Angus Deaton !
Vous ne saviez pas ? Pourtant, celui de la paix,
on vous en a battu et rebattu les oreilles. Même que si tôt connu, « Gras-Nul-Laid »,
dit aussi « François III », qui fait capitaine de pédalo à la fraise
des fois dans le civil, il s’est empressé de saluer le quatuor tunisien jusque
sur le perron de l’Élysée, toutes affaires cessantes !
Là, rien, ou si peu, même qu’on se faisait la
réflexion qu’il est rare d’entendre en ce pays des « libertés d’opinion »
et de la presse bien informée qui est le mien aussi peu de réactions à propos
d’un prix Nobel d’économie.
Il faut dire qu’il s’agirait d’un « anti-Pique-et-t’y »,
pas du tout dans la lignée de la pensée unique socialiste du moment.
Ceci expliquant sans doute cela…
Enfin, pas tout-à-fait un « anti » quand
même.
Même que certains journalistes, apprenant qu’il était
spécialiste des inégalités et de la pauvreté, ont pensé avoir affaire à un
nouvel ennemi des riches et à un défenseur de la redistribution et de
l’intervention étatique…
Pas du tout : En réalité, Angus Deaton est un
observateur le plus neutre possible, comme on aime les universitaires, du monde
économique, mais très attentif au comportement des individus et des ménages.
Dans son dernier ouvrage, « The Great Escape »
(Princeton University, 2013), sans nier les inégalités, il préfère en
décortiquer les statistiques et se pencher sur leurs vraies causes.
D’abord, il a toujours eu la démarche d’attirer
l’attention sur le fait que les différences entre les revenus doivent être
calculées après impôts en incluant les redistributions, et non pas avant :
Les transferts sociaux font baisser les différences entre les déciles.
Ensuite, il note que chez ses collègues et autres
dogmatiques, on oublie souvent le facteur de l’éducation. En effet, plus on est
instruit, plus grandes sont les chances de sortir de la pauvreté.
Malheureusement, fait-il remarquer, dans de nombreuses
familles, notamment américaines, son aire de jeu favorite, on n’incite pas
suffisamment les enfants à poursuivre leurs études.
Et il rappelle aussi que les inégalités entre les
hommes et les femmes et entre les groupes ethniques ont baissé ces 30 dernières
années.
De ses observations, il constate qu’il existe
effectivement le fameux 1 % des plus riches.
(Dont j’étais d’ailleurs avant que je ne vende tout
avec mon million de dollars dépassé. Comme quoi, la « richesse », ça
vient avec l’âge me semble-t-il. Et quelques efforts personnels … peut-être en
plus, je ne sais pas.)
Mais aussi que la mobilité de cette « classe
sociale » est très forte, sans compter que les sources de richesses ne
sont plus les mêmes aujourd’hui qu’il y a un siècle. Que je te vous rappelle en
passant que « Pique’et’y » calcule l’évolution des richesses détenues
par le 1 % depuis 1913 et jusqu’en 2011.
Mais sans nous dire qu’hier, les plus riches étaient
des rentiers, et qu’aujourd’hui, ce sont des entrepreneurs.
Les inégalités sont-elles condamnables en soi se
demande le dernier prix Nobel ?
Pour vous, quel revenu serait-il estimé suffisant pour
des individus qui ont changé l’histoire de l’humanité ? Pour un Steve Jobs, un
Bill Gates ?
Peut-on mesurer leur contribution à notre bien-être généralisé
?
La bonne question…
Le prix Nobel d’économie nous invite à constater que dans
les pays libres, démocratiques où tout le monde a sa chance (et parfois
plusieurs dans une même vie), les inégalités sont en effet rien de moins que l’une
des conséquences du progrès et de l’innovation.
Pour Deaton nous vivons une époque de prospérité sans
précédent. « Life is better
now than at almost any time in history » : C’est la première phrase de son dernier
opus, « The Great Escape ».
