condamnée à 294 amendes contraventionnelles de 100
euros et déclaré MM. Alain X... et Franck X... coupables de l'infraction
d'embauche de salariés sans avoir fait procéder à une visite médicale et les a
condamnés, chacun, à 294 amendes contraventionnelles de 50 euros avec sursis ;
" aux motifs que les appels interjetés à titre
principal par la société TPNG et par MM. Franck X... et Alain X..., gérants de
cette société, ainsi que les appels incidents du procureur de la République,
sont réguliers pour avoir été interjetés dans les forme et délai légaux ; qu'à
l'audience, le représentant du ministère public requiert la confirmation du
jugement sur la culpabilité et une dispense de peine en répression des
infractions commises au préjudice des salariés ayant travaillé moins de quinze
jours et des amendes de 25 euros en répression des infractions commises par la
société, 10 euros en répression des infractions commises par les gérants au
préjudice des salariés ayant travaillé plus de quinze jours ; que les prévenus
font plaider, dans les termes de leurs conclusions, leur relaxe à titre
principal, subsidiairement une dispense de peine, à titre infiniment
subsidiaire, le prononcé d'une amende d'un montant symbolique, en tout état de
cause une dispense d'inscription de la condamnation au casier judiciaire en
application de l'article 132-59 du code pénal ou de l'article 775-1 du code de
procédure pénale ; que le tribunal a exactement et complètement rapporté la
prévention, la procédure et les faits de la cause dans un exposé auquel la cour
se réfère expressément ; qu'il suffit de rappeler que, suivant procès-verbal
concernant l'embauche de salariés sans faire procéder à un examen médical
dressé le 11 août 2011, l'inspection du travail a constaté lors d'un contrôle
effectué le 27 mai, que les 294 salariés de la société TPNG, société de
prestation d'accueil téléphonique ou sur site et de télémarketing, ayant
effectivement travaillé en qualité d'hôtes au cours du mois d'avril 2011
n'avaient jamais fait l'objet de la visite médicale prévue par les articles R.
4624-10 à R. 4624-14 et R. 4625-9 du code du travail ; qu'il appartient aux
prévenus de rapporter la preuve contraire aux constations de l'inspection du
travail ; qu'aux termes de l'article R. 4624-10 du code du travail, le salarié
bénéficie, avant l'embauche ou, au plus tard, avant l'expiration de la période
d'essai, d'un examen médical par le médecin du travail destiné en particulier à
vérifier l'aptitude du salarié à son emploi ; que l'article R. 4745-3 dispose
que le fait d'embaucher un salarié sans faire procéder à cet examen médical
constitue une infraction réprimée par une contravention de 5ème classe
; qu'en défense, le conseil des prévenus invoque l'imprécision des textes
fondant la prévention, l'impossibilité matérielle, admise par le centre inter-entreprise
et artisanal de santé au travail (CIAMT), des visites médicales d'embauche de
salariés sous contrats de très faible durée, qu'il s'agisse de CDD ou de CDI,
ainsi que la défection de certains salariés ; qu'il soutient que
l'enregistrement de la déclaration unique d'embauche, souscrite auprès de
l'URSSAF, entraîne automatiquement avis transmis à la médecine du travail ce
qui permet de démontrer que l'employeur a fait preuve de diligences suffisantes
pour respecter les dispositions de l'article R. 4624-10 du code du travail ;
qu'en n'assurant pas l'effectivité de son obligation de sécurité jusqu'à
s'assurer de la réalisation par le médecin du travail, préalablement à
l'embauche et au plus tard avant l'expiration de la période d'essai, de la visite
médicale destinée à vérifier l'aptitude du salarié à occuper un poste,
l'employeur, qui ne peut s'exonérer de cette obligation ressortant précisément
des textes susvisés en invoquant la tolérance du CIAMT et l'impossibilité
matérielle de mettre son obligation en œuvre, s'agissant des contrats d'hôtes,
parfaitement similaires aux contrats saisonniers des salariés ayant travaillé
moins de quarante-cinq jours, a commis les infractions poursuivies ; qu'eu
égard aux circonstances de la commission des infractions et à la personnalité
des prévenus, ainsi qu'à la situation de la société, il convient de faire une
application modérée de la loi pénale ; que, si les conditions pour une dispense
de peine ne sont pas réunies, il y a lieu d'assortir du sursis simple les
peines prononcées par le premier juge et d'exclure la mention de ces
condamnations du bulletin numéro deux du casier judiciaire des intéressés ;
" 1°) alors qu'il résulte de l'article R. 4624-10
du code du travail que le salarié bénéficie d'un examen médical par le médecin
du travail avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période
d'essai ; qu'il résulte de l'article R. 1221-16 du même code, dans sa rédaction
en vigueur à l'époque des faits, que la demande d'examen médical d'embauche est
réalisée par le biais de la déclaration unique d'embauche ; qu'il en résulte
que l'entreprise, adhérente à un service de santé au travail interentreprises,
au regard de ses effectifs, respecte les obligations légales et réglementaires
mises à sa charge en matière de visite médicale d'embauche en procédant à une
demande d'examen médical d'embauche en même temps que la déclaration unique
d'embauche, sans que puisse lui être imputée l'absence de diligence du service
de santé au travail pour permettre le déroulement effectif d'une telle visite
médicale d'embauche ; que les prévenus justifiaient avoir, pour chacun des
salariés concernés, procédé à une demande d'examen médical, par le biais de la
déclaration unique d'embauche, qui avait été reçue par le service
interentreprises de santé au travail auquel l'entreprise était adhérente et que
ce dernier n'avait pas donné suite à cette demande du fait que la relation de
travail avait pris fin au moment où il était en mesure de convoquer les
salariés concernés ; qu'en déclarant néanmoins les prévenus coupables de
