Y’en a qui ne doute décidément de rien !
Cour de cassation, chambre commerciale
Audience publique du mardi 5 janvier 2016
N° de pourvoi : 14-18688 14-18689
Mme Mouillard (président), président
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Yves et
Blaise Capron, avocat(s)
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu
l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° C 14-18. 688
et D 14-18. 689 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Bourges, 10 avril
2014 et 9 mai 2014), que M. X... a été engagé le 1er janvier 2002 par la
société anonyme Trap's en qualité de directeur de site dans le cadre d'un
contrat de travail à temps partiel ; qu'un avenant à ce contrat, daté du 20
février 2007, a été conclu entre la société Trap's et M. X..., stipulant qu'une
indemnité serait allouée à ce dernier en cas de licenciement pour une cause
autre que pour faute grave, force majeure ou faute lourde ; que le 5 novembre
2007, le conseil d'administration de la société Trap's a nommé M. X... aux
fonctions de directeur général ; que le 28 novembre 2007, l'assemblée générale
l'a nommé administrateur ; que M. X..., dont les fonctions de directeur général
avaient pris fin à compter du 15 mars 2010, a été révoqué de son mandat
d'administrateur par l'assemblée générale du 22 juillet 2010 ; qu'ayant été
licencié le 21 octobre 2010, il a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande
tendant à voir condamner la société Trap's à lui payer l'indemnité de
licenciement prévue par l'avenant à son contrat de travail ; que la société
Trap's a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ; que soutenant que cet
avenant avait été conclu en fraude des dispositions légales régissant les
conventions réglementées, la société Trap's et les organes de la procédure de
sauvegarde ont demandé qu'il soit déclaré nul et de nul effet ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-18. 689 :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du 10 avril
2014 de dire que l'avenant à son contrat de travail est nul et de nul effet
alors, selon le moyen :
1°/ que les dispositions de l'article L. 225-38 du
code de commerce relatives aux mandataires sociaux ne sont applicables que si
le bénéficiaire de la convention passée avec la société est effectivement
mandataire social de la société à la date où la convention a été conclue ;
qu'en disant, dès lors, que l'avenant au contrat de travail de M. X... conclu
avec la société Trap's, daté du 20 février 2007, était nul et de nul effet sur
le fondement des dispositions de l'article L. 225-42 du code de commerce, quand
elle relevait que la rédaction de cet avenant avait eu lieu avant la tenue de
la réunion du 5 novembre 2007 au cours de laquelle le conseil d'administration
de la société anonyme Trap's avait nommé M. X... en qualité de directeur
général de la société Trap's et avant la délibération du 28 novembre 2007 par
laquelle l'assemblée générale de la société Trap's avait nommé M. X... en
qualité d'administrateur de la société Trap's et quand elle ne constatait pas
que la conclusion de ce même avenant avait eu lieu postérieurement à cette
réunion du 5 novembre 2007 ou à cette délibération du 28 novembre 2007, la cour
d'appel a violé les dispositions des articles L. 225-38 et L. 225-42 du code de
commerce ;
2°/ qu'une convention peut être annulée sur le
fondement des dispositions de l'article L. 225-42 du code de commerce si, visée
par les dispositions de l'article L. 225-38 du code de commerce, elle a été
conclue sans autorisation préalable du conseil d'administration, alors qu'elle
aurait dû l'être, et non si elle est entachée de fraude pour avoir été conclue
de manière à exclure l'application de la procédure relative aux conventions
réglementées prévues par les dispositions de l'article L. 225-38 du code de
commerce ; qu'en annulant, par conséquent, l'avenant au contrat de travail de
M. X... conclu avec la société Trap's, daté du 20 février 2007, sur le
fondement des dispositions de l'article L. 225-42 du code de commerce, au motif
que cet avenant avait été conclu en fraude des dispositions de l'article L.
