Blues
persistant
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions,
des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et
autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement,
totalement et parfaitement fortuite !
Dans la semaine, Paul réactive sa cotisation aux « Bureaux des anciens »
de Sup-aéro et de polytechnique. S’il doit retrouver un boulot, il a plus de
chance en faisant savoir à ses écoles qu’il est disponible, que de passer par
l’Apec ou l’ANPE en voie de devenir « Pôle-emploi ».
Bien sûr, on lui demande d’envoyer un CV réactualisé : Un bon vieux coup
de « blues » à refaire la synthèse de tout ce qu’il a pu faire…
Ce qu’il finit tant bien que mal le lendemain matin.
Lendemain qu’il use à chercher un moyen de locomotion autonome.
Naturellement, il réveille Miho dans la chambre de Charlotte. Puisqu’elle
est là à le suivre depuis si longtemps, autant qu’elle l’accompagne et lui
serve de garde du corps, le cas échéant.
Il va pour acheter une moto, elle opte pour un moyen de gamme de chez
Peugeot, mais à quatre roues !
Les femmes, partout et toujours les mêmes…
Un veau le moteur diesel. Et puis ça pue et ça fait du bruit.
Et puis à 5.000 tours/minutes, si l’accélération est un peu poussive sur
les premiers mètres, en revanche, ça « arrache » à chauffer le bitume jusqu’à
s’étouffer !
30 litres au 100, dans ces moments-là, jusqu’à ce que la boîte automatique
passe la vitesse supérieure.
En revanche, ce qui est marrant, ce sont tous les petits-boutons qui
commandent l’ordinateur de bord, qui va jusqu’à régler les sièges en hauteur,
réguler la vitesse, la température, régler la luminosité du tableau de bord et
déclencher les essuies glaces à la première goutte de pluie !
Magique.
Ils en profitent pour pousser une pointe jusqu’à la péniche de Mylène :
Presque aussi rapidement qu’en moto, mais en consommant presque un peu moins !
Un vrai chameau : 5,6 l/100, d’après les données de l’ordinateur.
Avec son gros-cube et son réservoir de 20 litres, il faisait à peine 350
bornes. En conduisant… « lentement », là il en a pour plus de 1.100 km
d’autonomie.
Ils déjeunent entre deux averses, puis rentrent sur Paris : Dernière nuit
chez Charlotte. Aurélie est rentrée.
Et ça tiraille.
Paul a eu raison : Il y a bien eu une intrusion la nuit précédente et un
message du pirate. Un post-it laissé tellement en évidence que ni elle ni « DD
» ne l’avait vu la veille : « Dernier
avertissement ! »
Quel avertissement ?
Y’en a marre !
« Si c’est que je crois, ça va très
vite être réglé. »
Il croit quoi ?
« C’est tellement invraisemblable
que je vous en parlerai qu’une autre fois. Quand j’aurai confirmation. »
Finalement le surlendemain, Paul se décide à louer un loft donnant sur la
Seine, presqu’en face de Notre-Dame-de-Paris et les jardins du square Jean XXIII,
quai Montebello, entre la rue Maître Albert et la rue du haut-pavé.
Un peu petit, sur deux niveaux, un peu trop « très cher » pour ses
finances prévisionnelles qui allaient être malmenées, mais une opportunité avec
balcon et sans vis-à-vis.
La tête de l’agence quand il a fait le chèque de la totalité des loyers
d’avance, du dépôt de garantie au prix demandé et les frais contre la remise
des clés immédiate au moment de la visite, sans même un état-des-lieux.
Pas dans ses habitudes qui veulent que les visiteurs discutent des
charges, de certaines clauses du bail, des délais, etc.
« C’est à prendre ou à laisser. J’ai
besoin d’un endroit où dormir ce soir ! »
Et ils dormiront sur le plancher : Les meubles n’ont pas eu le temps
d’arriver pour n’avoir été commandés que dans la minute précédent la fermeture
du magasin où Miho a fait ses emplettes…
Avantage qui a séduit Paul tout de suite, un parking pas loin, attaché au
lot, et surtout une double entrée : Les chambres de service, qui constituaient
le « loft » sont accessibles par un autre escalier, dit « de service », qui
donne sur une rue de traverse autre que celle de l’entrée principale.
Miho sera en charge de meubler tout ça et de faire le pied de grue pour
les branchements téléphoniques et autres abonnements : Son français reste
encore très hésitant, mais elle se démerdera bien, pense-t-il.
Paul installera son bureau au-dessus, là où on accède à la terrasse !
Et pendant ce temps-là, il fait un tour chez les boutiquiers du quai et va
jusqu’au bureau de son frère, essayant de noyer son coup de blues dans l’oubli
: Dur de repartir à zéro, déménagement compris après tant d’années.
Jacques le reçoit entre deux rendez-vous.
Aimable, mais limite glacial : Paul reste quand même le meurtrier de son
beau-père, celui de sa seconde femme après l’avoir cocufié, même s’il ignore ce
détail, et celui qui a viré sa « coloc’ » de Strasbourg après avoir fouillé
dans tous ces points de chute.