Et de constater que nous n’avons jamais été aussi
riches et en bonne santé qu’aujourd’hui, et cela est vrai pratiquement pour
tout le globe, à l’exception de quelques pays comme la Corée du Nord, Cuba, et
certains pays africains, affirmation qu'il nuance en rappelant qu'« il ne faut pas faire preuve d’un optimisme
aveugle : 800 millions de personnes vivent toujours dans la pauvreté », nombre
qui pourrait augmenter en raison du dérèglement climatique…
Et de préciser qu’en 1981, 50 % des individus habitant
dans les pays en voie de développement gagnaient moins d’1 euro par jour. Ce
pourcentage a baissé de 33 points en 2012 : Seulement 17 % des personnes vivant
dans les pays en voie de développement gagnent moins de 1 dollar par jour malgré
guerres, crises et autres vicissitudes. Plus de la moitié des personnes, considérées
comme pauvres dans le monde, peuvent vivre de nos jours jusqu’à 73 ans.
(C’est une moyenne : Je ne suis pas certain d’y
parvenir…)
Presque 2 milliards d’individus, dont la majorité vit
en Chine et en Inde, sont sortis de la pauvreté et font désormais partie des
classes moyennes.
Il exagère un peu, mais disons qu’ils vivent nettement
mieux…
Et même si l’Afrique sub-saharienne est un peu à la
traîne, le phénomène est mondial.
Merci la « globalisation », merci le
capitalisme, merci l’économie libre…
À bas les sectaires, les sectarismes, les dogmatiques
et les « déclinistes » !
Tous ces ennemis des prolétaires !
Alors que l’un parle d’accumulation des richesses et de
hausse des inégalités, Deaton, lui, vante l’industrialisation, la
mondialisation, l’entrepreneuriat, l’innovation et le progrès humain.
J’adore ces thèmes, figurez-vous !
En 2015, âgé de 69 ans et enseignant toujours à
Princeton, il est lauréat du prix de la Banque de Suède en sciences économiques
en mémoire d'Alfred Nobel 2015 pour ses travaux basés sur la mesure
économétrique fine des comportements individuels dans le domaine de la
consommation, la pauvreté en relation avec le bien-être.
Un pied de nez à tous les dogmes autistes et socialisant…
J’admire.
Précisons que pour lui et ses études, d’une manière
générale, la croissance du revenu ne contribue pas significativement à
améliorer la santé. La hausse du revenu contribue à améliorer l’état de santé
des populations et des personnes qui sont très pauvres dans la mesure où elle
permet de se procurer les aliments nécessaires ou de l’eau potable, nuance.
Mais l’espérance de vie s’est accrue d’environ vingt
ans dans plusieurs pays (Bolivie, Honduras, Nicaragua) en l’absence de croissance
économique importante.
Et le taux de mortalité infantile a beaucoup diminué
en Chine avant que la croissance économique décolle vers 1980, alors qu’il
tendait à cesser de diminuer en Inde malgré l’accélération de la croissance
économique au début des années 1990.
En fait, plusieurs des améliorations qui peuvent
sauver des vies ne sont pas très onéreuses, et ce qui a réellement permis
d’améliorer les indicateurs de santé – par exemple d’augmenter l’espérance de
vie de 12 ans au Sri Lanka entre 1946 et 1956 –, ce ne sont pas les ressources
économiques en tant que telles, mais la « volonté
politique et sociale d’aborder les problèmes de santé ».
La relation apparente entre le revenu et la santé,
quand on considère différents pays, est due à une « variation dans la qualité des institutions ».
L'implication pratique de cette étude est que les « maladies liées à la pauvreté » ne
disparaitront pas avec la croissance économique.
Selon Deaton, le progrès vient au prix de l'inégalité,
et quand celle-ci est temporaire ce n’est pas un problème.
Le problème survient quand les améliorations issues de
la connaissance ou des technologies médicales ne profitent pas à tous, comme
par exemple le taux de mortalité du cancer du sein qui est plus élevé parmi les
femmes « noires » de couleur que chez les « blanches »
décolorées de l’épiderme (aux États-Unis).
Ainsi, « ce qui
est le plus préoccupant à propos des écarts de revenus, c’est qu'ils peuvent se
transformer en inégalités politiques », alors que « des études ont démontré que les politiciens sont beaucoup plus
attentifs à leurs concitoyens riches que pauvres » (aux USA).
Bref, ce qui est important c’est ce que font de leur
pouvoir les « hommes de pouvoir ».
Notez que ça, on savait déjà.