225-38 du code de commerce dans des conditions permettant de l'exclure du champ
d'application des conventions réglementées prévues par ces dispositions, la
cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 225-38 et L. 225-42 du
code de commerce ;
3°/ que la fraude à la loi suppose la réunion d'un
élément matériel, consistant en l'emploi d'un procédé permettant d'éluder
l'application d'une loi impérative, qui aurait été applicable, en l'absence de
l'emploi d'un tel procédé, à l'acte litigieux, et un élément intentionnel,
consistant en la volonté d'éluder l'application d'une telle loi impérative ;
qu'en énonçant, par conséquent, pour dire nul et de nul effet l'avenant au
contrat de travail de M. X... conclu avec la société Trap's daté du 20 février
2007, que cet avenant avait été antidaté à une date antérieure à la nomination
de M. X... en qualité de mandataire social de la société Trap's, que le fait de
dater cet avenant à une telle date permettait de l'exclure du champ
d'application des conventions réglementées par les dispositions de l'article L.
225-38 du code de commerce en ne le soumettant pas au conseil d'administration
et au vote de l'assemblée générale de la société Trap's et que ledit avenant a
été conclu en fraude des dispositions de l'article L. 225-38 du code de
commerce, sans constater, après avoir relevé que la rédaction de cet avenant
avait eu lieu avant la tenue de la réunion du 5 novembre 2007 au cours de
laquelle le conseil d'administration de la société anonyme Trap's avait nommé
M. X... en qualité de directeur général de la société Trap's et avant la
délibération du 28 novembre 2007 par laquelle l'assemblée générale de la
société Trap's avait nommé M. X... en qualité d'administrateur de la société
Trap's, que la conclusion de ce même avenant avait eu lieu postérieurement à
cette réunion du 5 novembre 2007 ou à cette délibération du 28 novembre 2007 et
donc, sans constater que, s'il n'avait pas été daté du 20 février 2007, l'avenant
au contrat de travail de M. X... conclu avec la société Trap's aurait été
soumis aux dispositions de l'article L. 225-38 du code de commerce, la cour
d'appel a violé les dispositions des articles L. 225-38 et L. 225-42 du code de
commerce ;
4°/ que la fraude à la loi suppose la réunion d'un
élément matériel, consistant en l'emploi d'un procédé permettant d'éluder
l'application d'une loi impérative, qui aurait été applicable, en l'absence de
l'emploi d'un tel procédé, à l'acte litigieux, et un élément intentionnel,
consistant en la volonté d'éluder l'application d'une telle loi impérative ;
qu'en annulant, par conséquent, l'avenant au contrat de travail de M. X...
conclu avec la société Trap's daté du 20 février 2007, au motif que cet avenant
avait été conclu en fraude des dispositions de l'article L. 225-38 du code de
commerce dans des conditions permettant de l'exclure du champ d'application des
conventions réglementées prévues par ces dispositions, sans rechercher, ainsi
qu'elle y avait été invitée par M. X..., si, compte tenu des circonstances de
l'espèce, la conclusion de cet avenant n'aurait pas été approuvée sans
difficulté par l'assemblée générale des actionnaires de la société Trap's si
cette approbation avait été sollicitée, et si, en conséquence, pour cette
raison, l'élément intentionnel de la fraude alléguée n'était pas manquant, la
cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des
articles L. 225-38 et L. 225-42 du code de commerce ;
5°/ que les conventions visées à l'article L. 225-38
du code de commerce et conclues sans autorisation du conseil d'administration
ne peuvent être annulées que si elles ont eu des conséquences dommageables pour
la société ; qu'en énonçant, pour dire que l'avenant au contrat de travail de
M. X... conclu avec la société Trap's, daté du 20 février 2007, était nul et de
nul effet sur le fondement des dispositions de l'article L. 225-42 du code de
commerce, que cet avenant a eu des conséquences dommageables pour la société
Trap's dans la mesure où elle a généré un important contentieux entre les
parties, quand, par ces motifs, elle ne caractérisait pas que l'avenant au
contrat de travail de M. X... conclu avec la société Trap's, daté du 20 février
2007, avait eu des conséquences dommageables pour la société Trap's, la cour
d'appel a violé les dispositions de l'article L. 225-42 du code de commerce ;
6°/ que les conventions visées à l'article L. 225-38
du code de commerce et conclues sans autorisation du conseil d'administration
