Le
tsunami nationaliste
Ce n’est pas une victoire, c’est un raz-de-marée ! Les nationalistes
corses remportent plus de 45,36 % des voix au premier tour de l’élection
Territoriale de dimanche dernier, un premier tour. La deuxième liste, de droâte,
recueille à peine… 14,9 %, laminée. Où quand le « dégagisme » touche
à son tour l’île-de-beauté…
Le triomphe de la liste autonomisto-nationaliste, dirigée par les
« cousins » Gilles Siméoni et Jean-Guy Talamoni, est en effet sans
précédent car il est indispensable d’additionner 6,4 % d’une « petite »
liste elle aussi « nationaliste ». Soit la majorité absolue avant même le
second tour !
Exit, quasiment tous les autres, à défaut d’avoir su « mobiliser ».
Punaise de gourgandine, et dire que nous sommes en Corse, un des berceaux de la
démocratie-élective moderne et ils ont perdu « la recette » !
Ou seulement ont laissé la main en attendant des jours meilleurs…
Les leçons à tirer de ce scrutin, si on prend la peine de décortiquer
chiffres et pourcentages, se révèlent en réalité sidérantes. Ce premier tour
marque en effet une rupture historique : Mes « cousins-Corsi »
se sont débarrassés, probablement pour un temps-long, des « clans
traditionnels », de droâte comme de gôche, qui tenaient et pourrissaient
leur fonctionnement politique et démocratique.
Ils les ont carrément expulsés du paysage en attendant une relève des
générations et c’est ce qui reste le plus important : Les deux listes de droâte
(et anti-autonomistes) obtiennent, en conjuguant leurs scores, moins de 30 %. Plus
risible encore, la liste de gôche « classique » est ratatinée à… 5,7 % !
Pour autant, La République en Marche (LREM-même-pas-en-rêve), elle n’est
guère plus vaillante avec 11,7 %. La preuve qu’en Corse « Jupiter » n’incarne
toujours pas ni le « dégagisme » ni l’avenir.
C’est ça d’avoir 800 d’avance du les continentaux.
Autre bonne surprise, c’est le score du « F.Haine » : Même pas 3
%, là où « Marinella-tchii-tchi » avait été en tête en avril dernier…
Out ! Pas un seul élu à retenir.
Une percée qui dissimule toutefois un taux d’abstention record…
Ils ont été presqu’un sur deux à ne pas se déplacer dimanche dernier et
20.000 de plus qu’en avril dernier se sont portés sur les listes autonomistes
et indépendantistes.
On va voir ce qu’il en est dimanche prochain : Ce sera déterminant.
De l’aveu même d’un ancien leader de la gôche insulaire, « c’est un tremblement de terre dans le
paysage politique de l’île ». On s'attendait à une vague nationaliste maintes
fois annoncée, ce fut un tsunami. Les nationalistes avaient annoncé la couleur
dès leur entrée en campagne : Ils comptaient bien asseoir leur hégémonie sur l’échiquier
politique insulaire en raflant une majorité dans la prochaine collectivité
unique de Corse qui doit fusionner, au 1er janvier 2018, l’actuelle
collectivité territoriale et les deux départements de l'île.
Deux préfets en moins : Même plus la peine de les abattre dans les
rues d’Ajacciu.
Tout d’abord, cette nouvelle percée confirme la dynamique électorale
impulsée aux municipales de 2014 par le « cousin » Gilles Siméoni, le
charismatique leader du mouvement autonomiste (consigne avec lui : Pas d’indépendance,
pas tout de suite !), lors de la conquête de la mairie de Bastia. Elle s’inscrit
dans le droit fil des régionales de 2015, qui avaient marqué une « révolution »
politique à l’échelle de l'île-de-beauté en permettant pour la première fois
aux nationalistes d’arracher une majorité relative à l’Assemblée de Corse et de
le porter à la tête du conseil exécutif de Corse, le « mini-gouvernement » de l’île.
Sans compter la victoire historique des législatives de juin dernier qui a
désigné de façon inédite trois députés nationalistes – sur quatre
circonscriptions dans l’île – pour pousser les portes du Palais-Bourbon !
Car la coalition « Pè a Corsica » a su également mobiliser une
importante machine militante dans un premier tour de scrutin marqué par l’abstention
record. Depuis le premier statut particulier de la Corse, en 1982, jamais la
participation enregistrée pour ce type de scrutin n’aura été aussi faible.
Outre la répétition des scrutins de cette année électorale très chargée, l’absence
de têtes d'affiche comme la Corse en a connu par le passé avec les vieux clans
politiques des familles Giacobbi, Zuccarelli et Rocca Serra, détrônées une à
une depuis 2014 par les nationalistes, a sans doute pesé lourd dans l’abstention.