Sans parler du fait que Jacques commence à comprendre qu’il a pu être
manipulé, depuis avant son mariage, par Priscilla…
« Tu en es où ? »
Il est au chômage.
« Tu as besoin d’argent ? »
Gentil de sa part, quoique « sa part », il avait promis de la lui
restituer un jour, dans l’avion où tout a débuté, il y a à peine quelques
semaines.
« Je m’inquiétais plutôt de ton
sort. Tes histoires de succession avortée, ton ex qui s’est inquiétée, tes
gosses, tes associés ! »
Qu’il ne lui en parle pas : « Tonton
s’est pointé au cabinet l’autre jour, me croyant mort. Il a failli défaillir !
Qu’est-ce que j’ai bien ri ! »
Il imagine, mais il a aussi autre chose en tête.
« Là, je vais avoir un peu de temps
pour m’occuper de « nos affaires » communes. Pourrais-tu me retrouver ta
cliente, celle dont tu m’as parlée que tu avais fait sortir de la centrale pour
femme ? »
Drôle de question. Il veut en venir où ?
« Je veux la rencontrer pour
m’imprégner un peu plus de son histoire, comprendre comment ça fonctionnait
sous Lacuistre, le directeur de la taule ! »
« Tu es fou ! Ce n’est pas à nous de
régler ces problèmes. Mais à la Justice. Ne te mêle pas de ça ! »
Il veut juste comprendre, savoir, c’est tout.
« Tu as raison. Si quelque chose est
à faire, ce sera à la juge Trois-Dom de le faire. Mais si on ne lui apporte
aucun élément, elle ne fera rien. Je veux juste savoir. Après on avisera !
»
Valérie Truyère. Elle habite dans la région de Lyon. Lyon même, peut-être.
En réalité, « DD » en retrouvera trace à Beaune, la ville des célèbres
auspices aux toits si extraordinaires…
C’est en rentrant qu’il se fait abordé par un « monsieur passe-partout ».
« Paul de Bréveuil, je présume ?
» Bouffée d’adrénaline…
Enchanté. Qui êtes-vous ?
« Mon nom ne vous dira rien. Jacques
Chirac, pour vous complaire. Je voulais juste vous dire qu’on s’inquiète pour
votre santé et votre moral en haut-lieu. Vous allez bien, j’espère ? »
L’outrecuidant que Paul désespérait d’attendre…
« J’imagine que cela pourrait aller
plus mal. »
L’autre en reste sans voix sur l’instant. Mais comprend le sens de la
répartie.
« Si vous avez reçu les «
petits-messages » subliminaux, c’est que vous savez ce qu’on attend de vous,
crois-je comprendre. »
Ils continuent de marcher côte-à-côte, à petite allure.
« Vous pourriez dire de ma part à
vos chefs, que si c’est une question d’argent, je peux les dédommager de ma
propre poche. »
Il s’arrête. Et Paul en profite pour se retourner à faire face à son
voisin et en « circulariser » du regard les voitures et piétons alentour, pour
jauger de la menace.
« Je transmettrai. »
« N’allez pas si vite » reprend
Paul quand le Chirac de pacotille fait mine de rebrousser chemin.
« Je sais qui vous êtes et vous ne
savez pas qui est derrière moi. Sachez seulement que je ne peux rien pour vous
: Je n’ai plus les clés. Dites à vos chefs de trouver un autre chemin. »
Une menace ?
« On ne menace pas vos patrons, vous
le savez bien. Restons-en là. Tout ira bien, ne pensez-vous pas ? »
Et « Jacques Chirac » s’en va dans la foule jusqu’à une bouche de métro
proche.
Paul se garde bien de l’y suivre. Il est sûr qu’il a du monde en
protection rapprochée.
En revanche, il n’est pas certain de la suite.
Mais finalement, il s’assied en terrasse et rien ne se passe.
Maintenant, il est sûr que la « blague » des canadiens se confirme. Ou
alors, on est dans une « grosse manipulation » à plusieurs étages dont il n’est
qu’un « tout-petit-pion » sur un immense échiquier.
Car la semaine suivante, il passe à autre chose et file à Beaune, avec
Charlotte, rencontrer Valérie Truyère, visiteuse de prison à ses heures, et «
assistante médicale » dans une clinique proche de l’hôpital de la ville.
Elle s’occupe des grabataires et des clients de la morgue de la clinique
voisine.
Une femme vieillie avant l’âge, au visage rond et aux traits creusés, la
tignasse peu avenante, qui les reçoit à sa « pose méridienne » en terrasse d’un
café installé devant le parc attenant dudit l’hôpital, à proximité d’où elle
travaille.
Réticente au début, de parler de son passé soi-disant criminel, puis, plus
calme à en causer, « sans haine ni violence », mais avec d’immenses détresses
dans les yeux.
« Ce sont mes enfants qui m’ont
accusé d’avoir assassiné mon mari. Le pauvre ! C’est lui qui me faisait mourir
d’ennui. Et il est mort en se trompant dans ses doses de médicament. Un
hyper-tendu hypocondriaque.
