Le
travail des prisonniers du boulot, ce n’est pas du travail !
Notez qu’on s’en doutait un peu, mais il fallait le
préciser.
La prison n'est pas assujettie au Code du travail !
Vous imaginez un peu la triple peine pour les
voyous-Corsi ?
Privés de liberté par les juridictions de « l’État-colonial »
d’une part, obligés de s’occuper à travailler – la honte ! – d’autre part, mais
en plus, ça n’est même pas du travail !
Je ne vous raconte pas…
Un « pensionnaire » avait saisi le Conseil
Constitutionnel pour une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Selon ses prétentions, le travail effectué en prison
devait être soumis au minimum au code du travail.
Le Conseil a rejeté sa demande.
Le travail en prison est seulement soumis à la loi
pénitentiaire qui ne prévoit ni salaire minimum, ni d’heures supplémentaires surpayées,
ni de congés-payés, ni de droit de grève, ni de représentation syndicale, de Comité
d’Entreprise, de CHST, de délégués du personnel, est en plus, c’est conforme à
la constitution…
Je vous livre le texte pour vos archives et que
vous puissiez en prendre de la graine, car attention, chaque virgule a été
pesée, aucun hasard-hasardeux à rechercher :
Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015
« (M. JOHNY M.)
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 juillet
2015 par le Conseil d'État (décision n° 389324 du 6 juillet 2015), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée pour M. Johny M. par la SELARL
Interbarreaux AVELIA Avocats, avocat au barreau de Poitiers, relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 33
de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009
pénitentiaire ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure
suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de
constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la
SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées les 28 juillet et 7 août 2015 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre,
enregistrées le 28 juillet 2015 ;
Vu les observations en intervention produites pour
l'association Section française de l'Observatoire international des prisons par
la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées le 28 juillet 2015 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Maître Patrice Spinosi pour le requérant et pour la
partie intervenante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant
été entendus à l'audience publique du 15 septembre 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 33 de la loi
du 24 novembre 2009 susvisée : « La
participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées
dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un acte
d'engagement par l'administration pénitentiaire. Cet acte, signé par le chef
d'établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations
professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa
rémunération. » Il précise notamment les modalités selon lesquelles la
personne détenue, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant
l'absence de contrat de travail, bénéficie des dispositions relatives à
l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L. 5132-1 à L.
5132-17 du code du travail.
« Dans le cadre
de l'application du présent article, le chef d'établissement s'assure que les
mesures appropriées sont prises afin de garantir l'égalité de traitement en
matière d'accès et de maintien à l'activité professionnelle en faveur des
personnes handicapées détenues » ;
2. Considérant que, selon le requérant et la partie
intervenante, les dispositions contestées, en n'organisant pas le cadre légal
du travail des personnes incarcérées, privent ces personnes de l'ensemble des
garanties légales d'exercice des droits et libertés reconnus par les cinquième
à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi que de ceux
reconnus par les dixième et onzième alinéas de ce Préambule ; qu'en
subordonnant la participation des personnes détenues à des activités
professionnelles dans les établissements pénitentiaires à un acte d'engagement
établi unilatéralement par l'administration pénitentiaire, ces dispositions
méconnaîtraient la liberté contractuelle ; qu'en outre, elles porteraient
atteinte au respect dû à la dignité des personnes ;
Sur les griefs tirés de la méconnaissance par le
législateur de sa propre compétence :
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de
l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque,
à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu
qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la
Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette
question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se
prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le
législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la
Constitution garantit ;
4. Considérant que, d'une part, le Préambule de la
Constitution de 1946 a réaffirmé que tout être humain, sans distinction de
race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ;
que la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme
d'asservissement et de dégradation est au nombre de ces droits et constitue un
principe à valeur constitutionnelle ; que, d'autre part, l'exécution des peines
privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue,
non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais
aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle
réinsertion ; qu'il appartient, dès lors, au législateur, compétent en
application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant
le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les
modalités d'exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la
dignité de la personne ;
5. Considérant qu'il appartient au législateur de
fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux personnes
détenues ; que celles-ci bénéficient des droits et libertés
constitutionnellement garantis dans les limites inhérentes à la détention ;
qu'il en résulte que le législateur doit assurer la conciliation entre, d'une
part, l'exercice de ces droits et libertés que la Constitution garantit et,