D’autre part, la gôche républicaine, forte de 35.000 voix il y a deux ans, n’était
pas vraiment identifiée, ne trouvant qu’un refuge modeste dans la liste de La
République en marche, qui reste à l’arrêt dans l’île avec ses 11,2 % totalisés
au premier tour.
Divisée entre sa frange régionaliste incarnée par Jean-Martin Mondoloni
(14,9 %) et la candidate des Républicains Valérie Bozzi (12,8 %), la droâte n’a
pas pu non plus tirer son épingle du jeu.
La faible participation a abaissé le seuil de qualification au second
tour. Pourtant, trois listes ne passent pas la barre des 7 % permettant de se
maintenir. Du côté des communistes évanescents (5,5 %), ils n’ont pas su
profiter de l’absence d’offre à gôche pour se hisser au second tour. Ensuite,
les nationalistes « dissidents », emmenés par Paul-Félix Benedetti (6,7 %) sous
la bannière de « Core in fronte » ratent le coche de peu. Le mode de scrutin
autorise la fusion avec une autre liste au-delà de 5 %, mais les lignes de
fracture affichées lors de la campagne avec la majorité au pouvoir semblent
rendre l’hypothèse peu probable d’une fusion entre ces deux listes-là.
« Pè a Corsica » agite notamment l’épouvantail du soutien à la
clandestinité pour laisser les indépendantistes sur le bord de la route. « Le fond du problème, c’est surtout une
querelle d’ego, glisse de son côté un proche de la majorité nationaliste. Les
places sur les listes ne sont pas extensibles… »
« Les Corses ont dit à travers ce
premier tour qu’ils souhaitaient continuer sur le chemin ouvert en 2015 »,
affirme Siméoni. « Il y a aussi un
message fort envoyé à l’État, à travers le résultat de ce premier tour. Les
alliances de circonstance qui avaient été imaginées à Paris pour essayer de
faire barrage au nationalisme ont été balayées par le suffrage universel. Le
peuple corse existe. Il est plus que temps d’ouvrir un véritable dialogue et de
rechercher une solution politique. »
Ça vous rappelle qui donc, tout ça ?
« Puiche-Deux-Monts », l’exilé belge, peut-être ?
Dimanche prochain, ils comptent bien arracher les rênes de la nouvelle
collectivité unique et une majorité absolue, à portée de main, qui serait une
première dans l’histoire de l’Assemblée de Corse dirigée jusque-là avec des
majorités relatives en nombre de bulletins. Ce sera aussi, à leurs yeux, une
manière d’accroître le rapport de force avec le président de la République et
le gouvernement qui n’ont pas vraiment donné de gages aux nationalistes quant à
d’éventuelles avancées institutionnelles.
Et ils comptent obtenir dans les trois ans de la prochaine mandature « un statut d’autonomie de plein exercice »
comprenant notamment des compétences législatives.
Un pas de plus vers la destinée catalane…
Par ce vote, les urnes donnent à la coalition nationaliste une « responsabilité immense vis-à-vis de tous les
Corses ».
« La Corse de toutes celles et
tous ceux, quel que soit leur âge, quelle que soit leur origine, qui vivent
dans ce pays, qui font peuple ».
« Nous voulons la paix, nous
voulons la démocratie, nous voulons construire une île émancipée. À Paris de
faire sa part de chemin pour qu’ensemble nous élaborions une solution
politique. »
« On a un peuple, une langue,
une culture ; que le gouvernement l’admette. »
« Nous, on fait notre chemin. On a
fait des efforts, on a arrêté la clandestinité, les attentats. S’ils n’arrivent
pas à comprendre ça… »
« Le peuple corse a parlé, on a
gagné en légitimité avec ce résultat, il faut maintenant que Paris nous écoute.
Le rapport de force est maintenant démocratique, sans haine ni violence. »
Maintenant, ils souhaitent que la région ait désormais plus de compétences
en matière « sociale, législative,
financière ». « On obtiendra
l’autonomie politique à terme, c’est sûr ».
Les sympathisants de « Pè a Corsica » pensent déjà à la
prochaine étape : les élections municipales de 2020. « Il faut prendre les grosses mairies comme Ajaccio, Porto-Vecchio ou
Corte », se mettent-ils déjà à rêver. C’est important de disposer d’une ou plusieurs mairies pour « faire campagne », une vraie, qui mobilise, « à l’ancienne », comme on sait faire.
Ah bon ? Ils pensent encore « légalité » et moyens-publiques ?
Et toujours pas « indépendance » ?
A