ne peuvent être annulées que si elles ont eu des conséquences dommageables pour
la société ; qu'en énonçant, pour dire que l'avenant au contrat de travail de
M. X... conclu avec la société Trap's, daté du 20 février 2007, était nul et de
nul effet sur le fondement des dispositions de l'article L. 225-42 du code de
commerce, que cet avenant a eu des conséquences dommageables pour la société
Trap's dans la mesure où le conseil de prud'hommes de Nevers a, par un jugement
du 8 avril 2013, considéré qu'il devait trouver application, quand la cour
d'appel de Bourges a, par un arrêt du 9 mai 2014, infirmé ce jugement du 8
avril 2013 sur ce point, l'arrêt attaqué se trouve privé de fondement juridique
au regard des dispositions de l'article L. 225-42 du code de commerce ;
7°/ que l'action en nullité d'une convention visée à
l'article L. 225-38 du code de commerce et conclue sans autorisation du conseil
d'administration se prescrit par trois ans à compter de la date de la
convention ; que, toutefois, si elle a été dissimulée, le point de départ du
délai de la prescription est reporté au jour où elle a été révélée ; qu'en
retenant, par conséquent, que le point de départ de la prescription de l'action
en nullité exercée par la société Trap's à l'encontre de l'avenant au contrat
de travail de M. X... conclu avec la société Trap's, daté du 20 février 2007,
devait être fixé à la date à laquelle cet avenant a été révélé à la société
Trap's, que cette date était la date à laquelle le conseil d'administration de
la société Trap's avait eu connaissance de son existence, qu'une telle date
devait être fixée au 7 avril 2010, date à laquelle M. X... a informé le conseil
d'administration de la société Trap's de l'existence de cet avenant, et qu'en
conséquence, l'action en nullité exercée par la société Trap's n'était pas
prescrite, sans caractériser que ledit avenant avait été dissimulé, la cour
d'appel a violé les dispositions de l'article L. 225-42 du code de commerce ;
8°/ que l'action en nullité d'une convention visée à
l'article L. 225-38 du code de commerce et conclue sans autorisation du conseil
d'administration se prescrit par trois ans à compter de la date de la
convention ; que, toutefois, si elle a été dissimulée, le point de départ du
délai de la prescription est reporté au jour où elle a été révélée ; qu'une
convention ne peut être regardée comme ayant été dissimulée que si est
caractérisée la volonté des intéressés de dissimuler cette convention, une
telle volonté ne pouvant être déduite du seul défaut d'information du conseil
d'administration ; qu'en retenant, dès lors, que le point de départ de la
prescription de l'action en nullité exercée par la société Trap's à l'encontre
de l'avenant au contrat de travail de M. X... conclu avec la société Trap's,
daté du 20 février 2007, devait être fixé à la date à laquelle cet avenant a
été révélé à la société Trap's, que cette date était la date à laquelle le
conseil d'administration de la société Trap's avait eu connaissance de son
existence, qu'une telle date devait être fixée au 7 avril 2010, date à laquelle
M. X... a informé le conseil d'administration de la société Trap's de
l'existence de cet avenant, et qu'en conséquence, l'action en nullité exercée
par la société Trap's n'était pas prescrite, sans caractériser la volonté des
intéressés de dissimuler ledit avenant, la cour d'appel a violé les
dispositions de l'article L. 225-42 du code de commerce ;
9°/ que l'action en nullité d'une convention visée à
l'article L. 225-38 du code de commerce et conclue sans autorisation du conseil
d'administration se prescrit par trois ans à compter de la date de la
convention ; que, toutefois, si elle a été dissimulée, le point de départ du
délai de la prescription est reporté au jour où elle a été révélée ; que, s'il
y a eu volonté de dissimulation, la révélation de la convention s'apprécie à
l'égard de la personne qui exerce l'action ; que, lorsque c'est la société qui
a conclu la convention litigieuse qui exerce l'action, la révélation de la
convention ne s'apprécie pas au regard du seul conseil d'administration de la
société ; qu'en considérant le contraire, pour retenir que le point de départ
de la prescription de l'action en nullité exercée par la société Trap's à
l'encontre de l'avenant au contrat de travail de M. X... conclu avec la société
Trap's daté du 20 février 2007 devait être fixé au 7 avril 2010, date à