d'autre part, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre
public ainsi que les finalités qui sont assignées à l'exécution des peines
privatives de liberté ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des
dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la
famille les conditions nécessaires à leur développement » et la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la
mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité
matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son
âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans
l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens
convenables d'existence » ;
7. Considérant que les dispositions contestées fixent
des règles relatives à la relation de travail entre le détenu et
l'administration pénitentiaire ; que, par suite, le grief tiré de la
méconnaissance de l'étendue de sa compétence par le législateur dans des
conditions affectant par elles-mêmes les droits qui découlent des dixième et
onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, qui n'est pas dirigé à
l'encontre des dispositions législatives relatives à la protection de la santé
et à la protection sociale des personnes détenues, doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du
cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit
d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en
raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » ; qu'aux
termes du sixième alinéa : « Tout homme
peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au
syndicat de son choix » ; que le septième alinéa prévoit que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des
lois qui le réglementent » ; que le huitième alinéa dispose que « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire
de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi
qu'à la gestion des entreprises » ;
9. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article
22 de la loi du 24 novembre 2009 : « L'administration
pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de
ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions
que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de
la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive
et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte
de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne
détenue » ;
10. Considérant, d'autre part, que le deuxième alinéa
de l'article 717-3 du code de procédure pénale prévoit qu'« au sein des établissements pénitentiaires,
toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une
formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la
demande » ; que son troisième alinéa permet que les détenus exercent des
activités professionnelles à l'extérieur des établissements pénitentiaires ;
que les dispositions contestées imposent à l'acte d'engagement de la personne
détenue de préciser les modalités selon lesquelles cette personne bénéficie des
dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux
articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail ; qu'elles prévoient
également que le chef d'établissement pénitentiaire, dans le cadre de la
garantie de l'égalité de traitement en matière d'accès et de maintien à
l'activité professionnelle des détenus, prend les mesures appropriées en faveur
des personnes handicapées détenues ;
11. Considérant qu'il est loisible au législateur de
modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin
de renforcer la protection de leurs droits ; que, toutefois, en subordonnant à
un acte d'engagement signé par le chef d'établissement et la personne détenue la
participation de cette dernière aux activités professionnelles organisées dans
les établissements pénitentiaires et en renvoyant à cet acte d'engagement le
soin d'énoncer les droits et obligations professionnels du détenu, dans des
conditions qui respectent les dispositions de l'article 22 de la loi du 24
novembre 2009 et sous le contrôle du juge administratif, les dispositions
contestées ne privent pas de garanties légales les droits et libertés énoncés
par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946
dont sont susceptibles de bénéficier les détenus dans les limites inhérentes à
la détention ; que par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait
méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elles-mêmes
les droits et libertés qui découlent des cinquième à huitième alinéas du
Préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté ;
Sur les autres griefs :
12. Considérant qu'il est loisible au législateur
d'apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la
Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles
ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas
d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
13. Considérant que les personnes détenues ne sont pas
placées dans une relation contractuelle avec l'administration pénitentiaire ;
que par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté contractuelle
est inopérant ;
14. Considérant que les dispositions de l'article 33
de la loi du 24 novembre 2009, qui ne méconnaissent ni le droit au respect de
la dignité de la personne ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution
garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,
Décide :
Article 1
L'article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre
2009 pénitentiaire est conforme à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel
de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. »
Fabuleuse leçon de droit, trouve-je pour ma part !
Vous voilà prévenu, en prison, l’engagement de bosser
n’est pas un contrat de travail, loin s’en faut.
En revanche, les fonctionnaires de la pénitentiaire
sont bien des « assimilés-salariés » : Ils ne touchent pas de
salaire en fin de mois, mais un « traitement ».
La nuance dans les mots, vous admirerez, car au moins
c’est précis.
Bien à toutes et tous !
I3
On attend la cour de justice de l'UE maintenant.
RépondreSupprimerCompte tenu des termes de la motivation de la décision du Conseil Constitutionnel, la décision soit différente...
SupprimerMais effectivement, à suivre !
Bien à toi Vlad !