Et de lier ainsi les « migrations » actuelles
à des déséquilibres économiques séculaires entretenus par les « grandes
nations ».
Pas un gôchiste : Un éclairé.
Il critique néanmoins et logiquement les économistes
qui trouvent normal que l’argent des uns soit utilisé pour miner le bien-être
des autres, en termes d’accès à une éducation publique ou des soins de santé,
ou qu’il y a beaucoup de dépenses militaires, et donc moins de ressources pour
les programmes sociaux, alors qu'il faut payer des taxes et vivre dans un tel
système.
Par exemple, l'organisation des soins de santé aux
États-Unis (toujours) subit d’après lui une perte importante dans ce qui est
dépensé en rentes, qui ne profite qu’à un petit groupe et fait perdre à tous
les autres.
En 2010, il contribuait à une étude où il montrait
avec Daniel Kahneman (lauréat du prix Nobel d'économie 2002) qu'aux États-Unis
l'argent fait le bonheur jusqu'à un revenu annuel de 75.000 $US (58.000
euros/an).
Et énonce le « paradoxe de Deaton », selon
lequel la consommation ne varie que très lentement dans le cas de variations
brusques des revenus !
Au-delà d’un certain seuil de revenu la qualité de vie
ne semble plus s'améliorer peut-être parce qu'au-delà de ce seuil « des hausses de revenus n’améliorent plus la
capacité des individus à faire ce qui compte le plus pour leur bien-être
émotionnel, comme de passer du temps avec ceux qui leur sont chers, éviter la
douleur et la maladie, et profiter de leurs loisirs ».
Là encore, on aurait pu le lui dire sans concourir au
Nobel pour autant.
Mais c’était bien de le chiffrer et correspond à
peu-près à ma propre approche empirique de la théorie des besoins issue de mes
confrontations « au terrain ».
Et puis l’on peut affirmer sans se tromper qu’à partir
d’un certain niveau de patrimoine, ce sont les emmerdements qui vous tombent
dessus à vous gâcher votre bonne humeur naturelle du temps où vous étiez encore
pôvre et insouciant.
J’en cause d’expérience : Tout le monde se ligue
contre vous, parfois en bande organisée, pour vous en extorquer le plus
possible, jusqu’à votre propre gouvernement !
C’est dire…
Il a ainsi montré qu'accroître le revenu des plus pôvres
(dont ceux dans les pays en développement) ne se traduit pas nécessairement et aussitôt
par un recul de la malnutrition en raison de comportements individuels qui, par
exemple, peuvent conduire à ce que cet argent soit d'abord investi dans l'achat
d'un téléphone portable, plutôt que dans les vitamines de vos zitellucciu, vos petiots.
Ainsi la mesure du « bien-être » doit être
nuancée et non confondue avec le niveau de revenu.
Il estime également que le libre-échange pourrait être
préférable à l'aide au développement qui selon lui « rend les leaders moins démocratiques ».
J’en suis presque convaincu, même si je sais bien que
ça ne fera pas pour autant disparaître les poches de misère jusque sur nos
trottoirs…
Angus Deaton s’était déjà fait remarquer par ses pairs
avant d’obtenir le prix Nobel : La liste des distinctions qu’il a reçues
donne le tournis ! Professeur émérite à l’université d’Edimbourg, de
Chypre, de Rome, à l’University of St. Andrews ou encore à l’University College
de Londres.
Sans oublier un titre de président de la très illustre
Association américaine d’économie (American Economic Association), mais aussi
une carte de membre de l’Académie nationale des Sciences et de la Société
américaine de philosophie.
Deaton a par ailleurs été le lauréat 2012 du prix BBVA
Foundation Frontiers of Knowledge Awards, qui récompensa en 2008 un certain
Jean Tirole.
Durant toute sa vie il a seulement tenté de répondre
aux questions suivantes : Comment les consommateurs répartissent leurs
dépenses, combien dans une société est consommé et épargné, et enfin comment
mesurer le bien-être individuel.
Puis a tenté de croiser ces problématiques : Comment
évolue la consommation des ménages lorsque leurs revenus changent ? Les
habitudes de consommations influent-elles sur la pauvreté ? Ou encore quels
sont les groupes sociaux les plus affectés par une hausse de la TVA sur les
produits alimentaires ?