Mais il leur fallait un coupable. »
Enfants « manipulés » par la belle-famille, bousculés par les gendarmes,
quelques empreintes bien naturelles sur les boîtes et bouteilles de
médicaments, une enquête bâclée par l’instruction à charge, une défense
maladroite et une première condamnation en assises.
« Sans votre frère, j’y serai
encore. Il a pu faire casser mon procès et on est reparti pour un tour : Je
n’étais pas là le soir fatidique et le PV que je me suis prise sur la route du
retour n’avait pas été versée au dossier.
En fait, j’ai le sentiment que tout le
monde, même mon avocat, me croyait coupable, parce que moi-même je me sentais
coupable de ne pas être rentrée à l’heure du travail pour administrer ses
médicaments à mon mari. »
Triste histoire qui lui a valu presque trois années en enfer, il y a bien
longtemps.
« Lacuistre, ce salaud, il nous en
faisait baver ! Si on était « gentille » et consentante, ça pouvait se passer
bien. Sans ça, tout le monde savait qu’il était capable de nous pourrir la vie
par d’innombrables brimades et autres humiliations. » C’était leur « mac »,
leur seul « protecteur » dans cette prison de femmes.
C’était quoi « être gentille » ?
« Les nouvelles étaient accueillies
par lui-même, qui assistait toujours aux arrivées, quand il s’agit de se mettre
à poils devant les gardiennes, d’écarter les cuisses ou de se faire fouiller le
vagin. C’était le seul mec avec les toubibs. »
« Si on n’était pas trop moche, il
nous faisait venir dans son bureau et nous expliquait qu’il fallait être
gentille et docile. »
Il leur expliquait que, pour être devenue la lie de l’humanité, il avait
droit de vie ou de mort sur toutes les pensionnaires : « Vous imaginez déjà le stress d’être condamnée, lourdement pour la
plupart, de se retrouver dans un nouvel univers encore plus gris que les
maisons d’arrêt et d’entendre un pareil discours à peine rhabillée de la tenue
réglementaire ! »
Quand les filles répondaient oui, il leur demandait de lui faire une
fellation. « Attention, ce salaud vous
entravait avant. Pas question de mordre sans se prendre une décharge électrique
puissante dans l’anus ! »
« J’ai toujours pensé que c’était un
impuissant. Il jutait rarement. Il bandait mou et s’arrêtait avant d’en finir.
Quand on parvenait à lui durcir le sexe, c’était pour nous retourner et nous
enculer. »
Délicate la fille…
Toujours sans capote, mais avec d’abondants gels pour faciliter la
sodomie.
« Globalement, il avait ses têtes et
ne pensait qu’à ça. D’autant mieux que les filles, elles aussi ne pensaient
qu’à ça de leur côté. Je ne vous dis pas le panier de gouines que ça pouvait
être, toutes ravies de se « faire punir » par le Dirlo dès que ça déconnait
dans les cellules ou dans les douches où il patrouillait quand il n’était pas
occupé à autre chose ! »
Mais c’est fou, ça. Et les récalcitrantes ?
« C’était elles qui étaient jetées
en pâture aux petites-caïds de ce bordel carcéral. Et elles en prenaient plein
la gueule pour pas cher. Un enfer. On comprend vite ce qui reste à faire avant
que toute la prison ne vous chie dessus, vous crache à la gueule ou vous prenne
pour une serviette hygiénique.
Les autres avaient des traitements de
faveur : Elles pouvaient sortir les vendredis soirs pour participer à des
soirées masquées où des « vieux » s’éclataient avec nos culs.
J’y ai participé. Immonde ! Une vaste
partouze où on nous mettait parfois en file indienne, attachées, la croupe à
l’air, offertes à toutes ces bites inconnues. Et ils passaient, repassaient,
parfois éjaculaient, souvent non : De vrais bonobos en rut ! »
Ils étaient nombreux ?
« On était une dizaine, ils étaient
deux à trois fois plus, parfois. On ne voyait pas grand-chose pour être
bâillonnées avec une cagoule sur la tête et juste une ouverture pour la bouche.
Et eux étaient souvent masqués, comme je vous l’ai dit. »
Personne ne portait plainte ?
« Vous n’y pensez pas ! D’abord,
celles qui pensaient le faire, elles disparaissaient les nuits suivantes. Les
gardiennes les isolaient au mitard pour des broutilles dans la journée. Ça
pouvait durer deux ou trois jours avant qu’elles ne disparaissent. Car parfois,
on ne les revoyait jamais plus. Nous avions un « bon docteur », qui nous
faisait souvent des tests de MST et de grossesse. Il nous avortait aussi à tour
de bras et à l’œil à l’occasion. Parfois, il emmenait l’une d’entre nous dans
sa clinique sans raison et on ne la revoyait jamais : Un vrai « trou noir » !
Par contre, quand on était « gentille
», nos dossiers de remise de peine étaient traités une peu plus rapidement
qu’ailleurs, il nous faisait saliver en nous tenant régulièrement au courant
des décisions qui étaient toujours « favorables ou en bonne voie. » »
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