Pour faire
plaisir à notre ami « Jacques » !
Mon
« conseiller omnipotent » émet toujours des avis tranchés dans ses
commentaires comme dans ses « billets », même sur des questions qu’il
ne maîtrise pas forcément.
Je vous
rappelle à l’occasion que c’est grâce à lui que je me suis mis à
« bloguer » il y a bien 10 ans de ça. Peut-être plus : Plus
facile de faire une « réponse » argumentée sur un blog que dans les fenêtres
toujours « étroites » dédiées aux commentaires…
Et
puis, j’ai évolué au fil du temps.
Là, je
prends un peu de votre dimanche (et quelques autres) pour vous faire faire
l’exercice de préparer une décision capitale, puisque « en
cassation » et sans possibilité d’autres recours (hors la CEDH ou la
CJCE), notre plus haut degré de juridiction (exceptés le Tribunal des Conflits
et le Conseil Constitutionnel qui est seul compétent pour juger de la
constitutionnalité d’une loi)
Je vous
propose le texte du rapporteur, divisé en plusieurs posts, pour saisir tout le
travail éminemment pointu dont il s’agit.
D’abord
les faits et procédure :
Décision attaquée : 05/06/2014 de Chambre de
l'instruction de la cour d'appel de Paris - chambre 1-7
MM. X... et Y... C/
_________________
RAPPORT
1 -
Rappel des faits et de la procédure
Le 16 février 2012, un vol était commis dans une
bijouterie du Vésinet au cours duquel les vendeuses étaient tenues en respect
sous la menace d’une arme de poing et une cliente, âgée de 87 ans, se blessait
en tombant après avoir été poussée par l’un des trois agresseurs, lesquels
portaient des cagoules et des gants.
Après s’être emparés des bijoux, ceux-ci prenaient la
fuite dans un véhicule volé et faussement immatriculé, percutant volontairement
une automobile pour se frayer un passage.
Le véhicule utilisé par les malfaiteurs, retrouvé
incendié ultérieurement, avait été filmé peu avant les faits par une caméra
vidéo installé à bord d’un véhicule de patrouille de la police nationale.
Le sang prélevé sur l’une des vitrines brisées de la
bijouterie permettait d’identifier M. Faycal Z....
Une recherche parmi les proches de ce dernier
permettait de constater que M. Meshal X... présentait une ressemblance avec
l’un des individus filmés le matin des faits par les policiers.
Une information judiciaire contre X était ouverte le
29 février 2012 des chefs de vols avec arme, recel de vol, usurpation de
plaques d’immatriculation, destruction d’un bien par incendie.
Les investigations poursuivies sur commissions
rogatoires du juge d’instruction laissaient penser à la préparation d’une
nouvelle opération.
Aussi, le 26 avril 2012, un réquisitoire supplétif
était pris du chef d’association de malfaiteurs et visait, s’agissant du vol
avec arme commis au Vésinet le 16 février 2012, la circonstance aggravante de
la bande organisée.
En septembre suivant, les enquêteurs apprenaient que
M. Z... se trouvait en détention provisoire depuis le mois d’août dans le cadre
d’une procédure pour infractions à la législation sur les stupéfiants.
À la demande des enquêteurs, le juge d’instruction
autorisait, par ordonnance du 17 septembre 2012, la sonorisation de deux geôles
de garde à vue au commissariat de Fontenay-le-Fleury, du 24 au 28 septembre et
délivrait à cette fin une commission rogatoire.
L’ordonnance était ainsi rédigée:
“Vu les articles
706-96 et 706-102 du code de procédure pénale : Attendu que l’information porte
notamment sur des faits de vol avec arme en bande organisée, association de
malfaiteurs, crime et délit entrant dans le champ d’application de l’article
706-73 du code de procédure pénale ; Attendu que l’ADN de Fayçal Z... a été
retrouvé sur les lieux de commission de l’infraction ; que, néanmoins, les
témoins de la scène ont décrit trois agresseurs, que les deux co-auteurs
restent à identifier ; Attendu que des écoutes téléphoniques ont permis de
mettre en évidence des relations très fréquentes entre Fayçal Z... et X... ;
que, de plus, ceux-ci paraissent évoquer les faits lors de l’une des
conversations enregistrées ; qu’eu égard à la difficulté, pour les enquêteurs,
de rassembler de nouveaux éléments de preuve, il apparaît indispensable à la
manifestation de la vérité de procéder à la sonorisation de l’intérieur des
cellules de garde à vue que les personnes soupçonnées vont occuper ; Attendu
que la sonorisation de ces geôles permettra en effet aux enquêteurs de
recueillir des informations sur les faits visés aux réquisitoires introductif
et supplétifs et de déterminer le rôle de chacun des mis en cause, leurs
relations et le déroulement des faits si les gardés à vue tentent de
communiquer entre eux malgré l’interdiction qui leur en sera faite, que cette
sonorisation devra être mise en place durant tout le temps de la garde à vue
soit pour une durée de quatre jours”.