l'infraction d'embauche de salariés sans avoir fait procéder à une visite
médicale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que les infractions pénales doivent
être définies de manière claire et précise et que la loi pénale est
d'interprétation stricte ; que l'article R. 4745-3 du code du travail punit
d'une amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, le fait de
méconnaître les dispositions relatives à l'action du médecin du travail prévues
à l'article L. 4624-1 du même code et celles des décrets pris pour leur
application ; qu'en se fondant sur une obligation générale de sécurité dont les
prévenus n'aurait pas assuré l'effectivité pour les déclarer coupables
d'embauche sans faire procéder à une visite médicale, nonobstant leurs demandes
formulées conformément à la réglementation en vigueur auprès de la médecine du
travail, sans caractériser le moindre obstacle à l'action de cette dernière
émanant des prévenus, la cour d'appel a violé les principes et textes susvisés
" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de procédure que la société TPNG, qui exerce notamment une activité de
marketing téléphonique, de distribution de prospectus et d'accueil de visiteurs
pour le compte de clients, et emploie à cet effet des salariés pour de très
courtes durées, a fait l'objet d'une visite de l'inspection du travail, qui a
relevé à son encontre, pour le mois d'avril 2011, une infraction d'embauche de
294 salariés sans visite médicale préalable ; qu'au vu du procès-verbal dressé
par l'inspecteur du travail, le procureur de la République a fait citer de ce
chef devant le tribunal de police la société TPNG ainsi que ses deux cogérants,
MM. Alain et Franck X... ; que le tribunal les ayant retenus dans les liens de
la prévention, les prévenus ont relevé appel du jugement, ainsi que le
ministère public ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, et écarter
l'argument des prévenus, qui soutenaient qu'il était impossible, ainsi que l'admettait
le centre inter-entreprise et artisanal de santé au travail (CIAMT) auquel la
société adhérait, de réaliser des visites médicales avant leur embauche pour
les salariés de très faible durée, et qui faisaient valoir que l'envoi à
l'URSSAF de la déclaration unique d'embauche, entraînant automatiquement la
transmission d'un avis à la médecine du travail, démontrait l'accomplissement
des diligences qui leur incombaient en la matière, l'arrêt retient qu'en
n'assurant pas l'effectivité de son obligation de sécurité jusqu'à s'assurer de
la réalisation par le médecin du travail, préalablement à l'embauche et au plus
tard avant l'expiration de la période d'essai, de la visite médicale destinée à
vérifier l'aptitude du salarié à occuper un poste, l'employeur, qui ne peut
s'exonérer de cette obligation en invoquant la tolérance du CIAMT et
l'impossibilité matérielle de mettre son obligation en œuvre, a commis les
infractions poursuivies ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a
justifié sa décision, dès lors que l'entreprise en cause ne pouvait se réclamer
d'aucune exception légale à l'obligation posée par l'article R. 4624-10 du code
du travail, et que l'envoi à l'URSSAF de la déclaration unique d'embauche,
comprenant une demande d'examen médical d'embauche, ne dispense pas l'employeur
d'assurer l'effectivité de cet examen ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
criminelle, et prononcé par le président le douze janvier deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le
président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Tenu jusque-là d'une obligation de sécurité de résultat (ça va changer avec la section 5 de la loi « El-konnerie » si elle est adoptée en l'état),
l'employeur peut ainsi être condamné à verser des dommages-intérêts au salarié
pour le préjudice nécessairement subi du fait de l'absence de visites médicales
(Cass. soc. 5-10-2010 n° 09-40.913 ; 12-2-2014 n° 12-26.241) même, a-t-il été
jugé récemment, dans le cas où le défaut de visites est dû aux difficultés
rencontrées par le service dans son organisation (Cass. soc. 9-12-2015 n°
14-20.377).
Rappelons toutefois que dans ce cas l'employeur peut
se retourner contre le service de santé (Cass. 1er civ. 19-12-2013
n° 12-25.056).
Le cas échéant, le défaut de visite médicale peut
justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié
s'il empêche la poursuite de son exécution (Cass. soc. 18-2-2015 n° 13-21.804).
L'arrêt de la chambre criminelle permet par ailleurs
de rappeler que l'examen d'embauche est obligatoire même si les salariés sont
embauchés pour de courtes durées (Cass. soc. 18-2-2015 n° 13-21.804).
En l'espèce, la société exerçait notamment une
activité de marketing téléphonique et de distribution de prospectus pour
laquelle elle employait des salariés pour de très courtes périodes. L'employeur
faisait valoir l'impossibilité reconnue par le service de santé d'organiser les
visites médicales pendant ce laps de temps. Pour la Cour de cassation, cette
impossibilité matérielle ne le dispense pas d'assurer l'effectivité des examens
médicaux.
Une exception à l'obligation d'une visite d'embauche
est toutefois prévue par l'article D. 4625-22 du Code du travail pour les
salariés saisonniers recrutés pour une durée inférieure à 45 jours.
Mais pas de chance, dans le télémarketing, il n’y a
pas de saison, seulement des pics d’activité.
En attendant, vous aurez noté que l’amende réduite par
la cour d’appel est nettement moins chère que la visite elle-même : De
quoi tenter le diable, n’est-ce pas ?
Ira-t-on un jour jusqu'à virer tous les salariés embauchés à la fin
de leur période d’essai pour ajouter des coûts aux coûts et éviter les amendes de
l’inspection du travail ?
Quand je vous affirme que le contrat de travail est
moribond…
Bonne fin de week-end à toutes et tous !
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