laquelle M. X... a informé le conseil d'administration de la société Trap's de
l'existence de cet avenant, et qu'en conséquence, l'action en nullité exercée
par la société Trap's n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé les
dispositions de l'article L. 225-42 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'une convention
intervenue entre une société et son dirigeant peut être annulée si elle est
entachée de fraude pour avoir été conclue dans le dessein de l'exclure du champ
d'application des conventions réglementées par les articles L. 225-38 et
suivants du code de commerce ; qu'après avoir constaté que la rédaction de
l'avenant daté du 20 février 2007 était intervenue au cours des jours ayant
précédé la tenue du conseil d'administration du 5 novembre 2007 et celle de
l'assemblée générale du 28 novembre suivant, et relevé que M. X... avait, lors
de son audition dans le cadre de l'enquête diligentée pour faux et usage de
faux, indiqué que, sans cet avenant lui assurant une indemnité en cas de perte
de son mandat social, il n'aurait jamais accepté le mandat de directeur général
de la société Trap's, l'arrêt retient que le document litigieux a été établi
afin de permettre à M. X... de faire face aux conséquences personnelles de sa
nomination en qualité d'administrateur, et que ce document, en tant qu'il
stipule le versement à son profit d'une indemnité en cas de licenciement, a
pour cause, non le contrat de travail qui le liait à la société Trap's, mais sa
nomination en qualité de directeur général de cette société ; qu'il ajoute que
le fait de le dater avant sa nomination permettait de l'exclure du champ
d'application des conventions réglementées par l'article L. 225-38 du code de commerce
en ne le soumettant pas à l'autorisation du conseil d'administration et à
l'approbation de l'assemblée générale ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui
n'avait pas à procéder aux constatations ni à la recherche inopérantes
invoquées par les troisième et quatrième branches, a pu décider que cet
avenant, intervenu en fraude des dispositions légales régissant les conventions
réglementées, devait être annulé ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que
l'avenant litigieux, qui imposait à la société Trap's d'allouer à M. X... une
indemnité complémentaire de licenciement représentant l'équivalent d'une année
de sa rémunération de mandataire social, avait généré un important contentieux
entre les parties, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite du motif
surabondant critiqué par la sixième branche, que cet avenant avait eu des
conséquences dommageables pour la société ;
Attendu, en troisième lieu, qu'après avoir constaté
que l'avenant, daté du 20 février 2007, avait en réalité été signé quelques
jours seulement avant la nomination de M. X... aux fonctions de directeur
général et d'administrateur de la société Trap's, l'arrêt relève que c'est
seulement au cours du conseil d'administration du 7 avril 2010 que M. X... a
informé ce dernier de l'existence de cet avenant ; qu'il ajoute que les
procès-verbaux antérieurs à celui du 7 avril 2010 ne font aucune mention de cet
avenant, dont il n'est pas démontré qu'il figurait dans le dossier de M. X... ;
qu'ayant ainsi fait ressortir que la convention litigieuse avait été
volontairement dissimulée tant à la société qu'à ses organes, ce dont il
résultait que le point de départ du délai de la prescription était reporté au
jour où cette convention avait été révélée, la cour d'appel a statué à bon
droit ;
Et attendu, enfin, que s'il y a eu volonté de
dissimulation, la révélation de la convention s'apprécie à l'égard de la
personne qui exerce l'action ; que l'arrêt constate que l'existence de
l'avenant litigieux a été révélée au président-directeur général de la société
Trap's ayant exercé l'action en nullité au nom de celle-ci lors de la réunion
préparatoire du conseil d'administration du 7 avril 2010 ; que par ce motif de
pur droit, suggéré par la défense, substitué à celui critiqué par la dernière
branche, la décision se trouve justifiée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le moyen unique du pourvoi n° C 14-18. 688 :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du 9 mai 2014
de rejeter sa demande tendant à la condamnation de la société Trap's à lui
payer le complément d'indemnité de licenciement alors, selon le moyen, que la
cour d'appel de Bourges ayant justifié le rejet de la demande de M. X...