Le 24 septembre 2012, M. X... était interpellé à son
domicile et placé en garde à vue, mesure au cours de laquelle il niait toute
implication dans le vol.
Extrait de la maison d’arrêt et également placé en
garde à vue le même jour, M. Z... reconnaissait les faits, refusant toutefois
de dévoiler le nom des personnes qui l’accompagnaient.
Dans la nuit, les conversations des deux gardés à vue,
installés dans des cellules contiguës, étaient enregistrées. Il en ressortait
que M. X... confiait à M. Z... qu’il s’était bien reconnu sur la vidéo filmée
par les services de police peu avant le vol, contrairement à ce qu’il venait de
déclarer aux policiers. Il demandait, moyennant finances, à M. Z... de le
disculper. Ce dernier déclarait être rassuré par le fait que “sa femme avait tout jeté ce qu’il y avait
dans la maison”. Les enregistrements indiquaient encore que M. Z... avait
pris une part prépondérante dans la violence exercée contre la cliente dans la
bijouterie et qu’il en avait accusé un certain “A...”. Par ailleurs, un certain
“B...” était désigné comme ayant effectué leur transport et ayant assisté à
l’incendie volontaire du véhicule volé.
Ultérieurement, M. X... était formellement identifié
par la conductrice du véhicule percuté.
MM. Z... et X... étaient mis en examen le 27 septembre
2012 et placés en détention provisoire.
L’exploitation des propos interceptés au cours des
gardes à vue permettait d’identifier MM. Liamine C... et Abdelgrani Y.... Ils
étaient, à leur tour, mis en examen respectivement les 27 février et 20
septembre 2013.
* * *
Le 7 mars 2013, les conseils de M. X... ont déposé une
requête en annulation d’actes de la procédure parmi lesquels la garde à vue de
leur client et la sonorisation des cellules de garde à vue.
Par arrêt du 4 juillet 2013, leur requête a été
rejetée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles.
Sur le pourvoi de M. X..., la chambre criminelle a,
par arrêt du 7 janvier 2014 (Crim., 7 janvier 2014, pourvoi n° 13-85.246, Bull.
crim. 2014, n° 11), prononcé la cassation de cette décision et renvoyé l’examen
de la cause devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.
Cette cassation a été prononcée dans les termes
suivants :
“Vu l'article 6
de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du
code de procédure pénale, ensemble le principe de loyauté des preuves ; Attendu
que porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des
preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de l'autorité
publique ; (...) Attendu que, pour écarter les moyens de nullité des
procès-verbaux de placement et d'auditions en garde à vue, des pièces
d'exécution de la commission rogatoire technique relative à la sonorisation des
cellules de garde à vue et de la mise en examen, pris de la violation du droit
de se taire, du droit au respect de la vie privée et de la déloyauté dans la
recherche de la preuve, la chambre de l'instruction énonce que le mode de
recueil de la preuve associant la garde à vue et la sonorisation des cellules de
la garde à vue ne doit pas être considéré comme déloyal ou susceptible de
porter atteinte aux droits de la défense, dès lors que les règles relatives à
la garde à vue et les droits inhérents à cette mesure ont été respectés et que
la sonorisation a été menée conformément aux restrictions et aux règles
procédurales protectrices des droits fondamentaux posées expressément par la
commission rogatoire du juge d'instruction et qu'il peut être discuté tout au
long de la procédure ; Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la
conjugaison des mesures de garde à vue, du placement de MM. Z... et X... dans
des cellules contiguës et de la sonorisation des locaux participait d'un
stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves, lequel a
amené M. X... à s'incriminer lui-même au cours de sa garde à vue, la chambre de
l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé”.
