La preuve
par l’arrêt de la Cour de cassation, 1ère Ch. Civ. du jeudi 25
février 2016
N° de
pourvoi : 15-12403
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu
l'arrêt suivant :
Sur les premier et deuxième moyens, pris en leur
première branche, qui sont rédigés en des termes identiques, réunis :
Vu l'article 9 du code civil, ensemble les articles 6
et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et 9 du code de procédure civile ;
Attendu que le droit à la preuve ne peut justifier la
production d'éléments portant atteinte à la vie privée qu'à la condition que
cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte
soit proportionnée au but poursuivi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...a été
victime, le 23 septembre 2001, d'un accident corporel, la charpente surplombant
le puits qu'il réparait au domicile de Mme Y... s'étant effondrée sur lui ;
qu'il a invoqué, au cours des opérations d'expertise judiciaire diligentées à
sa demande, des troubles de la locomotion ; que, contestant la réalité de ces
troubles, Mme Y... et son assureur, la société Mutuelles du Mans assurances,
ont, à l'occasion de l'instance en indemnisation du préjudice en résultant, produit
quatre rapports d'enquête privée ;
Attendu que, pour rejeter la demande tendant à voir
écarter des débats ces rapports, après avoir considéré comme irrecevables ou
non probants certains des éléments d'information recueillis par l'enquêteur
auprès de tiers, l'arrêt relève que chacune des quatre enquêtes privées a été
de courte durée et que les opérations de surveillance et de filature n'ont pas,
au total, dépassé quelques jours, de sorte qu'il ne saurait en résulter une
atteinte disproportionnée au respect dû à la vie privée de M. X... ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que les
investigations, qui s'étaient déroulées sur plusieurs années, avaient eu une
durée allant de quelques jours à près de deux mois et avaient consisté en des
vérifications administratives, un recueil d'informations auprès de nombreux
tiers, ainsi qu'en la mise en place d'opérations de filature et de surveillance
à proximité du domicile de l'intéressé et lors de ses déplacements, ce dont il
résultait que, par leur durée et leur ampleur, les enquêtes litigieuses,
considérées dans leur ensemble, portaient une atteinte disproportionnée au
droit au respect de la vie privée de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés
;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur
les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il refuse
d'écarter des débats les pièces 6, 8, 9 et 23, en ce qu'il dit que le coût des
séances de kinésithérapie n'est pas imputable à l'accident du 23 septembre
2001, rejetant ainsi la demande de M. X... au titre des dépenses de santé
futures, et en ce qu'il rejette la demande d'indemnité présentée pour les
postes « frais de logement adapté », « tierce personne » et « préjudice
esthétique », l'arrêt rendu le 9 avril 2013, entre les parties, par la cour
d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les
parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait
droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne Mme Y... et la société Mutuelle du Mans
assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette
les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près
la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en
marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première
chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du
vingt-cinq février deux mille seize.
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat
aux Conseils, pour M. X....
Voilà une décision qui rend inopérantes toutes
enquêtes post-arrêt de travail pour cause d’accident sur un chantier.
Sera-t-elle étendue aux « maladies » ?
Voire, aux filatures du conjoint « indélicat »
dans les procédures de divorce pour faute (vous savez, les « indemnités
compensatrices ») ?
Peut-être pas car si le droit d'obtenir une preuve ne
peut justifier la production en justice d'éléments portant atteinte à la vie
privée, elles semblent possibles qu'à la condition que ce soit indispensable à
l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
C'est finalement ce que rappelle la Cour de cassation
le 25 février 2016 ci-dessus.
Bon, il faut dire que l’entrepreneur victime d'un
accident corporel alors qu'il réparait un puits semblait simuler un handicap et
contestant l'importance des troubles de la locomotion invoqués, l'assureur
avait produit en justice quatre rapports d'enquête réalisés par un détective
privé.
Ces rapports montraient notamment l'entrepreneur menait
une vie normale avec des activités physiques sans gêne particulière, sauf
lorsqu'il approchait des locaux d'un assureur : Il marche alors plus lentement,
s'appuyant sur une canne, courbé, menaçant de tomber à tout moment et entrant avec
difficulté dans les bureaux !
Une escroquerie à l’assurance des plus classiques
?
L'entrepreneur demandait à la justice de ne pas tenir
compte de ces rapports en tant qu'éléments de preuve, au motif que ces
opérations de filature et de surveillance à proximité de son domicile et lors
de ses déplacements constituaient une immixtion dans sa vie privée.
Et la Cour de cassation lui a donné raison.
Aux motifs que, par leur durée et leur ampleur, ces
enquêtes effectuées à quatre reprises sur une période de cinq ans portaient une
atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée.
C’est vrai qu’une seule aurait dû être largement
suffisante…
En attendant, c’est autant de business des « privés »
qui leur ait ôtés de la bouche.
Pas grave : Demain on enquêtera par
géolocalisation-satellitaire !
La mort des « petits-boulots » au profit d’expertise
dites « scientifiques ».
On n’est plus à ça près depuis la révision des
Conventions de Vienne régissant depuis 1968 la circulation et la signalisation
routière : À compter de ce 23 mars, les systèmes de conduite automatisée
sont autorisés sur les routes, à condition qu’ils soient conformes aux
règlements des Nations-Unies ou qu’ils puissent être aisément désactivés par le
conducteur…
Quand il n’y aura que des passagers à bord, voilà qui
va faire la fortune des boîtes de « VTsansC » !
J’adore la perspective, à vrai dire !
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