tendant à la condamnation de la société Trap's à lui payer la somme de 81.852,24
euros à titre de complément d'indemnité de licenciement par le seul fait que
l'avenant au contrat de travail de M. X... conclu avec la société Trap's daté
du 20 février 2007 a été déclaré nul et de nul effet par un arrêt de la cour
d'appel de Bourges du 10 avril 2014, la cassation à intervenir de ce dernier
arrêt, sur le pourvoi n° D 14-18. 689, entraînera la cassation par voie de
conséquence de l'arrêt attaqué en application des dispositions de l'article 625
du code de procédure civile ;
Mais attendu que le pourvoi n° D 14-18. 689 étant
rejeté, le moyen est sans portée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette
sa demande et le condamne à payer à la société Trap's et à la Selarl Aurélie
Lecaudey, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de
cette société, la somme globale de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son
audience publique du cinq janvier deux mille seize.
Non mais : Le contrat passé en fraude de la
procédure de contrôle des conventions réglementées est annulable !
Faudrait pas non plus pousser « mémère dans les
orties » !
Mais que de circonvolutions pour en arriver là.
L’avenant accordant une indemnité de licenciement à un
salarié d’une société et conclu juste avant qu’il en soit nommé dirigeant afin
d’éluder la procédure de contrôle des conventions réglementées est entaché de
fraude. Il peut donc être annulé s’il est préjudiciable à la société.
Leçon de droit :
1 – Sauf exception, la conclusion d’une convention
entre une société anonyme (SA) et l'un de ses mandataires sociaux (directeur
général, directeur général délégué, administrateur, membre du directoire ou du
conseil de surveillance) est soumise à l’autorisation préalable du conseil
d’administration (ou de surveillance) et à l’approbation de l'assemblée
générale (C. com. art. L 225-38, L 225-40, L 225-86 et L 225-88). La convention
conclue sans autorisation préalable du conseil peut être annulée si elle a eu
des conséquences dommageables pour la société (art. L 225-42, al. 1 et L
225-90, al. 1 du même Code).
À la lettre, le dispositif s’applique seulement si le
cocontractant de la société a déjà la qualité de mandataire social à la date de
la conclusion de la convention. La convention est-elle annulable lorsqu’elle a
été conclue avant que le cocontractant n’acquière cette qualité dans le but
d’éluder la procédure de contrôle ? C’est la question qui a été posée à la Cour
de cassation à propos d’un avenant à un contrat de travail conclu entre une SA
et un futur dirigeant.
Les faits :
2 – Une SA embauche un directeur de site en 2002. Le
contrat de travail de celui-ci est modifié par un avenant, daté de février
2007, précisant qu’une indemnité lui serait allouée en cas de licenciement pour
une cause autre que pour faute grave, force majeure ou faute lourde. En
novembre 2007, l’intéressé est nommé administrateur par le conseil
d’administration puis directeur général par l’assemblée générale. Trois ans
plus tard, ses fonctions de directeur général prennent fin, son mandat
d’administrateur est révoqué et il est licencié. Il réclame l’indemnité prévue
par l’avenant. La société et les organes de la procédure de sauvegarde dont
celle-ci fait l’objet invoquent alors la nullité de l’avenant au motif qu'il a
été conclu en fraude des dispositions légales régissant les conventions
réglementées.
Rappel : Une convention passée en fraude de la
procédure de contrôle est annulable.
3 – Pour la première fois, la Cour de cassation pose expressément
le principe : Une convention intervenue entre une société et son dirigeant peut
être annulée si elle est entachée de fraude pour avoir été conclue dans le
dessein de l’exclure du champ d’application des conventions réglementées par
les articles L 225-38 s. du Code de commerce. De précédentes décisions
faisaient déjà référence à la fraude (Cass. com. 2-7-1974 n° 72-14.218 : Bull.
civ. n° 216 à propos d’une cession de droits sociaux ; Cass. soc. 10-4-2013 n°
11-25.841 : BRDA 10/13 n° 1 relatif à un contrat de travail stipulant une
indemnité conventionnelle de licenciement).