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de
Paris, cour de renvoi a, par arrêt du 5 juin 2014, rejeté à son tour la requête
en annulation.
Pour statuer comme elle a fait, elle a retenu, en
substance, les motifs suivants :
-
plusieurs éléments issus de l’enquête constituaient des raisons plausibles de
soupçonner que M. X... avait pu participer au crime et aux délits visés dans
les réquisitoires introductif et supplétif et justifiaient son placement en
garde à vue, conformément aux exigences de l'article 62-2, alinéa 1, du code de
procédure pénale (il avait été filmé, une heure avant les faits, en compagnie
de trois autres individus à proximité du véhicule volé et faussement
immatriculé qui allait être utilisé pour commettre le vol au préjudice de la
bijouterie ; au moment de la commission des faits, il n'émettait ni ne recevait
d'appel téléphonique alors qu'après les faits il était fréquemment en relation
avec M. Z..., dont l'ADN avait été relevé dans la bijouterie ; pour téléphoner,
il utilisait des taxiphones ou des mobiles aux noms de tiers ou encore il
employait un langage codé et donnait des rendez-vous en des lieux difficiles à
surveiller ou non identifiables).
-
l’ordonnance autorisant la captation et l'enregistrement de paroles, prise en
application de l'article 706-96 du code de procédure pénale, est motivée et
accompagnée d’une commission rogatoire spéciale. Par ailleurs, le législateur
qui a exclu la sonorisation des cabinets d’avocats, de médecins, de notaires et
d’huissiers ainsi que des domiciles des avocats et des locaux des entreprises
de presse, ne l'a pas interdite pour les cellules de garde à vue.
- le
droit au silence ne s'applique qu'aux auditions et non aux périodes de repos,
et à défaut de démontrer que les gardés à vue auraient été incités par les
enquêteurs à discuter pendant les temps de repos, il n’y a pas de violation du
droit de se taire.
- en
matière de sonorisation, l’ingérence de l’autorité publique est, conformément à
l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales (ci-après “Convention européenne”), prévue par une loi
est ordonnée par un juge indépendant et impartial sous le contrôle duquel elle
s’exécute. Par ailleurs, la cour d’appel relève que le choix de la sonorisation
répondait aux critères de proportionnalité et de nécessité dans la mesure où il
a été décidé après que les enquêteurs eurent réalisé tous les actes d'enquête
possibles (écoutes téléphoniques, analyses de téléphonie, filatures,
surveillances de domiciles, recherches administratives et bancaires, auditions
de témoins, recherches techniques et scientifiques, comparaisons de boîtiers
téléphoniques, présentations de photographies de suspects, etc.). Il est
également précisé que la notion même de garde à vue est exclusive de celle de
vie privée, les personnes gardées à vue devant faire l'objet d'une surveillance
constante pour assurer leur sécurité, celle des autres et la protection des
locaux qu'elles occupent, y compris pendant les périodes de repos.
-
enfin, prenant en considération la conjugaison des deux mesures, la cour
d’appel retient qu’aucune disposition légale n'interdit de mettre en œuvre
simultanément deux moyens d'investigation. La garde à vue de M. X... n'avait
pas pour unique objet la réalisation de la sonorisation, mais était
juridiquement fondée au regard des éléments déjà réunis à son encontre. Les
enquêteurs n’ont à aucun moment incité les deux suspects à parler entre eux, le
juge d’instruction ayant même précisé dans son ordonnance qu'il devait être
donné l'interdiction aux gardés à vue de communiquer.
La cour
d’appel déduit de l’ensemble de ces éléments que, dans le cas d’espèce, la
sonorisation des cellules de garde à vue ne constitue ni un détournement des
dispositions encadrant la garde à vue, ni une atteinte au principe de la
loyauté des preuves, ni une atteinte à la vie privée.
MM. X... et Y... ont formé chacun un pourvoi en
cassation, respectivement les 6 et 19 juin 2014.
Le président de la chambre criminelle en a ordonné
l’examen immédiat.
La SCP Spinosi-Sureau a produit, le 4 août 2014, un
mémoire pour M.X... tendant à la cassation de l’arrêt attaqué.
En revanche, aucun mémoire n’a été déposé pour M.
Y..., dont la demande d’aide juridictionnelle, présentée le 28 août 2014, a été
déclarée irrecevable le 2 septembre suivant. L’intéressé a, le 4 septembre
2014, reçu notification de cette décision.
Par arrêt du 15 octobre 2014, la chambre criminelle a
ordonné le renvoi de l'affaire devant l’Assemblée plénière de la Cour de
cassation.
Puis un
« premier jet » :
2 - Analyse succincte des moyens
Deux moyens de cassation sont présentés au soutien du
pourvoi.
Le premier moyen, composé de quatre branches, fait
grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à annulation des procès-verbaux relatifs
à la sonorisation des cellules de garde à vue. Il est tiré de la violation du
principe de loyauté des preuves, des articles 6 de la Convention européenne,
préliminaire, 62-2, 63-1, 706-96, 591 et 593 du code de procédure pénale.
La première branche soutient que la conjugaison du
placement en garde à vue de deux personnes dans des cellules contiguës et de la
sonorisation de celles-ci a participé d’un stratagème constituant un procédé
déloyal de recherche des preuves, lequel a amené l’une de ces personnes à
s’incriminer au cours de sa garde à vue.
La deuxième branche fait valoir que la sonorisation,
fût-elle prévue par la loi, ne saurait être mise en œuvre durant le repos d’une
personne gardée à vue sans porter une atteinte intolérable aux droits de la
défense.
La troisième branche invoque un détournement de
procédure en soutenant que la garde à vue comme la mesure de sonorisation ont
été planifiées à l’avance en vue d’une sonorisation de la cellule de l’exposant
ainsi que de celle d’une autre personne impliquée dans l’affaire.
Enfin, la quatrième branche repose sur le droit de se
taire et de ne pas s’auto-incriminer. La sonorisation des cellules visant à
surprendre les propos de la personne gardée à vue durant son temps de repos
serait manifestement contraire à l’article 63-1 du code de procédure pénale et
à l’article 6 de la Convention européenne.
Trois des quatre branches du premier moyen sont
rédigées dans des termes identiques aux première, troisième et quatrième
branches du pourvoi dirigé contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la
cour d’appel de Versailles. Seule la première branche est rédigée dans des termes
différents, bien que proches. Elle reprend, mot pour mot, la motivation de
l’arrêt de cassation du 7 janvier 2014.
Le second moyen, développé en deux branches, fait le
même grief. Il est pris de la violation des articles 8 de la Convention
européenne, préliminaire, 62-2, 63-1, 706-96, 591 et 593 du code de procédure
pénale.
La première branche reproche à la chambre de
l’instruction de considérer que la notion de garde à vue est exclusive de celle
de vie privée, alors qu’il résulte de la jurisprudence européenne que
l’enregistrement des voix des suspects lors de leur inculpation et à
l’intérieur de leur cellule constitue une ingérence dans leur droit au respect
de leur vie privée au sens de l’article 8 de la Convention européenne.
La seconde branche dénonce l’absence de base légale ou
jurisprudentielle pour autoriser l’enregistrement des voix des personnes
placées en garde à vue. Il est observé que si l’article 706-96 du code de
procédure pénale autorise la sonorisation en tous lieux privés ou publics, en matière
de criminalité organisée, aucune disposition légale ni aucune jurisprudence ne
permettait à M. X... de prévoir que ses propos tenus en garde à vue durant le
temps de repos étaient susceptibles d’être enregistrés. En conséquence, ce
texte ne constituerait pas une base légale suffisamment précise et prévisible.
La seconde branche du moyen est rédigée dans les mêmes
termes que la cinquième branche du pourvoi qui a attaqué l’arrêt de la chambre
de l’instruction de la cour d’appel de Versailles.
En revanche, la première branche du moyen est formulée
différemment.
Ensuite vient
la question de droit à trancher :
3 - Identification du ou des points de droit faisant
difficulté à juger
La question de principe qui nécessite la réunion de
l’Assemblée plénière nous invite à réfléchir à la sonorisation des cellules de
garde à vue dans lesquelles ont été placées deux personnes suspectées d’avoir
commis ensemble un vol à main armée et à déterminer si ce procédé constitue un mode
de preuve déloyal et porte atteinte à la vie privée, au droit de se taire et
aux droits de la défense.
Et
on aborde les sources du droit applicable :
4 - Discussion citant les références de jurisprudence
et de doctrine
4.1 Les textes applicables
4.1.1 Convention de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales
Article 6 § 1 – Droit à un procès équitable
“Toute personne
a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un
délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi,
qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère
civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre
elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle
d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou
une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la
sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des
mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou
dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des
circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux
intérêts de la justice”.
Article 8 – Droit au respect de la vie privée et
familiale
“1 Toute
personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et
de sa correspondance. 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique
dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par
la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est
nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions
pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des
droits et libertés d'autrui”.
4.1.2 Code de procédure pénale
Article préliminaire : “I.-La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et
préserver l'équilibre des droits des parties. Elle doit garantir la séparation
des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement. Les
personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les
mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles. II (...)
III.-Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa
culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence
sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi.
(...) Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne
fait l'objet dans un délai raisonnable. Toute personne condamnée a le droit de
faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. En matière criminelle
et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une
personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu
s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui”.
Article 62-2 : “La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de
police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une
personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles
de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni
d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.
Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des
objectifs suivants : 1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la
présence ou la participation de la personne ; 2° Garantir la présentation de la
personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse
apprécier la suite à donner à l'enquête ; 3° Empêcher que la personne ne
modifie les preuves ou indices matériels ; 4° Empêcher que la personne ne fasse
pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches
; 5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes
susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ; 6° Garantir la mise en œuvre
des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit”.
Article 63-1 : “La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un
officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de
police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen du
formulaire prévu au treizième alinéa : 1° De son placement en garde à vue ainsi
que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut
faire l'objet ; 2° De la qualification, de la date et du lieu présumés de
l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ainsi
que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2 justifiant son
placement en garde à vue ; 3° Du fait qu'elle bénéficie : - du droit de faire
prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité
étrangère, les autorités consulaires de l'Etat dont elle est ressortissante,
conformément à l'article 63-2 ; - du droit d'être examinée par un médecin,
conformément à l'article 63-3 ; - du droit d'être assistée par un avocat,
conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ; - s'il y a lieu, du droit d'être
assistée par un interprète ; - du droit de consulter, dans les meilleurs délais
et au plus tard avant l'éventuelle prolongation de la garde à vue, les
documents mentionnés à l'article 63-4-1 ; - du droit de présenter des observations
au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge des libertés et de la
détention, lorsque ce magistrat se prononce sur l'éventuelle prolongation de la
garde à vue, tendant à ce qu'il soit mis fin à cette mesure. Si la personne
n'est pas présentée devant le magistrat, elle peut faire connaître oralement
ses observations dans un procès-verbal d'audition, qui est communiqué à
celui-ci avant qu'il ne statue sur la prolongation de la mesure ; - du droit,
lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des
déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
(...)”.
Article 706-96 : “Lorsque les nécessités de l'information concernant un crime ou un délit
entrant dans le champ d'application de l'article 706-732 l'exigent, le juge
d'instruction peut, après avis du procureur de la République, autoriser par
ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire commis sur
commission rogatoire à mettre en place un dispositif technique ayant pour
objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la
transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs
personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou
publics, ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu
privé. Ces opérations sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge
d'instruction.
2Criminalité
et délinquance organisées. L’article 706-73 prévoit une liste limitative
d’infractions.
En vue
de mettre en place le dispositif technique mentionné au premier alinéa, le juge
d'instruction peut autoriser l'introduction dans un véhicule ou un lieu privé,
y compris hors des heures prévues à l'article 59, à l'insu ou sans le
consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l'occupant des
lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci. S'il s'agit d'un
lieu d'habitation et que l'opération doit intervenir hors des heures prévues à
l'article 59, cette autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la
détention saisi à cette fin par le juge d'instruction. Ces opérations, qui ne
peuvent avoir d'autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont
effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction. Les dispositions
du présent alinéa sont également applicables aux opérations ayant pour objet la
désinstallation du dispositif technique ayant été mis en place. La mise en
place du dispositif technique mentionné au premier alinéa ne peut concerner les
lieux visés aux articles 56-1,56-2 et 56-33 ni être mise en œuvre dans le
véhicule, le bureau ou le domicile des personnes visées à l'article 100-74. Le
fait que les opérations prévues au présent article révèlent des infractions
autres que celles visées dans la décision du juge d'instruction ne constitue
pas une cause de nullité des procédures incidentes”.