Et Bill Gates d’en rajouter une couche : « Si vous voulez en savoir plus sur les
raisons pour lesquelles le bien-être de l'humanité a augmenté à ce point au fil
du temps, il faut que vous lisiez » cet essai, écrivait-il, lui, l'un des
hommes les plus riches du monde et qui se consacre maintenant à la lutte contre
la pauvreté (et son plan d’épargne au développement de la filière nucléaire au
thorium).
Des questions qui l'ont poussé à une analyse fine de « problèmes comme la relation entre le revenu
et la quantité de calories consommées, et l'ampleur de la discrimination entre
les sexes au sein de la famille », note le comité Nobel.
« Pour
élaborer des politiques économiques qui promeuvent le bien-être et réduisent la
pauvreté, nous devons d'abord comprendre les choix de consommation individuels.
Plus que quiconque, Angus Deaton a amélioré cette compréhension », a
résumé le comité.
« En liant des
choix individuels précis et des résultantes collectives, sa recherche a
contribué à transformer les champs de la microéconomie, de la macroéconomie et
de l'économie du développement », a expliqué l'Académie royale des sciences.
Angus Deaton succède au « Gaulois » Jean
Tirole, qui avait été récompensé en 2014 pour son analyse de la régulation des
marchés.
À lui les huit millions de couronnes suédoises (860.000
euros) : Que va-t-il en faire ?
À vous d’en savoir un peu plus, parce qu’il ne faut
pas trop compter sur « la presse aux ordres » pour vous informer.
Une fois de plus !
Merci pour cet article détaillé qui m'apprend bcp (comme d'habitude). J'en ai entendu parler sur BFM Radio.
RépondreSupprimerJ'aimerais savoir ce que vous pensez de Sieur Jeremy RIFKIN qui oeuvre à merveille pour les intérêts de son pays "God Bless America". C'est possible dites ?
Courtoisement vôtre.
Comtesse Ô Pied Nu
Pas seulement pour son pays, vue la notoriété qu'il a auprès des "sachants", au moins depuis "Roro-card", de ce côté ci de l'atlantique !
SupprimerC'est le chantre de la "troisième révolution industrielle".
Et on est en plein dedans, au moins pour ce qui est des "destructions créatrices" chères à Schumpeter.
Parce que bon, justement, on ne voit pas trop bien les "créations", mais on voit bien les "destructions" !
Ce qu'avait d'ailleurs prévu Rifkin, il faut le lui reconnaître.
J'avoue que je n'ai pas encore fait ma religion sur cette troisième révolution : Je ne sais pas où on va car je ne vois pas bien la cohérence systémique, pour l'heure.
C'est peut-être justement l'occasion d'étudier le bonhomme (enfin ces thèses) pour y voir un peu plus clair.
Je vais voir...
Parce qu'il me semble que l'essentiel, de toutes les révolutions économiques, même antiques, ça reste le problème de l'énergie et sa production à faible coût et en quantité "sans limite", qui reste justement la limite, mécanique, de la croissance pour tous.
Or, entre le règne sans partage du pétrole et les histoires de Cop21 et autres, on est, me semble-t-il, dans une nasse qui empêche l'humanité d'avancer.
En fait, on est dans l'attente d'une rupture "disruptive" technologique dont on commence à voir qu'elle va bientôt émerger.
Mais ne sera-t-il pas trop tard quand on voit aussi les russes et les chinois aller mouiller leurs maillots en Syrie pour empêcher, ne serait-ce que ça, le gazoduc de traverser le pays vers l'Europe depuis le Qatar ?
Une sorte de combat d'arrière-garde d'un "monde d'avant" qui ne veut décidément pas mourir...
C'est assez étonnant : Sont-ils tous aveugles ou autistes ?
Je ne sais pas encore.
En bref, charmante comtesse aux pieds dénudés, à suivre : Il me faut un peu de temps et au moins un neurone en état de fonctionner, ce qui n'a rien d'évident actuellement avec ce qui se prépare par ailleurs...
Donc à suivre !
Bien à vous d'être passée (me complimenter, ce que je ne mérite pas pour être un plumitif absolument ignoble), ça fait toujours plaisir !
I-Cube