La Haute juridiction écarte ainsi l’argument de
l’ancien salarié qui soutenait que seules les conventions conclues sans
autorisation préalable du conseil pouvaient être annulées et non celles
entachées de fraude pour avoir été conclues de manière à échapper à la
procédure de contrôle.
La nullité est encourue que le conseil n'ait pas été
consulté, qu'il ait refusé de donner son autorisation ou encore qu’il l’ait
donnée irrégulièrement (Cass. com. 18-10-1994 n° 92-22.052) et aussi désormais lorsque
l’absence d’autorisation résulte d’une fraude.
4 – Même lorsqu’existe une fraude – et alors qu’il est
généralement admis qu’elle fait exception à toutes les règles – il résulte de
la décision commentée que l’action en nullité demeure soumise au régime défini
par le Code de commerce en matière de convention réglementée : La convention
n’est annulable que si elle a causé un préjudice à la société.
Conclusion : La réunion des conditions justifiant
l'annulation de la convention en l'espèce :
5 – La Cour de cassation a jugé que l’avenant au
contrat de travail devait être annulé.
D’une part, l’avenant était bien intervenu en fraude des dispositions légales régissant les conventions réglementées. Il avait été rédigé, non pas en février 2007, mais au cours des jours ayant précédé la tenue du conseil d’administration et de l’assemblée générale nommant le salarié administrateur et directeur général. Lors d’une enquête, celui-ci avait indiqué que, sans cet avenant lui assurant une indemnité en cas de perte de son mandat social, il n’aurait jamais accepté le mandat de directeur général. L’avenant avait été établi afin de lui permettre de faire face aux conséquences personnelles de sa nomination en qualité d’administrateur. En ce qu’il prévoyait le versement d’une indemnité en cas de licenciement, cet avenant avait pour cause, non le contrat de travail liant l’intéressé à la société mais sa nomination comme directeur général. Le fait de l’antidater permettait de l’exclure du champ d’application des conventions réglementées et d’éluder l’autorisation du conseil d’administration et l’approbation de l’assemblée générale.
D’une part, l’avenant était bien intervenu en fraude des dispositions légales régissant les conventions réglementées. Il avait été rédigé, non pas en février 2007, mais au cours des jours ayant précédé la tenue du conseil d’administration et de l’assemblée générale nommant le salarié administrateur et directeur général. Lors d’une enquête, celui-ci avait indiqué que, sans cet avenant lui assurant une indemnité en cas de perte de son mandat social, il n’aurait jamais accepté le mandat de directeur général. L’avenant avait été établi afin de lui permettre de faire face aux conséquences personnelles de sa nomination en qualité d’administrateur. En ce qu’il prévoyait le versement d’une indemnité en cas de licenciement, cet avenant avait pour cause, non le contrat de travail liant l’intéressé à la société mais sa nomination comme directeur général. Le fait de l’antidater permettait de l’exclure du champ d’application des conventions réglementées et d’éluder l’autorisation du conseil d’administration et l’approbation de l’assemblée générale.
D’autre part, l’avenant, qui imposait à la société
d’allouer à l’intéressé une indemnité complémentaire de licenciement
représentant l’équivalent d’une année de sa rémunération de mandataire social,
avait suscité un important contentieux entre les parties : Il avait donc
eu des conséquences dommageables pour la société. Il importait peu qu’une
décision rendue dans le cadre d’une instance initiée devant une juridiction
prud’homale ait refusé d’ordonner l’exécution de l’avenant.
Ça, c’est le côté « juriste ».
L’aspect « ingénieur juridique » aurait conseillé,
dans tous les cas, de signer cette convention après la nomination du gugusse :
Si les parties avaient été d’accord, un simple PV de CA aurait suffi à valider
le procédé et aurait permis aux juges de cassation de prolonger leur sieste au
lieu de nous faire la démonstration de leurs immenses qualités de juristes
pointilleux.
Ces gars-là étaient manifestement trop kons pour l’imaginer.
Encore plus taré que ça : L’intéressé avoue la
fraude !
Magnifique : Il mérite bien d’être débouté de
toutes ses prétentions !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire