Visite
carcérale
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Et une fois sortie ?
« D’abord, avant la sortie, on était
« briffée ». Les menaces de mort étaient claires et crédibles : Lacuistre avait
une longue liste de « disparues ». Ensuite, on était filée. Si on crachait le
morceau, la peine de mort promise était appliquée quasi-immédiatement.
Je vais vous dire, il nous montrait
même les photos de ses « nettoyeurs », comme il disait, pour qu’on ait bien
peur. Et effectivement, je les ai eus souvent dans mon dos après ma sortie,
malgré mes déménagements successifs.
Et puis on oublie, on tourne la page on
essaye de se reconstruire, de ne plus jamais parler de ça.
De toute façon, même votre frère ne m’a
pas crue quand j’ai tenté d’aborder le sujet. »
Des photos ?
Charlotte a celle des frères Liamone, jeunes.
« Ce sont ces deux-là. Des faciès
qu’on n’oublie pas ! »
« Vous avez eu raison », fait
Paul. « Ces ceux-là ont tué mon père. Sur
ordre. Et en ont assassiné bien d’autres au profit de Risle… »
« Risle, je cherchais le nom. C’est
lui notre « toubib ». Mais il y en avait un autre aussi, plus jeune ! Celui-là,
il baisait rapidement dans son cabinet. »
Un récit cohérent d’avec ce qu’ils savent aujourd’hui des pratiques de
Lacuistre.
« Valérie, je ne sais pas comment,
mais si je vous dis que tous ceux-là ne mourront pas de mort naturelle, vous me
suivez ? »
Elle est même devant s’il le faut. « Lacuistre,
Risle, le proc’ et toutes les matonnes qui ne moufetaient pas ! »
Le Proc’ est mort dans son lit. « Risle,
je l’ai abattu comme une bête cet été. »
Pourquoi ?
« Je vous l’ai dit, mon père. Il
était le juge d’instruction qui avait ouvert un commencement d’information
judiciaire sur les décès suspects de la centrale un peu avant votre
incarcération. Ils ne l’ont même pas laissé aller plus loin ! »
Car dans son « enfer », il y avait aussi des gens qui s’inquiétaient à
l’extérieur.
« Que voulez-vous que je fasse ?
»
Là, comme ça, il ne sait pas.
« On se tient au courant. Je vous
enverrais un contact le moment venu. Si vous êtes toujours décidée. »
« Ils vous ont fait avorter combien
de fois ? » demande Charlotte.
Deux. À la seconde, Risle lui a fait « une totale ».
Une chance qu’elle ne fut pas compatible avec l’un de ses clients du
moment : Elle y serait restée. Paul lui explique comment et pourquoi.
C’est les larmes aux yeux, un peu tremblante d’effroi, qu’elle se sépare
d’eux qui doivent refaire la route en sens inverse.
« Je ne suis pas animée d’un
sentiment de vengeance. Le passé, c’est le passé. Mais je suis partisane que
justice soit faite. Après tout, je suis innocente du crime dont on m’accusait
et jamais je n’aurai dû rencontrer ces personnes, qui ne devraient même pas
exister. Il faut qu’ils payent pour tous leurs crimes odieux ! »
Dans la voiture, qui ronronne à 2.600 tours, vitesse stabilisée par le
régulateur d’allure du bord, on aurait entendu une mouche voler si l’étanchéité
sonore avait été un peu mieux faite.
Les dents serrées, la mâchoire crispée, le nœud à l’estomac.
« On fait quoi maintenant ? »
demande Charlotte.
Ils arrivent devant la boutique de « CAP-Investigation ». Accueillis par
les pompiers qui finissent de noyer les dégâts de l’incendie qui a ravagé le
local.
Paul a sa réponse : Propositions d’indemnisation rejetées !
« Charlotte, c’est la guerre ! »
Mais non, un court-circuit peut-être.
« DD » est effondrée sur le trottoir. Si elle n’avait pas été «
black-totale » de naissance, de toute façon les suies l’auraient rendue couleur
ébène.
« Je n’ai rien compris. Je
travaillais au sous-sol quand j’ai entendu un grand « vlouf ». Je n’ai même pas
pu appeler les pompiers. Je suis sortie comme une folle à travers les flammes.
» Le bol !
Qu’elle ne s’en fasse pas, tant qu’elle n’est pas blessée : « J’aime assez ta façon de refaire le décor !
Mais pour l’odeur, tu aurais pu faire un effort : ce n’est pas terrible ! »
Les filles en rient…
C’est la guerre. « Charlotte, tu
prends Aurélie sous le bras et tu files loin d’ici, n’importe où et à
l’étranger de préférence. Je m’occupe des démarches et de l’enquête. Toi, « DD
», tu rentres fissa chez toi et tu vas t’inscrire à l’ANPE demain. C’est
chômage technique pour tout le monde. Ok ! Et tu fais gaffe à tes fesses et à
tes mômes ! Vu ? »
« Il y a des choses que tu me m’as
pas dites ! »
Oui, certes. Mais il vaut mieux qu’elle ne sache pas.
« On se tient au contact via les
textos, comme au bon vieux temps. »
Bref, les emmerdes persistent : Il va falloir se battre.
La semaine suivante, la juge Hélène Trois-Dom fait parvenir une permission
de visite à son intention pour « visiter » la sulfureuse Cécile Wiseppe au
parloir de Fresnes, alors qu’il s’occupe des dégâts du chantier du bureau des
Halles avec Miho.
Il est question de « déposer le bilan » : L’activité de télésurveillance a
très vite été concédée à la concurrence pour « trois-francs-six-sous »,
concurrence qui de toute façon n’a pas attendu très longtemps pour passer dans
la clientèle assurer « le service » par intérim.
Une belle aventure qui touche à sa fin…
Quand on en fait les comptes, finalement, il ne reste plus grand-chose :
Un vrai gouffre financier et plus les ressources nécessaires venant de la MAPEA
ou d’ailleurs, tant que les assurances n’indemnisent pas, pour pouvoir remonter
la pente.
Et elles ne sont jamais pressées dans ces occasions-là, les assurances !
Cécile est amaigrie, mais porte toujours haut sa volumineuse
poitrine-molle. Elle a coupé ses longs-cheveux noir anthracite, ce qui la
rajeunit un peu, mais lui donne un air bizarre, avec son emplanture de
chevelure « basse du front ».
Elle a un moment d’arrêt quand elle reconnaît Paul dans la petite pièce
isolée réservée aux avocats, qui sent la crasse, et que Trois-Dom a pu obtenir
pour leur entrevue.
Son visage s’assombrit, puis tout d’un coup s’éclaire sur une sorte de
sourire pervers.
« Ce n’est pas croyable ! Vraiment
pas croyable ! » s’exclame-t-elle.
Quoi ?
« Ça fait quatre ans que je n’ai pas
baisé une seule fois, pas une seule, et le premier mec qui me visite, c’est le
dernier avec qui j’ai fait l’amour ! Et en plus, c’est mon bourreau, celui à
qui je dois d’avoir pris perpette ! Incroyable ! Tu as du remord, chéri ? »
Comme accueil, ce n’est pas banal…
Non, pas de remord : « Je te
rappelle que je n’ai tué aucun juge et pas même de baveux ! Pas comme toi. Si
tu es ici, c’est de ton fait, pas du mien. »
N’empêche, si elle n’avait pas croisé sa trajectoire, peut-être aurait
pu-t-elle poursuivre sa macabre démarche.
« Ça, c’est la faute à pas de
chance. Si ta sœur n’avais pas été se confesser, le cureton n’aurait jamais été
me trouver. »
Quel salopard, celui-là : « Trahir
le secret de la confession, c’est vraiment dégueulasse ! »
Il a fait selon sa conscience et n’a pas vraiment trahi : Il a justement
assuré qu’il ne pouvait pas trahir, mais il s’était ouvert d’un cas de
conscience personnelle… en aiguillant avec assez de détails pour que Paul
veuille en savoir plus, il est vrai.
Et puis Odile ne s’était pas confessée : Elle avait juste besoin de parler
comme pour s’exorciser !
« Tu viens pour quoi, Chéri ? Ma
sœur ne va pas ? »
Il n’a pas de nouvelles d’Odile.
« Alors tu envisages de rouvrir mon
dossier, que je puisse être défendue par un vrai avocat ? »
Même pas : Elle avait été défendue, avec pugnacité même. Son baveux n’est
pas un pote de sa victime avocallieuse, pour s’affronter durement dans les
réunions du barreau dont ils souhaitaient tous les deux être élus bâtonnier. Et
il n’a pas été tendre avec son confrère décédé lors des interrogatoires ni à
l’occasion des plaidoiries…
Alors ?
« Alors, tu peux peut-être m’aider.
»
« Contre quoi en échange ? Tu viens
pour me tringler, j’en meure d’envie, que j’en mouille déjà ma petite-culotte,
là, ou c’est pour me faire évader ? »
Romantique la fille…
Évader, il n’en est pas question. La baiser sur la table, ça peut se
faire, même s’il n’en a pas très envie.
« C’est important ici ! Une fille
qui a un mec à l’extérieur, on lui fiche la paix plus facilement. Surtout si
c’est un industriel bourré aux as ! »
Il ne l’est plus. « Pas grave.
L’important, c’est d’avoir un mac. Au moins, toutes les gouines qui jouent au
caïd, elles y regardent à deux fois ! »
Là, tout d’un coup, Paul vient de comprendre « l’enfer » décrit par
Valérie la semaine passée, délaissée pendant plus de 20 ans par tous…
« Ce n’est pas ça qui m’amène. J’ai
un problème que je suis censé aborder avec toi. C’est une échappatoire idiote
que j’ai trouvée dans le cabinet de ta juge d’instruction, Trois-Dom. Mais je
te jure que c’est idiot de ma part, à la réflexion.
Voilà, nous sommes tous les deux des
assassins. Je le suis devenu cet été par hasard et en état de légitime défense.