4.2 Sur le premier moyen et l’atteinte au principe de
loyauté des preuves, aux droits de la défense et au droit de se taire
4.2.1 Le mémoire ampliatif
Il est soutenu que la conjugaison, d’une part, du
placement en garde à vue des deux personnes suspectées d’avoir participé au vol
à main armée et, d’autre part, de la sonorisation des cellules contiguës dans
lesquelles elles ont été placées constitue un procédé déloyal de recherche des
preuves (première branche), portant par ailleurs atteinte aux droits de la
défense (deuxième branche) et au droit de se taire et de ne pas
s’auto-incriminer (quatrième branche). Enfin, la troisième branche du moyen
analyse ce procédé comme constituant un détournement de procédure dans la
mesure où la garde à vue et la sonorisation des cellules ont été planifiées à
l’avance.
Le mémoire ampliatif observe qu’il ressort clairement
de l’ordonnance du juge d’instruction autorisant la sonorisation des cellules
que la mise en garde à vue était exclusivement, sinon essentiellement, motivée
par la mise en œuvre des opérations de sonorisation. Il en déduit que la garde
à vue a été précisément organisée pour que la personne se concerte avec
d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices, ce que ne
prévoit pas les motifs de placement en garde à vue énumérés à l’article 62-2 du
code de procédure pénale. Ce texte énonce même le contraire lorsqu’il fixe à la
mesure de garde à vue comme objectif : (or, les cabinets d’avocats, de
médecins, de notaires et d’huissiers ainsi que domiciles des avocats et locaux
des entreprises de presse. Députés, sénateurs, avocats et magistrats, “d’empêcher que la personne ne se concerte
avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices”.
Le mémoire insiste pour que les deux mesures, qui
auraient été volontairement combinées, soient analysées ensemble et non
séparément, l’une ne pouvant se comprendre sans la mise en œuvre de l’autre.
La quatrième branche fait valoir qu’il serait
contradictoire de reconnaître à la personne placée en garde à vue le droit de
ne pas s’auto-incriminer, mais d’admettre la possibilité de sonoriser sa
cellule afin de recueillir ses aveux lors de ses périodes de repos. Le droit de
se taire et de ne pas s’auto-incriminer serait attaché au statut de la personne
mise en garde à vue et non pas seulement limité aux phases d’interrogatoire de
celle-ci, faute de quoi le régime protecteur instauré par la loi du 14 avril
2011 serait totalement superficiel.
Pour le demandeur au pourvoi, la validation du cumul
des deux mesures serait en contradiction avec le renforcement des garanties
entourant la garde à vue qui s’est opéré sous l’impulsion de la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme et concrétisé par l’adoption de la
loi du 14 avril 2011 réformant le régime de la garde à vue.
4.2.2 La position du ministère public
* Devant la Cour de cassation le 7 janvier 2014 :
L’avocat général notait, en substance, que “la sonorisation de la cellule de garde à vue
vient ruiner les garanties” prévues par la loi qui entourent les conditions
dans lesquelles sont recueillies les explications du suspect à des fins
probatoires, en ce sens qu’elle peut permettre le recueil “d’informations que la personne gardée à vue s’est refusée à dévoiler au
cours de ses auditions”.
Il ajoutait : “La
personne gardée à vue ne peut, même si elle se sait observée, songer alors
qu’elle vient d’être entendue par des fonctionnaires de police, que ses conversations
peuvent être surprises pendant les périodes de repos et qu’ainsi lui sera
“extorqué” ce qu’elle a voulu taire. On observera à cet égard que la
sonorisation vient surprendre le gardé à vue pendant des périodes de repos donc
de “relâchement””.
Il observait encore que “si les propos interceptés de M. X... n’ont pas été provoqués, celui-ci
a néanmoins été mis en position de les tenir. Il a été “incité” à bavarder de
part le seul placement en garde à vue de son ami Fayçal Z... en même temps que
lui dans une cellule contiguë à la sienne. La mesure de garde à vue des deux
hommes ensemble a, au moins en partie, été planifiée pour pouvoir intercepter
des conversations entre ceux-ci : cela ressort expressément de l’ordonnance
autorisant la sonorisation du 17 septembre 2012".
Il concluait “à
un comportement actif des autorités de nature à sciemment faciliter le contact,
sous leur contrôle, entre deux suspects dans une affaire criminelle de manière
à surprendre leurs propos”, malgré la légalité apparente de chacune des
deux mesures coercitives mises en œuvre.
La mise en place concomitante des deux mesures lui
paraissait incompatible et constitutive d’un contournement du droit au silence.
* Devant la chambre de l’instruction de la cour
d’appel de Paris le 5 juin 2014 :
Le ministère public a soutenu que :
- le
juge avait respecté très exactement les dispositions régissant la garde à vue
et la sonorisation et qu’aucune disposition légale n'interdisait de mettre en œuvre
simultanément ces deux moyens d'investigation. Le placement en garde à vue de
MM. X... et Z... était justifié, non pas par la volonté du juge d’instruction
et des enquêteurs de capter et d’enregistrer leurs conversations, mais par les
indices graves ou concordants rendant vraisemblable leur participation à la
commission des infractions.
- les
enquêteurs n'ont eu aucun rôle actif afin d'inciter les personnes gardées à vue
à converser entre elles. M. X... n'a subi aucune contrainte, n'a été victime
d'aucune manœuvre ou d'aucune provocation afin de se voir soutirer des aveux.
II s'est exprimé librement bien que se sachant surveillé.
-
l'article 63-1 du code de procédure pénale qui reconnaît le droit de se taire,
lequel a été régulièrement notifié à M. X..., ne s’applique qu’aux auditions et
non aux phases de repos.
- les
lieux de garde à vue ne figurent pas parmi ceux dans lesquels toute
sonorisation est prohibée par le législateur.
* Devant la Cour de cassation le 15 octobre 2014 :
Il ressort de l’avis de l’avocat général que :
- la
mesure de garde à vue prise à l’égard de M. X... était motivée au regard des
exigences de l’article 62-2 du code de procédure pénale.
-
aucune interdiction formelle n’a été édictée par le législateur en ce qui
concerne les lieux de privation de liberté relevant de l’autorité publique,
alors que la sonorisation a été totalement proscrite dans les lieux
occupés par des avocats, médecins,
avoués, notaires, huissiers, députés, sénateurs, magistrats et entreprises de
presse ou de communication audiovisuelle.
- il y
a une absence de subterfuge dans le recours à cette double mesure, les deux
personnes gardées à vue n’ayant fait l’objet d’aucune incitation à discuter
entre elles et ayant échangé librement. L’avocat général pose la question de
savoir si le droit de se taire “aurait pour conséquence inéluctable l’interdiction
d’entendre ou d’écouter les propos [que la personne gardée à vue] pourrait
tenir spontanément, sans aucune façon y avoir été contrainte, en dehors du
temps de ces auditions, et quel que soit le contenu de tels propos ?”.
- en
l’absence de recours à la contrainte ou à des pressions de la part des
enquêteurs pour faire parler l’intéressé, il ne saurait y avoir d’atteinte au
droit de ne pas s’auto-incriminer soi-même.
- au
regard de la nature des infractions criminelles poursuivies, le dispositif de
sonorisation mis en œuvre en l’espèce, sous le contrôle d’un juge et en dehors
de toute forme de pression, n’apparaît pas caractériser un stratagème déloyal
qui aurait abouti à
“soutirer des aveux” aux personnes
gardées à vue.
On
verra la semaine prochaine la « doctrine », autre source du droit,
rapportée par le rapporteur (sûrement aidé d’un logiciel de pointe), parce que
c’est absolument complet… comme il se doit !
Et qu’il
s’agit de vous faire cogiter un peu, pas de vous étouffer…
Nom de Dieu! Et il n'y en aurait qu'un tiers d'après ce que je comprends ...
RépondreSupprimerFaut que je relise tout, du début à la fin!
Eh oui !
SupprimerUne sacrée belle étude que nous fait là le rapporteur !
Mais c'est totalement courant pour chaque décision de la Cour de cass.
Après, vous ne pourrez plus dire qu'ils décident "au hasard" : C'est proprement impossible à imaginer !
Bien à vous !
I-Cube