Mais les circonstances, si elles sont
bien établies pour la plupart de mes victimes, il reste un doute pour leur «
cerveau », celui de l’avoir exécuté involontairement, semble-t-il
officiellement.
Car dans la version officielle, j’ai
fait feu au hasard, pour ajuster mes tueurs suivants sur un tir instinctif.
Dans la version de la Juge, mon inconscient aurait guidé mon bras sur ma
première victime et elle se demande si j’y étais « obligé ».
Pour faire crédible, je lui ai dit que
je ne savais pas et que peut-être, toi qui en a poignardé un sans défense et
empoisonné un autre sans remord, tu pourrais m’expliquer ton geste… conscient,
cette fois-ci. Avec donc toutes les nuances qui me permettraient
d’auto-diagnostiquer mes véritables intentions ! »
Et quelles étaient-elles ?
« Le flinguer, de toute façon, pas
de doute. Mais dans mon esprit, pas dans le sien ! »
Et tu regrettes.
« Pas le moins du monde : C’était
vraiment une ordure, pour des tas de raisons, qui avait le sang de milliers de
ses victimes sur les mains ! »
Et lui, avait-il un remord ?
« Non plus ! C’était son business
qui commandait. Il tuait, ou faisait tuer des personnes saines, pour prélever
leurs organes à destination de ses clients ! »
Eh bé ! « Ça existe, ce genre de
chose ? »
Oui. Hélas.
« Et tu veux savoir quoi ? Si j’ai
pris plaisir à tuer ces porcs ? »
Par exemple.
« Ce n’était pas des porcs, tu le
sais très bien. L’un et l’autre n’ont fait que leur boulot. Idem pour Scorff
que j’ai d’ailleurs recroisé sur cette affaire. Il va bien, merci pour lui !
»
Si ! Non ! Si !
« Mais arrête Cécile ! Si on avait
pu établir une « vengeance justifiable » de ta part, des erreurs du juge ou de
l’enquête sur la mort de tes parents, tu penses bien que tu n’aurais pas eu
perpette. C’est ma contre-enquête qui t’a coulée, ma belle !
Parce que tu t’es trompée sur les
causes de la relaxe de ce putain de mec qui a vrillé le neurone : Les juges et
les flics, ils ont fait leur boulot. Mais on ne peut rien contre un procès
truqué de A à Z ! »
Ils auraient dû.
« Ils n’ont pas pu. Tout ce qu’a pu
faire Scorff, c’était de filocher l’assassin de tes parents une fois remis en
liberté. Et il l’a allumé à la première occasion, lui et ses hommes.
Il aurait pu se contenter de l’arrêter.
Mais crois-moi, lui aussi a été écœuré de la façon dont ce procès-là avait été
mené.
Souviens-toi, il a même témoigné en ta
faveur lors de ton propre procès. »
Et pourquoi, le sien et celui de sa sœur n’a pas été « truqué » de la même
façon ?
« Parce qu’il ne faut pas commettre
les mêmes fautes contre les mêmes institutions. Tu le sais. C’est une affaire
close : On ne la refera pas. Et ce n’est pas de ça dont je te parle
aujourd’hui. »
N’empêche, elle est dans une merde sans issue.
« Et alors, tu veux savoir quoi ? Si
j’ai pris plaisir à égorger le juge ? Mais oui que j’y ai pris plaisir ! Pas
comme d’un orgasme, mais je t’assure que j’ai respiré beaucoup mieux et plus
profondément quand je l’ai vu finir de trembler gisant à terre dans son sang !
Et au couteau à pain que je l’ai tailladé au final.
Un grand plaisir de voir ses yeux se
révulser après qu’il m’ait regardée effaré. J’ai même eu le temps, avant, de lui
expliquer ce que j’allais faire de lui.
Et j’ai vu l’incrédulité dans son
regard quand je lui ai enfoncé le couteau à steak dans la bidoche. Un vrai
régal !
Tu as ressenti la même chose, toi ? »
Oui, mais elle ne le saura pas. Paul baisse les yeux comme pour mieux
cacher sa vérité. Puis reprend en levant la tête.
« Non, je ne me souviens pas de ça !
J’étais juste satisfait, content de pouvoir le rendre inoffensif », ment-il
sur le moment.
« Alors, tu n’es pas un assassin !
Juste un pauvre mec qui passait par-là au mauvais moment avec une arme dont tu
as été forcé de te servir ! »
Ouais, tu parles !
« Moi au moins, j’avais prémédité
tout ce qui s’est passé, durant de longues années, au point que ça me bouffait
la tête. La seule chose que je n’avais pas prévue, ça a été la réaction d’Odile.
Je la croyais assez forte pour me soutenir, elle en est devenue folle ! Là, je
regrette, je t’assure ! »
« Merci, Cécile. Tu viens de me
libérer la conscience », ment-il.
« Que puis-je pour toi ? »
La sauter : « On est fouillé au
corps, du rectum au vagin, à l’entrée et à la sortie des visites : Bourre moi
par tous les trous à m’en mettre plein partout que ces pétasses s’en foutent
plein les doigts ! »
Toujours délicate…
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